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dimanche 7 avril 2024

« En finir avec la corruption à Nice »

 

« En finir avec la corruption à Nice »

 

Lorsque, durant la campagne des élections municipales 2020, j’ai déclaré « Il faut en finir avec la corruption à Nice », Christian Estrosi, se sentant directement visé, m’a attaqué en justice pour diffamation. Il a fallu deux ans de procédure pour que je sois définitivement relaxé. Sujet tabou ! Quiconque dénonce la corruption à Nice peut se retrouver soi-même sur le banc des accusés…

En réalité, il faut lever le tabou de la corruption, reconnaitre l’étendue du problème et se donner les moyens de lutter efficacement contre ce phénomène. La lutte contre la corruption doit devenir une priorité de l’action publique locale.

Depuis plusieurs décennies les affaires de corruption se multiplient. A Nice, les années 1990 ont été marquées par les condamnations, la fuite en Uruguay puis l’arrestation de Jacques Médecin à la suite d’un mandat d’arrêt international (délit d’ingérence, détournement de fonds, abus de biens sociaux…). Les années 2000 ont été rythmées par l’affaire Vialatte (détournement de fonds), la condamnation du juge Renard (violation du secret professionnel) puis celle du groupe Thalès (corruption active dans l’affaire de la ligne 1 du tramway). Mais Nice n’est pas la seule où la corruption sévit : rien qu’en Provence Alpes-Côte d’Azur, l’affaire Guerini, dont la condamnation vient d’être définitivement confirmée, a profondément marqué Marseille. Rappelons la condamnation en première instance et l’inéligibilité du maire de Toulon, Hubert Falco, ou celle de l’ancien maire de Cannes, Bernard Brochand, etc.

Il y a actuellement au moins dix « affaires majeures » concernant la Métropole Nice Côte d'Azur, de natures bien différentes mais toutes liée à l'action publique locale :

- Tempête Alex : enquête pour escroquerie en bande organisée, détournement de fonds publics, faux et usage de faux, blanchiment en bande organisée, prise illégale d’intérêts et recel, donnant lieu à des perquisitions, des gardes à vues et des saisies.

- Projets immobiliers « Iconic » et « Avant-Scène » : enquête pour trafic d’influence, escroquerie en bande organisée, abus de bien sociaux, faux et usage de faux, avec perquisitions dans les locaux de la Métropole. L’Avant-Scène, construit face à la nouvelle gare Saint Augustin, dans une zone longtemps classée inondable, s’est enfoncé de 16 cm dans le sol.

- GIP Grand Prix de Formule 1 : soupçons d’irrégularités comptables avec 32 millions de dettes à la clef. Par ailleurs Christian Estrosi, président du GIP, a fait voter une subvention par la Métropole de Nice de 12 millions d’euros alors que le Grand prix se déroulait… dans le Var.

- Emplois fictifs : soupçons d’emplois fictifs au centre départemental de gestion des Alpes-Maritimes, à la suite d’un rapport de la cour des comptes de 2020.

- Déchets : détournement de déchets vers l’Espagne

- Détournements de fonds publics : plusieurs enquêtes visant des frais de bouches et des voyages du maire de Nice à Abu Dhabi, en Chine, etc.

- Loi SRU : concussion au détriment de l’État au sujet du non-respect de la loi SRU. L’enquête vise l’ancien préfet qui aurait dû faire payer des pénalités à la Ville de Nice qui ne produit pas assez de logements sociaux.

- Laura Tenoudji-Estrosi : enquête pour prise illégale d’intérêts concernant le Nice Climate Summit et l’Eurovision Junior.

- Richard Orlinski : le procureur a été saisi concernant des cadeaux de l’artiste au maire de Nice alors que la Ville de Nice a passé pour 170 000 € de commande publique avec lui.

- Attentat de Nice : Christian Estrosi est témoin assisté dans l’information judiciaire sur la sécurisation de la promenade des Anglais le soir de l'attentat du 14 juillet 2016, procédure dont le chefs d'accusation est désormais « homicides et blessures involontaires ». Ce second procès est indispensable pour comprendre ce qui s’est réellement passé et ne pas reproduire les mêmes erreurs.

Par ailleurs Eric Ciotti, député et ancien président du Conseil Départemental des Alpes-Maritimes, est lui aussi sous le coup, depuis 2020, d'une enquête pour détournement de fonds publics. Il est également impliqué, depuis 2023, dans une enquête concernant des emplois fictifs dont aurait bénéficiée son ex épouse, Caroline Magne. 

Il faut, dans chacune de ces affaires, respecter la présomption d’innocence et attendre la fin des procédures. Mais cette accumulation d’enquêtes judiciaires en cours interroge.

L’affaire de la tempête Alex est significative. On entend souvent parler de détournements de fonds ou de délits d’initiés. Les gens se disent : « ils sont tous pourris. » Mais là il ne s’agit pas que de finance, il s’agit de vies humaines : la tempête Alex, en octobre 2020, a fait 11 décès et 8 disparus. Le passage de la tempête Aline en octobre 2023, a démontré que les structures de reconstruction en dur avaient tenues mais que les structures provisoires avaient été emportées. Si la tempête Aline avait été plus forte il y aurait vraisemblablement eu de nouveaux décès. L’enquête porte sur des travaux de reconstruction financés par la Métropole de Nice mais non réalisés ou réalisés partiellement. On estime le préjudice financier à plus de 8 millions d’euros. En question, à nouveau, le suivi et l’application des marchés publics de la Métropole niçoise. L’information judiciaire menée par le parquet de Marseille a donné lieu à 21 arrestations, des mises en garde à vue, dont celles de chefs d’entreprises du BTP, du Directeur de Cabinet et du Directeur Général des Services et de la Présidente de la Commission d’Appels d’Offres de la Métropole. 6,5 millions d’euros ont été saisis sur des comptes bancaires et 640 000 € de biens en nature (voitures de luxe) ont été saisis. Un rapport mettant en cause la gestion du dossier par la Métropole a été diffusé. Le Directeur Général des Services Techniques a lui aussi été entendu. L’enquête établira les responsabilités de chacun des protagonistes. Au niveau de la Métropole, trois niveaux de responsabilités sont possibles :
  • Les services et les élus n’ont rien vu (défaillance ? défaut de compétence ? manque de moyens dédiés au suivi des marchés ?)
  • Ils ont laissé faire (complicité)
  • Ils ont participé (culpabilité directe).
Ce qui est frappant c’est que malgré la multiplication des affaires et des enquêtes judiciaires en cours, malgré les perquisitions à répétition, le placement en gardes à vues d’une élue et des plus hauts responsables de la Métropole, malgré la gravité des sujets en jeu (tempête Alex, attentat de Nice, etc.), la lutte contre la corruption n’est toujours pas devenue un enjeu majeur du débat public local.

Face à la corruption à Nice, que faire ?

A minima, quelques pistes :

1. Lever les tabous et faire de la lutte contre la corruption une priorité de l’action publique locale.

2. Rétablir de l’éthique en politique : la ville de Nice doit cesser d’honorer, célébrer ou attribuer des noms de rues à des personnalités ayant été condamnées pour des faits liés à la corruption (Jacques Médecin, Charles Pasqua, Jacques Chirac…).

3. Respecter et tenir compte des décisions de justice : le maire, officier de police judiciaire, ne peut déclarer choisir délibérément de ne pas appliquer un jugement s’imposant à lui (sens de la circulation au port) ou nommer comme responsable de la police municipale un homme condamné en première instance pour violences policières (nomination de Rabah Souchi).

4. Imposer un minimum de probité aux élus. Des mesures fermes doivent être prises et être suivies d’effet dans la durée. Une charte éthique contraignante ou un règlement intérieur doivent être imposés pour que tout élu condamné pour un délit d’atteinte à la probité dans l’exercice de ses fonctions se voit retirer ses délégations et ne bénéficie pas d’un « reclassement opportun » dans une administration connexe. Au titre du principe de précaution, tout élu mis en examen pour de tels faits doit être suspendu. De même toute entreprise privée ayant fait l’objet de condamnation ou étant sous le coup d’une procédure en cours ne doit pas pouvoir bénéficier de la commande publique.

5. Garantir la transparence de toutes les procédures : usage des fonds publics, subventions, passation et suivi des marchés publics, procédures d’attribution des logements sociaux, des places de crèches ou des places en Ehpad municipal, etc. Le clientélisme est le début de la corruption et il faut tout faire pour en limiter au maximum le développement.

6. Mettre fin à la frénésie de projets lancés à la va vite dans une surenchère communicationnelle permanente. Les services administratifs n’ont pas le temps de mettre en œuvre correctement un projet que plusieurs sont déjà lancés en urgence, la communication prenant le pas sur la faisabilité technique. L’obsession de l’attractivité permanente rend impossible une modernisation raisonnée et un aménagement progressif d’un territoire. Or, très souvent, c’est dans le suivi des marchés publics et dans la mise en œuvre effective des projets que se nichent les faits de corruption.

