dimanche 28 mai 2017

Demandeurs d'asile à Nice : la dangereuse stratégie de l'Etat

Le périple niçois des demandeurs d'asile venus avec Cédric Herrou le mercredi 24 mai 2017 est révélateur à bien des égards. Une stratégie dangereuse, en trois temps, a été sciemment mise en œuvre par les pouvoirs publics : le pourrissement, le défaussement et le harcèlement. L'État doit assumer ses responsabilités et ne pas laisser les citoyens gérer seuls cette crise humanitaire.

Le périple niçois des demandeurs d'asile venus avec Cédric Herrou mercredi 24 mai 2017 est révélateur à bien des égards.
Quand on arrive en ville...Quand on arrive en ville...
Ne pouvant gérer l'afflux de migrants arrivant chez lui, Cédric Herrou les a accompagnés à Nice afin qu'ils puissent enregistrer leur pré-demande d'asile et obtenir un rendez-vous dans une préfecture pour déposer leur demande d'asile.
Ces migrants viennent principalement du Soudan, du Tchad ou du Kenya et ont mis un an et demi à deux ans pour arriver en France.
Les pré-demandes sont délivrées à la Plateforme d'accueil des demandeurs d'asile (PADA), boulevard François Grosso à Nice, par l'association Forum Réfugiés habilitée par l'État.
Une vingtaine seulement de demandes pouvant être saisies mercredi, il a été demandé de revenir vendredi, après le pont de l'Ascension. 
Les 53 demandeurs d'asile non enregistrés se sont, dans l'attente, installés au parc Estienne d'Orves.
Une stratégie en trois temps a alors été sciemment mise en œuvre par les pouvoirs publics : le pourrissement, le défaussement et le harcèlement.
1. Le pourrissement
La Préfecture aurait très bien pu réquisitionner du personnel d'astreinte pour enregistrer l'ensemble des pré-demandes dans la journée de mercredi.
Au lieu de cela, elle a laissé les demandeurs d'asile dans l'attente jusqu'à la réouverture des bureaux, après le pont de l'Ascension, le vendredi matin.
Et si le personnel de l'association Forum Réfugiés ne s'était pas démené pour enregistrer les 53 demandeurs vendredi, il aurait fallu attendre le week-end et revenir le lundi suivant.
Le préfet des Alpes-Maritimes, continuellement informé, a donc délibérément choisi de laisser pourrir la situation.
2. Le défaussement 
La préfecture, la ville de Nice ou le département étaient en mesure d'ouvrir un gymnase, une école ou tout bâtiment public adéquat pour héberger les demandeurs d'asile et gérer humainement cette crise.
Au lieu de cela, les pouvoirs publics se sont entièrement défaussés sur les citoyens pour subvenir aux besoins des demandeurs d'asile. 
Ni eau, ni nourriture, ni hébergement n'ont à aucun moment été proposés.
C'est la seule générosité de particuliers et d'associations qui a permis de les accompagner durant ces trois jours passés à Nice, de les nourrir et de les héberger. 
3. Le harcèlement
Pire, les forces de l'ordre se sont livrées à un harcèlement continu durant deux jours.
Si le personnel policier n'est pas en cause, ne faisant qu'appliquer les consignes données, nous devons dénoncer ici très clairement cette ligne de conduite indigne, irresponsable et dangereuse.
Les demandeurs d'asile ont été expulsés du parc Estienne d'Orves. Nous nous sommes dirigés vers le palais préfectoral.
Les policiers nous ont barré la route, nous empêchant d'y accéder.
Nous nous sommes alors installés place du palais de justice. Les forces de l'ordre ont tenté de nous déloger de force et un demandeur d'asile a été blessé lors d'une chute, puis transporté à l'hôpital. 
Les migrants ont finalement dormi à même le sol, devant le palais de justice.
Le lendemain, après qu'a été négociée une installation dans un parc public, bd Franck Pilatte, cinq cars de CRS sont arrivés et il nous a été demandé d'évacuer.
L'alternative était claire : être déplacés de gré ou de force toutes les deux heures, ou accepter d'être cantonnés au Mont Boron !
Ce n'est que grâce à l'accueil du Secours catholique pour la journée, puis d'associations et de particuliers pour la nuit que nous avons échappé à une errance continue toutes les deux heures.
Le lendemain, les 53 demandeurs ont pu obtenir leur pré-demandes grâce au volontarisme et au professionnalisme du personnel de Forum Réfugiés. Mais ce n'est qu'une étape dans le long parcours administratif pour faire valoir leur droit à l'asile.
Remercions ici l'ensemble de cette belle chaîne de solidarité qui s'est mobilisée : Roya Citoyenne, le Secours catholique, Emmaüs, La Croix rouge, Un geste pour tous, Un toit pour toi, la FMS, Amnesty, la LDH, le MRAP, Tous citoyens... et j'en oublie forcément... Sans compter les citoyens solidaires venus spontanément aider, les uns accompagnant les migrants, quitte à veiller sur eux toute la nuit place du palais de justice, les autres faisant une soixantaine de sandwichs en 2 heures pour les ravitailler, tel particulier allant acheter savons et brosses à dents, tel autre apportant du thé... 
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À court terme et très concrètement :
- Les pré-demandes d'accueil enregistrées à Nice auraient pu l'être à Breil ou Menton, ce qui aurait évité ce périple. Si l'association Forum Réfugiés bénéficiait de moyens suffisants, une plateforme d'accueil des demandeurs d'asile itinérante pourrait tenir des permanences dans la Roya ou à Menton.
- Un Centre d'accueil et d'orientation doit être créé à Menton ou à Nice. 
L'État doit cesser de se défausser sur les citoyens et de les laisser gérer seuls cette crise humanitaire.
De façon plus globale, la France doit prouver qu'elle est toujours le pays des droits de l'homme en accueillant dignement les demandeurs.
Nous savons que le préfet ne prend pas seul ses décisions sur un dossier aussi médiatisé. Il est donc évident que le nouveau ministre de l'intérieur, le nouveau premier ministre, voire le nouveau président de la République suivent ce dossier.
Emmanuel Macron a déclaré à plusieurs reprises durant sa campagne que la France devait accueillir dignement les demandeurs d'asile. Il est temps de passer des promesses aux actes.
Demandeurs d'asile à Nice (priés de rester cachés) © bobpretendstobeblind
Nice : l'attente se poursuit pour les demandeurs d'asile © AZUR TV
Nice : la mobilisation se poursuit pour les demandeurs d'asile © AZUR TV

