dimanche 1 novembre 2020

Après l'attentat de la basilique Notre Dame à Nice, six erreurs à ne pas commettre

L'attentat de la basilique Notre Dame à Nice a donné lieu à une surenchère de propositions contraires aux valeurs de la République et de la démocratie françaises. Ces propositions donnent raison au terrorisme en incitant à renoncer de nous-même à défendre ce que le terrorisme combat : l'Etat de droit, la liberté, l'égalité, la laïcité, l'accueil et l'esprit des Lumières.

Ils s'appelaient Nadine, Simone et Vincent, trois niçois assassinés lors de l'attentat islamiste du 29 octobre 2020. Après l'attentat du 14 juillet 2016 faisant 86 victimes, Nice est à nouveau endeuillée. L'attentat de la basilique Notre-Dame nous a plongés dans l'effroi et la sidération devant l'horreur. Quasiment en même temps que les informations tombaient, les discours de Christian Estrosi et d'Éric Ciotti, incitaient à renoncer à la défense des droits de l'homme et aux libertés individuelles pour lutter contre le terrorisme. Le soir même, à Nice, une manifestation identitaire aux propos clairement islamophobes était organisée en toute impunité. Déjà, après la décapitation de Samuel Paty, le concours des propositions sécuritaires les plus invraisemblables était lancé. De la transformation de la laïcité en sécularisation à la reprise décomplexée des idées d'extrême droite, une grande partie de la classe politique et médiatique accélérait sa dérive. Le gouvernement qui avait lancé des accusations irresponsables d'islamo-gauchisme contre une partie de la gauche et contre l'université poursuit sa volonté d'asseoir un contrôle politique sur le savoir et sur la recherche.

Il est temps de dire stop et de revenir à la raison. Pour l'esprit des Lumières, pour ce qui fait les valeurs de notre République, la tolérance, les libertés, l'égalité et la fraternité, pour pouvoir lutter efficacement contre le djihadisme, et pour Nice, ma ville.

Six erreurs à ne pas commettre :

1. Ne pas renoncer à l'Etat de droit

Ce qui différencie, entre autres, un État de droit de la barbarie, c'est qu'il agit dans le respect du droit. Le terrorisme islamiste combat la liberté et l'égalité. Il combat la démocratie. Si la France, démocratie et, aux yeux du monde, symbole de la démocratie, renonçait d'elle-même à ce qui fait son identité de "pays des droits de l'Homme", elle offrirait la plus belle des victoires au terrorisme.

Lorsque Christian Estrosi annonce devant la basilique Notre-Dame, une heure à peine après l'attentat, que les "droit-de-l'hommistes" empêchent de lutter contre le terrorisme, quand Eric Ciotti déclare une heure plus tard que les "prétendues libertés individuelles protègent les terroristes", ils font très précisément ce que les djihadistes espèrent et ils leur offrent une victoire idéologique déterminante.

Lorsque que Christian Estrosi appelle à un "droit de guerre" et qu'Éric Ciotti, propose d'ouvrir un "Guantanamo à la française" pour les personnes radicalisées ayant purgé leurs peines carcérales ou étant fichées "S", alors que Guantanamo symbolise précisément le renoncement à toutes les règles de droit, le recours à la détention illégale et à la torture, et alors que ni l'auteur de l'attentat de Conflans-Sainte-Honorine ni celui de l'attentat de Nice n'étaient connus des services de police ou étaient d'anciens détenus, on touche à l'absurde.

2. N'ajoutons pas de la haine à la haine 

La manifestation identitaire qui s'est déroulée le soir même de l'attentat, à Nice, alors que le confinement interdit toute manifestation publique non déclarée dans les temps, n'aurait pas dû avoir lieu. On y a entendu des propos clairement islamophobes : "On est chez nous" suivi de "islam hors d'Europe". La situation à Nice est plus que tendue entre d'un côté l'incrimination, faite par certains, de toute personne de confession musulmane ou supposée l'être car d'origine maghrébine et, de l'autre, des provocations de personnes défendant à demi-mots le terroriste. Déjà, l'attentat du 14 juillet 2016 avait donné lieu à Nice à des tensions et des invectives, sans compter les polémiques politiciennes indécentes (lire ici). Toute incitation à ces excès fautifs, d'un côté comme de l'autre, est irresponsable et dangereuse.

De même la mise en place d'un numéro vert par le ministère de l'intérieur pour dénoncer toute soupçon de radicalisation présente un risque de délation généralisée et peut servir de prétexte pour régler des litiges personnels, nuire à des personnes sous prétexte qu'elles sont de confession musulmane, etc. Nous devons préserver l'unité nationale et non attiser la défiance. 