7. Lutter contre le poids des lobbys : des mesures phares qui pourraient améliorer la vie des habitants de la Métropole, comme l’encadrement des loyers, sont bloquées par des lobbys à qui l’on donne trop d’importance. Le politique cède face aux pressions économiques et perd le sens de l’intérêt général.

8. Une véritable prise de conscience citoyenne : les citoyennes et les citoyens ne peuvent continuer à élire (ou laisser élire en s’abstenant) des personnes présentant des signes forts de manque d’éthique. La démocratie, le gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple, implique et nécessite, pour être effective, une responsabilité citoyenne. Il revient aux citoyennes et aux citoyens d’imposer aux politiques des pratiques dignes et éthiques. Si certains profitent et abusent du système, c’est aussi parce qu’on les laisse faire.

lundi 20 novembre 2023

Statue de Jeanne d'Arc - Il était une fois un maire...


Statue de Jeanne d'Arc - Il était une fois un maire...


Il était une fois un maire provocateur qui s'ennuyait un peu.

Nous étions dans le sud de la France, en 2023, en plein conflit israélo-palestinien. Il avait bien affiché un soutien inconditionnel au gouvernement de Netanyahu en tentant de caricaturer toute défense de la paix en apologie du terrorisme et tout défenseur des droits de l'Homme en antisémite, mais ça ne l'amusait plus vraiment.

Il avait bien essayé de monter en épingle des prétendus phénomènes de prières musulmanes dans les écoles, mais il avait été vite démasqué.

Il avait bien, depuis déjà de longues années, détourné la laïcité en islamophobie tout en paradant, en tant que maire, à chaque messe ou procession catholique possible. Il avait même trouvé le prétexte d’une ancienne tradition pour remettre le destin de sa ville dans les mains de la vierge Marie et il allait renouveler ce Vœu, chaque année, en tant que maire, dans une église ! Mais ses opposants s'étaient lassés de dénoncer cette atteinte flagrante à la laïcité et non, vraiment, maintenant, il s'ennuyait ferme.

Alors il s'était souvenu de sa joie enfantine quand il avait fait payer par sa ville une statue du pape Jean Paul II. Ah la belle polémique ! La belle empoignade ! Les micros tendus, les bons mots et les plateaux télé...

Alors un jour il se lança. C'était en conseil municipal, le 7 novembre, et il avait bien préparé son coup. Il trépignait d'impatience, vous savez, comme ces petits enfants cachés derrière la porte qui attendent de pouvoir faire peur à la personne qui va entrer. Il avait fait voter une délibération sur la laïcité et il savait que ses opposants de gauche seraient obligés de lui rappeler que lui-même manquait de neutralité et participait régulièrement à des offices catholiques en qualité de maire. Et là, triomphant, savourant en le dévoilant son nouveau coup d'éclat, dans un élan aussi superbe que puéril, il annonça la truculente et absurde nouvelle : il allait faire ériger une statue de sainte Jeanne d'Arc sur un parking-jardin en face d'une église éponyme ! Une énorme statue pour une sainte ! Une statue qui allait coûter très très cher aux contribuables qui, pour beaucoup d'entre eux, n'arrivaient plus à se nourrir ni à se soigner ! Une statue commandée à un collectif d'artistes d'extrême droite ! Ah la belle polémique ! La gauche abasourdie ! L'extrême droite ravie et en même temps décontenancée devant un si beau cadeau sans même avoir à le demander ! Tous les petits fascistes de la ville, tous les petits nazillons de la région allaient pouvoir faire les fiers et déposer des gerbes devant leur idole !

Et ce maire goguenard qui défie en plein conseil les possibles opposants à ce projet : "On va vous donner du fil à retordre..."

Mais, depuis son coup d'éclat, bien peu d'émoi. A croire que les défenseurs de la laïcité, lassés de ses provocations permanentes, ne l'écoutaient même plus. A croire que s'autoproclamer défenseur de la laïcité tout en lui portant atteinte, s'autoproclamer rempart contre l'extrême droite tout en lui faisant des cadeaux, ça ne faisait plus recette. En fait, ça faisait même très très 20ème siècle...

Reste le dilemme existentiel des défenseurs de la laïcité : que faire ? Des communiqués de presse indignés devant tant d'indignité ? Oui, bien sûr. Mais, en attendant, un peu d'humour pourra peut-être empêcher que ce maire provocateur ne nous emporte complètement dans ses vaines provocations.

 

mardi 14 novembre 2023

Normalisation de l'extrême droite niçoise

 

Normalisation de l'extrême droite niçoise 



La marche contre l'antisémitisme du dimanche 12 novembre 2023 a été l'objet, en France, d'une instrumentalisation politicienne : loin de sa juste cause, elle a servi à normaliser les extrêmes droites françaises.

A Paris, Elisabeth Borne, première ministre, a défilé avec ceux qu'elle qualifiait quelques mois plus tôt "héritiers de Pétain". L'ensemble de la classe politique du centre et de la droite a ainsi adoubé Marine Le Pen, Jordan Bardella, Éric Zemmour et Marion Maréchal, lavant officiellement l'extrême droite de son passé.

Rappelons que lorsque nous luttons contre l'antisémitisme nous luttons contre toute forme de discrimination et de racisme. S'associer à des forces politiques qui refusent d'accepter l'égalité entre tous les êtres humains est incompatible avec la lutte contre l'antisémitisme.

A Nice, la querelle entre Christian Estrosi et Eric Ciotti passant pour eux avant la lutte contre l'antisémitisme, il y a eu deux rassemblements. Dans chacun des deux rassemblements, Philippe Vardon fut présent et intégré parmi les élus, achevant ainsi le long processus de normalisation de l'extrême droite la plus radicale.

Philippe Vardon, conseiller municipal et métropolitain niçois, a participé dans sa jeunesse a un concert entouré de jeunes faisant le salut hitlérien, chantant des chansons du groupe Fraction Hexagone ou "Zyclon Army" d'Evil Skins. Il est passé par le Bloc identitaire, Nissa Rebela, Unité radicale, le MNR de Bruno Mégret, le RN de Marine Le Pen et est désormais membre de Reconquête d'Eric Zemmour. Il incarne une frange politique de l'extrême droite française la plus radicale ayant accédé au statut d'élu.

Christian Estrosi l'a qualifié en 2017 "d'héritier de Goebbels" mais ne cesse depuis de trouver avec lui des convergences au conseil municipal et au conseil métropolitain. Ils étaient présents ensemble dimanche 12 novembre. Christian Estrosi y a déclaré : "La haine a changé de visage mais elle n'a pas changé de victimes". Or si l'antisémitisme est aujourd'hui alimenté à la fois par l'extrême droite française et par les mouvements djihadistes, le maire de Nice fait volontairement comme si l'extrême droite n'était plus une menace pour les français de confession juive.

Comme à Paris, l'extrême droite est désormais officiellement normalisée. Mais, à Nice, la confusion est encore accrue car les prises de positions d'Eric Ciotti et Christian Estrosi sont souvent très proches de celles de l'extrême droite.

Eric Ciotti reprend à son compte des thèses classiques d'extrêmes droite comme le retour au droit du sang. Il pousse l'ensemble de sa famille politique, sur la question migratoire et sur l'intégration des personnes de nationalité étrangère, sur des positions souvent plus extrêmes que celles du RN. Il utilise la question du referendum de façon populiste pour dresser les français contre les étrangers et fracturer la société française. Au Département des Alpes-Maritimes il n'a eu de cesse de stigmatiser les bénéficiaires du RSA et les mineurs isolés étrangers. Il glorifie l'ordre, l'uniforme et le culte de l'autorité. Il n'y a aujourd'hui plus aucun moyen objectif de différencier un discours ou un projet de loi d'Eric Ciotti de ceux de l'extrême droite.

Christian Estrosi se place dans la filiation de Jacques Médecin qui se déclarait lui même d'accord à 99% avec les idées du FN. Il a intégré dans on équipe municipale et métropolitaine Gael Nofri, ancien directeur de campagne de Jean Marie Le Pen aux élections européennes de 2014. Il tient régulièrement des propos hostiles aux étrangers, aux Roms et aux musulmans (l'islam et la démocratie seraient "incompatibles" ; donner le droit de vote aux étrangers reviendrait à donner le droit de vote à "ceux qui haïssent la France" ; il déclare vouloir "mater" les Roms et a proposé sa méthode à tous les maires de France ; etc.). Il mène une politique du tout sécuritaire à outrance et du contrôle permanent des personnes. Il pratique une ségrégation urbaine en repoussant sans cesse le désenclavement du quartier de l'Ariane, en stigmatisant les pauvres et en organisant la traque des migrants. Il est bien difficile aujourd'hui de différencier la gestion de Nice par Christian Estrosi de la gestion par l'extrême droite des villes où elle est majoritaire.