samedi 20 mai 2017

Ecosocialisme et humanisme

Les étiquettes ont volé en éclats. Les logos, bannières et drapeaux veulent dire bien peu de choses aujourd'hui. Qui est qui ? Qui pense quoi ? Qui fera ou ne fera pas ce pour quoi il a été élu ? De gauche ? De droite ? "Et de gauche et de droite" ? Et avides de gloire et avides de pouvoir ? Deux lignes de fond sous-tendent nos divergences profondes...

Les étiquettes ont volé en éclats. Les logos, bannières et drapeaux veulent dire bien peu de choses aujourd'hui. Qui est qui ? Qui pense quoi ? Qui fera ou ne fera pas ce pour quoi il a été élu ? De gauche ? De droite ? "Et de gauche et de droite" ? Et avides de gloire et avides de pouvoir ? 
Deux lignes de fond sous-tendent nos divergences profondes.
La première est une irrémédiable fracture entre ceux qui acceptent et ceux qui s'opposent au libéralisme économique sans frein, se traduisant par un capitalisme dérégulé, une recherche effrénée du profit, cupidité, avidité, démesure toujours plus excessive dans un processus morbide nous menant à notre propre perte à force de surconsommer toujours plus vite nos ressources fondamentales. Globalisation financière et marchande, néocolonialisme, délocalisations, pollutions, exploitation de la nature et de l'homme par l'homme, ce libéralisme-là est l'une des causes premières des crises sociales et des désastres environnementaux.
La seconde est une ligne de démarcation entre ceux qui renoncent et ceux qui refusent de transiger avec nos libertés et nos droits fondamentaux. Partout le repli identitaire, profitant de la menace terroriste et de la peur de la mort violente, reprend la marche sécuritaire du renoncement à certaines libertés sous prétexte de lutter contre ceux-là même qui cherchent à détruire nos libertés. Le différentialisme culturel, le retour de l'assimilationnisme xénophobe, la persistance de l'antisémitisme et le développement de l'islamophobie, le rejet de l'autre sous couvert de roman national, le rejet des migrants et la pénalisation de la solidarité, le populisme et la démagogie, le retour de l'ordre, de l'autorité, le culte du chef, tout cela forme un tout très tentant, se nourrissant des angoisses collectives et nous poussant à croire en une différence de nature entre "nous" et "eux", nous faisant oublier que, tous humains, nous ne faisons en réalité que nous autodétruire.
Refuser le libéralisme effréné et ses dégâts sociaux et environnementaux c'est poser une ligne idéologique basée à la fois sur une pensée de l'égalité sociale et sur une pensée écologique. Que l'on nomme cela écologie sociale, écologie politique, écosocialisme, cela importe peu. 
Combattre le repli identitaire et xénophobe c'est réaffirmer l'égale dignité des êtres humains, l'universalisme des droits et l'humanisme.
Nous pouvons nous perdre en d'interminables débats terminologiques, les bases sont là et s'imposent à nous. Écosocialisme et humanisme sont les deux facettes d'une même ligne de conduite qui doit nous guider dans les tourments de nos consciences politiques et les turpitudes du moment.

jeudi 11 mai 2017

Pour que les élus achèvent leur mandat et respectent les électeurs

Puisque certains considèrent que les mandats électifs sont interchangeables, affichent un mépris total des citoyens et font fi des engagements pris, voici deux propositions simples en vue de la moralisation de la vie publique.