Notre constitution prévoit l'égalité des citoyens devant la loi sans distinction d'origine, de race ni de religion et nous pourrions y ajouter "sans distinction de genre". Cette égalité républicaine doit être protégée. Y renoncer est un non-sens. Or stigmatiser des personnes innocentes parce que d'autres personnes instrumentalisent à des fins terroristes la religion à laquelle elles croient, c'est enfreindre l'égalité républicaine. L'islamophobie, point de convergence des haines (lire ici) doit être combattue au même titre que l'antisémitisme, l'homophobie ou tout autre forme de discrimination. Le fondamentalisme islamiste est porteur de haine et de souffrance. N'y répondons pas par la haine. Ne devenons pas semblables à ceux que nous combattons.  

3. Combattre le terrorisme, pas les musulmans

Christophe Castaner énonçant le 8 octobre 2019 une liste de comportements indiquant une radicalisation parmi lesquels le port de la barbe, Michel Blanquer, expliquant le 13 octobre 2019 que l'éducation nationale doit signaler tout comportement anormal parmi lesquels celui d'un petit garçon qui, à l'école, refuserait de donner la main à une petite fille ou Gérald Darmanin, le 21 octobre 2020, se disant choqué de voir des rayons "communautaires" dans les supermarchés : autant d'éléments attestant d'un amalgame aussi stupides que dangereux entre islam et islamisme de la part de ministres en fonctions. En procédant ainsi on stigmatise injustement les français de confession musulmane et on s'empêche, en se trompant d'ennemi, de lutter efficacement contre le terrorisme.

Parler de "radicalisation" et d'islam "radical" laisse penser qu'il n'y a qu'une différence de degrés et non une différence de nature entre l'islam et l'islamisme, entre l'islam et le terrorisme. On serait musulman et on pourrait devenir peu à peu islamiste ou terroriste. Pire, tout musulman serait un terroriste potentiel. Et comme tout maghrébin est, dans l'inconscient collectif, supposé être musulman, le jeu des amalgames amène à banaliser le racisme anti-arabe sous couvert de lutte contre le terrorisme. Il serait plus juste de parler de processus de "djihadisation" que de "radicalisation" (lire ici). 

Il ne s'agit pas ici de soutenir que le terrorisme islamiste n'a rien à voir avec l'islam puisqu'il s'en réclame. Mais si des attentats sont revendiqués au nom d’une religion, cela ne veut pas dire que cette religion contiendrait intrinsèquement le germe de son dévoiement. L'instrumentalisation d'une croyance pour asseoir une domination politique n'est pas un phénomène nouveau. Que l’on se souvienne des Croisades, de la Reconquista, de la torture sous l’Inquisition ou de la Saint Barthélémy. On parle aujourd'hui "d'islam politique" mais on ne parle pas en désignant cette époque de "christianisme politique". De même quand l'Etat l’Israël mène une politique d'extension des colonies juives dans les territoires occupés, on ne parle pas de "judaïsme politique". Il s'agit d'entreprises politiques qui cherchent dans la religion une justification à leur tentatives de domination. L'Histoire a démontré que l'on peut se servir de toute religion ou idéologie quelle qu'elle soit, en la dénaturant et en l'instrumentalisant à des fins politiques. Que l'on se souvienne également du décalage entre l'idéal communiste et les goulags staliniens... 

Alors que les millions de français de confession musulmane démontrent au quotidien que la pratique de leur foi ne menace par la Nation, la légitimation, l'organisation et l'institutionnalisation de l'islamophobie en France par le Président de la République et par le gouvernement constitue une faute politique majeure.

4. Ne pas dénaturer la laïcité

Imaginons que l'on renonce, demain, à la loi de 1905 et que tout signe religieux soit interdit dans l'espace public, au travail et dans les administrations. Plus de voile, de burka, de burkini, plus la moindre coiffe de nonne, croix, kippa ou étoile de David. Les attentats cesseront ils en France ? A l'évidence non, et la laïcité la plus dure n'empêchera jamais le fanatisme de frapper. 

La laïcité n'est pas un instrument de lutte contre le terrorisme. Elle n'est pas la négation du fait religieux, elle garantit au contraire la liberté de culte et de conscience de chacun dans le respect de la loi. Elle demeure avant tout un principe émancipateur. Transformer la laïcité en posture anti-religieuse serait en réalité abandonner la laïcité au profit d'un processus de sécularisation. De même, la volonté des gouvernements successifs de réformer l'islam de France et de former les imams est contraire au principe de laïcité (lire ici). 