De nombreux opposants politiques comme certains journalistes ont d'abord qualifié la ligne politique incarnée par Christian Estrosi et Eric Ciotti de "droite radicale" puis de "droite extrême". Ils ne savent plus vraiment quel qualificatif employer aujourd'hui. Certains vont jusqu'à penser que, de Christian Estrosi à Eric Ciotti et d'Eric Ciotti à Philippe Vardon, nous sommes désormais confrontés à Nice à un continuum gradué de droites extrêmes ou d'extrêmes droites.

Cette normalisation de l'extrême droite niçoise est grave et lourde de conséquences. Il revient désormais à Christian Estrosi et Eric Ciotti de dire et de démontrer publiquement ce qui les différencie encore de ceux avec qui ils s'associent.

vendredi 10 novembre 2023

Asile – immigration : un projet de société profondément xénophobe


Asile – immigration : un projet de société profondément xénophobe


La loi asile immigration actuellement en débat au Sénat est bien plus qu’un projet de loi, c’est un projet de société. Et c’est, précisément, le projet d’une société dans laquelle nous ne voulons pas vivre.

Quiconque est attaché aux principes humanistes et aux valeurs républicaines ne peut accepter un tel projet.

1. Aide Médicale d’Etat : la haine jusqu’à la déraison !

Le débat sans fin sur l’Aide Médicale d’Etat est symptomatique d’une xénophobie ambiante poussant à la déraison collective. La suppression de l’Aide Médicale d’Etat ou sa réduction aux cas les plus graves sous la forme d’une Aide Médicale d’Urgence est une absurdité à trois niveaux :

I. Nous avons un devoir de soin et d’humanité envers toute personne malade se trouvant sur notre territoire. On ne peut pas refuser de soigner un enfant ou un adulte malade simplement parce qu’il n’est pas français. Cela constituerait une discrimination dans l’accès aux soins qui n’est pas acceptable.

II. Nos soignants ont une obligation de soins. Limiter d’Aide Médicale d’Etat revient à leur demander de renoncer au serment d’Hippocrate et à leur déontologie médicale.

III. Nous devons garantir la santé publique. Ne pas soigner les patients en provenance de pays où circulent des maladies qui pourraient s’avérer contagieuses en France est tout simplement irresponsable. Supprimer ou limiter l’Aide Médicale d’Etat c’est mettre en péril la santé publique et prendre, par pur rejet des étrangers, le risque de contamination de la population en France.
Les sénateurs « Les Républicains » et la majorité gouvernementale ont acté la réduction de l’Aide Médicale d’Etat en Aide Médicale d’Urgence, quand bien même le risque sanitaire a été clairement exposé lors des débats.

2. Métiers en tension : des travailleurs jetables ?

Le projet de loi présenté initialement par le gouvernement opère un changement de paradigme majeur : l’obtention d’un titre de séjour ne dépend plus en premier lieu de la situation de la personne mais relève d’abord des besoins économiques du pays d’accueil, la France. Cette bascule est une vieille rengaine de la droite française, « l’immigration choisie » défendue par Nicolas Sarkozy, sur le modèle américain ou australien. En effet, il s’agit de n’accepter que les personnes apportant une plus-value économique ou répondant à un besoin de main d’œuvre spécifique et ponctuel du pays d’accueil. Les intérêts économiques d’un pays passent alors avant les droits des personnes.

Ainsi on pourrait, avec ce texte, régulariser pour un an renouvelable une personne qui travaille dans un secteur économique en « tension », c’est-à-dire qui a besoin de salariés, puis, quand ce secteur sera moins « tendu », on refusera tout simplement de renouveler le titre de séjour du salarié. Et, comme on facilite la délivrance des Obligations de Quitter le Territoire et leur exécution, tout salarié étranger dont le secteur d’activité n’est plus en tension pourra se retrouver soudain sous le coup d’une expulsion. Un travailleur en situation régulière se retrouverait dans l’illégalité sans avoir rien fait de mal, simplement parce qu’il a la malchance que son secteur d’activité aille mieux.

Cela revient ni plus ni moins à créer un réservoir de main d’œuvre à disposition, des travailleurs taillables et corvéables à merci. La France créerait ainsi des milliers de travailleurs jetables et expulsables, tout simplement parce qu’ils ne sont pas français.

Les sénateurs « Les Républicains » ont pourtant trouvé que ce texte était trop favorable aux étrangers car ils pouvaient prétendre de « plein droit », tant que leur métier était « en tension », à un titre de séjour d’un an renouvelable. Ils ont donc négocié avec la majorité gouvernementale un accord pour que l’octroi de ce titre de séjour dépende du bon vouloir du préfet et de son fameux « pouvoir discrétionnaire ».

3. Limitation des recours, augmentation des expulsions : la fin de l’état de droit ?

Le projet de loi tend à faciliter les expulsions par différents moyens, notamment en limitant le regroupement familial ou en imposer des critères de maitrise de la langue française mais sans proposer dans le même temps des dispositifs d’apprentissage suffisants. Il généralise également la double peine qui constitue une entrave au principe d’égalité devant la loi : une personne ayant purgée sa peine n’a pas à subir une seconde sanction qu’est l’expulsion vers son pays d’origine.

L’un des aspects les plus dangereux de ce texte est la généralisation des expulsions sur le fondement de la « menace à l’ordre public » que représenterait un ressortissant étranger quand bien même il n’aurait pas fait l’objet d’une condamnation. Cette notion de « menace à l’ordre public » étant juridiquement très floue, ce dispositif laisse une place trop importante à l’arbitraire et aux pressions politiques. En effet, la délivrance d’une Obligation de Quitter le Territoire Français (OQTF) est une décision administrative du préfet et la justice n’intervient qu’en cas de recours. Or les délais et les conditions de recours sont eux aussi drastiquement réduits ce qui entrave la reconnaissance des droits des personnes étrangères.

Rappelons qu’il ne suffit pas de dire que tout justiciable a le droit de faire une demande ou de déposer un recours, il faut garantir des conditions matérielles d’existence durant l’examen des demandes et des recours.

Les sénateurs ont encore durci le texte en supprimant les protections empêchant les expulsions et en renvoyant systématiquement au pouvoir discrétionnaire du préfet. Gérald Darmanin, lors des débats, s’est défendu de tout manquement à l’état de droit en rappelant sans cesse que le juge pouvait être saisi. Or tous savent que très peu d’exilé-es ont la possibilité matérielle d’exercer leur droit de recours. Et l’expérience nous montre que quand bien même de nombreuses décisions de justice viennent contredire une pratique préfectorale, cette pratique demeure, faisant quantité de nouvelles victimes qui ne peuvent matériellement pas saisir la justice.

4. De quoi ce projet est-il le nom ?
- Refuser de soigner un malade simplement parce qu’il est étranger et risquer de mettre en péril la santé publique en France.

- Créer des travailleurs jetables que l’on peut régulariser tant que nous avons besoin d’eux puis les expulser ensuite.

- Exiger un niveau de français suffisant sans créer les conditions d’apprentissage nécessaires.

- Proclamer des droits de recours tout en retirant aux justiciables la possibilité de les exercer.

- Expulser systématiquement sous couvert de « menace à l’ordre public » tout en sachant que cette notion est juridiquement mal définie. 
- S’en remettre systématiquement au « pouvoir discrétionnaire » du préfet, véritable porte ouverte à tous les arbitraires, notamment si les préfets obéissaient demain à une extrême droite qui aurait accédé au pouvoir.

- Faire croire que l’on respecte l’état de droit parce que la justice peut être saisie alors que tous savent que très peu d’exilé-es sous le coup d’une OQTF ont la possibilité matérielle de contester cette décision en saisissant le tribunal administratif.
Ces mesures emblématiques du projet de loi asile immigration sont à l’évidence discriminatoires : discrimination entre les travailleurs, discrimination entre les malades et discrimination entre les justiciables.

Comment nommer ces discriminations ? Comment qualifier ce projet de loi ?

Il s’agit là d’une vision d’ensemble de la société qui est profondément xénophobe. La peur et l’hostilité envers les étrangers viennent fracturer le principe d’égalité républicaine : rupture d’égalité devant la loi, rupture d’égalité au regard du droit au travail, rupture d’égalité dans l’accès aux soins. Cette xénophobie institutionnalisée va à l’encontre des principes éthiques et de la déontologie médicale. Elle va à l’encontre de l’état de droit en renonçant au principe d’égalité devant la loi et en favorisant systématiquement l’arbitraire des décisions administratives. Elle va à l’encontre de la séparation des pouvoirs et du contrôle du pouvoir exécutif par le pouvoir judiciaire en réduisant sans cesse le champ d’intervention de la justice.

Nous devons tout faire pour lutter contre ce projet xénophobe, porter une vision inclusive de la société, respectueuse des droits fondamentaux des personnes, des valeurs républicaines et humanistes, et favoriser l’accueil, la protection et l’intégration des personnes exilées.

samedi 26 août 2023

Val d'Oise - Alpes-Maritimes : expulser et punir


Val d'Oise - Alpes-Maritimes : expulser et punir



Nous assistons à une forme d'injonction générale à la sévérité à l'encontre des jeunes ayant participé aux émeutes de l'été 2023 suite au décès de Nahel. 

