vendredi 30 décembre 2016

Non, M. Ciotti ne peut être Président du Conseil Départemental des Alpes-Maritimes

Comme le Préfet Leclerc avant lui, Eric Ciotti perd ses nerfs et déverse sa colère et son extrême agitation dans les colonnes de Nice Matin. Il y signe une diatribe rageuse suite à l'élection par les lecteurs du journal de Cedric Herrou comme "Azuréen de l'année". Occasion pour le député d'entretenir un amalgame coupable entre menace terroriste et accueil des migrants.

Comme le Préfet Leclerc avant lui (lire ici), Eric Ciotti perd ses nerfs et déverse sa colère et son extrême agitation dans les colonnes de Nice Matin, où il signe une diatribe rageuse.
Avant même de poursuivre, témoignons ici notre compassion à l'égard de l'équipe de rédaction dudit journal, qui doit vivre dans l'angoisse quotidienne de la réception d'une nouvelle tribune courroucée d'une autorité locale hyperactive.
Venons-en au fait : le quotidien publie en ligne un sondage pour élire l'azuréen de l'année. Parmi ceux-ci figure Cédric Herrou, citoyen solidaire qui est venu en aide aux migrants dans la vallée de la Roya. Et là, catastrophe : des citoyens, lecteurs du journal en ligne, plébiscitent la solidarité. Cédric Herrou est élu "azuréen de l'année" par 55% des suffrages, soit 4257 voix sur 7677.
Oh rage ! Oh désespoir ! Oh presse libre, traîtresse ennemie ! Quoi ? Comment ? Est-ce vraiment possible ? Un suffrage échapperait donc à tout contrôle dans les Alpes-Maritimes ?
Eric Ciotti vocifère et lance uns à uns tous les amalgames possibles, même si répondre à chacun serait ici trop long : 
Non, M. Ciotti, tant que M. Herrou n'a pas été jugé, il est présumé innocent (et vous avez vous-même rappelé ce principe quand vous souteniez un certain candidat aux nombreuses affaires en cours).
Non, M. Ciotti, les actions des citoyens solidaires ne constituent pas des insultes aux forces de l'ordre, et de nombreux gendarmes, policiers et militaires font preuve de bien plus d'humanité que vous.
Non, M. Ciotti, un migrant souhaitant demander l'asile n'est pas dans l'illégalité et il ne le sera que s'il demeure sur le territoire national après refus de sa demande d'asile.
Non, M. Ciotti, le Conseil Départemental dont vous êtes le Président n'assume pas ses obligations légales de prise en charge des mineurs isolés relevant de la protection de l'enfance.
Non, M. Ciotti, ce n'est pas parce que des djihadistes ont pu s'infiltrer parmi les réfugiés que la France doit renoncer à sa politique d'hospitalité et bafouer les conventions internationales qu'elle a ratifiées. Faire un amalgame volontaire entre secours porté aux migrants et menace terroriste est indigne d'un élu de la Nation. 
Non, M. Ciotti, la solidarité n'est pas un délit. La solidarité est un geste naturel de l'homme, mû par une empathie innée qui le pousse à aider son prochain. Certains expliquent cela par une approche anthropologique, d'autre par un discours religieux consistant à aimer son prochain comme soi-même, d'autre encore appellent cela d'un nom pour vous étrange et inquiétant : l'humanisme.
Vous ponctuez votre texte d'un "Non, M. Herrou ne peut pas être l'Azuréen de l'année" niant ainsi le vote qui a eu lieu.
Alors non, M. Ciotti ne peut pas être député de la Nation. Non, M. Ciotti ne peut pas être Président du Conseil Départemental des Alpes-Maritimes. Non, puisque l'on peut apparemment passer outre les suffrages exprimés et nier la réalité, je déclare que M. Ciotti, compte tenu de son inaptitude fondamentale à comprendre ce qui fait l'humanité du genre humain ne peut, en aucun cas et d'aucune manière, nous représenter.
L'article annonçant l'élection de Cédric Herrou comme "azuréen de l'année" (Nice Matin, 29.12.2016) : 
La réponse d'Eric Ciotti (Nice Matin, 30.12.2016) :

jeudi 22 décembre 2016

Vieillesse et précarité à Nice: il y a urgence !

Nice a un taux de pauvreté deux fois plus élevé que la moyenne nationale. C’est la 4ème des 100 plus grandes villes de France ayant le plus de personnes âgées parmi les personnes vivant sous le seuil de pauvreté. Il y a urgence. Le silence et l'indifférence règnent pourtant sur cette question. Mais rien de grave, cette année encore, nous élirons notre «stars senior» et notre «super mamie»...


Alors que la Ville de Nice conserve encore, vue de l’extérieur, une image de richesse et de vie facile, la précarité y est très importante et une catégorie de Niçois en souffrent particulièrement : les personnes âgées.

A Nice, de plus en plus de personnes âgées ne peuvent se soigner faute d’argent, mendient ou font les poubelles pour se nourrir.

De très nombreuses familles sont confrontées à l’épineuse question de la dépendance des personnes âgées et ne parviennent pas à placer leurs parents ou grands-parents dans des maisons de retraites ou des EHPAD.

Ces constats quotidiens sont confortés par une estimation récente, menée par le bureau d’étude Compas, qui a réalisé une comparaison des taux de pauvreté et une typologie des personnes vivant sous le seuil de pauvreté dans les cent plus grandes villes de France métropolitaine.

100 500 Niçois vivent sous le seuil de pauvreté (1000 € par mois), ce qui représente 28,5% de la population, soit 7% de plus que Paris (21,5%) et… le double de la moyenne nationale (14,5%) !

Nice est classée par l’étude dans la catégorie « C » : "Pauvreté élevée / sur-représentation des couples sans enfant et des ménages âgés parmi les personnes pauvres".

En effet, Nice présente un des plus forts taux de personnes âgées (8,6%) parmi les personnes pauvres. Seules Ajaccio (12%), Antibes (11,5%) et Cannes (10,1%) font pire.

Alors que plus de 8600 personnes âgées vivent sous le seuil de pauvreté à Nice, la question ne semble être la priorité ni du Conseil Départemental ni de la Ville de Nice, pourtant en charge des aides extra-légales aux personnes âgées.

Communiquer sur la « Silver économie », organiser chaque année le concours de « super mamie » ou la très médiatisée « Star Senior » sont sûrement de très bonnes choses, fermer les yeux devant le phénomène inquiétant de précarisation croissante des personnes âgées en est une autre.

Nice présente un taux de pauvreté deux fois plus élevé que la moyenne nationale. C’est la quatrième des cent plus grandes villes de France métropolitaine ayant le plus de personnes âgées parmi les personnes vivant sous le seuil de pauvreté. La situation est alarmante. L’indifférence et le silence règnent pourtant sur cette question.