La laïcité ne doit servir ni de compensation à notre frustration collective de ne pouvoir éradiquer la menace terroriste, ni de paravent à un racisme anti-arabe qui profite de la peur des attentats pour se répandre. Elle ne doit pas non plus servir de prétexte pour réaffirmer la prédominance de l'identité religieuse chrétienne de la France contre l’islam comme le font, à la suite de Nicolas Sarkozy, Eric Ciotti (lire ici) ou Christian Estrosi (lire ici et ici). La laïcité n'est pas à géométrie variable et l'affirmation quasi obsessionnelle de la primauté de la culture chrétienne sur l'islam ne peut que contribuer à entraver encore un peu plus le vivre-ensemble. La logique de guerre des civilisations est ainsi importée en France au travers une néfaste guerre des identités. 

5. Ne renoncer ni à l'asile ni à la protection de l'enfance

L'auteur de la tentative d'attentat devant les anciens locaux de Charlie Hebdo était un mineur isolé étranger. L'auteur de la décapitation de Samuel Paty faisait partie d'une famille ayant obtenu l'asile lorsqu'il était âgé de 10 ans. L'auteur du second attentat de Nice est un tunisien passé par l'Italie. Certains en concluent à la nécessité de renoncer à la protection de l'enfance des mineurs isolés étrangers, proposent de stopper l'application de la convention de Genève et de renoncer au droit d'asile ou de fermer nos frontières.

Or il est malheureusement possible que, demain, de nouveaux djihadistes auteurs d'attentats ou de tentatives d'attentat en France soient français, comme cela a été le cas dans le passé. A Nice, de nombreux français dont certains récemment convertis, se sont laissés embrigader dans la cellule de recrutement d'Omar Omsen. Nous avons subi, en France, un terrorisme commandité par des Etats étrangers, un terrorisme organisé par des mouvements djihadistes, puis des actes terroristes émanant de personnes isolées sans forcément de commanditaires extérieurs, tout autant commis par des français, des personnes de nationalité étrangère résidant légalement en France ou des personnes migrantes arrivées récemment. Le caractère protéiforme du terrorisme le rend encore plus difficile à combattre. Mais faire croire que chasser les étrangers et fermer les frontières permettra d'éradiquer tout phénomène terroriste est un leurre.

De plus, de très nombreux migrants fuient le fondamentalisme. De nombreux bénévoles associatifs à Nice, et j'en fais partie, accompagnent et accueillent des jeunes filles promises à des mariages forcés, des mères voulant protéger leurs filles de l'excision, des personnes évadées des prisons de Boko Haram, de jeunes homosexuels ayant subi des sévices et des séquestrations suite à l'application de la charia, etc. Nous ne devons pas renoncer à notre tradition d'accueil ni au respect des conventions internationales qui permettent aux victimes du fondamentalisme de trouver refuge en démocratie. Mais comment alors se prémunir de l'intrusion de djihadistes parmi les exilés ? Une fermeture totalement étanche des frontières est illusoire et n'est pas souhaitable. Il est, par contre, totalement contre-productif de laisser des personnes dans l'attente de l'examen de leurs demandes pendant des mois sans que personne n'ait pu les recevoir de façon adéquate ni réellement étudier leur situation. Les délais de traitement des procédures d'asile sont indécents mais lorsque le gouvernement a tenté de légiférer pour accélérer la procédure avec la loi asile-immigration portée par Gérard Collomb, cela s'est soldé par des procédures bâclées, non seulement irrespectueuses des droits des demandeurs d'asile mais également inaptes à permettre la détection de personnes dangereuses. 

6. Ne pas contrôler politiquement le savoir et la recherche

Le ministre de l'éducation Jean-Michel Blanquer a proféré le 22 octobre 2020 des accusations graves et inacceptables contre l'université : "Ce qu’on appelle l’islamo-gauchisme fait des ravages. Il fait des ravages à l’université, il fait des ravages quand l’UNEF cède à ce type de chose, il fait des ravages dans les rangs de La France insoumise (...). Ces gens-là favorisent une idéologie qui, ensuite, de loin en loin, mène au pire ». Cette accusation de "complicité intellectuelle avec le terrorisme" vient conforter un sentiment de défiance du gouvernement vis-à-vis du savoir, déjà exprimée par Emmanuel Macron à propos de l'histoire coloniale française dans la préparation de la loi sur le "séparatisme".

Dans la foulée, la sénatrice Laure Darcos (LR) a introduit un amendement à la loi de programmation de la recherche stipulant que « Les libertés académiques s’exercent dans le respect des valeurs de la République. »  Or la recherche et l'enseignement universitaire doivent rester indépendants de toute tutelle politique ! Les travaux d'un universitaire doivent être évalués par ses pairs et non par un bureau administratif d'un ministère. L'Université respecte déjà la loi. Preuve en est l'interdiction de travaux présentant un caractère négationniste ou les poursuites engagées à l'encontre de professeurs aux propos négationnistes. D'où vient donc ce besoin de réaffirmer le respect des valeurs de la République ? Qui définira en dernier ressort le contenu de ces valeurs pourtant objets de tant de débats et d'interprétations différentes ?  

