jeudi 8 décembre 2016

Délit de solidarité : la réponse du Préfet Leclerc, le déshonneur de l'Etat

Entre soutien politique à Eric Ciotti et tentative pour influencer les juges dans les affaires de délits de solidarité en cours, le nouveau Préfet des Alpes-Maritimes signe un texte polémique, méprisant et insultant. Il s'en prend à l'historien Yvan Gastaut et s'avère inapte à comprendre les actions citoyennes d'entraide, de solidarité et d'humanisme qui font pourtant honneur à notre pays.

Un préfet incarne l'Etat et doit faire preuve, en toutes circonstances, de sang froid, de discernement et de hauteur de vue. Le nouveau Préfet des Alpes-Maritimes, Georges-François Leclerc, fraîchement arrivé dans notre département, n'échappe pas à la règle. 
Il vient pourtant de prendre la plume dans Nice Matin, pour signer une violente diatribe en réponse à une tribune libre de l'historien Yvan Gastaut, publiée dans le même quotidien local (voir les deux textes en fin d'article). Le Maître de conférences niçois y dressait l'historique de la longue tradition de solidarité dans la Vallée de la Roya jusqu'aux gestes d'humanité récents des citoyens venant au secours de réfugiés ayant passé la frontière italienne. 
La réponse du Préfet est celle d'un homme impatient et imprécis, visiblement excédé, sortant de la neutralité de l'Etat pour alimenter une polémique aux arrières plans politiques évidents. Il vole au secours du Président du Conseil Départemental, Eric Ciotti, en assurant que ce dernier respecte bien ses obligations légales et prend en charge les mineurs isolés, niant ainsi l'évidence que tous constatent sur place. Mais, plus grave encore, prétextant  une réponse à l'historien, il porte la position de l'Etat sur la place publique et tente ainsi d'influencer les juges dont les délibérés sont attendus début janvier dans les procès de deux citoyens désobeisseurs, Cédric Herrou et Pierre Alain Mannoni (lire ici).
Passons rapidement sur le ton méprisant, l'outrance et les inexactitudes du propos : non, Monsieur le Préfet, l'analyse de l'historien, qu'elle vous plaise ou non, ce n'est pas "n'importe quoi". Non, Monsieur le Préfet, ce n'est pas parce que l'on décrit une réalité que vous ne voulez pas admettre qu'il y a "imposture" ou "injure". Non, Monsieur le Préfet, critiquer les règles de droit injustes que vous défendez ne veut pas dire manquer de respect ou dénigrer les fonctionnaires qui les appliquent. Non, Monsieur le Préfet, lorsqu'il agit par humanité et quand bien même cette humanité le pousse à la désobéissance, cela ne veut pas forcément dire que le citoyen est "manipulé". Non, Monsieur le Préfet, la solidarité n'est pas un délit, quand bien même elle montre au grand jour votre propre inaction et vos propres carences.
Car s'il y a des désobeisseurs dans la vallée de la Roya et plus généralement dans les Alpes-Maritimes, c'est avant tout pour pallier à l'inaptitude de l'Etat à faire face à la crise humanitaire majeure à laquelle nous sommes confrontés. De simples citoyens agissent là où l'Etat ne fait rien. Ils secourent d'autres être humains en périls, des personnes ayant fui des pays en guerre, traversé une partie du Sahara, la méditerranée, l'Italie, la frontière italo-française par les chemins de montagne et errent sur les routes, démunis, en ce début d'hivers.
Une jeune réfugiée a été blessée cette semaine en tentant de traverser l'autoroute pour passer la frontière. Trois personnes ont déjà trouvé la mort dans des circonstances similaires. Combien faudra-t-il de drames pour que vous réagissiez enfin, Monsieur le Préfet, au lieu de vous perdre en vaines polémiques ? L'exemple de Calais ne vous a-t-il donc rien appris ?
Et dire que ces actes de secours, envers et par delà des lois iniques, nous rappellent les actes des "Justes parmi les Nations" ne veut pas dire que l'on compare l'incomparable, que la République française soit assimilée au Régime de Vichy, ni que l'Italie d'aujourd'hui soit semblable à celle de Mussolini. Bien évidemment les désobeisseurs d'aujourd'hui risquent des amendes et quelques mois de prison quand les "Justes" d'hier risquaient la déportation et la mort. Mais le geste d'humanité de ces citoyens qui bravent l'interdit pour secourir ceux qui sont en danger, quand bien même le contexte est différent et les risques encourus sont moindres, est au fond de même nature.
Ces gestes d'humanité, Monsieur le Préfet, faits par de simples citoyens, sont l'essence même de notre grande Nation qu'est la France, terre de liberté et de fraternité. Ils perpétuent cette tradition de solidarité dont nous sommes fiers. Ils font battre le coeur de cette si belle République dont, par votre dogmatisme et votre mépris, vous faites aujourd'hui le déshonneur.
L'article d'Yvan Gastaut (Nice Matin, 29.11.2016) :
La réponse du Préfet Leclerc (Nice Matin, 07.12.2016) :

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