Il ne fait pas bon vieillir à Nice. Mais ce n’est pas grave, l’an prochain, la Star Senior fera sûrement des claquettes…

Source de l'étude : Pauvreté et types de ménages : une typologie des intercommunalités

jeudi 8 décembre 2016

Délit de solidarité : la réponse du Préfet Leclerc, le déshonneur de l'Etat

Entre soutien politique à Eric Ciotti et tentative pour influencer les juges dans les affaires de délits de solidarité en cours, le nouveau Préfet des Alpes-Maritimes signe un texte polémique, méprisant et insultant. Il s'en prend à l'historien Yvan Gastaut et s'avère inapte à comprendre les actions citoyennes d'entraide, de solidarité et d'humanisme qui font pourtant honneur à notre pays.

Un préfet incarne l'Etat et doit faire preuve, en toutes circonstances, de sang froid, de discernement et de hauteur de vue. Le nouveau Préfet des Alpes-Maritimes, Georges-François Leclerc, fraîchement arrivé dans notre département, n'échappe pas à la règle. 
Il vient pourtant de prendre la plume dans Nice Matin, pour signer une violente diatribe en réponse à une tribune libre de l'historien Yvan Gastaut, publiée dans le même quotidien local (voir les deux textes en fin d'article). Le Maître de conférences niçois y dressait l'historique de la longue tradition de solidarité dans la Vallée de la Roya jusqu'aux gestes d'humanité récents des citoyens venant au secours de réfugiés ayant passé la frontière italienne. 
La réponse du Préfet est celle d'un homme impatient et imprécis, visiblement excédé, sortant de la neutralité de l'Etat pour alimenter une polémique aux arrières plans politiques évidents. Il vole au secours du Président du Conseil Départemental, Eric Ciotti, en assurant que ce dernier respecte bien ses obligations légales et prend en charge les mineurs isolés, niant ainsi l'évidence que tous constatent sur place. Mais, plus grave encore, prétextant  une réponse à l'historien, il porte la position de l'Etat sur la place publique et tente ainsi d'influencer les juges dont les délibérés sont attendus début janvier dans les procès de deux citoyens désobeisseurs, Cédric Herrou et Pierre Alain Mannoni (lire ici).
Passons rapidement sur le ton méprisant, l'outrance et les inexactitudes du propos : non, Monsieur le Préfet, l'analyse de l'historien, qu'elle vous plaise ou non, ce n'est pas "n'importe quoi". Non, Monsieur le Préfet, ce n'est pas parce que l'on décrit une réalité que vous ne voulez pas admettre qu'il y a "imposture" ou "injure". Non, Monsieur le Préfet, critiquer les règles de droit injustes que vous défendez ne veut pas dire manquer de respect ou dénigrer les fonctionnaires qui les appliquent. Non, Monsieur le Préfet, lorsqu'il agit par humanité et quand bien même cette humanité le pousse à la désobéissance, cela ne veut pas forcément dire que le citoyen est "manipulé". Non, Monsieur le Préfet, la solidarité n'est pas un délit, quand bien même elle montre au grand jour votre propre inaction et vos propres carences.
Car s'il y a des désobeisseurs dans la vallée de la Roya et plus généralement dans les Alpes-Maritimes, c'est avant tout pour pallier à l'inaptitude de l'Etat à faire face à la crise humanitaire majeure à laquelle nous sommes confrontés. De simples citoyens agissent là où l'Etat ne fait rien. Ils secourent d'autres être humains en périls, des personnes ayant fui des pays en guerre, traversé une partie du Sahara, la méditerranée, l'Italie, la frontière italo-française par les chemins de montagne et errent sur les routes, démunis, en ce début d'hivers.
Une jeune réfugiée a été blessée cette semaine en tentant de traverser l'autoroute pour passer la frontière. Trois personnes ont déjà trouvé la mort dans des circonstances similaires. Combien faudra-t-il de drames pour que vous réagissiez enfin, Monsieur le Préfet, au lieu de vous perdre en vaines polémiques ? L'exemple de Calais ne vous a-t-il donc rien appris ?
Et dire que ces actes de secours, envers et par delà des lois iniques, nous rappellent les actes des "Justes parmi les Nations" ne veut pas dire que l'on compare l'incomparable, que la République française soit assimilée au Régime de Vichy, ni que l'Italie d'aujourd'hui soit semblable à celle de Mussolini. Bien évidemment les désobeisseurs d'aujourd'hui risquent des amendes et quelques mois de prison quand les "Justes" d'hier risquaient la déportation et la mort. Mais le geste d'humanité de ces citoyens qui bravent l'interdit pour secourir ceux qui sont en danger, quand bien même le contexte est différent et les risques encourus sont moindres, est au fond de même nature.
Ces gestes d'humanité, Monsieur le Préfet, faits par de simples citoyens, sont l'essence même de notre grande Nation qu'est la France, terre de liberté et de fraternité. Ils perpétuent cette tradition de solidarité dont nous sommes fiers. Ils font battre le coeur de cette si belle République dont, par votre dogmatisme et votre mépris, vous faites aujourd'hui le déshonneur.
L'article d'Yvan Gastaut (Nice Matin, 29.11.2016) :
La réponse du Préfet Leclerc (Nice Matin, 07.12.2016) :

jeudi 1 décembre 2016

Le triple échec de François Hollande

Échec de la politique économique et sociale menée, du pacte de responsabilité à la loi El Khomri, atteintes au socle démocratique et à l'équilibre des pouvoirs en France, incapacité à rassembler les Français et à consolider l'unité nationale face aux attentats, la non candidature de François Hollande est la conséquence logique du triple échec de son quinquennat.


Nous ne devons pas nous laisser duper par un jeu d'acteur de 10 mn, fut il très bon. Nous devons au contraire regarder avec lucidité ce qui a été fait et ce qui n'a pas été fait durant quatre ans et demi.

Le quinquennat de François Hollande s'achève sur un triple échec 

Tout d'abord un échec économique et social cuisant : outre le non-respect des engagements de campagne (lutte contre le monde de la finance, renégociation des traités européens, etc. ), une politique de l'offre désastreuse avec 41 milliards d'euros versés aux entreprises sans contreparties en termes de créations d'emplois dans le cadre du pacte de responsabilité, une précarisation croissante de pans entiers de la population, notamment des personnes âgées, etc., et je ne reviens pas sur la loi Macron, la loi El Khomri ou la réforme des rythmes scolaires.

Ensuite des atteintes sans précédent au socle démocratique de notre pays et à l'équilibre des pouvoirs en France : un pouvoir judiciaire en retrait avec la loi renseignement et la prolongation de l'état d'urgence, un pouvoir législatif bafoué avec le recours répété au 49.3, sans parler de la tentative de rupture de l'égalité républicaine avec la déchéance de nationalité ou de la gestion inhumaine des migrants.