Il y a là, sous prétexte de lutte contre l'obscurantisme, une inadmissible atteinte à liberté de penser, à l'esprit critique, à ce qui fait le ressort de l'esprit des Lumières. Encore une fois, le fondamentalisme étouffe toute la liberté d'expression. Le totalitarisme veut à tous prix contrôler chaque aspect de la vie de l'individu et de la société, à commencer par le savoir et par l'enseignement. Et pour lutter contre le totalitarisme islamiste, nous poserions une chappe de plomb sur l'Université française ? Nous imposerions un contrôle politique à la recherche en France ? C'est à la fois contradictoire et totalement contre-productif.

Combattre les ennemis de l'Etat de droit, de la liberté et de l'égalité, de la laïcité, de l'accueil et de l'esprit des Lumières ne doit en aucun cas nous conduire à renoncer nous-mêmes et de nous-même à l'Etat de droit, à la liberté et à l'égalité, à la laïcité, à notre tradition d'accueil et à l'esprit des Lumières.

lundi 14 septembre 2020

A Nice, les hauts-parleurs de la peur et de la colère

A Nice des haut-parleurs diffusent dans l'espace public des messages de la police municipale rappelant l'obligation du port du masque. Ces messages obsédants constituent une nuisance sonore pour les riverains qui les entendent de chez eux. Ils sont infantilisants et fortement anxiogènes. Ils s'ajoutent à une politique liberticide et contre-productive de contrôle permanent des individus.

A Nice des hauts-parleurs diffusent dans la rue des messages de la police municipale sur l'obligation du port du masque. 

Vous êtes chez vous par une douce soirée de fin d'été et, par la fenêtre ouverte, une voix métallique vient vous harceler jusque dans votre salon, vous empêchant même souvent de vous endormir. Les messages audio diffusés par la Ville de Nice, crachés par des hauts-parleurs à chaque lieu "stratégique" de la ville, constituent une véritable nuisance sonore pour les riverains, de 8h du matin à minuit. 

Vous ne sortez de chez vous que rarement. A la télé, dans les journaux, sur internet, tout le monde ne parle que de la "seconde vague" qui va déferler sur nous tel un tsunami. Tsunami de peur et d'angoisse. Angoisse qui vous prend rien qu'à l'idée de sortir faire une course. Et là, quand enfin vous être dehors et que vous vous apprêtez à avoir votre seule relation sociale de la journée, vous entendez la voix mécanique et glaçante qui vous rappelle le danger que vous encourez et qui appelle à la responsabilité. Vous croisez des personnes qui sont comme dépersonnalisées, qui ne sont plus tout à fait elle-mêmes, vous ne cessez de croiser des yeux sans visages. Puis, soudain, sur un banc, une voisine se repose et reprend son souffle, son masque baissée sous son menton. L'irresponsable qui nous met tous en danger ! Mais pourquoi donc la laisse-t-on faire ainsi ? Vite, vous retournez vous calfeutrer chez vous en trouvant un moyen de livraison pour avoir encore moins à sortir, et tant pis pour l'épicier du coin. Les messages diffusés par la Ville de Nice alimentent les peurs et contribuent à rendre notre société profondément anxiogène. 

Vous vous promenez dans les rues de Nice avec vos enfants. Vous leur avez plusieurs fois expliqué la situation. Vous avez tenté de calmer leurs craintes tout en les mettant en garde pour les protéger du virus. Vous savez que vous ne pouvez pas aller vous asseoir sur les quais, au port, car leur accès est interdit. L'été, vous savez que même l'accès aux plages, selon les horaires, est proscrit. Vous savez que telle ou telle place est grillagée et, selon l'heure de la journée, vous ne pourrez pas y aller. Vous savez que dans chaque rue, où que vous soyez, vous êtes filmés, que vos jeux avec vos enfants sont filmés et vus par des fonctionnaires de police municipale. Vous déambulez et vous entendez ce rappel à l'ordre constant, omniprésent, comme si vous étiez, vous aussi, un enfant, un idiot ou un irresponsable, comme si chaque citoyen était par avance considéré comme incapable d'exercer raisonnablement sa citoyenneté. La diffusion sonore de rappels à l'ordre par la Ville de Nice est infantilisante et liberticide.