Il ne faut cependant pas céder à la vindicte et mettre en péril deux droits fondamentaux : le droit au logement et la protection de l'enfance.

Le Préfet du Val d'Oise a annoncé l'engagement de 29 expulsions locatives concernant des jeunes ayant participé aux émeutes. La première expulsion a eu lieu le 23 août 2023.

Ces expulsions font écho au dispositif mis en œuvre par Côte d'Azur Habitat dans les Alpes-Maritimes qui a instauré un règlement intérieur permettant l'expulsion de tous les habitants d'un logement dont l'un des occupants a été condamné ou fait l'objet de poursuite judiciaires, quelle que soit la nature des condamnations ou poursuites.

En expulsant de leur logement social un jeune "émeutier" ou un jeune délinquant et tous les membres de sa famille, on impose une double peine : une sanction sociale collective en plus de la sanction pénale individuelle déjà prononcée.

De par cette sanction sociale collective des enfants peuvent se retrouver à la rue parce que leur grand frère a participé aux émeutes. Il y a là une atteinte évidente au droit au logement et à la protection de l'enfance.

Nous sommes en train de transformer un outil social, le logement social, en outil de répression.
 
Aucun bailleur social n'a mentionné, dans les critères d'obtention d'un logement social, le mérite. Et pourtant, les décisions prises par le Préfet du Val d'Oise, dans la foulée du dispositif déjà mis en œuvre à Nice, imposent le mérite comme critère sous jacent pour conserver son logement.

Le président de Côte d'Azur Habitat, Anthony Borré, n'a pas hésité à déclarer qu'il n'accorderait pas de logement à ceux "qui ne le méritent pas", allant jusqu'aux pires amalgames en annonçant "pas de logement social pour les ennemis de la République".
 
C'est la porte ouverte à toutes les dérives et tous les arbitraires. Si on écoute certains, toute personne ayant été condamnée ne devrait pas avoir de logement social. A la sanction pénale il faudrait systématiquement ajouter une sanction sociale, souvent collective et donc fondamentalement injuste.

Quid des détenus qui ont purgé leur peine ? Quid de la réinsertion sociale pour éviter la récidive ?

Il faut adopter une vision plus large et ne pas alimenter la vindicte punitive. Si l'on veut que les auteurs de délits ou de crimes ne récidivent pas, il faut favoriser leur réinsertion sociale et cela passe en premier lieu par le logement. 

Si l'on veut que les institutions soient respectées il faut appliquer des décisions justes et légitimes : on ne peut punir une personne pour des actes qu'elle n'a pas commis. On ne peut ainsi sanctionner des enfants pour les actes de leurs frères, sœurs ou parents.

L'anathème lancé sur les parents présupposés "irresponsables" ne tient compte ni de la réalité sociale dans laquelle vivent ces familles ni de la responsabilité individuelle de chacun.

Le logement social est le dernier filet de sécurité qui permet d'avoir un toit à ceux qui ne peuvent pas accéder au parc privé. Expulser une famille de son logement social c'est la condamner aux squats, à la rue, ou les livrer aux marchands de sommeil.

Pour protéger le droit au logement de la vindicte punitive, il faut couper le cordon entre le politique et le logement social. Attribuer la présidence de bailleurs sociaux à des élus accentue deux risquent majeurs : le clientélisme et le dévoiement du logement social en outil répressif.

Protégeons le droit au logement, défendons la protection de l'enfance. Ne cédons pas à l'injonction selon laquelle pour punir, il faut expulser. 


mercredi 5 juillet 2023

Mères isolées en cités

 

Mères isolées en cités


On entend un discours paternaliste et xénophobe expliquer dans les médias qu'il faut responsabiliser les parents et qu'il faut couper les allocations familiales des familles dont l'un des enfants a participé à des pillages, ajouter une sanction sociale à la condamnation judiciaire... Bref, culpabiliser et punir. 

Je vais, en réponse, vous parler de Djamila, dont j'ai bien sûr changé le prénom. Djamila m'a contacté sur les réseaux sociaux l'an dernier car elle avait vu que notre association "Tous citoyens" aidait les personnes vulnérables. 

Djamila était mariée, deux enfants et vivait rue Lépante à Nice. Son mari était devenu alcoolique et violent. Pour se protéger et protéger ses enfants elle l'a quitté. Depuis sa séparation son univers social s'est effondré. Passé le temps de l'entraide d'une partie de sa famille et des amis, passé un hébergement social temporaire du 115, Djamila a demandé un logement social, dûment accompagnée par des travailleurs sociaux.

Le motif de son appel à l'aide était simple : si elle refusait trois propositions de logements sociaux, sa demande était radiée. "Est-ce que c'est normal ? Ils ont le droit de faire ça ? Vous pouvez m'aider ?"
Côte d'Azur Habitat, principal bailleur social à Nice, lui a proposé un logement social à Pasteur, quartier défavorisé. Lors de la visite, Djamila a vu les traces de moisissures lavées à la javel sur les murs et le plafond de la chambre des enfants, l'odeur d'humidité et les traces de champignons tout autour de la salle de bain. Elle a refusé ce logement et le bailleur social lui en a proposé un second aux Moulins, autre quartier défavorisé de Nice : boîtes aux lettres défoncées, caves "occupées" par les jeunes de l'immeuble et inaccessibles aux locataires, etc. Après ce second refus la dame de Côte d'Azur Habitat a expliqué à Djamila que la troisième proposition serait la dernière, qu'elle avait "bien de la chance" qu'on lui fasse encore une proposition et que dans sa situation elle devait "protéger ses enfants en leur mettant un toit sur la tête". Dernière proposition : l'Ariane nord, autre quartier sensible à Nice.

J'étais là. J'étais là au moment où la vie de Djamila et de ses enfants a basculé. J'ai vu quelque chose se briser dans son regard. Accepter de se résigner. Accepter un si sombre destin. Personne ne veut vivre dans une cité. Personne ne veut y élever ses enfants. Je n'ai pu que confirmer la règle injuste des trois propositions et l'orienter vers une association spécialisée dans le logement social pour tenter de trouver une autre solution. 

Combien de femmes payent ainsi leur isolement et leur indépendance ? Il y avait dans la famille de Djamila, des oncles et tantes qui pensaient qu'elle aurait dû rester avec son mari, que c'est normal qu'un mari "corrige" sa femme. Il y avait son père pour qui une femme divorcée est un "déshonneur" dans la famille.

Les mères isolées cumulent très souvent plusieurs emplois précaires et élèvent seules leurs enfants. Piégées par le manque de revenus elles ne peuvent plus s'extraire des citées et trouver un logement privé qui leur soit accessible. Piégées par un univers violent, l'emprise de la délinquance et de la drogue sur les quartiers, elles voient leurs enfants leur échapper alors qu'elles font tout pour les protéger.

Je n'ai plus de nouvelles de Djamila. Depuis le début de la révolte des banlieues suite à l'homicide du jeune Nahel, je pense à elle. Son fils aîné a-t-il participé aux émeutes ? A-t-elle pu l'en empêcher malgré son travail de nuit ?

Djamila et ses enfants sont désormais pris dans cette "fabrique des violences" que j'ai déjà décrite ici.

Je tiens à rendre hommage à toutes ces mères isolées qui luttent pour leurs enfants et qui payent si cher le prix de leur indépendance.

dimanche 2 juillet 2023

La fabrique des violences

 

La fabrique des violences

 

Nous assistons à une escalade de violences à la suite de l'homicide du jeune Nahel, tué par un policier à bout portant lors d'un refus d'obtempérer, le 27 juin 2023, à Nanterre. Des émeutes ont eu lieu, des dégradations ont été commises, jusqu'à l'attaque du domicile du maire de l'Haÿ-Les-Roses.

1. Nahel

L'homicide du jeune Nahel, 17 ans, a provoqué une indignation nationale légitime. Comme lors de l'homicide du jeune Zyed pendant un refus d'obtempérer, en septembre dernier à Nice, les images filmées sont venues démentir la version des policiers. On constate, depuis la modification législative de 2017 sur l'usage des armes à feu par la police, une augmentation significative des décès lors de refus d'obtempérer. La police française commet plus d'homicides que celles des pays voisins et, au sein des forces de l'ordre françaises, la police commet plus d'homicides que la gendarmerie. Pour autant, aucune annonce gouvernementale ou présidentielle n'a été faite sur l'absolue nécessité de réformer l'usage des armes à feu par la police (article L435-1 du Code de sécurité intérieure) ni de réformer la formation des policiers. Le déni demeure.

2. Le dévoiement de la police

On ne peut effectuer de généralisation sur l'ensemble de la police. La très grande majorité des fonctionnaires de police effectuent leur travail avec une déontologie exemplaire malgré des conditions de travail toujours plus dégradées. Pour autant, la multiplication des violences policières est un fait que personne ne peut nier. La police qui doit rassurer inspire aujourd'hui, pour une très grande partie de la population, plus de crainte que de confiance. La police qui doit garantir l’état de droit devient elle-même un vecteur de discriminations. Le lien entre les citoyens et les forces de l'ordre est rompu.