Enfin, face à la barbarie des attentats et aux terribles drames qui ont frappé notre pays, François Hollande n'a pas su rassembler les Français et n'a pas su consolider l'indispensable unité nationale. Il a divisé, il a remis en question les libertés fondamentales dont l'Etat est pourtant garant, il a amoindri l'image de la France dans le monde.

A tous ceux qui nous disent que ce sera pire si François Fillon ou Marine Le Pen gagne l'élection présidentielle et qu'en comparaison François Hollande apparaîtra comme un bon président aux yeux de l'Histoire je réponds oui, à l'évidence ce sera bien pire, mais si une majorité de Français ne voient d'alternative qu'en une droite extrême ou une extrême droite, c'est aussi parce que la politique menée par François Hollande n'a su redonner ni confiance ni espoir en un avenir commun.

Le bilan du quinquennat de François Hollande s'avère donc néfaste pour la gauche, pour la France et surtout pour les innombrables personnes en souffrance dans notre pays.

samedi 26 novembre 2016

Roya : désobéissance civile ou carence de l'Etat ?

 En décembre 2015, le Tribunal de Grande Instance de Grasse rétablissait, de fait, le délit de solidarité pourtant supprimé par la loi de janvier 2014, en condamnant Claire, 72 ans, pour un geste d'humanité (lire ici). Le Parquet de Nice poursuit aujourd'hui Cédric Herrou et Pierre Alain Mannoni pour la même raison.
J'ai rencontré Pierre Alain Mannoni lors de son procès, à Nice, le 23 novembre 2016. Le Procureur de la République a requis à son encontre - mois de prison avec sursis. Mais ce procès, à travers et au-delà de Pierre Alain, c'est le procès intenté à l'empathie, l'entraide et l'humanisme. 
Car s'il y a des citoyens désobeisseurs dans la vallée de la Roya, c'est avant tout parce que l'Etat et le Conseil Départemental des Alpes-Maritimes n'assument pas leurs obligations légales.
Or qui place aujourd'hui la solidarité sur le banc des accusés ? L'Etat, celui-là même qui ne porte pas assistance à personne en danger et qui vient stigmatiser ceux qui pallient à sa propre incurie.

Manifestation de soutien à Pierre Alain Mannoni lors de son procès à Nice

Les mineurs isolés non pris en charge
Un mineur isolé, c'est-à-dire un enfant ou un adolescent sans parent ni autre représentant légal, qu'il soit étranger ou non, doit être pris en charge par les pouvoirs publics au titre de la protection de l'enfance. Et il a droit à la protection et l'assistance de la France jusqu'à sa majorité.
Ainsi, si des habitants de la Vallée de la Roya, frontalière de l'Italie, doivent porter secours par leurs propres moyens aux mineurs isolés qu'ils voient errer sur les routes de montagne, en hivers, c'est parce que les pouvoirs publics ne jouent pas leur rôle. 
J'en appelle donc en premier lieu au nouveau Préfet des Alpes-Maritimes, M. Georges François Leclerc, pour que l'Etat remplisse ses obligations légales et que les Alpes-Maritimes ne restent pas une zone de non droit. 
J'en appelle en second lieu à Eric Ciotti, président du Conseil Départemental des Alpes-Maritimes, pour qu'il assume enfin les obligations légales qui incombent à sa collectivité et qu'il ouvre un lieu d'accueil supplémentaire pour mineurs isolés, près de la frontière italienne.
Un nouveau Calais à Vintimille
Concernant les majeurs, si l'on peut tergiverser sur les aspects juridiques, l'analyse de la décision politique est sans appel : le gouvernement français est en train de créer un nouveau Calais à Vintimille. Et la France agit vis-à-vis de l'Italie comme l'Angleterre a agit envers elle.
Combien de morts aura-t-il fallu, de personnes tentant de gagner l'Angleterre et y laissant leurs vies, pour que l'on démantèle enfin la jungle de Calais ? Combien de morts faudra-t-il à Vintimille et dans la Roya ?
Une jeune réfugiée de 17 ans, Mjmelet Berhal, est décédée récemment, renversée par un camion sur l'autoroute en tentant d'atteindre la frontière française. Un migrant est également porté disparu, vraisemblablement emporté par une crue de la Roya. Combien de drames encore avant que les autorités ne se décident à agir ?
J'ajoute que, sur le fond, rien ne justifie le fait d'empêcher des individus de déposer une demande d'asile dans le pays de leur choix et la fermeture de la frontière ne fait qu'enrichir les passeur et alimenter la traite des être humains.
Osons le dire envers et contre l'opinion communément admise : la libre circulation des individus devrait être la règle et constitue la seule solution viable. Il faut ré ouvrir la frontière italienne de toute urgence.
Où s'arrête le devoir de secours ?
Pierre Alain Mannoni a secouru trois jeunes Érythréennes, dont une mineure, qui ont traversé une partie du Sahara, le Soudan, la Libye, la méditerranée, qui sont restées plus ou moins longtemps dans les camps en Italie puis ont passé la frontière italo-française par la montagne.
Face à Pierre Alain, homme sensé et profondément humain, le procureur de la République, Jean-Michel Prètre, a tenté de dissocier le secours, acte noble et non poursuivi, de l'aide à l'hébergement et l'aide à la circulation de personnes en situation irrégulière. Mais le raisonnement du Procureur souffre d'au moins de deux erreurs majeures. 
La première est la limite entre le secours, l'hébergement et la circulation : où s'arrête le devoir de secours ? Faut-il, après avoir nourri et soigné une personne nécessitant un secours, la laisser sur le bord d'une route de montagne en hivers et sans moyen ? La remettre aux autorités en sachant qu'elle va être renvoyée en Italie et tentera à nouveau de passer la frontière au risque de sa vie ? Ne vaut-il pas mieux l'aider à rejoindre le reste de sa famille en Allemagne ou en Angleterre où elle demandera l'asile ? Secourir quelqu'un, est-ce vraiment ne voir qu'à court terme sans se soucier de ce qu'il adviendra demain de la personne secourue ? Quand des secouristes aident une personne ils ne vont pas simplement apporter les soins d'urgence, ils vont s'assurer ensuite du devenir de la personne et ne la quittent qu'une fois qu'elle est prise en charge et sécurisée.
La seconde erreur consiste à dire que Pierre Alain Mannoni a aidé à la circulation des personnes en situation irrégulière. Les trois Érythréennes qu'il a aidé ne sont que en situation irrégulière que parce que la France a décidé arbitrairement de fermer sa frontière avec l'Italie et qu'elle refuse de ce fait d'enregistrer leurs demandes d'asile. Un demandeur d'asile n'est en situation irrégulière que si sa demande est étudiée puis rejetée et qu'il reste malgré ce rejet. Mais on n'a même pas permis à ces trois personnes de déposer une demande d'asile en France.
Aider son prochain, tendre la main, secourir des personnes en souffrance, voilà ce que chacun d'entre nous devrait faire. Voilà ce que les pouvoirs publics devraient nous encourager à faire. Et voilà ce dont on accuse Pierre Alain Mannoni qui, par son geste d'humanité, montre l'absence d'humanité de nos dirigeants.
Dans les Alpes-Maritimes, c'est donc bien la faute de l'Etat et du Conseil Départemental qui pousse les citoyens à la désobéissance civile. Mais qu'ils prennent gardent, car nous sommes tous solidaires des citoyens solidaires de la Roya. Et le geste de Claire, de Cédric, de Pierre Alain et de bien d'autres, au fond, c'est notre honneur à tous, et c'est l'honneur de la France.