A Nice, la police vous parle. Elle vous parle à chaque coin de rue, par des hauts-parleurs stupides qui répètent sans cesse les mêmes phrase. La police vous parle, même si vous n'avez rien fait de mal. Elle vous parle l'été, sur la promenade des Anglais, pour vous dire qu'il ne faut pas boire d'alcool ni mettre de la musique trop fort. Elle vous donne des consignes dans les rues sur le port du masque, même si aucune étude ne permet de savoir si ce matraquage obsédant a une quelconque efficacité. On veille sur vous. On vous surveille et on vous rappelle à l'ordre. Du coup, ce qui devrait être un geste responsable que la très grande majorité des personnes respecte d'elle-même, sous le coup de ces rappels à l'ordre incessants, devient obéissance à un ordre matraqué partout, tout le temps. Et, face à un ordre imposé, l'envie de désobéir vous prend, comme une colère sourde, contre cette société anxiogène, culpabilisante et liberticide. Combien de personnes ai-je entendu dire, dès que j'évoque ces hauts-parleurs, "moi, je n'ai qu'une seule envie, c'est de sortir une carabine et de les exploser !" ? Le matraquage obsédant de ces messages audio alimente la colère, la tension, et un sentiment de révolte profond. Et ce sentiment de révolte s'ancre chaque jour un peu plus, même chez des personnes légalistes qui se tenaient jusqu'à présent à distance de toute forme de contestation.

A Nice, les hauts-parleurs de la peur et de la colère alimentent une tension et une exaspération collective croissante, et personne ne sait comment elle se traduira. La municipalité poursuit son entreprise de contrôle permanent des individus, sans se rendre compte que ce harcèlement liberticide, anxiogène et infantilisant est contre-productif et aggrave la situation.

vendredi 17 juillet 2020

Non à l'interdiction d'accès aux plages de Nice le soir

Après différentes places grillagées, l'interdiction d'accès le soir à la Réserve, l'interdiction d'accès aux bords de quais, voici venue l'interdiction pure et simple d'accéder à la plage les soirs de week-end à Nice. Or interdire, ce n'est pas protéger. C'est pénaliser l'ensemble de la population et ne faire que déplacer le problème. Analyse d'un aveu d'échec sécuritaire.

Le maire de Nice et le Préfet des Alpes-Maritimes veulent interdire l'accès de tous aux plages de Nice, au Port et à la Réserve à partir de 22h les vendredi, samedi et dimanche.

La logique est simple : quelques-uns causent des troubles, on pénalise tout le monde. Au lieu d'assurer la sécurité des Niçois et des touristes au bord de mer, on leur interdit d'y accéder.

Comment une municipalité qui dépense un budget énorme pour la sécurité (90 millions d'euros en 2020), qui est l'une des villes ayant le plus de policiers municipaux et de caméras de vidéo surveillance, peut elle se déclarer par avance incapable de garantir la sécurité sur ses plages et son port ? A quoi sert donc de jouer les "Monsieur muscles politiques" quand on est inapte à protéger ses habitants ?

Le cœur du problème est là : interdire, ce n'est pas protéger.

Interdire l'accès à un lieu public, le clôturer avec des grilles, ne fait que déplacer le problème. Récapitulatif : des groupes de jeunes causent, selon la municipalité, des incivilités à la Réserve. On interdit à tous d'y accéder le soir en posant des grilles le 12 juin. Ces groupes se déplacent au Port et on interdit également à tous, vers le 25 juin, d'y accéder le soir. Ils s'installent ensuite sur les plages de la Promenade des Anglais, on interdit désormais l'accès aux plages pour tous. Et si, demain, ils causent des incivilités dans la vieille ville... on ferme le Vieux Nice ? Jusqu'où ira la logique de l'interdit à Nice ?

Christian Estrosi a grillagé le square Marshall, la place des Cigalusa, la place de l'armée du Rhin ou les marchés du Palais de Justice mais il ne fait à chaque fois que déplacer le problème vers des lieux proches. La culture de l'interdit et des espaces clos est un leurre sécuritaire.

En interdisant à tous d'accéder à l'espace public, Christian Estrosi accroît le pouvoir de nuisance des "fauteurs de troubles" : à cause d'eux et de l'inaptitude des pouvoirs publics, toute la ville est pénalisée. A vouloir systématiquement interdire et clôturer l'espace public, on s'enferme soi-même.

Et que dire des touristes que l'on cherche par tous moyens à faire venir pour sauver l'économie locale maladivement dépendante de la mono activité touristique ? Ils viennent à Nice mais ils ne pourront plus accéder au bord de mer après avoir dîné dans le Vieux Nice ? Quelle image de notre ville leur donne-t-on ?

