dimanche 2 décembre 2018

Gilets Jaunes, le prix du mépris

Les violences urbaines sont totalement inacceptables et desservent la cause. Emmanuel Macron paye le prix de son mépris. Au lieu de sortir de l'impasse en rétablissant la justice fiscale et sociale, le gouvernement pousse à la faute un mouvement déjà très instable et s'avère aussi irresponsable que les casseurs.

Paris a été, pour la seconde fois, la scène de violences urbaines inacceptables. Elles desservent la cause. Elles ne font pas porter le débat sur la faute du gouvernement - son libéralisme aveugle et sa politique antisociale - mais sur la faute du mouvement des Gilets Jaunes, qui, en appelant à manifester à Paris une seconde fois, savait pertinemment ce qui allait se produire.

Le gouvernement envisage d'instaurer l'état d'urgence. Et pourquoi pas, tant qu'on y est, des chars d'assaut pour protéger Paris ? 

En réalité, Emmanuel Macron ne fait que payer le prix de son mépris. La France applique, depuis la fin du gouvernement Jospin, un libéralisme aveugle et déshumanisant, destructeur tant pour l'environnement que pour la protection sociale. Les classes moyennes sont écrasées. Les déclassés, précaires et SDF de plus en plus nombreux. Mais c'est bien le mépris de ce chef de l'Etat-là qui a fait déborder le vase de la colère et du désespoir. Ce sont « ceux qui ne sont rien », les « illettrés », les « fainéants » et ceux qui n’ont « qu’à traverser la rue » pour trouver un travail qui sont descendus les premiers dans la rue. La violence du mouvement est la réponse directe à l’arrogance et la morgue du pouvoir macronien.

Au lieu d'écouter réellement et de dialoguer, le gouvernement va poursuivre un bras de fer lourd de conséquences pour le pays.

Il suffirait pourtant d'instaurer une taxe carbone proportionnelle au taux de pollution produite et que les plus gros payeurs soient les plus gros pollueurs : Total, les compagnies pétrolières, aériennes, ferroviaires, etc. Il suffirait de réinstaurer l'impôt sur la fortune, de taxer les transactions financières et de lutter véritablement contre l'évasion fiscale. Il suffirait, pour avoir un effet immédiat et calmer la colère qui secoue le pays, d'augmenter le SMIC et d'instaurer une TVA zéro sur les produits de première nécessité. C'est l'injustice fiscale et sociale autant que le montant des prélèvements qui est source d'autant de rancœurs et de douleurs. 

Mais non, le gouvernement va continuer à pousser à la faute un mouvement déjà très instable, dans une attitude tout aussi irresponsable que celle des casseurs.

Nous avons été nombreux à alerter les Gilets Jaunes sur les dérives du mouvement, à les appeler soit à se désolidariser, soit à se démarquer en clarifiant leur position. Ce mouvement est encore tenu, localement, des groupes aux revendications populistes et aux comportements racistes et homophobes. Un peu partout, des leaders d'extrême droite, Dieudonné, Laurent Wauquiez ou, à Nice, Eric Ciotti, se sont mêlés aux Gilets Jaunes sans être repoussés. Les débordements et exactions sont nombreux, partout en France. Une femme a été forcée de retirer son voile. Des migrants ont été dénoncés et livrés à la gendarmerie. Les blocages de préfectures donnent lieu à des scènes inquiétantes où des Gilets Jaunes chantent la Marseillaise en empêchant d'entrer les demandeurs d'asile et les étrangers venant renouveler leurs cartes de séjour. Mais, surtout, le mouvement a provoqué deux décès directs et deux décès indirects, ainsi que de nombreux blessés.

La tentative d'organisation du mouvement est positive. Les revendications rédigées vont dans le bon sens. Mais il est très inquiétant d'apprendre que des représentants départementaux ne sont pas montés à Paris en raison de menace directes faites par des mouvances radicales au sein des Gilets Jaunes.

Nous ne pouvons qu'espérer que ce sombre tableau s'arrête là, que la pression mise sur le gouvernement paye tout en évitant de nouveaux drames, que cette colère collective ne sombrera pas en mouvement majoritairement populiste et ne devienne l'expression généralisée d'un racisme latent. 

On a systématiquement critiqué les syndicats, qui "prenaient la France en otage" et étaient incapables d'empêcher les casseurs de ravager Paris. Si le traitement médiatique des Gilets Jaunes est, comparativement, étonnamment complaisant, on se rend compte à quel point dévaloriser la société civile et les corps intermédiaires est dangereux et rompt l'équilibre démocratique et social de notre pays

Pour sortir de l'impasse, il faudrait qu'Emmanuel Macron, son gouvernement et sa majorité comprennent que ce n'est pas en méprisant les citoyens que l'on gouverne une République. La politique a besoin d'éthique et d'équité, sans quoi elle cède la place à la violence et au chaos.