mardi 19 février 2019

Carnaval de Nice : le sens de la fête

La Ville de Nice a réduit la fête carnavalesque à de l'événementiel. Puis elle l'a coupée des pauvres qu'elle ne veut pas voir à sa fête et l'a bunkérisée, pour mieux la contrôler. Dans ce laboratoire sécuritaire Christian Estrosi teste une société miniature sous contrôle total, permanent, par la reconnaissance faciale. Le carnaval de Nice tourne au cauchemar. Il devait faire rire. Il fait peur.

Un carnaval est une fête populaire et intempestive. C'est l'occasion de faire la fête en famille ou entre amis, un bon moment partagé. Mais si le rire est libérateur, c'est aussi parce qu'il est transgressif. Les caricatures sont corrosives et moqueuses, on fait ce que l'on n’a pas le droit de faire d'habitude, on est envahi par un délicieux sentiment de liberté.

La Ville de Nice a commencé par imposer une sélection d'accès au carnaval par l'argent, qui empêche le carnaval de rester populaire.

Puis elle a bunkerisé la fête en clôturant le périmètre du carnaval par d'immondes palissades noires, coupant littéralement la ville en deux. 

Pour entrer dans le bunker il faut passer tous les portiques de sécurité. Si la lutte contre la menace terroriste est indispensable et si rendre le dispositif de sécurité visible peut être rassurant, trop d'uniformes, d'armes et de fouilles tue le sens de la fête et l'une de ses indispensables composantes : la liberté.

A l'intérieur du bunker, les niçois qui ont fait la dépense ont le droit, eux, de s'amuser. Mais l'événement est millimétré, réglé comme du papier à musique. La folie carnavalesque est factice puisqu'elle est paramétrée à l'avance par les organisateurs. 

Le défilé des chars, malgré le talent des carnavaliers, en est le paroxysme. Moquer Trump, Merkel ou Macron est si facile ! Être subversif, ce serait de caricaturer Christian Estrosi et Eric Ciotti se chamaillant, hargneux et ridicules, en couches culottes dans un bac à sable... 

Enfin, Christian Estrosi vient d'annoncer que l'édition 2019 du carnaval de Nice serait l'occasion de tester la reconnaissance faciale. Les Niçois, à l'intérieur du bunker carnavalesque, deviennent les rats du laboratoire de la sécurité estrosiste. 

La Ville de Nice tient-elle réellement à savoir qui a lancé des confettis sur qui ? Non, elle teste un dispositif sécuritaire jamais installé en France, pays des droits de l'homme : contrôler à chaque instant qui fait quoi, où, et avec qui. Un contrôle en temps réel, permanent, de la population. C'est de la mauvaise science-fiction, une biopolitique poussée à l'extrême. Plus qu'un système de sécurité, c'est un modèle de société à tendance totalitaire que l'on ne voit qu'en Chine, dans les rêves de Donald Trump et de tout apprenti dictateur, et, désormais, à Nice.

La Ville de Nice a réduit la fête carnavalesque à de l'événementiel. Puis elle l'a coupée des pauvres qu'elle ne veut pas voir à sa fête. Ensuite elle l'a enfermée, cadenassée, bunkérisée, pour mieux la contrôler. Dans ce laboratoire sécuritaire qui ne fait plus rire du tout, Christian Estrosi teste une société miniature sous contrôle total, permanent, par la reconnaissance faciale. Le carnaval de Nice tourne au cauchemar. Il devait faire rire. Il fait peur.

samedi 9 février 2019

Macron, le tournant liberticide

Après le "tournant libéral" des gouvernements de gauche nous assistons au "tournant liberticide" d'un gouvernement libéral.

Alors que de nombreux électeurs ont dû se résoudre à voter pour un parti dont la seule idéologie identifiable était le libéralisme afin d'empêcher l'extrême droite d'accéder au pouvoir, le gouvernement issu de ce vote met en oeuvre une politique liberticide digne d'un parti d'extrême droite.

L'opposition au libéralisme a toujours posé des difficultés à la gauche car le libéralisme politique, dans ses fondements historiques, défend les libertés individuelles quand, dans les faits, le libéralisme économique alimente un système déshumanisant brisant l'individu. Or, avec Emmanuel Macron, nous avons un candidat qui défendait les libertés individuelles, notamment sur des questions sociétales comme le burkini ou sur les questions sécuritaires comme l'état d'urgence. Une fois au pouvoir, il opère un tournant liberticide fondamentalement contradictoire avec son libéralisme précédemment revendiqué. Nous sommes confronté à une donne politique nouvelle : un libéralisme liberticide.
S'il ne prétend ni "terroriser les terroristes" ni "nettoyer" les cités "au Karcher", le pouvoir macronien n'engage pas moins la France dans un tournant sécuritaire et liberticide extrêmement dangereux. Celui qui était encore inconnu quatre ans avant son élection à la présidence de la République fait glisser notre société dans un processus assumé de privation de libertés. 

François Hollande, durant son mandat, sous couvert de lutte contre le terrorisme, avait mené des attaques frontales contre les libertés individuelles. Il n'avait eu de cesse de brider le pouvoir judiciaire et le pouvoir législatif au profit du pouvoir exécutif. Emmanuel Macron poursuit cette politique, l'amplifie et la systématise.
En octobre 2017 il fait transposer dans le droit commun les mesures sécuritaires de l'état d'urgence. De fait, l'exception devient la règle et l'exécutif obtient des pouvoirs exorbitants.

En 2018 il fait voter une loi asile-immigration qui instaure un droit de seconde catégorie pour les migrants et constitue un processus systématique d'entrave au droit d'asile.

En 2019 les violences policières et le nombre de manifestants mutilés explosent. Sous couvert de mobilisation des gilets jaunes, l'État est passé du monopole de la violence légitime à un abus systématique et systémique de violences légales. L'interdiction des LDB et des armes intermédiaires contre les manifestants devrait être une évidence.

Dans la foulée, Emmanuel Macron fait voter une loi dite "anti-casseurs" qui limite le droit de manifester. Ce devrait être uniquement aux juges et non aux préfets de décider d'une interdiction de manifester et on ne peut condamner qu'un acte commis et non un acte à venir. Mais rien n'y fait, le gouvernement instaure une dangereuse présomption de culpabilité et transfert les prérogatives des juges à des préfets aux ordres. Là encore, on affaiblit la séparation des pouvoirs en France. Là encore, on prive le citoyens de droits fondamentaux. Là encore, on profite d'un climat anxiogène pour limiter tout contre-pouvoir possible. Que se passera-t-il, demain, si un parti extrémiste arrive au pouvoir ? Interdira-t-il à ses opposants politiques de manifester ? 
La récente tentative de perquisition chez Médiapart constitue une entrave à la protection des sources et donc au travail de la presse libre s'inscrivant dans ce vaste mouvement vers un exercice liberticide du pouvoir.
Quand le gouvernement a prétendu s'en prendre uniquement aux terroristes, les citoyens n'ont rien dit, car ils ne sont pas terroristes.

Quand le gouvernement s'en est pris aux demandeurs d'asile, les français n'ont rien fait, car ils ne sont pas demandeurs d'asile.

Quand le gouvernement a dit s'en prendre aux casseurs, les manifestants n'ont rien fait, car ce ne sont pas des casseurs.

Quand le gouvernement s'en est pris à la presse indépendante, la majorité silencieuse est restée silencieuse, car elle ne lit pas la presse.

Mais c'est à notre démocratie qu'ils s'en prennent et, en réalité, ils sont déjà venus nous chercher.