dimanche 20 septembre 2015

Il faut toujours avoir un Macron à recadrer

Emmanuel Macron n'en finit plus de saper les fondations de la maison socialiste, et, plus largement, de la gauche. Hier la réduction du temps de travail, aujourd'hui le statut des fonctionnaires. Il ne semble pas exister de "ligne jaune" pour ce ministre qui, lui, sera soutenu "jusqu'au bout".

Alors bien sûr, aucun sujet ne doit rester tabou pour qui veut briser un à un tous les totems. Freud en redemanderait. Les Républicains s'en frottent les mains.

Autrefois c'est Manuel Valls qui jouait à gauche le rôle du démineur, jusqu'à proposer de changer le nom et donc une partie de l'identité du parti, jusqu'à tenir des propos et des positions sur les Roms dignes d'un Charles Pasqua, sûrement inspiré par le Nicolas Sarkozy de 2007, grand pourfendeur des tabous de notre temps (double peine, laïcité, identité nationale, travailler plus, etc).

Mais à quoi bon, aujourd'hui, embaucher et donc donner un micro à un briseur de totems ? La réponse est simple, tellement simple qu'elle en est redoutablement efficace : pour se recentrer.

Avoir un Macron à recadrer, c'est devenir le garant des acquis sociaux, endosser le costume du protecteur, se faire, à moindre frais, le défenseur de ce qui nous rassemble encore.

Manuel Valls permet à Francois Hollande, depuis les primaires de 2011, de ne pas être l'homme de gauche le plus à droite de la gauche. Mais, Valls devenu premier ministre, il lui est difficile, voir impossible de continuer à jouer ce rôle tout en étant le chef d'orchestre de la politique gouvernementale.

La situation frisait l'impasse. Hollande invente alors Macron, le droitier utile, celui qui permet au chef de l'Etat et au premier ministre de se recentrer. Macron, le ministre qui ferait presque passer Valls pour un homme de gauche...

Francois Hollande apparaît alors en véritable stratège. Il a réussi là où Nicolas Sarkozy avait echoué : l'ouverture. Sarkozy croyait que débaucher des personnalités de gauche lui permettrait de se recentrer tout en continuant à chasser l'électeur sur terres d'extrême droite. Hollande, lui, recrute dans son propre camp des hommes de droite pour en déplacer le centre de gravité vers le centre.

A chaque sortie médiatique de feu Manuel Valls le démineur, le centre de gravité de la gauche gouvernementale se déplaçait de deux pas vers la droite. A chaque recentrage de Francois Hollande ce centre de gravité revenait un pas en arrière vers la gauche. Mais au final, le gouvernement et le parti socialiste inféodé avaient bien fait un pas vers la droite.

Valls devenu garant de l'unité du gouvernement, c'est Macron qui pousse à droite : deux pas à droite avec Macron, un pas à gauche avec Valls ou Hollande pour se recentrer. Et au final, on a encore avancé d'un pas vers la droite.

Que François Hollande recadre Macron ou que Manuel Valls le soutienne, le mal est fait : on a laissé un ministre d'un gouvernement issu de la gauche valider la remise en question faite depuis des années par la droite du statut des fonctionnaires. Encore un pas de plus vers la droite.

Cette nouvelle stratégie des petits pas aboutit à un repositionnement constant du gouvernement et de son parti vassalisé au centre de l'échiquier politique, ce qui est clairement le but recherché.

Comment devenir le protecteur des acquis qui ne sont pas encore menacés tout faisant sauter une à une les digues qui contenait le libéralisme ? En créant artificiellement cette menace.

François Hollande veut casser le code du travail. Comment faire ? Facile !

1. Macron fait peser une menace sur les 35h et les fonctionnaires.

2. La presse alimente le buzz. La gauche tombe dans le panneau en ne s'en prenant qu'à Macron, parfois à Valls mais sans jamais ou très rarement inquiéter Hollande.

3. Tantôt demander à Valls de le recadrer ou le recadrer soi même, tantôt le recadrer tout en demandant à Valls de le soutenir.

4. Pendant ce temps, déconstruire tranquillement le code du travail, détruire ce qui protégeait les salariés, appliquer un libéralisme froid, méthodique, implacable précisément parce qu'il est imposé par ceux-là même qui devaient le combattre.

Emmanuel Macron et Manuel Valls ne peuvent agir comme ils le font que parce que François Hollande le veut bien. Faire sauter un fusible n'a jamais changé le système.

C'est terrible pour ces petites PME qui luttent pour ne pas fermer. C'est dramatique pour ces familles qui luttent jour après jour pour ne pas sombrer dans la précarité. C'est extrêmement grave pour des millions de français.

Ces petites stratégies politiciennes de captation et de conservation du pouvoir affaiblissent toujours un peu plus les véritables forces productrices de notre pays au profit des grands groupes financiers et des exigences démesurées du MEDEF, bref, au profit de ce "monde de la finance" hier adversaire déclaré et aujourd'hui partenaire privilégié.

Et l'on s'étonne que les citoyens n'aillent plus voter.

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