vendredi 23 septembre 2016

"Nos ancêtres les Gaulois", ou le retour de l'assimilationnisme xénophobe

Astérix chez les Pictes
La petite phrase de Nicolas Sarkozy, "Dès que l'on devient français, nos ancêtres sont gaulois", a fait couler beaucoup d'encre.

Indépendamment de son absence de réalité historique et outre la contradiction, chez l'ancien Président de la République, qui consiste à rappeler sans cesse les racines chrétiennes de la France pour soudain évoquer ses racines païennes, ce qu'il y a derrière cette phrase, c'est l'exigence d'assimilation d'une partie de la droite et désormais d'une partie de la gauche identitaire française.

Rappelons que l'assimilation c'est la perte de la culture d'origine pour un immigré. C'est la perte de toute culture jugée "différente" pour un français. 

L'intégration, c'est l'apprentissage de la langue, le respect du vivre ensemble, des lois et des valeurs de la République sans reniement de sa culture et de son identité personnelle. 

L'historien Yvan Gastaut a pointé les reculs successifs de la gauche sur l'intégration, "sacrifiée sous le mandat de François Hollande" et "quasiment prohibée du langage public". De "l'insertion" un temps utilisée à l'intégration, on passe à la "société inclusive" proposée par le rapport Tuot en 2013 puis à une absence de dénomination claire de la part du gouvernement pendant qu'un glissement progressif s'opère, même à gauche, vers une "assimilation" aux accents colonialistes.*

Alors que le débat des années 1980-1990 concernait l'intégration des personnes de nationalité étrangère arrivant en France, il porte désormais sur des personnes françaises, issus de familles françaises depuis trois à quatre générations.

Ce qui est alors désigné comme une culture étrangère à effacer pour être "pleinement" assimilé, c'est la pratique du culte musulman. Le philosophe Etienne Balibar explique que la "laïcité identitaire" tend à "l’assimilation des populations d’origine étrangère (ce qui veut dire en clair : coloniale et postcoloniale), toujours encore susceptibles, de par leurs croyances religieuses, de constituer un «corps étranger» au sein de la nation."**

Mais ne nous y trompons pas, l'assimilation sera l'un des enjeux majeurs de l'élection présidentielle. Elle vient parachever l'offensive identitaire sur la laïcité et est au cœur du projet de Nicolas Sarkozy. 

Et soyons très clairs : voir une partie de la gauche le rejoindre sur ce point est très inquiétant, car en réalité, même sous couvert d'adhésion à un prétendu "roman national", le discours assimilationniste n'est qu'une forme de racisme et de xénophobie.


* Yvan Gastaut "L'intégration, la fin d'un modèle ?", in Vers la guerre des identités ?, coll., 2016, La découverte.
** Etienne Balibar, "Laicité ou identité ?", Libération, 29.08.2016.

mardi 20 septembre 2016

Quand la Ville de Nice s'en prend à la vie associative

La Ville de Nice a récemment demandé à des associations utilisant la Maison des associations d'assurer à leurs frais la sécurité des participants à leurs événements par l'embauche d'un agent de sécurité d'une société privée agrée.*

La Maison des associations à Nice, comme bien d'autres structures équivalentes dans d'autres communes, a vocation à soutenir la vie associative locale. Mais, à travers la vie associative, c'est des citoyens dont il est question, de leur l'accès à la culture, à l'éducation populaire, à l'entraide, au vivre ensemble et à la citoyenneté. 
Or les citoyens payent déjà des impôts locaux dont une partie est destinée à leur sécurité et à la sécurisation des espaces et équipements publics (parcs et jardins, bibliothèques, piscines, salles municipales, etc).
Les associations de loi 1901 ont un but "non lucratif", ce qui veut dire qu'elles ne vivent que de leurs adhésions, des subventions publiques ou de la vente limitée de certains produits mais sans faire de "bénéfices" et sans rechercher de profits. 
Par ailleurs, l'accès aux salles de la Maison des associations à Nice, à la différence à d'autres villes, n'est pas gratuit. A titre d'exemple, la réservation de l'amphithéâtre place Garibaldi à Nice coûte déjà aux associations la modique somme de 150 € pour une simple conférence de 2h !
Si l'on suit la logique initiée par la Ville de Nice, cela voudrait dire que les associations devront bientôt payer, pour l'usage de toute salle municipale, un vigile pour la sécurité et pourquoi pas, demain, apporter leur propre poste de secours ou payer leur propre défibrillateur... Mais l'on sait pertinemment qu'un club de bridge, une association de lutte contre illettrisme ou une amicale d'anciens combattants ne pourront pas assumer de tels frais. 
La Ville de Nice cherche-t-elle à freiner la vie associative locale ? En quoi l'éducation populaire et la vie citoyenne inquiètent-elles le maire de Nice ?
Nice a été frappé par un terrible attentat le 14 juillet dernier, faisant 86 morts et plus de 400 blessés.
Les associations constituent un maillon essentiel du lien social et de la démocratie locale. Elles participent à l'indispensable effort collectif pour surmonter ce drame et favoriser l'unité et la solidarité qui font tant défaut dans la 5ème ville de France.
S'attaquer à la vie associative en lui imposant des contraintes financières qui relèvent de sa propre responsabilité est à l'évidence une faute qui témoigne d'une appréciation erronée de la situation. 
Gageons qu'il ne s'agisse que d'une maladresse qui sera rapidement corrigée et que nous n'en serons pas réduit, à Nice, à défendre à nouveau le droit de réunion et les plus élémentaires expressions de la vie démocratique locale.