Certains pensent que les exactions commises sont le fait de policiers individuels sans que cela ne remette en question l’institution. L'ONU pointe, à l’inverse, un problème structurel de racisme dans la police française. Posons la question de l’évolution des missions confiées à la police et des moyens qui lui sont donnés pour les mettre en œuvre.  

Le rôle de la police française a été progressivement dévoyé, détourné de ses missions de protection pour devenir un outil de seule répression. La politique de prévention a été délaissée et la police de proximité a été supprimée. Le message continu envoyé par plusieurs ministres de l’intérieur (Sarkozy, Valls, Darmanin) est un message caricatural de fermeté. Emmanuel Macron et ses gouvernements successifs ont organisé, de manière totalement irresponsable, une systématisation de la répression policière des mouvements sociaux : gilets jaunes, mouvement contre la réforme des retraites, Z.A.D. et mouvements écologistes. L'usage des LBD et de la technique de la nasse, pourtant abandonnés par de nombreux pays voisins, est maintenu. Des violences graves et des mutilations ont eu lieu de façon répétée sans que des consignes claires ne soient données. Ces pratiques sont indignes d’une police républicaine. La répression organisée, visant très fréquemment les jeunes, a pris sous le macronisme des proportions alarmantes.

Emmanuel Macron a, de plus, alimenté un sentiment d'impunité des forces de l'ordre dès l'affaire Benala : qu'un proche du chef de l'État commette des violences policières et soit protégé par le chef de l'État lui-même constitue une violence symbolique inouïe.

Notre histoire collective est marquée par des cas récurrents de violences policières : Zyed Benna et Bouna Traoré, morts électrocutés dans un transformateur EDF en tentant d’échapper à un contrôle d’identité ; Adama Traoré et Cédric Chouviat, morts par asphyxie à la suite de plaquages ventraux ; Gaye Camara, tué par un tir de policier ; Zineb Redhouane, tuée par le tir d’un gaz lacrymogène à la fenêtre de son appartement ; etc.

Nous devons nous donner les moyens de réformer la police et son fonctionnement, et et de repenser sa fonction même, afin de réduire au maximum ses dérives et ses exactions et de la rendre plus efficiente. 

Malgré les multiples alertes sur les dysfonctionnements structurels de la police française, y compris venant d’organisations internationales, aucune annonce gouvernementale ou présidentielle n'a été faite laissant espérer une action de fond pour réformer la police.

3. La neutralisation de toute opposition démocratique

Le macronisme n'a laissé aucune chance ni à l'action démocratique ni à la protestation sociale. Emmanuel Macron et sa majorité, par leur blocage systématique de l'action parlementaire de l'opposition, ont réussi à imprégner dans le pays l'idée que la démocratie représentative ne peut plus avoir d'impact sur eux. Dans le même temps, en ne donnant aucun débouché aux contestations sociales (gilets jaunes, mouvement contre les retraites, Z.A.D, etc.), ils ont voulu démontrer que les mouvements sociaux n'avaient, eux aussi, plus aucun effet sur eux.

Le revers de la médaille de l'exercice autoritaire du pouvoir est connu : on donne le sentiment au peuple que, puisque tout forme d'opposition démocratique est, par avance, inutile, seules les solutions extrêmes et l’action violente permettent de se faire entendre. Ainsi progressent, en parallèle, l'extrême droite et les tensions urbaines. Le pouvoir autoritaire s'aveugle et refuse de comprendre qu'écraser ses adversaires modérés et toute tentative d’opposition démocratique renforce les extrêmes et pousse à la radicalité. 

A cela s'ajoute un trait propre à l'exercice du pouvoir par Emmanuel Macron : le mépris. Ceux qui ne sont « rien », les « illettrés », ceux qui n’ont qu’à « traverser la rue » pour trouver un travail, ceux qui coûtent à la France « un pognon de dingue », ceux qui « se plaignent » et sont « réfractaires au changement », ceux qui ont perdu « le sens de l’effort », ceux qu'il veut "emmerder", les "factieux"... le chef de l'Etat n'a eu de cesse, depuis son accession au pouvoir, d'étaler un insupportable mépris et une condescendance insultante. Sa manière d'exercer et d'incarner le pouvoir ne peut qu'alimenter la colère, la rancœur et les réactions violentes. 

4. Inflation, covid et ghettoïsation

En refusant idéologiquement de protéger réellement les français de l'inflation et en refusant de mener une politique sociale ambitieuse, le macronisme plonge l'ensemble des classes moyennes et des personnes pauvres dans une spirale de privation et de précarisation accrue. L'impact psychologique du manque, de l'amoncèlement des difficultés sans espoir d'une vie meilleure, doublé du sentiment d'être confrontés à un pouvoir sourd aux revendications légitimes, génère un désarroi collectif profond. 

Cette inflation a, de plus, été précédée par la crise du Covid. La gestion sécuritaire de la pandémie et l'impact du confinement sans que les promesses du "jour d'après" ne soient tenues ont joué un rôle déterminant dans la crise actuelle. Alors que le pays sortait du Covid et subissait un climat anxiogène avec la guerre en Ukraine, alors que l'urgence écologique créé une anxiété structurelle forte, notamment chez les jeunes, Emmanuel Macron a imposé un bras de fer au pays sur la réforme des retraites et a déployé une répression policière des manifestants, mettant encore les forces de l'ordre en première ligne.

La crise du Covid a accentué les inégalités sociales et a été vécue comme un traumatisme plus fort encore dans les quartiers difficiles et les "cités". L'absence de politique ambitieuse de lutte contre la ghettoïsation depuis l’abandon du plan Borloo constitue une faute politique majeure. 

Au constat d’abandon des quartiers s’ajoute un sentiment d’injustice et de discrimination dont on ne mesure pas les effets. Chaque contrôle au faciès est vécu comme une humiliation. La répétition des contrôles d’identité provoque une rupture d’égalité et une colère sourde qui ne demande qu’à exploser.  Le dévoiement de la police républicaine transforme la jeunesse des quartiers en bombe à retardement.

Quel espoir est-il donné aux habitants de ces quartiers ? Qu'est-il permis d'espérer à la jeunesse de nos cités ? 

5. Les violences urbaines

Les violences urbaines sont destructrices et n'apportent aucune solution. Elles accentuent le fossé qui isole les populations ghettoïsées. Une forme nouvelle de violences voit le jour avec des attaques ciblées sur des élus, jusqu'à l'attaque à la voiture bélier de la maison du maire de l'Haÿ-Les-Roses, Vincent Jembrun.

S’il faut bien évidemment garantir la protection des personnes et des biens, instaurer des couvre-feux, une surveillance par hélicoptères et drones, un déploiement de forces de l'ordre ou un énième état d'urgence, comme en 2005, sans qu’aucune politique structurelle ambitieuse ne soit ensuite mise en œuvre ne résoudra pas les difficultés actuelles.

Lorsque l'on grandit dans un monde clôt, déclassé, oppressant et violent et que l'on se révolte, la première chose que l'on tente de détruire est cet environnement immédiat que l'on ne supporte plus. Oui, les premières victimes des violences urbaines sont les habitants des quartiers difficiles eux-mêmes. Mais s'offusquer de ce que les jeunes subissant depuis leur naissance une ghettoïsation sans espoir tentent de casser et de brûler le ghetto qui les enferme, c'est refuser de voir l'impact de la ghettoïsation. S'étonner que des jeunes en échec scolaire, qui se sentent rejetés par le système éducatif et qui vivent ce rejet comme une blessure profonde s'en prennent aux écoles, c'est refuser de prendre en compte les effets sociaux de l'échec scolaire. S'étonner que les personnes subissant une pauvreté et une précarité endémiques se livrent à des pillages c'est refuser de prendre en compte les effets de la privation, du manque, et de la frustration collective accentués par la crise sociale. 

La violence appelle la violence et les pouvoirs publics doivent trouver l'issue pour en sortir.

6. Comment sortir de la spirale de violences ?

Les droites extrêmes et les extrêmes droites françaises et leurs relais médiatiques attisent les tensions et poussent l'exécutif à toujours plus de répression, mais là n’est pas la solution.

Les causes profondes des maux évoqués ici sont bien antérieures à l'arrivée aux responsabilités d'Emmanuel Macron. Pour autant, l'action du chef de l'Etat, de sa majorité et de ses gouvernements successifs ont favorisé l'escalade des violences.

S'il a justement rappelé que "rien ne justifie la mort d'un jeune" à la suite du décès de Nahel, le chef de l'Etat doit désormais prendre la parole :

- Sortir du déni sur les violences policières : refonte du cadre légal de l'usage des armes à feu et abrogation de la loi Cazeneuve de 2017 (article 435-1 du code de la sécurité intérieur), interdiction des LBD et de la technique de la nasse, interdiction des techniques d’immobilisations létales (plaquage ventral, clé d’étranglement), fin des contrôles au faciès, instauration d’un récépissé de contrôle d’identité, dépaysement systématique des enquêtes lors de cas de violences policières, remplacement de l’IGPN par une autorité indépendante et pluridisciplinaire, etc.