mercredi 9 novembre 2016

Election de Donald Trump, une victoire de plus pour le populisme

La victoire de Donald Trump n'est pas seulement une victoire des Républicains sur les Démocrates, c'est une victoire du populisme contre la démocratie et donc une défaite de la démocratie contre elle-même.

De nombreuses questions se posent : quelle politique internationale pour la France et l'Europe vis-à-vis des Etats-Unis ? Au sein de l'OTAN et de la coalition ? Aurons-nous enfin une politique étrangère européenne indépendante et cohérente ?

Mais, au-delà de ces questions, le populisme progresse et acte le désaveu de la classe politique dans son ensemble. Il se nourrit de la peur, du rejet de l'autre et du repli identitaire.

"Éduquer le citoyen" nous disait Rousseau. Le populisme gagne du terrain en France également. Saurons-nous le combattre et l'empêcher d'accéder au pouvoir en 2017 ?

La refondation de la politique n'est pas un simple slogan, c'est une urgente nécessité. Il revient à chaque citoyen d'y participer et de mener ce combat.

jeudi 13 octobre 2016

14 juillet 2016, défaite nationale

Nice a connu un double traumatisme : le drame du 14 juillet 2016 et l'indignité de l'après 14 juillet. Nous devons penser Nice, penser le 14 juillet, entre meurtre de masse et djihadisme, et penser l'après 14 juillet, l'impossible minute de silence du 18 juillet, la libération de la parole raciste et la violence des polémiques incessantes. Nous devons penser Nice pour panser Nice, ensemble.



"Quand les blés sont sous la grêle

Fou qui fait le délicat

Fou qui songe à ses querelles

Au cœur du commun combat"

(Aragon, La rose et le réséda)


Qu’un homme, au volant d’un 19 tonnes, fonce sciemment sur la foule festive, faisant 86 morts et plus de 400 blessés, cela dépasse l’entendement. C’est pourtant ce qui s’est passé, il y a trois mois jour pour jour, le 14 juillet 2016 à Nice.

A ce terrible drame s’est ajoutée une seconde blessure, d’une nature bien différente mais désormais intimement liée à l’événement : les odieuses polémiques politiciennes, la libération de la parole raciste et l’image déplorable donnée de notre ville au pire moment de son histoire. 

Les corps quittant à peine l’asphalte, se déchaînaient déjà les irresponsables : accuser, trouver des coupables, désigner des boucs émissaires. 

Après l’indécent voyeurisme médiatique, l’écœurante panoplie de la démagogie, du populisme et de la récupération politicienne s’est déployée à Nice sans l’ombre d’une hésitation, sans la moindre retenue, sans le moindre respect pour nos morts.

Oui, nous avons besoin de vérité, oui, nous voulons comprendre les dysfonctionnements des dispositifs de sécurité, mais pas au prix de notre dignité commune, pas au prix de notre indispensable union face à la barbarie qui nous frappe.

Puis, quatre jours après le drame, il y eu l’impossible minute de silence. Alors qu’après les attentats de Charlie Hebdo, du Bataclan ou plus tard de Saint-Etienne-du-Rouvray l’unité et la dignité étaient visibles par tous, nous, habitants de la 5ème ville de France, nous sommes avérés inaptes à respecter ne serait-ce qu’une minute de silence en hommage à nos morts.

Comment analyser ces soixante secondes symboliques où, en plus des huées à l’attention des politiques, les invectives racistes et islamophobes ont fusées de part et d’autre de la Promenade des Anglais où près de 42 000 personnes s’étaient rassemblées ?

Que révèle cette propagation de la haine partout dans la ville, d’insultes en altercations, comme si la xénophobie y était devenue un réflexe naturel, une norme inconsciente, une seconde nature ?

Il a fallu attendre une initiative citoyenne pour que, le 7 août, nous puissions dignement rendre hommage aux victimes, mais nous n’étions qu’un petit millier de personnes.

Puis vint la polémique sur le burkini, d’une violence inouïe, et l’amplification de l'hystérie collective autour de l’islam, qui apparaissent aujourd’hui comme un exutoire cruel à notre impuissance commune à lutter le terrorisme.

Prendre des arrêtés liberticides rétablissant police des mœurs et discrimination institutionnalisée n’empêchera pas de nouveaux attentats sur le sol français.

Devant ce déferlement de haine, nous devons comprendre la portée de ce qui s’est passé à Nice. Nous devons penser Nice pour panser nos plaies. Nous devons penser Nice pour panser Nice. 

Or qu’avons-nous à penser ? De quoi devons-nous prendre la mesure afin de pouvoir agir collectivement de façon juste et vivre ensemble de façon digne ? 

Nous devons penser le 14 juillet, entre attentat ou meurtre de masse, entre folie ou fanatisme, défaillances des uns et des autres, mais aussi responsabilité collective. Puis nous devons penser l’après 14 juillet, l’impossible minute de silence du 18 juillet, le déferlement de xénophobie et de haine dans la 5ème ville de France, l’assentiment général devant des mesures discriminatoires et stigmatisantes.

mercredi 12 octobre 2016

Communiqué de presse : "Pour un hommage national aux victimes accessible aux Niçois"

L'hommage national aux victimes du 14 juillet 2016, s'il permet à la Nation de se recueillir grâce à sa retransmission télévisée, doit aussi permettre aux Niçois, localement, de se rassembler massivement et d'honorer leurs morts.

L'hommage aura lieu en semaine à 11h, ce qui empêche les actifs de venir. Il aura lieu sur la colline du Château qui est un espace limité, vraisemblablement sur carton d'invitation. Nous apprenons par la presse que les écrans géants prévus en ville ne seraient pas installés. Demande-t-on aux Niçois de commémorer leurs morts chez eux, devant leurs postes de télévisions ?

Commémorer c'est se souvenir ensemble, partager un récit commun et s'ancrer dans une histoire commune. C'est une étape importante de la réparation et de la reconstruction individuelle et collective.