lundi 12 septembre 2016

Pour des primaires de la gauche non socialiste

Une brève clarification sur les primaires à venir semble nécessaire. J'ai localement participé aux primaires de 2011 et je reste attaché à cette avancée démocratique majeure.
Pour autant, force est de reconnaître que nous ne sommes plus dans la configuration politique de 2011.
Le Parti Socialiste Français a renoncé au socialisme. C'est éminemment regrettable, mais c'est un fait : le soutien aveugle à la politique gouvernementale l'a suffisamment démontré et le dernier congrès du PS l'a entériné.
Les primaires organisées par le Parti Socialiste seront en réalités celles de la sociale-démocratie, voir du social-libéralisme, et non des primaires de gauche.
Si nous voulons des primaires à gauche, ce ne peut donc être que des primaires de la gauche non "socialiste" au sens partisan du terme.
Il serait en effet absurde, pour tout candidat jugeant le bilan de la politique menée par François Hollande comme "indéfendable", d'imaginer se ranger à ses côtés en cas de victoire de ce dernier.
Ces primaires mettraient en lice des "frondeurs" et ex ministres encore socialistes et des candidats issus des différents partis réellement de gauche s'ils le souhaitent (EELV, Ensemble!, PCF, PdG, NPA, Nouvelle Donne, LO, etc)
Seules des primaires de la gauche non socialiste permettraient d'éviter au maximum une démultiplication de candidats portant des valeurs et des projets très proches mais refusant de fusionner leurs candidatures pour des querelles de chapelles.
Seules des primaires de la gauche non socialiste permettraient, et c'est le plus important, de faire vivre le débat démocratique et d'apporter les solutions nouvelles dont notre pays a impérativement besoin.

samedi 10 septembre 2016

Réformer l’islam de France ou combattre le djihadisme français ?

La plupart des terroristes ayant commis ou tenté de commettre des attentats sur le sol français ces dernières années sont passés par l’école de la République, étaient suivi par les services sociaux et par le renseignement français, et ont été détenu dans les prisons françaises. Très peu fréquentaient assidûment les mosquées. Et que fait le gouvernement ? Il réforme l’islam de France…

On ne combat pas une organisation militaire, une idéologie totalitaire et des dérives sectaires en réformant une religion.

Le terrorisme moderne est un phénomène complexe et multifactoriel. Toute personne écrivant sur le sujet doit l’admettre et faire preuve d’humilité : aucune explication ne s’avère suffisante en soi, personne ne détient « la » solution parce qu’il n’existe pas « une » explication mais une concomitance de causes multiples et interdépendantes.

Combattre Daech impose de prendre en considération la dimension internationale du conflit, la responsabilité de la France par ses opérations militaires extérieures ainsi que les contradictions flagrantes de sa politique internationale. Combattre Daech impose également de prendre la mesure de la dimension nationale du conflit, l’importance du passé colonial non surmonté de la France, du déterminisme social qui joue à l’évidence dans le parcours de nombreux terroristes français. Combattre Daech implique enfin de prendre en considération les processus sectaire mis en œuvre par cette organisation et l’approche psychologique permettant de mieux appréhender certains passages à l’acte.


La réforme de l’islam de France annoncée par le gouvernement de Manuel Valls ne permet pas de lutter efficacement contre cette organisation et présente, au minimum, quatre points d’achoppements majeurs :

1. Elle est contraire au principe laïque de séparation des Eglises et de l’Etat

Jean-Pierre Chevènement devrait prochainement prendre la tête de la Fondation pour l’islam de France. Il a annoncé que cette fondation assurerait la formation profane des imams. Or cela revient, pour l’Etat, à intervenir dans le champ religieux, à prendre part à l’organisation de l’une des Eglises dont la loi de 1905 le séparait. La laïcité française implique une non-ingérence du religieux dans le domaine politique et, réciproquement, une non-ingérence du politique dans les affaires religieuses. Comme le résumait Victor Hugo en une formule limpide : « L’Eglise chez elle et l’Etat chez lui ». Or, avec la réforme de l’islam de France, l’Etat, précisément, ne reste pas « chez lui ».