"Homme libre, toujours tu chériras la mer" écrivait Baudelaire. La mer, c'est la liberté. L'accès au bord de mer provoque un sentiment d'évasion, d'ouverture sur l'immensité, avec toujours une intensité si particulière. La plage est souvent cet endroit à part où l'on s'extrait de l'agitation de la ville, où l'on retrouve les éléments naturels.

L'espace public permet, s'il est aménagé pour cela, de favoriser les échanges, le vivre ensemble et l'inclusion social de tous. En clôturant l'espace public et en interdisant d'y accéder, Nice renonce tout à la fois à développer le lien social, à devenir une ville hospitalière et à garantir la sécurité de tous (lire ici). Elle devient une succession d'espaces clos, un lieu de déshumanisation et de ségrégation anti-SDF. Elle renonce à la politique de prévention qui lui incombe.

De plus, Christian Estrosi et son équipe stigmatisent systématiquement la jeunesse. Anthony Borré, 1er adjoint, déclare, en interdisant l'accès à la plage, "lutter contre les rassemblements de jeunes et faire cesser les troubles liés au bruit. Des amendes seront dressées et les instruments de musique comme les Djembé pourront être saisis" (lire ici). Or être jeune et jouer de la musique entre amis le soir sur la plage est normal et légitime. Aller jouer du djembé sur la plage, c'est précisément s'éloigner des habitations pour ne pas gêner les riverains. La jeunesse doit avoir sa place à Nice et lui opposer systématiquement des interdits ne fera qu'envenimer les choses.

Le bord de mer, comme l'ensemble de l'espace public, doit rester accessible à tous. Il revient aux pouvoirs publics locaux, maire comme préfet, de garantir la sécurité de l'ensemble de la population sans interdire d'accéder à la plage, au port ou à la Réserve. Nous voulons habiter la ville librement, avec humanité, et préserver le vivre ensemble à Nice.

mardi 30 juin 2020

Ecosocialisme municipal

Plutôt qu'une simple "vague verte" ce sont des coalitions de l'écologie et de la gauche qui ont rendu possible la victoire aux élections municipales. Loin des grandes théories, un écosocialisme de bon sens voit le jour. Emmanuel Macron, inapte à appréhender la prise de conscience écologique, incarne un libéralisme économique dont le rejet est le ciment de cet écosocialisme nouveau.

Au lendemain de l'élection d'Emmanuel Macron à la présidence de la République, le "ni droite ni de gauche" faisait fureur dans la presse, laissant croire à certains que les bases idéologiques des partis traditionnels étaient définitivement reléguées aux oubliettes. Je m'étais alors succinctement tracé une ligne de conduite politique simple, fondée sur deux impératifs que je pense plus que jamais d'actualité : écosocialisme et humanisme.

Les avidités des divers protagonistes rendant impossible une union autour de ces deux pôles, nous avons assisté aux Elections Européennes à des listes concurrentes portant des programmes similaires et à de logiques défaites, malgré une percée timide d'EELV.

Aux élections municipales de 2020, une lueur d'espoir apparaît : des coalitions pragmatiques entre gauche et écologie ont permis de faire basculer ou de conserver des grandes villes françaises : Lyon, Paris, Marseille, Bordeaux, Grenoble, etc., partout, des coalitions ont rendu possible la victoire. 

Sans attendre une refondation théorique et l'émergence d'un nouveau courant idéologique, un écosocialisme de bon sens a vu le jour. Là où les commentateurs voient une "vague verte", nous constatons au contraire que c'est la constitution de coalitions, que la tête de liste soit issue des mouvements écologistes ou des partis de gauche, qui a rendu la victoire possible. Or qu'est-ce qui a cimenté ces coalitions ? Les leçons de la crise sanitaire, sociale et économique du Covid-19, l'opposition commune aux méfaits du libéralisme économique, le fait que l'écologie comprenne qu'elle est de gauche.

Dans les villes comme Nice, où les tenants de l'écologie ont déclaré être "ni de droite ni de gauche", point d'union possible et défaite assurée. Le vieux débat du positionnement de l'écologie dans l'échiquier politique national sera ainsi, je l'espère, tranché. Le combat pour l'écologie et le combat social ne font qu'un.

Et quand des décisions pratiques doivent être prises, comme c'est le cas lorsque l'on doit gérer une commune ou une intercommunalité, l'évidence saute aux yeux : la santé publique, la qualité de vie des habitants et la préservation de l'environnement sont incompatibles avec les grands projets urbains favorisant le consumérisme effréné, le surtourisme, l'augmentation constante de la pollution et de la bétonisation, etc.