Au lendemain du drame, Nice a été la proie et d'un voyeurisme médiatique indécent et de polémiques politiciennes odieuses. Nous avons plus que jamais besoin d'unité et de dignité.

L'hommage nationale aux victimes du 14 juillet doit conserver une indispensable dimension populaire et ne doit en aucun cas devenir un événement "VIP", inaccessible aux Niçois endeuillés.

lundi 10 octobre 2016

Communiqué de presse : "Non condamnation des actes islamophobes commis à Nice"

La Ville de Nice a été le lieu d'une nouvelle profanation devant la mosquée En-nour.

Si un tel acte avait été commis devant une église ou une synagogue, nul doute que l'ensemble des élus locaux se serait immédiatement et unanimement retrouvé pour le dénoncer avec vigueur.

Or cet acte n'a fait l'objet d'aucune déclaration du Maire de Nice ni du Président du Conseil Départemental.

Cet étrange silence pourraient être perçu par certains comme une approbation tacite et les renforcer dans leurs projets xénophobes.

Il est temps que nos élus condamnent fermement les actes islamophobes commis à Nice et montrent à nos concitoyens de confession musulmane qu'ils bénéficient du même respect et ont droit à la même protection que nos concitoyens d'autres confessions.

vendredi 23 septembre 2016

"Nos ancêtres les Gaulois", ou le retour de l'assimilationnisme xénophobe

Astérix chez les Pictes
La petite phrase de Nicolas Sarkozy, "Dès que l'on devient français, nos ancêtres sont gaulois", a fait couler beaucoup d'encre.

Indépendamment de son absence de réalité historique et outre la contradiction, chez l'ancien Président de la République, qui consiste à rappeler sans cesse les racines chrétiennes de la France pour soudain évoquer ses racines païennes, ce qu'il y a derrière cette phrase, c'est l'exigence d'assimilation d'une partie de la droite et désormais d'une partie de la gauche identitaire française.

Rappelons que l'assimilation c'est la perte de la culture d'origine pour un immigré. C'est la perte de toute culture jugée "différente" pour un français. 

L'intégration, c'est l'apprentissage de la langue, le respect du vivre ensemble, des lois et des valeurs de la République sans reniement de sa culture et de son identité personnelle. 

L'historien Yvan Gastaut a pointé les reculs successifs de la gauche sur l'intégration, "sacrifiée sous le mandat de François Hollande" et "quasiment prohibée du langage public". De "l'insertion" un temps utilisée à l'intégration, on passe à la "société inclusive" proposée par le rapport Tuot en 2013 puis à une absence de dénomination claire de la part du gouvernement pendant qu'un glissement progressif s'opère, même à gauche, vers une "assimilation" aux accents colonialistes.*

Alors que le débat des années 1980-1990 concernait l'intégration des personnes de nationalité étrangère arrivant en France, il porte désormais sur des personnes françaises, issus de familles françaises depuis trois à quatre générations.

Ce qui est alors désigné comme une culture étrangère à effacer pour être "pleinement" assimilé, c'est la pratique du culte musulman. Le philosophe Etienne Balibar explique que la "laïcité identitaire" tend à "l’assimilation des populations d’origine étrangère (ce qui veut dire en clair : coloniale et postcoloniale), toujours encore susceptibles, de par leurs croyances religieuses, de constituer un «corps étranger» au sein de la nation."**

Mais ne nous y trompons pas, l'assimilation sera l'un des enjeux majeurs de l'élection présidentielle. Elle vient parachever l'offensive identitaire sur la laïcité et est au cœur du projet de Nicolas Sarkozy. 

Et soyons très clairs : voir une partie de la gauche le rejoindre sur ce point est très inquiétant, car en réalité, même sous couvert d'adhésion à un prétendu "roman national", le discours assimilationniste n'est qu'une forme de racisme et de xénophobie.


* Yvan Gastaut "L'intégration, la fin d'un modèle ?", in Vers la guerre des identités ?, coll., 2016, La découverte.
** Etienne Balibar, "Laicité ou identité ?", Libération, 29.08.2016.

mardi 20 septembre 2016

Quand la Ville de Nice s'en prend à la vie associative

La Ville de Nice a récemment demandé à des associations utilisant la Maison des associations d'assurer à leurs frais la sécurité des participants à leurs événements par l'embauche d'un agent de sécurité d'une société privée agrée.*

La Maison des associations à Nice, comme bien d'autres structures équivalentes dans d'autres communes, a vocation à soutenir la vie associative locale. Mais, à travers la vie associative, c'est des citoyens dont il est question, de leur l'accès à la culture, à l'éducation populaire, à l'entraide, au vivre ensemble et à la citoyenneté. 
Or les citoyens payent déjà des impôts locaux dont une partie est destinée à leur sécurité et à la sécurisation des espaces et équipements publics (parcs et jardins, bibliothèques, piscines, salles municipales, etc).
Les associations de loi 1901 ont un but "non lucratif", ce qui veut dire qu'elles ne vivent que de leurs adhésions, des subventions publiques ou de la vente limitée de certains produits mais sans faire de "bénéfices" et sans rechercher de profits. 
Par ailleurs, l'accès aux salles de la Maison des associations à Nice, à la différence à d'autres villes, n'est pas gratuit. A titre d'exemple, la réservation de l'amphithéâtre place Garibaldi à Nice coûte déjà aux associations la modique somme de 150 € pour une simple conférence de 2h !
Si l'on suit la logique initiée par la Ville de Nice, cela voudrait dire que les associations devront bientôt payer, pour l'usage de toute salle municipale, un vigile pour la sécurité et pourquoi pas, demain, apporter leur propre poste de secours ou payer leur propre défibrillateur... Mais l'on sait pertinemment qu'un club de bridge, une association de lutte contre illettrisme ou une amicale d'anciens combattants ne pourront pas assumer de tels frais. 
La Ville de Nice cherche-t-elle à freiner la vie associative locale ? En quoi l'éducation populaire et la vie citoyenne inquiètent-elles le maire de Nice ?
Nice a été frappé par un terrible attentat le 14 juillet dernier, faisant 86 morts et plus de 400 blessés.
Les associations constituent un maillon essentiel du lien social et de la démocratie locale. Elles participent à l'indispensable effort collectif pour surmonter ce drame et favoriser l'unité et la solidarité qui font tant défaut dans la 5ème ville de France.
S'attaquer à la vie associative en lui imposant des contraintes financières qui relèvent de sa propre responsabilité est à l'évidence une faute qui témoigne d'une appréciation erronée de la situation. 
Gageons qu'il ne s'agisse que d'une maladresse qui sera rapidement corrigée et que nous n'en serons pas réduit, à Nice, à défendre à nouveau le droit de réunion et les plus élémentaires expressions de la vie démocratique locale.