- Repenser le rôle et le fonctionnement des forces de l’ordre : redéfinition des missions, augmentation des moyens et amélioration des conditions de travail, réforme de la formation des policiers, clarification de l'organisation et de la répartition des différentes forces de l'ordre en France, du statut des polices municipales et du rôle des sociétés privées de sécurité, restauration de la police de proximité, etc.

- Réponse sociale forte et immédiate face à l'inflation : blocage des prix des produits de première nécessité et blocage des loyers, mise en œuvre d’une véritable politique de justice sociale et de répartition des richesses.

- Déployer une politique d'envergure contre la ghettoïsation des banlieues : repenser la mixité sociale, oser la réconciliation nationale, poser comme objectif la restauration de l’égalité républicaine et la fin des discriminations, réactiver le plan Borloo, donner une priorité nationale à la rénovation urbaine, au logement et à l’habitat, en finir avec la ségrégation urbaine et désenclaver prioritairement les quartiers sensibles, renforcer l’école et les services publics, améliorer les conditions de vie quotidienne dans les quartiers difficiles, etc.

Il faut redonner des perspectives à la jeunesse du pays et lui offrir, enfin, des raisons d'espérer.

 

vendredi 2 juin 2023

"Reconquête" à Nice, la convergence des haines


"Reconquête" à Nice, la convergence des haines


Le mouvement d'Eric Zemmour, "Reconquête", organisait une "fête de la droite" square Durandy à Nice le 2 juin 2023 avec Philippe Vardon et Marion Maréchal en vedettes. A l'initiative du Comité Antifasciste 06, plus d'une trentaine de partenaires associatifs, syndicaux et politiques, dont l'association Tous citoyens et le rassemblement citoyen Viva, ont organisé un contre événement solidaire et fraternel, place Garibaldi. Il est important de mettre des mots sur ce à quoi nous sommes désormais confrontés.

Eric Zemmour, président du mouvement "Reconquête" a été condamné à trois reprises pour provocation à la haine raciale et religieuse. Reconquête est donc un mouvement mené par un délinquant multirécidiviste qui, les décisions de justice l'attestent, porte une parole raciste.

Reconquête est le parti qui promeut en France la théorie du "grand remplacement". Cette doctrine complotiste est totalement démentie par les faits : en 2021 le solde migratoire en France est de + 140 000 personnes à peine sur 67 millions d'habitants, et la population augmente seulement de + 0,3%. C'est une doctrine violente qui appelle à la "remigration" forcée des personnes étrangères. De nombreux attentats ont été commis par des suprémacistes blancs spécifiquement au nom du grand remplacement :
- Pittsburgh aux Etats Unis en octobre 2018 : 11 juifs tués devant une synagogue
- Christchurch en Nouvelle Zélande mars 2019 : 51 musulmans tués devant deux mosquées
- Buffalo aux Etats Unis en mai 2022 : 10 personnes majoritairement afro-américaines abattues dans un supermarchés
Les leaders de Reconquête font la promotion cette thèse en France, sans aucun discernement, sur tous les plateaux télé, sans se soucier de savoir si leur discours ne va pas pousser un plus extrémiste qu'eux à passer à l'acte.

Les campagnes menées par Reconquête libèrent la parole raciste, sexiste et homophobe dans le pays et incitent à la haine de l'autre. Les partis d'extrême droite institutionalisés désignent des cibles aux groupuscules d'activistes violents. On l'a vu avec le maire de Saint Brévin dont les véhicules et la maison ont été incendiés parce qu'il avait accepté que la préfecture ouvre un centre d'accueil pour réfugiés dans sa commune. Lorsque Philippe Vardon ou Alexandra Masson vont manifester devant un gymnase à Menton ou des hôtel meublés réquisitionnés pour l'accueil de mineurs isolés étrangers, ils désignent des cibles aux groupuscules d'ultra droite et rendent possible des actions violentes.

Si nous combattons Reconquête, qui est la formation politique la plus extrême et la plus radicalisée du panel politique actuel, nous combattons plus largement les idées d'extrêmes droites qui se propagent dans l'ensemble de la société via les médias et internet. Elles sont reprises par un arc de formations politiques ultralibéral et profondément xénophobe. Les thèses du retour au droit du sang, de la préférence nationale, de la déchéance de nationalité, de l'invasion, du grand remplacement ou de la remigration sont repris sous différentes formes et se diffusent de façon complètement banalisée. Pire, une partie du monde intellectuel et littéraire défend ouvertement des idées discriminatoires et fournit une matrice et une caution intellectuelle à l'extrême droite : Houellebecq, Onfray, Finkielkraut, Renaud Camus, etc. relayés sur une fascosphère très active sur les réseaux sociaux. Le rejet de l'autre, la xénophobie et le racisme sont leur ciment commun.

Le Président de la République reprend lui même le terme de "décivilisation" et c'est bien là une de leurs  caractéristiques communes : la défense d'une "civilisation" fantasmée qu'ils décrètent en danger, celle de l'homme blanc hétérosexuel, capitaliste et chrétien. Et cela se traduit par un dénigrement et un déclassement systématique de l'autre, de l'étranger. La diffusion et la banalisation des idées d'extrême droite est présente dès la première loi asile immigration de Macron avec Gérard Collomb. Elle est à l'œuvre dans chaque paragraphe de la loi sur le séparatisme. Elle transpire dans l'ensemble du travail législatif de la macronie. Elle est également à l'œuvre dans les pressions exercées sur la presse et sur les associations, dans le musèlement de l'action parlementaire, et, bien sûr, dans la répression des mouvements sociaux et les violences policières. On ne combat l'extrême droite en adoptant son langage, ses idées, et ses méthodes.

Du côté des LR, nous sommes à un point de bascule, celui d'un parti auto proclamé "les Républicains" qui passe publiquement à l'extrême droite. Quand des nationalistes veulent attaquer les droits de l'Homme dans leur pays ils doivent au préalable s'affranchir des accords et traités internationaux qui les en empêchent. C'est très précisément le sens de la réforme constitutionnelle et de la loi immigration proposées par Éric Ciotti. Ce projet va plus loin, sur plusieurs aspects, que celui du RN. La prise de contrôle des Républicains par Eric Ciotti est un tournant : Eric Ciotti, c'est le "républicain" qui est plus extrême que l'extrême droite elle-même.

Le RN de Marine Le Pen poursuit, lui, son travail de dédiabolisation, de normalisation et d'institutionnalisation, plaçant des élus à toutes les instances. Mais ce n'est pas parce qu'un parti d'extrême droite s'institutionalise qu'il n'en n'est pas moins dangereux, bien au contraire ! Après avoir été trois fois présent au second tour de l'élection présidentielle le RN est en mesure de faire basculer la France sous un gouvernement d'extrême droite, tout comme la Hongrie, la Pologne, la Suède et bien sûr l'Italie. Il se dessine ainsi une internationale fasciste très inquiétante. Quand Elisabeth Borne dit que le RN est "héritier de Pétain", Macron la recadre, alors qu'elle a historiquement raison : le RN est ici dédouané par le Président de la République lui-même.

Renaissance, LR, RN et Reconquête ont également en commun un ultralibéralisme économique et financier qui accroit les inégalités sociales. Par l'alliance du libéralisme économique et de la xénophobie ils cherchent à défaire toute possibilité de lien social et de vie commune. Ils détournent la colère des plus pauvres en désignant l'étranger comme bouc émissaire. Si l'extrême droite est souvent plébiscitée dans des territoires en difficultés c'est précisément en attisant les peurs et les ressentiments.

Marion Maréchal a expliqué, à Nice, vouloir faire des Alpes-Maritimes le "vaisseau amiral de la reconquête". Elle a réexpliqué sa volonté d'unir les droites sur la ligne idéologique de Reconquête. Or ce n'est pas un hasard si les leaders de Reconquête ou si Eric Ciotti ciblent Nice comme objectif politique. Nice est un laboratoire de ce continuum droites - extrêmes droites depuis de longues décennies : Jacques Médecin se disait d'accord à 99% avec le FN et a jumelé Nice avec le Cap en Afrique du Sud en plein apartheid. Jacques Peyrat, pro Algérie française, a opportunément rendu sa carte du FN pour prendre la ville. Christian Estrosi s'en prend régulièrement aux Roms, aux musulmans et aux SDF, pratique la ségrégation urbaine et transforme Nice en une zone techno surveillée à outrance. Et les leaders de Reconquête viennent ici festoyer, dans notre ville, et continuent de s'y implanter : nous ne laisserons pas faire. 

Nous ne laisserons pas Nice devenir un bastion xénophobe.  Nous ne laisserons pas Nice devenir le point de convergence des haines.

lundi 1 mai 2023

Métropole Nice Côte d'Azur : une politique climaticide ?