Et, malgré tous ses efforts de bon communiquant, Emmanuel Macron se révélera toujours inapte à porter la prise de conscience écologique pour cette même raison : il incarne la défense d'un libéralisme économique qui a montré toutes ses limites avec la crise du Covid-19 et dont le rejet cimente l'écosocialisme, l'union de bons sens de la gauche et de l'écologie. 

jeudi 18 juin 2020

Clôturer la ville de Nice, un triple aveu d'échec

Les Cigalusa, la place de l'Armée du Rhin, la Réserve... à chaque grille posée, la Ville de Nice avoue son incapacité à développer le lien social, à devenir une ville inclusive et à garantir la sécurité de tous.

Dès que des incivilités sont signalées de façon répétée dans un lieu de Nice, Christian Estrosi fait clôturer ce lieu et prétend le sécuriser.

Ainsi la place des Cigalusa, le square Mashall ou la place de l'armée du Rhin ont été clôturées, alignant de désespérantes rangées de grilles, enfermant ce qui devrait être des lieux de convivialité. Plus surprenant encore, le fait de clôturer et d'empêcher l'accès à la mer le soir à la Réserve. Parce qu'un groupe d'individus y commettait dégradations et incivilité on empêche tout le monde d'y accéder. Fini les couchers de soleil au bord de l'eau dans l'un des plus beau sites de la ville...

En réalité clôturer Nice constitue un triple aveu d'échec :

1. Un échec du vivre ensemble 

L'aménagement urbain est un levier puissant, aux mains des communes, pour favoriser le lien social. Le vivre ensemble commence par avoir la possibilité de se parler dans l'espace public. De grands boulevards qui ne sont que des lieux de passages font que l'on se croise mais que l'on se parle très peu. Des espaces sans banc ni jardin en bas de tours HLM poussent à se regrouper dans des cages d'escalier ou à "tenir le mur". Une place qui n'était qu'un carrefour de passage peut redevenir un lieu de vie, comme à Garibaldi, dès que l'on commence à y réinstaller des bancs. Les espaces grillagés enlaidissent la ville et empêchent les échanges.

Nice allie traditions et modernité. Elle s'ouvre sur le monde grace au tourisme. Elle ne doit pas devenir une juxtaposition d'espaces clos, une ville fermée et bunkérisée. Seule une ville ouverte peut favoriser le vivre ensemble. En voulant se protéger de l'extérieur on s'enferme soi-même.

En clôturant des parcelles de plus en plus nombreuses d'espace public,  la Ville de Nice renonce à y favoriser le lien social. Elle se révèle inapte à adapter l'espace public pour favoriser les échanges. Chaque espace clôturé est un renoncement au vivre ensemble.

2. Un échec de la société inclusive

Une société "inclusive" doit se développer sans exclure aucune catégorie de la population. 

Or la Ville de Nice prétend choisir qui a le droit d'occuper l'espace public et fait tout pour chasser ceux qu'elle juge indésirables. Elle déploie ainsi, par une série d'actions ciblées, une politique de ségrégation urbaine dont les premières victimes sont les SDF :

- couper l'eau place du Pin l'an dernier pour chasser les sans-abri

- jeter systématiquement les affaires de SDF (cartons, sacs de couchage, etc.) 

- refuser d'installer des toilettes et douches publiques gratuites en nombre suffisant partout dans la ville

- refuser de mener une politique d'hébergement d'urgence et de logement social à la hauteur des besoins 

- ne pas soutenir suffisamment les associations d'aide aux sans-abri et priver de moyens suffisants le CCAS et les travailleurs sociaux

- poser une double rangée de grilles devant le Palais de Justice pour chasser les SDF et rendre inaccessibles, un a un, les jardins publics en les clôturant

- etc.

Chaque grille posée, chaque sac de couchage jeté est une négation de l'inclusion sociale, un aveu de rejet et d'exclusion. La Ville de Nice renonce à sa vocation sociale, refuse de devenir une ville hospitalière et mène une politique discriminatoire.

3. Un échec sécuritaire

Pour empêcher des personnes créant un trouble à l'ordre public de se rendre sur un lieu où ils ont leurs habitudes, on grillage le lieu en pénalisant de fait les habitants qui n'y sont pour rien. Mais imagine-t-on un seul instant que les fauteurs de troubles vont gentiment rester chez eux ? Ils vont tout naturellement trouver un autre lieu de rassemblement un peu plus loin et continuer à se comporter de la même manière en génant d'autres riverains. On ne fait que déplacer le problème de place en place. Et quand toutes les places de la ville seront clôturées, les petits groupes convergeront et se regrouperont dans les derniers espaces libres. La Ville de Nice créera ainsi des groupes beaucoup plus nombreux et bien plus difficiles à ramener à la raison et à un comportement respectueux.