lundi 12 septembre 2016

Pour des primaires de la gauche non socialiste

Une brève clarification sur les primaires à venir semble nécessaire. J'ai localement participé aux primaires de 2011 et je reste attaché à cette avancée démocratique majeure.
Pour autant, force est de reconnaître que nous ne sommes plus dans la configuration politique de 2011.
Le Parti Socialiste Français a renoncé au socialisme. C'est éminemment regrettable, mais c'est un fait : le soutien aveugle à la politique gouvernementale l'a suffisamment démontré et le dernier congrès du PS l'a entériné.
Les primaires organisées par le Parti Socialiste seront en réalités celles de la sociale-démocratie, voir du social-libéralisme, et non des primaires de gauche.
Si nous voulons des primaires à gauche, ce ne peut donc être que des primaires de la gauche non "socialiste" au sens partisan du terme.
Il serait en effet absurde, pour tout candidat jugeant le bilan de la politique menée par François Hollande comme "indéfendable", d'imaginer se ranger à ses côtés en cas de victoire de ce dernier.
Ces primaires mettraient en lice des "frondeurs" et ex ministres encore socialistes et des candidats issus des différents partis réellement de gauche s'ils le souhaitent (EELV, Ensemble!, PCF, PdG, NPA, Nouvelle Donne, LO, etc)
Seules des primaires de la gauche non socialiste permettraient d'éviter au maximum une démultiplication de candidats portant des valeurs et des projets très proches mais refusant de fusionner leurs candidatures pour des querelles de chapelles.
Seules des primaires de la gauche non socialiste permettraient, et c'est le plus important, de faire vivre le débat démocratique et d'apporter les solutions nouvelles dont notre pays a impérativement besoin.

samedi 10 septembre 2016

Réformer l’islam de France ou combattre le djihadisme français ?

La plupart des terroristes ayant commis ou tenté de commettre des attentats sur le sol français ces dernières années sont passés par l’école de la République, étaient suivi par les services sociaux et par le renseignement français, et ont été détenu dans les prisons françaises. Très peu fréquentaient assidûment les mosquées. Et que fait le gouvernement ? Il réforme l’islam de France…

On ne combat pas une organisation militaire, une idéologie totalitaire et des dérives sectaires en réformant une religion.

Le terrorisme moderne est un phénomène complexe et multifactoriel. Toute personne écrivant sur le sujet doit l’admettre et faire preuve d’humilité : aucune explication ne s’avère suffisante en soi, personne ne détient « la » solution parce qu’il n’existe pas « une » explication mais une concomitance de causes multiples et interdépendantes.

Combattre Daech impose de prendre en considération la dimension internationale du conflit, la responsabilité de la France par ses opérations militaires extérieures ainsi que les contradictions flagrantes de sa politique internationale. Combattre Daech impose également de prendre la mesure de la dimension nationale du conflit, l’importance du passé colonial non surmonté de la France, du déterminisme social qui joue à l’évidence dans le parcours de nombreux terroristes français. Combattre Daech implique enfin de prendre en considération les processus sectaire mis en œuvre par cette organisation et l’approche psychologique permettant de mieux appréhender certains passages à l’acte.


La réforme de l’islam de France annoncée par le gouvernement de Manuel Valls ne permet pas de lutter efficacement contre cette organisation et présente, au minimum, quatre points d’achoppements majeurs :

1. Elle est contraire au principe laïque de séparation des Eglises et de l’Etat

Jean-Pierre Chevènement devrait prochainement prendre la tête de la Fondation pour l’islam de France. Il a annoncé que cette fondation assurerait la formation profane des imams. Or cela revient, pour l’Etat, à intervenir dans le champ religieux, à prendre part à l’organisation de l’une des Eglises dont la loi de 1905 le séparait. La laïcité française implique une non-ingérence du religieux dans le domaine politique et, réciproquement, une non-ingérence du politique dans les affaires religieuses. Comme le résumait Victor Hugo en une formule limpide : « L’Eglise chez elle et l’Etat chez lui ». Or, avec la réforme de l’islam de France, l’Etat, précisément, ne reste pas « chez lui ».

Que le gouvernement commence par exercer pleinement et promptement la police du culte déjà prévue par la loi lorsqu’il y a trouble à l’ordre public et menace sur la sécurité civile, nous verrons ensuite s’il est légitime de s’immiscer dans la formation et le choix des représentants d’un culte, quel qu’il soit.

2. Elle officialise un travestissement de la laïcité qui deviendrait une arme de lutte contre le terrorisme

Quand bien même, comme certains le souhaitent, tout signe religieux serait interdit dans l'espace public, l'islam de France réformé et la laïcité devenue anti-religion, ce n'est pas ce qui arrêtera les attentats en France, bien au contraire.

Nous pouvons débattre à n’en plus finir du port de signes ostentatoires sur les plages, dans les universités ou même dans l’espace public dans sa globalité, cela ne fera que nous détourner un peu plus des réflexions et des actions à mener pour endiguer le terrorisme.

La laïcité doit être traitée pour elle-même et ne doit servir ni de compensation à notre frustration collective à ne pouvoir éradiquer la menace terroriste, ni de prétexte pour réaffirmer la prédominance d’une identité religieuse contre une autre en exaltant les racines chrétiennes de la France contre l’islam, ni de paravent à un racisme anti-arabe qui profite aujourd’hui de la peur des attentats pour se répandre en toute impunité.

3. Elle officialise un amalgame coupable entre islam et djihadisme

Réformer l’islam de France pour endiguer la « radicalisation » et lutter contre le terrorisme valide officiellement l’idée que le terrorisme nait de l’islam et que le combattre passe par une action à mener auprès des musulmans de France. Alors que les millions de français de confession musulmane démontrent au quotidien que la pratique de leur foi ne menace par la Nation, cette réforme acte un amalgame coupable entre islam et terrorisme.

Si les attentats sont revendiqués au nom d’une religion, l’entreprise terroriste islamiste participe de l’instrumentalisation politique d’une croyance. Or ce n’est pas la première fois qu’une religion révélée, envers et contre son texte saint, est instrumentalisée pour assoir une domination politique. Que l’on se souvienne de la Saint Barthélémy, des Croisades ou de la torture sous l’Inquisition…

Que l’Etat désigne publiquement aux français non musulmans les français musulmans comme liés au terrorisme est une faute politique majeure qui ne peut que concourir à les dresser les uns contre les autres, et à offrir en victoire à Daech la division de la société française.