Que le gouvernement commence par exercer pleinement et promptement la police du culte déjà prévue par la loi lorsqu’il y a trouble à l’ordre public et menace sur la sécurité civile, nous verrons ensuite s’il est légitime de s’immiscer dans la formation et le choix des représentants d’un culte, quel qu’il soit.

2. Elle officialise un travestissement de la laïcité qui deviendrait une arme de lutte contre le terrorisme

Quand bien même, comme certains le souhaitent, tout signe religieux serait interdit dans l'espace public, l'islam de France réformé et la laïcité devenue anti-religion, ce n'est pas ce qui arrêtera les attentats en France, bien au contraire.

Nous pouvons débattre à n’en plus finir du port de signes ostentatoires sur les plages, dans les universités ou même dans l’espace public dans sa globalité, cela ne fera que nous détourner un peu plus des réflexions et des actions à mener pour endiguer le terrorisme.

La laïcité doit être traitée pour elle-même et ne doit servir ni de compensation à notre frustration collective à ne pouvoir éradiquer la menace terroriste, ni de prétexte pour réaffirmer la prédominance d’une identité religieuse contre une autre en exaltant les racines chrétiennes de la France contre l’islam, ni de paravent à un racisme anti-arabe qui profite aujourd’hui de la peur des attentats pour se répandre en toute impunité.

3. Elle officialise un amalgame coupable entre islam et djihadisme

Réformer l’islam de France pour endiguer la « radicalisation » et lutter contre le terrorisme valide officiellement l’idée que le terrorisme nait de l’islam et que le combattre passe par une action à mener auprès des musulmans de France. Alors que les millions de français de confession musulmane démontrent au quotidien que la pratique de leur foi ne menace par la Nation, cette réforme acte un amalgame coupable entre islam et terrorisme.

Si les attentats sont revendiqués au nom d’une religion, l’entreprise terroriste islamiste participe de l’instrumentalisation politique d’une croyance. Or ce n’est pas la première fois qu’une religion révélée, envers et contre son texte saint, est instrumentalisée pour assoir une domination politique. Que l’on se souvienne de la Saint Barthélémy, des Croisades ou de la torture sous l’Inquisition…

Que l’Etat désigne publiquement aux français non musulmans les français musulmans comme liés au terrorisme est une faute politique majeure qui ne peut que concourir à les dresser les uns contre les autres, et à offrir en victoire à Daech la division de la société française.

4. Elle nous détourne de la véritable action à mener : comprendre et combattre le djihadisme français.

L’historien Jean-Pierre Filiu explique, dans une approche à contre-courant, que « Le tueur de Nice ne s’est pas « radicalisé » dans l’Islam, il s’est converti à la secte djihadiste. » (lire ici). Le juge Trevidic, lui, dès juin 2015, affirmait que « Le nombre de personnes atteintes de délire djihadiste est exponentiel. » Qu’elles « auraient été dangereuses dans tous les cas, avec ou sans djihad. (…) La religion n’est pas le moteur de ce mouvement et c’est ce qui en fait sa force. C’est pour cette même raison que placer la déradicalisation sous ce seul filtre ne pourra pas fonctionner. » (lire ici)

Il est bien loin le temps du terrorisme orchestré par l’Iran, le FIS et le GIA, où les bombes étaient posées sur le sol français par des combattants étrangers. La grande majorité des actes terroristes commis ou tentés d’être commis sur le sol français ont été réalisés par des français ou des personnes résidant en France depuis longtemps.  Le recrutement se passe en France. Nous sommes confrontés à un terrorisme endogène, à un djihadisme français. Tant que nous refuserons de l’admettre nous ne nous donnerons pas les moyens de trouver des solutions efficaces.

La réforme de l’islam de France est contraire au principe de séparation des Eglises et de l’Etat. Elle entretient l’idée fausse que repenser le rapport de l’Etat à la religion, et donc la laïcité, permet de lutter contre le terrorisme. Elle fait symboliquement porter une partie de la responsabilité du terrorisme qui nous frappe sur nos compatriotes de confession musulmane. Enfin, elle nous détourne du véritable combat à mener contre le djihadisme français.

Par l’annonce de cette réforme, le gouvernement fait diversion : il ne remet toujours pas en question sa politique étrangère mortifère et tente de masquer son absence cruelle de plan d’action global pour lutter contre le djihadisme français. 

mercredi 7 septembre 2016

Manuel Valls, Marianne, la bêtise et la xénophobie...

Nice Matin 04.09.2016 :


NB : Manuel Valls a déclaré, le 29.08.2016 : "Marianne, le symbole de la République, elle a le sein nu parce qu'elle nourrit le peuple, elle n'est pas voilée parce qu'elle est libre. C'est ça, la République".