La Métropole Nice Côte d'Azur a pris successivement plusieurs décisions climaticides, c'est-à-dire des choix politiques qui participent au dérèglement climatique. Ces choix sont d'autant plus surprenants qu'ils vont à l'encontre des objectifs que la Métropole a elle-même fixés en matière de lutte contre la pollution et les dérèglements climatiques dans ses deux documents maîtres en la matière : le Plan Climat Air Energie Territorial 2019-2025 (PCAET) voté en conseil métropolitain le 5 avril 2018 et le Plan d'Action de la Qualité de l'Air (PAQA) voté le 16 décembre 2021.

Ces décisions climaticides sont : 
- Concernant la circulation automobile, l'augmentation des tarifs des mobilités douces (bus, tram et vélos bleus) et la non application des Zone à Faibles Emissions mobilité (ZFE-m)
- Concernant le trafic aérien, l'extension de l'aéroport et la non limitation des jets privés
- Concernant l'artificialisation des sols, la poursuite de la bétonisation de la plaine du Var

Les conséquences du dérèglement climatique sont pourtant connues :  prolifération d'espèces invasives, sécheresses et pénuries d'eau, pluies torrentielles, inondations et tempêtes, etc. Rappelons, pour notre seul département, les 20 décès causés par les inondations survenues dans la nuit du 3 au 4 octobre 2015 dans les communes de Biot, Vallauris, Mandelieu, Antibes et Cannes. Rappelons également les 10 morts et 8 disparus dus à la tempête Alex dans les vallées de la Tinée, la Vésubie et la Roya le 2 octobre 2020. 

Les conséquences de la pollution sur la santé sont également bien identifiées : maladies respiratoires chez les personnes âgées et les enfants, aggravation des maladies cardio vasculaires, etc. Le Collectif citoyens 06 estime à 500 le nombre de décès prématurés par an dus à la pollution atmosphérique à Nice, chiffre finalement confirmé par la Métropole.

La Métropole fixe elle-même, dans ces deux documents planificateurs, ses objectifs pour atteindre la neutralité carbone, parmi lesquels :
- Réduire les émissions de gaz à effet de serre de 22 % d'ici 2026, de 33% d'ici 2030 et de 75 % d'ici 2050  
- Réduire les émissions de polluants atmosphériques de 44 % d'ici 2026 et de 48 % d'ici 2030. 

Dans son baromètre de la transition écologique, la Métropole annonce avoir réduit les émissions de gaz à effet de serre de 14% en 10 ans, de 2012 à 2022, soit 1,4% par an. A ce rythme là, d'ici 2050, au lieu de réduire les émissions de 75 % et d'atteindre la neutralité carbone, la Métropole n'aura baissé ses émissions que de 53,2 % : on est loin du compte ! Il faut en conséquence accélérer ce processus. Or les décisions prises vont dans le sens inverse et vont ralentir la réduction des émissions de gaz à effet de serre, voire les augmenter. 

Revenons sur les choix climaticides récents de la Métropole Nice Côte d'Azur :

1. Circulation automobile : augmentation des tarifs des mobilités douces (bus, tram et vélos bleus) et non application des Zone à Faibles Emissions  (ZFE-m)

Le transport routier représente 55 % de la production de gaz à effet de serre et 40 % des polluants atmosphériques. Très logiquement, le premier levier d'action identifié dans le PCAET est "la réduction de la part modale du véhicule thermique grâce à la restructuration du réseau de tramway et de bus ainsi que le développement des modes doux comme le vélo". Or la Métropole vient de faire l'inverse en augmentant les tarifs d'abonnements au vélo bleu en février dernier. Elle va de plus augmenter les tarifs des transports en commun au 1er juillet 2023 : le ticket solo passe de de 1,50 € à 1,70 € (+ 13,33 %) ; l'abonnement annuel passe de 326,50 euros à 360 euros (+ 10,20 %) ; la carte de 10 voyages à 10 € (la plus plébiscitée par les usagers) est supprimée et remplacée par une carte de 50 voyages nécessitant de débourser 50 euros. Déni social, contresens écologique, cette augmentation des tarifs va être forcément dissuasive et va freiner l'utilisation des transports doux. Les mobilités durables, levier déterminant pour faire baisser la pollution atmosphérique en centre ville, sont donc clairement délaissées par la Métropole. Et cela va très précisément à l'encontre du plan d'action fixée par la Métropole elle-même dans son propre PCAET et son action IV.1.3 : "Induire un report modal vers les transports collectifs par une gamme tarifaire attractive et une facilitation des gestes des usagers des transports en commun."

Autre levier permettant de faire chuter la production de gaz à effet de serre et réduire le bruit : les Zone à Faibles Emissions mobilité (ZFE-m). Pour circuler dans les territoires placés en ZFE-m, il faut un certificat qualité de l’air et les véhicules les plus polluants ne peuvent y accéder. Alors qu'il s'agit d'une obligation légale, la Métropole a délimité le plus petit périmètre possible (2% des véhicules concernés sur seulement 4% de la superficie de la commune de Nice), et Christian Estrosi a déclaré à la presse et en conseil métropolitain qu'il ne sanctionnerait pas le non respect de ces zones. Autrement dit, sans coercition, pas de baisse de production de CO2. L'argument avancé pour ne pas rendre opérationnel ce dispositif est d'ordre social et doit être pris en compte : beaucoup de personnes, malgré les primes à la conversion, ne peuvent changer de véhicule et se verraient ainsi privées d'accès au centre ville. Devant cette difficulté les élus métropolitains renoncent à cet outil déterminant de lutte contre la pollution atmosphérique que sont les ZFE-m.

Un autre levier est pourtant à la disposition de la Métropole et permet de répondre à ces difficultés, mais elle refuse de s'en servir : la gratuité des transports en commun.
Ce choix, déjà opéré par 38 villes en France dont Calais, Dunkerque et tout récemment Montpellier, permet de faire d'une pierre deux coups : on rend les transports en commun le plus attractifs possible et on compense la mise en œuvre des zones à faibles émissions mobilité. 
Aujourd'hui 40% des trajets effectués dans la Métropole font moins de 3 km, beaucoup se font à l'intérieur de Nice intra-muros. Le seul moyen de faire chuter la production de gaz à effet de serre et de limiter le tout voiture est de provoquer un changement de comportement profond. Faire abandonner la voiture à ceux qui roulent pour le moindre déplacement n'est possible qu'en changeant radicalement l'image collective que l'on a des transports en commun. Et ce ne sont pas les aménagements tarifaires par catégories d'usagers qui y parviennent. La gratuité, c'est la liberté de monter dans un bus ou un tramway sans se soucier d'avoir renouvelé son abonnement, d'avoir payé un titre de transports ou de risquer un contrôle. C'est la liberté pour tous d'abandonner la voiture en centre ville. La gratuité des transports en commun est de plus une mesure qui réconcilie écologie et progrès social : elle permet de réduire la pollution tout en faisant baisser le budget transport des ménages. Alors que l'augmentation des tarifs votée par les élus métropolitains sanctionne financièrement les habitants, la gratuité rend la mobilité accessible à tous.
La gratuité permet d'offrir une solution à celles et ceux qui seraient sanctionnés par les ZFE-m en rendant l'accès au centre ville gratuit, par les transports en commun, à condition de ne plus y utiliser son véhicule trop polluant.
Certains disent que la gratuité des transports réduit la marche à pied. C'est en partie vrai, mais l'expérience démontre que c'est davantage le côté agréable ou désagréable de l'environnement urbain qui incite à marcher ou à ne pas marcher en ville. D'autres disent qu'il est injuste de rendre gratuits les transports pour les personnes aisées. C'est également vrai mais d'une part les personnes les plus aisées ne prennent actuellement que très peu les transports en commun, et, d'autre part, on ne peut changer radicalement l'image des transports en commun dans notre imaginaire collectif sans passer par une gratuité inconditionnelle pour tous et sur tout le réseau.
Seule la gratuité inconditionnelle des transports en commun permet un changement radical de la mobilité dans notre imaginaire collectif et rend possible l'abandon du "tout voiture". Nice peut devenir la 39ème ville et la 2ème métropole de France à la mettre en œuvre.
Avec le rassemblement citoyen Viva nous avons lancé une pétition contre l'augmentation des tarifs des mobilités douces et pour la gratuité inconditionnelle des transports en commun qui a déjà récolté plus de 1 500 signatures. A signer et faire signer ici : https://www.mesopinions.com/petition/social/transports-commun-nice-augmentation-tarifs/204302

2. Trafic aérien : extension de l'aéroport et non limitation des jets privés

Le trafic aérien constitue une autre source importante de pollution atmosphérique. Si l'Aéroport de Nice se défend et se prétend vertueux en ne mesurant que la pollution causée par les avions au sol, sur les pistes, il est évident que l'augmentation du trafic aérien augmente la pollution atmosphérique. Et si l'Aéroport de Nice affiche une neutralité carbone, c'est uniquement une neutralité "par compensation", c'est-à-dire en payant un droit de polluer ici et en compensant ailleurs sur la planète... 