4. Elle nous détourne de la véritable action à mener : comprendre et combattre le djihadisme français.

L’historien Jean-Pierre Filiu explique, dans une approche à contre-courant, que « Le tueur de Nice ne s’est pas « radicalisé » dans l’Islam, il s’est converti à la secte djihadiste. » (lire ici). Le juge Trevidic, lui, dès juin 2015, affirmait que « Le nombre de personnes atteintes de délire djihadiste est exponentiel. » Qu’elles « auraient été dangereuses dans tous les cas, avec ou sans djihad. (…) La religion n’est pas le moteur de ce mouvement et c’est ce qui en fait sa force. C’est pour cette même raison que placer la déradicalisation sous ce seul filtre ne pourra pas fonctionner. » (lire ici)

Il est bien loin le temps du terrorisme orchestré par l’Iran, le FIS et le GIA, où les bombes étaient posées sur le sol français par des combattants étrangers. La grande majorité des actes terroristes commis ou tentés d’être commis sur le sol français ont été réalisés par des français ou des personnes résidant en France depuis longtemps.  Le recrutement se passe en France. Nous sommes confrontés à un terrorisme endogène, à un djihadisme français. Tant que nous refuserons de l’admettre nous ne nous donnerons pas les moyens de trouver des solutions efficaces.

La réforme de l’islam de France est contraire au principe de séparation des Eglises et de l’Etat. Elle entretient l’idée fausse que repenser le rapport de l’Etat à la religion, et donc la laïcité, permet de lutter contre le terrorisme. Elle fait symboliquement porter une partie de la responsabilité du terrorisme qui nous frappe sur nos compatriotes de confession musulmane. Enfin, elle nous détourne du véritable combat à mener contre le djihadisme français.

Par l’annonce de cette réforme, le gouvernement fait diversion : il ne remet toujours pas en question sa politique étrangère mortifère et tente de masquer son absence cruelle de plan d’action global pour lutter contre le djihadisme français. 

mercredi 7 septembre 2016

Manuel Valls, Marianne, la bêtise et la xénophobie...

Nice Matin 04.09.2016 :


NB : Manuel Valls a déclaré, le 29.08.2016 : "Marianne, le symbole de la République, elle a le sein nu parce qu'elle nourrit le peuple, elle n'est pas voilée parce qu'elle est libre. C'est ça, la République".

jeudi 18 août 2016

Arrêtés anti-Burkini : lutte contre le terrorisme, discrimination ou calcul électoral ?

La polémique sur le burkini n'en finit plus. Elle apparaît de plus en plus comme un palliatif malsain à notre impuissance collective à lutter contre le terrorisme. 

Faute de solutions et d'actions probantes, la classe politique, soutenue activement par les médias, se focalise sur de faux problèmes, désigne des boucs émissaires, interdit pour donner la semblance d'autorité dont doit se parer tout pouvoir pour ne pas paraître faible et démuni.

Des arrêtés contraires à la laïcité 

Les arrêtés anti-burkini pris par certains maires entrent en contradiction flagrante avec le principe de laïcité qu'ils prétendent défendre (lire ici).

La laïcité rend possible la liberté de conscience, de croire ou de ne pas croire en Dieu. A ceux qui croient, elle garantie le libre exercice du culte.

Si les signes ostensibles sont interdits dans les établissements scolaires et si la Burqa, qui dissimule le visage et empêche l'identification, est interdite partout, les signes ostensibles sont autorisés par la loi dans l'espace public, et donc sur les plages également.

Se vêtir comme bon nous semble relève d'une liberté individuelle à laquelle il ne faut pas renoncer. 

L'Etat n'a plus à interférer dans le choix des vêtements depuis la loi de séparation des Eglises et de l'Etat de 1905, c'est le sens de la réponse que font Aristide Briand et Jean Jaurès au député Chabert qui demandait l'interdiction du port de la soutane dans la rue.

Selon Chabert, le port de la soutane constituait un acte politique, un acte de prosélytisme, contraire à la dignité humaine et la soutane représentait une "prison" pour celui qui la portait. Ce sont exactement les mêmes arguments que l'on retrouve aujourd'hui contre le voile.

La laïcité anti-religieuse fut mise en minorité en 1905 et revient à la charge aujourd'hui. Mais la laïcité telle que définie actuellement dans nos lois et notre constitution respecte les libertés individuelles.

La République garantit l'égalité des citoyens devant la loi sans distinction d'origine, de race ou de religion et respecte toutes les croyances (article 1er de la Constitution). 

Respecter les droits fondamentaux ne veut pas dire être laxiste face au terrorisme. Cela veut dire préserver et défendre le modèle démocratique que le djihadisme combat, préserver et défendre les libertés que le djihadisme veut abolir, ne pas céder à la haine et au rejet de l’autre et refuser d’offrir nos divisions en victoire aux ennemis de la liberté.

Des arrêtés contre productifs

Ces arrêtés municipaux s'avèrent surtout inefficaces dans la lutte contre le fondamentalisme, voire même contre productifs.

Sans prétendre à une typologie précise et en se gardant bien de vouloir catégoriser les personnes, nous pouvons distinguer différentes motivations de port du voile, burkini et, de manière générale, signes religieux ostensibles :

- Le port volontaire non revendicatoire : certaines personnes portent un vêtement considéré comme un signe religieux ostensible tout simplement pour vivre en conformité avec leur foi.

Qu'une femme libre, indépendante de toute contrainte, porte le vêtement de son choix, du moment qu'elle ne trouble pas l'ordre public et permet son identification, est son droit le plus strict.

Nier ce droit et la verbaliser ne peut que générer chez elle un sentiment d'injustice, de rejet, voir la pousser à un repli communautaire, ce qui est très précisément ce contre quoi ceux qui prennent ces arrêtés prétendent lutter.

Nous ne pouvons, y compris au nom de la condition féminine, aller contre la liberté des femmes à se vêtir comme elles l'entendent, à ne pas dévoiler leur propre corps si elles ne le souhaitent pas.

- Le port revendicatoire : d'autres personnes portent un signe ostensible de façon clairement revendicatoire, voire provocatrice. Il s'agit pour elles d'affirmer leur identité et de mener un combat politique pour leur cause.

Or les pouvoirs publics savent pertinemment que l'interdit ne fait que nourrir la revendication : interdire, c'est permette aux provocateurs de se dire stigmatisés et victimes de discriminations.

C'est leur donner des arguments pour convaincre d'autres personnes de les rejoindre. C'est alimenter leur combat politique.

La loi interdisant la burqa a par exemple généré un important port revendicatoire de ce vêtement après sa promulgation. De même il semble que la vente de burkini augmente significativement depuis la polémique

- Le port par contrainte : si des femmes portent un signe ostensible sous la contrainte de leur entourage, la verbalisation est alors une double peine.

Elles sont déjà victimes d'une domination oppressive leur imposant un comportement et une tenue vestimentaire et, au lieu de leur permettre de s'émanciper de cette domination, nous les punissons en retour.

Lorsque nous sommes confrontés à des violences conjugales ou à des dérives sectaires nous faisons tout pour permettre aux victimes de s'en extraire par un accompagnement et par des mesures de protection si nécessaire.

