mercredi 13 décembre 2017

Antisémitisme, Twitter, Finkielkraut

"On appelle les collabos juifs des kapos et David Nakache en est un" ; "Tu écris comme un gauchiste, comme une merde donc" ; "Le coallahbo David Nakache devrait faire son Aliah" ; "J'en peux plus des gauchiasses" ; "islamogauchos même en Israël ils ne veulent pas de toi" ; ... Bref, il ne fait pas bon critiquer Alain Finkielkraut sur Twitter.

Le lundi 11 décembre au soir, j'ai lancé une pétition afin qu'Alain Finkielkraut soit destitué de l'Académie Française. Cette pétition a déjà récolté plus 13 000 signatures (lire et signer ici) et j'ai subi dans le même temps, sur Twitter, un déluge d'insultes dont un bon nombre à caractère clairement antisémite.

Comment réagir ? Quels enseignements tirer de cette profusion de haine ? 

Revenons tout d'abord sur cette pétition...

Pétition pour la destitution d'Alain Finkielkraut de l'Académie Française :

On peut être contre cette pétition parce que l'on défend les idées portées par Alain Finkielkraut. 

On peut y être opposé parce que, quand bien même on n'approuve pas les propos de l'intellectuel, on pense que l'exclusion n'est pas la solution. 

Pour ma part je pense qu'Alain Finkielkraut, qui a déjà repris à son compte la thématique du "grand remplacement", en opérant une catégorisation des citoyens entre français "de souche" et "non-souchien" contribue à promouvoir les thèses d'extrême droite. Et le fait qu'il le fasse en sa qualité d'académicien alimente la banalisation et la normalisation de ces thèses.

En clair, on peut tenir des propos xénophobes dans tous les grands médias et y être toujours présenté comme membre de l'Académie Française, comme si, en France, nous honorions ceux qui propagent la discrimination et la haine.

Et je précise que cette pétition ne porte pas atteinte à la liberté d'expression : que M. Finkielkraut s'exprime, mais pas en tant qu'académicien.

Cette pétition appelle deux grands débats qui ne pourront être traités et tranchés ici : 

- Qu'est-ce que l'extrême droite ? Selon quels critères peut-on déterminer que nous sommes face à une pensée d'extrême droite ?

- Comment lutter contre elle ? Doit-on pour cela aller jusqu'à interdire ou exclure, puisque le racisme n'est pas une opinion mais un délit ?

Riposte laïque a, par ailleurs, lancé une contre pétition citant la mienne pour s'y opposer, ce qui montre à quel point le rôle de caution intellectuelle joué par Alain Finkielkraut pour ces mouvements est important.

Mais, quoiqu'il en soit de ces débats, rien ne justifie ni l'insulte ni l’antisémitisme.

Un antisémitisme tenace :

Le premier constat est la vivacité de l'antisémitisme. On entend chaque années le décompte des actes antisémites. On se fait parfois insulter quand on porte un nom juif (lire ici). Mais ce déferlement là, vulgaire, bête, avilissant, me rappelle brutalement à la réalité :

Illustration 1
Illustration 2

Pourtant, j'avais déjà du porter plainte suite à un tweet antisémite en janvier :

Illustration 3

Je n'avais pas subi un tel déluge quand je m'étais opposé à l'opération Defend Europe des Identitaires. Il a suffi cette fois d'un échange sur Twitter avec Philippe Vardon, ancien identitaire devenu leader du Front National local, pour alerter la fachosphère :

Illustration 4

Il est significatif de voir qui défend Alain Finkielkraut et les thèses qu'il promeut. Mais ne nous méprenons pas : il est très probable que l'auteur de L'identité malheureuse ne sache pas lui-même qui le défend. Et l'on peut se demander s'il a conscience ou non d'alimenter par ses écrits et ses prises de positions des militants aux propos violents et même parfois aux actes violents.

La radicalisation de la droite dite républicaine, la banalisation et la normalisation de la xénophobie et ici la virulence et la violence des attaques antisémites, bien au-delà de mon cas personnel, doivent nous conforter, plus que jamais, dans notre combat contre la promotion et la diffusion des idées d'extrême droite, où qu'elles soient, d'où qu'elles viennent. 

Mise à jour du 28.12.2017 :

La pétition pour la destitution d'Alain Finkielkraut de l'Académie Française a rassemblée 16 409 signatures à ce jour. Celle pour son maintien, soutenue par Boulevard Voltaire et Riposte Laïque, 8 447. Au-delà des batailles de chiffres, quelles leçons tirer de cette polémique et surtout de la violence qu'elle a libérée ?

Les attaques les plus violentes à mon encontre, sur Twitter et Facebook, viennent de personnes juives défendant Alain Finkielkraut et me reprochant d'être un "mauvais juif", un "traître", un "renégat" ou un "kapo" car je serais "islamo-gauchiste". Il ne s'agit donc pas d'un antisémitisme classique mais, en réalité, d'un anti-non-sémitisme juif, voir sioniste.

Au-delà de ma personne, cette violence révèle à quel point l'islamophobie de Finkielkraut sert de ciment entre la haine d'extrême droite "traditionnelle" française et celle des sionistes, toutes deux tournées contre les musulmans ou les personnes supposées musulmanes.

Bref, la figure d'Alain Finkielkraut, paré de ses beaux habits d'académicien et des ors de la République, caution intellectuelle d'une islamophobie délirante, devient le triste symbole de la convergence des haines.