Nous avons vu un candidat, et non des moindres, se faire élire à l'élection présidentielle et mettre en oeuvre une politique allant à l'encontre de ses engagements de campagne. Le dépit et le dégoût suscités chez les électeurs fut à la hauteur des espoirs levés et continuent à alimenter le rejet de l'ensemble de la classe politique.

Nous voyons désormais un candidat se faire élire à une élection municipale en promettant la mise en oeuvre d'un programme pendant toute la durée du mandat, puis partir un cours de route pour courir une autre élection, régionale celle-ci, en promettant là aussi la mise en oeuvre d'un programme pendant tout un mandat, pour finalement ne pas achever non plus ce second mandat et revenir au premier... 
Ce genre de pratiques retire toute crédibilité à la politique et donne raison aux abstentionnistes. Les mandats ne sont pas interchangeables et une candidature électorale est un engagement moral vis-à-vis des citoyens. 
Nous voyons également une candidate renoncer à son mandat pour convenance personnelle et familiale, sans justifier d'une situations exceptionnelles ou d'un cas de force majeure.
On ne peut prétendre servir l'intérêt général en bradant ses mandats et ses engagements au grès de ses envies.
Puisque le non cumul des mandats est contourné avant même son entrée en vigueur, puisque la proposition de révocation des élus est dans ce cas inopérante et puisque les élus en question ne semblent pas se sentir tenus par leur engagements moraux vis-à-vis des électeurs, je soumets deux propositions pour contribuer à la moralisation de la vie publique :
1. Qu'un élu qui n'a pas achevé son mandat de façon volontaire et sans justifier d'un cas de force majeure ou d'une situation exceptionnelle rembourse l'intégralité des indemnités perçues pour ce mandat.
2. Qu'un élu exerçant un mandat exécutif local ne puisse pas être candidat à un autre mandat exécutif local tant qu'il n'a pas achevé son mandat en cours s'il ne justifie pas d'un cas de force majeure ou d'une situation exceptionnelle.
J'ajoute, en tant que niçois, qu'il est intolérable de constater que Nice et les Niçois soient considérés comme de simples variables d'ajustement dans une carrière politique, quelle qu'elle soit. 

lundi 8 mai 2017

8 mai 2017, le jour d'après

Félicitons l'ensemble des citoyens qui ont empêché l'extrême droite d'accéder au pouvoir et notamment ceux qui sont passés outre leur opposition au candidat élu pour préserver la démocratie en France. Nous avons accompli notre devoir citoyen et nous pouvons en être fiers. Pour autant, de nombreuses questions se posent, comme autant de chantiers ouverts à traiter sans tabou ni faux-semblants...

En ce 8 mai mes pensées vont aux morts pour la France et la fin de l'oppression nazie. Mes pensées vont également aux morts de Sétif, de Guelma et de Kherrata.
En ce 8 mai 2017, au lendemain de la défaire de Marine Le Pen à l'élection présidentielle, félicitons l'ensemble des citoyens qui ont empêché l'extrême droite d'accéder au pouvoir, et notamment ceux qui sont passés outre leur opposition au candidat élu pour préserver la démocratie en France. 
Nous avons accompli notre devoir citoyen et nous pouvons en être fiers.
De très nombreuses questions se posent désormais à nous, comme autant de chantiers ouverts que nous devons affronter sans tabou et sans faux semblants : la fabrique surréaliste d'un président totalement inconnu du grand public quatre ans auparavant ; l'inaptitude crasse de la gauche à se rassembler, le poids des egos et la guerre des appareils qui nous ont directement mené à la possibilité du pire ; la progression d'une abstention militante et la non prise en compte totalement irresponsable du vote blanc ; le choix de onze millions d'électeurs de voter pour un parti xénophobe, 73 ans après la chute du régime de Vichy...
Nous avons élu Emmanuel Macron par devoir, tout en sachant que nous devrons combattre sa politique. Nous devons maintenant faire preuve de la plus grande vigilance, d'une opposition de combat, ferme et constructive, tant sur nos acquis sociaux que sur l'exercice du pouvoir et le maintien des contre-pouvoirs démocratiques, sans pour autant tomber dans l'opposition systématique et stérile qui a fait tant de mal à la politique par le passé.
A l'heure où les étiquettes et les familles politiques ont volé en éclat devant la cupidité, l'avidité du pouvoir et les ambitions personnelles, à l'heure où triomphe en France, sur "le vieux continent", un libéralisme intégral doublé d'un capitalisme aveugle, la composition de l'Assemblée Nationale s'avère plus que jamais déterminante pour ce nouveau quinquennat. L'échec du rassemblement de la gauche et des écologistes à la présidentielle démontre l'impérative nécessité d'une convergence pour les législatives et la présence d'une seule candidature réellement de gauche par circonscription.
Le temps de la refondation a sonné pour la gauche et pour l'écologie politique. Elle passera, plus largement, par la réappropriation de nos idéaux de solidarité, d'égalité, de tolérance et d'humanisme. Elle passera immanquablement, nous le savons, par l'action citoyenne, libre, responsable, vivante et perpétuellement revivifiante.