Le projet d'extension de l'aéroport de Nice consistait initialement à passer de 13 millions de passagers par an à 18 millions dès 2022 puis 21 millions en 2030. Le Covid et le confinement ont ralenti le processus mais la Métropole a réaffirmé sa volonté d'extension de l'aéroport à l'identique tout en restant plus floue sur le calendrier. Or on ne peut augmenter le nombre de passagers et donc principalement de touristes sans augmenter la pollution atmosphérique, les nuisances sonores pour les riverains, la production de déchets dans un système de gestion déjà saturé, les d'embouteillages, etc. 

Nous sommes nombreux à alerter depuis plusieurs années sur les dangers du tourisme de masse et du sur-tourisme, ce point de bascule où le développement du tourisme nuit de façon irrémédiable à la santé publique, à l'équilibre social et économique, à notre qualité de vie et à notre environnement. Dès janvier 2020 je dénonçais dans un article "Sur-tourisme et qualité de vie à Nice" les dangers écologiques, sociaux et économiques de la mono-activité touristique. Le tourisme fait vivre beaucoup de niçois mais l'économie niçoise dépend trop du tourisme. Au lieu de diversifier les moteurs d'attractivité et de développement économique, nous sombrons encore davantage dans une mono-activité touristique dangereuse. Si les conditions climatiques se dérèglent encore davantage ou si le risque attentat devient tel que la "destination Nice" tombe pour les tours opérateurs, la très grande majorité de l'activité économique niçoise sera purement et simplement à l'arrêt. De plus, alors que de nombreux acteurs du secteur font des efforts pour tendre vers un tourisme éco-responsable, le choix de maintenir l'extension de l'aéroport de Nice relance le modèle pourtant dépassé du tourisme de masse. Tant que la Métropole n'aura pas renoncé à son projet d'extension de l'aéroport de Nice, elle sera disqualifiée à prétendre lutter contre les dérèglements climatiques.

Le rassemblement citoyen Viva a lancé en 2020 une pétition contre l'extension de l'aéroport qui a rassemblé plus de 13 000 signataires : https://www.mesopinions.com/petition/social/referendum-extension-aeroport-nice/78071https://www.mesopinions.com/petition/social/referendum-extension-aeroport-nice/78071
Une seconde pétition a été lancée par le collectif "Stop à l'extension de l'aéroport de Nice" et a déjà récolé plus de 4 800 signatures : https://agir.greenvoice.fr/petitions/non-a-l-extension-de-l-aeroport-nice-cote-d-azur-une-bombe-climatique-et-sanitaire

Si la Métropole continue de s'enfoncer dans le sur-tourisme au détriment d'un tourisme éco responsable, elle développe bien un modèle de tourisme particulier : le tourisme de luxe. Outre le tourisme de luxe maritime, elle a développé un trafic aérien de jets privés considérable, au point de faire de Nice la troisième destination mondiale la plus prisée des propriétaires de jets privés. L'aéroport de Nice Côte d'Azur serait ainsi l'aéroport européen qui a accueilli le plus de vols de jets privés en 2022 : 34.710 jets privés, soit 95 vols par jour ! Au total, 6% du trafic aérien européen en jet privé passerait par Nice.
Les jets privés sont 50 fois plus polluants que les trains. On a tracé l'impact écologique des déplacements des hyper-riches : l'empreinte carbone en jet privé de la 3e plus grosse fortune mondiale, Bernard Arnault, pour le seul mois de mai 2022, est égale à celle d'un français moyen en... 17 ans. Un jet polluerait autant en une heure qu’un Français en un an. 

Portée par EELV et localement par le groupe écologiste d'opposition à la Métropole Nice Côte d'Azur ou Extinction Rébellion, l'opposition aux jets privés a fait l'objet d'un projet de loi déposé à l'Assemblée Nationale et une pétition a également été lancée, recueillant plus de 56 000 signatures : https://agir.greenvoice.fr/petitions/mesdames-et-messieurs-les-deputes-interdisez-les-vols-en-jet-prive. Les élus de la majorité métropolitaine niçoise ont répondu par le déni et n'envisagent en rien de limiter la prolifération des vols en jets privés. 

Etrangement, la mesure de la pollution causée à Nice par le trafic aérien n'est pas clairement étayée. Les documents produits par la Métropole sont effectivement bien silencieux sur la pollution liée au trafic aérien. Le PCAET et le PAQA mentionnent bien le trafic aérien dans les sources de pollutions mais sans donner de détail : "Les transports maritimes et aériens représentent 16% des émissions de NOx et 5% des émissions de particules fines." La Métropole ne donne donc pas le bilan carbone précis du trafic aérien à Nice. Pire, les mots "jets privés" sont absents de tous les documents planificateurs mis en ligne. Il y a là un défaut de transparence évident.

3. Artificialisation des sols : poursuite de la bétonisation de la plaine du Var

Autre décision climaticide : la bétonisation de la plaine du Var. L'objectif fixé par la loi est d'atteindre zéro artificialisation nette d'ici 2050, ce qui implique, pour les territoires (communes, départements, régions) de réduire de 50 % le rythme d’artificialisation et de la consommation des espaces naturels, agricoles et forestiers d’ici 2030 par rapport à la consommation mesurée entre 2011 et 2020. Rappelons que l'artificialisation est un phénomène qui consiste à transformer un sol naturel, agricole ou forestier, par des opérations d’aménagement pouvant entraîner une imperméabilisation partielle ou totale. Les conséquences de l'artificialisation des sols sont connues : perte de biodiversité, augmentation du risque inondation, réduction de la capacité agricole pour produire de la nourriture, et, bien sûr, dérèglement climatique (un sol artificialisé n’absorbe plus le CO2 et participe à la hausse du réchauffement climatique). Le changement d'affectation d'un sol a un impact direct sur la production ou la captation de carbone et joue sur l'évolution du stock carbone d'un territoire.

La plaine du Var est historiquement un vivier agricole fertile ayant permis d'approvisionner Nice et sa région en produits frais durant des siècles. L'Opération d'Intérêt National "éco vallée", dont le préfixe vise le développement économique et non l'écologie, est un projet d'un autre temps qui a permis de construire au détriment des terres fertiles et d'artificialiser massivement la plaine. Les projets, en cours de réalisation ou à venir, constituent une aberration environnementale majeure : 
  • Grand Arénas = 565 000 m2
  • Le Pôle d'échange multi-modal = 108 000 m2
  • Nice Méridia = 320 000 m2
  • IKEA = 40.000 m2, etc. 
Outre le PLUm qui permet de limiter l'artificialisation des sols, le document planificateur qui doit compléter le PCAET et qui permet à un territoire de préserver ses terres arables et d'augmenter son autonomie alimentaire est le "Projet Alimentaire Territorial" (PAT). Or malgré différentes annonces faites depuis 2020, la Métropole Nice Côte d'Azur ne s'est toujours pas dotée d'un PAT. Il n'y a donc ni diagnostic précis, ni stratégie, et encore moins de plan d'actions concrètes. Tout reste l'état de projet et c'est là un retard très inquiétant. Si la Métropole s'était dotée d'un PAT, nul doute que la bétonisation actuellement en cours de la Plaine du Var aurait été incompatible avec ses prescriptions. Cette bétonisation est un contresens écologique total. 

Dans cette plaine, on construit en zone historiquement inondable. Résultat : l'immeuble "l'Avant-Scène", en cours de construction face à la gare Saint Augustin et qui monopolise à lui seul 36 000 m2, s'est enfoncé de 16 cm dans le sol. Pire, pour construire le pôle multimodal et pour assécher la zone on aurait pompé 47 000 m3 d'eau dans la nape phréatique ! 
Le 25 janvier 2023 le parquet financier de Paris effectuait une série de perquisitions dans les bureaux d'agents et d'élus de la Métropole concernant plusieurs contrats passés parmi lesquels le bâtiment "Iconic" près de la gare Thiers et... les conditions d'acquisition par la société Fondimmo des 36.000m2 sur lesquels l’"Avant Scène" est érigé.


On le voit à travers ces trois domaines d'interventions majeurs que sont la circulation automobile, le trafic aérien et l'artificialisation des sols, les choix opérés par la Métropole démentent les belles déclarations de ses élus et contredisent les documents planificateurs qu'elle a elle-même votés et les objectifs qu'elle s'est elle-même fixés. 
En augmentant les tarifs des transports doux, en ne rendant pas effectives les ZFE-m et en n'instaurant pas la gratuité inconditionnelle des transports publics, la Métropole laisse la production de gaz à effet de serre progresser et s'empêche de l'enrayer. 
En maintenant son projet d'extension de l'aéroport de Nice et en ne limitant pas les vols en jets privés, elle va augmenter la production de gaz à effets de serre et de polluants atmosphériques et contribuer à accélérer le dérèglement climatique. 
En poursuivant la bétonisation de la Plaine du Var elle s'empêche d'augmenter son autonomie alimentaire et poursuit une artificialisation des sols aux conséquences dramatiques. 

Ne pas lutter suffisamment contre le dérèglement climatique est irresponsable, contribuer à l'accélérer est coupable.