Pourquoi dans le cadre d'une oppression privant des femmes de leur liberté de se vêtir et de se comporter comme elles le souhaitent, il faudrait verbaliser les victimes et laisser impunis leurs oppresseurs ? Comment peut-on, au nom de la condition féminine, verbaliser des femmes victimes d'oppression ?

On le voit rapidement, les arrêtés anti-burkini sont contre productifs, ils infligent une double peine aux femmes victimes d'oppression, ne permettent pas de lutter efficacement contre la progression du fondamentalisme en France et favorisent le repli communautaire.

Pourquoi, dans ces conditions, prendre de tels arrêtés ?

Des arrêtés électoralistes

Sur la Côte d'Azur, les élus locaux ont pris l'initiative de priver une partie de la population de ses libertés fondamentales alors qu'il n'y avait pas de trouble manifeste à l'ordre public.

Ces arrêtés anti-burkini s'inscrivent dans une continuité de décisions discriminatoires : arrêtés anti-mariages bruyants et entrave à la liberté de culte reconnue par le Conseil d'Etat à Nice (lire ici), arrêtés anti-chicha à Carros et Antibes, etc.

Ils s'inscrivent dans un climat d'hystérisation du débat public local autour de l'islam, de réaffirmation permanente des racines chrétiennes de la France et d'instrumentation flagrante de la laïcité (lire ici).

Pour les élus "Républicains" azuréens, l'enjeu est multiple :
  • Asphyxier électoralement le Front National local en préemptant la question identitaire et la lutte contre la "radicalisation".
  • Forcer le gouvernement à épouser leur ligne politique en s'inscrivant dans une course médiatique effrénée à "celui qui combat le plus le terrorisme"
  • Masquer leur impuissance quand, dans un département dont ils gèrent sans contestation depuis plusieurs décennies les principales collectivités, les départs pour le djihad ont été parmi les plus nombreux de France, notamment à Nice avec la cellule d'Omar Omsen ; les réseaux terroristes se sont développés et installés, notamment à Cannes avec la filière dite "Cannes-Torcy" 
  • Laver l'image désastreuse de l'attentat de Nice où l'un des plus important dispositif de vidéo surveillance de France et l'une des polices municipales les plus nombreuses et les mieux armées se sont avérés inadaptés pour éviter un drame faisant 85 morts, démontrant ainsi que surveiller ne suffit pas à protéger.
Nous sommes à l'évidence confrontés à une instrumentalisation et du combat féministe et de la lutte contre le terrorisme par des élus pyromanes qui n'hésitent pas à stigmatiser une partie de la population à des fins purement électoralistes.

Ainsi, il n'est pas étonnant de voir Manuel Valls emboîter le pas de ces élus, lui, champion d'une laïcité gallicane identitariste et stigmatisante.

La Cote d'Azur et l'argent du terrorisme

Une véritable lutte contre le terrorisme sur la Côte d'Azur commencerait, au lieu de verbaliser quelques baigneuse en burkini, par s'attaquer au financement du terrorisme. Car soudain, dès qu'il s'agit de retombées économiques, la lutte contre le fondamentalisme ne semble plus de mise.

Nous nous souvenons tous de la privatisation d'une plage à Vallauris au profit du roi d'Arabie Saoudite et de sa très nombreuse suite (lire ici et ici). Les élus azuréens ne semblaient pas s'être émus, alors, des tenues des baigneuses et ne parlaient que des retombées financières pour l'hôtellerie et la restauration locale.

Nous nous souvenons tous de la campagne menée contre l'ouverture d'une mosquée à Nice en raison de la nationalité saoudienne du propriétaire des lieux quand dans le même temps on acceptait d'autres investissements saoudiens sur la Côte d'Azur.

Cannes est un symbole, c'est la deuxième ville de France la plus connue dans le monde après Paris. Si le maire de Cannes veut envoyer un symbole fort en disant clairement au monde que le fondamentalisme n'a plus sa place à Cannes, qu'il interdise aux yachts battant pavillon d'un pays financeurs du terrorisme de mouiller dans le port et la rade de sa ville. 

Mieux, si les élus azuréens déclarent la guerre au terrorisme, qu'ils empêchent les investisseurs des pays qui le financent de faire des affaires et d'investir ici.

N'oublions pas que le Carlton et l'Hotel Martinez à Cannes ou le Palais de la Méditerranée à Nice battent déjà pavillon qatari.

N'oublions pas les très nombreuses villas appartenant à de riches propriétaires de ces pays sur l'ensemble de la Côte d'Azur.

N'oublions pas les importants partenariats financiers avec des actionnaires des pays financeurs du terrorisme dans les grands projets de développement économique de la Côte d'Azur.

Nos élus, indignés par la condition des femmes portant un burkini, ont visiblement les indignations sélectives dès qu'il s'agit d'argent.


En définitive, oui, les arrêtés anti-burkini ne permettent pas de lutter contre le fondamentalisme et risquent de renforcer le repli communautaire, isolant encore plus les femmes subissant des pressions au lieu de les aider.

Ils constituent une discrimination supplémentaire à l'encontre des musulmanes de France, renforcent et légitiment une islamophobie peu à peu institutionnalisée.

Ils font partie d'une stratégie électoraliste à long terme et sont un leurre pour masquer l'absence de lutte véritable contre la progression du fondamentalisme en France, à commencer par l'argent du terrorisme, investi en toute impunité sur la Côte d'Azur avec l'aval des élus locaux.

mardi 16 août 2016

Le sens de l'engagement

Etre humaniste c'est penser qu'il y a en chacun de nous la même humanité et le droit à la même dignité.
Etre universaliste c'est penser que nous sommes tous égaux devant la loi sans distinction d'origine, de race, de religion ou de genre. Cette égalité de droit fonde la lutte contre toute forme de discrimination.
On peut ainsi être blanc et lutter contre le racisme, être athée et lutter contre l'islamophobie, être juif et lutter pour Gaza, être hétérosexuel et lutter contre l'homophobie et la transphobie, être un homme et se battre pour les droits des femmes, etc.
Respecter les droits fondamentaux ne veut pas dire être laxiste face au terrorisme. Cela veut dire préserver et défendre le modèle démocratique que le djihadisme combat, préserver et défendre les libertés que le djihadisme veut abolir, ne pas céder à la haine et au rejet de l’autre et refuser d’offrir nos divisions en victoire aux ennemis de la liberté.
Nous savons que nous irons à contre-courant, que nous serons minoritaires, mais nous garderons en nous la fierté et la force de ceux qui résistent et qui n'hurlent pas avec la meute. 
Nous garderons, chevillés au corps, envers et contre l'hystérie collective et la vindicte populaire attisées par les irresponsables, l'attachement et la défense des droits fondamentaux, de l'indispensable égalité et de l'impérative liberté.
Tel est notre chemin.