Nice est l'une des villes ayant le plus grand nombre de policiers municipaux et de caméras de vidéo surveillance. Elle consacre un budget énorme à la sécurité au détriment du social, de l'éducation et de la santé. Or clôturer une place où ont lieu des incivilités c'est renoncer d'emblée à rétablir l'ordre, c'est avouer à l'avance son incapacité à faire cesser les troubles sans empêcher les riverains d'accéder à cette place. La Ville doit garantir la sécurité des Niçois souhaitant passer une soirée au bord de mer à la Réserve et non leur interdire l'accès.

Chaque lieu clôturé à Nice est un aveu d'échec de Christian Estrosi à garantir la sécurité des Niçois. Il préfère les priver d'accès à ces lieux plutôt que de mener les politiques de prévention et, si besoin, de répression necessaires.

Au final, en posant systématiquement des grilles là où apparaissent des difficultés, la Ville de Nice avoue son incapacité à développer le lien social, à devenir une ville inclusive et hospitalière et à garantir la sécurité de tous.

samedi 13 juin 2020

Symboles publics de corruption, de racisme et d'esclavagisme: l'exemple niçois

La démocratie exerce légitimement son droit d'inventaire et réexamine les symboles de la République. Assumer notre passé permet de ne pas reproduire les erreurs commises et, à tout le moins, de ne pas les ériger en exemples. Or c'est très précisément ce que fait la Ville de Nice célébrant tour à tour des personnalités corrompues, racistes ou esclavagistes.

S'il revient aux historiens d'analyser et d'éclairer les faits historiques, lorsqu'une commune honore et célèbre une personnalité en lui attribuant un nom de lieu, nous entrons dans le champs de la décision politique. 

La République est faite de symboles, ils marquent l'appartenance à une communauté de destins et des valeurs communes, et l'inscription de nos propres actions au sein d'un récit commun. Or nous assistons à une contestation de symboles racistes ou esclavagistes un peu partout en France. La démocratie exerce ainsi, de façon légitime, son droit d'inventaire. Si je ne cautionne pas les actes unilatéraux de destitution d'une statue, il faut entendre la portée symbolique de ce geste politique. 

Dans une démocratie mature, nous devrions être capables de créer les conditions d'un examen posé et concerté du maintien ou non de certains symboles, statues, plaques et nom de rues afin de déterminer s'ils sont toujours en accord avec les valeurs de la République Française. 

Des statues d'esclavagistes, si elles ne doivent bien évidemment pas être détruites, pourraient être exposées dans des musées au lieu de trôner sur la place publique. Ce n'est que l'une des options possibles et nous devrions être en mesure de mener un débat démocratique serein sur cette question qui est loin de n'être que mémorielle. 

Mais, dans l'attente de cet examen du passé et des symboles érigés naguère, il est par contre impensable d'honorer à nouveau des personnalités racistes ou esclavagistes. C'est pourtant ce qu'a récemment fait la Ville de Nice, incurable laboratoire du pire, dont la politique d'attribution des noms de lieux révèle d'un sidérant manque d'éthique :

- Novembre 2018, attribution d'un nom de rue à Charles Pasqua, condamné à 18 mois avec sursis pour financement illégal de campagne électoral et à un an avec sursis pour détournement de fonds en 2010.

- Octobre 2019, inauguration du quai Napoléon 1er. Napoléon Bonaparte qui, outre l'instauration de l'Empire et le très grand nombre de morts dus aux guerres impériales, a notamment rétabli l'esclavage.

- Novembre 2019, inauguration de la rue Jacques Médecin qui, en 1974, a jumelé la ville de Nice avec celle du Cap en soutien à la politique d'apartheid menée en Afrique du Sud, qui a tenu des propos ouvertement racistes ("La France va être envahie par tous les macaques qui n'ont rien d'autre à faire que venir vivre chez nous"), et qui a été condamné en 1992 à un an de prison ferme pour délit d'ingérence, en 1995 à deux ans de prison ferme, cinq ans de privation de droits civiques pour détournements de fonds et trois ans de prison ferme pour corruption et abus de bien sociaux et, en 1998, à deux ans de prison ferme pour fraude fiscale.

- Février 2020, inauguration du cours et de la statue de Jacques Chirac, condamné à deux ans avec sursis en 2011 pour détournement de fonds, prise illégale d'intérêts et abus de confiance et qui a tenu, lui aussi, des propos ouvertement racistes ("le bruit et l'odeur").

On ne peut dans le même temps enseigner l'éducation civique à nos enfants et glorifier, au nom de la collectivité, des personnalités corrompues, racistes ou esclavagistes. Assumer notre passé consiste très précisément à ne pas reproduire les erreurs commises et, à tout le moins, à ne pas les ériger en exemples.

dimanche 7 juin 2020

Élections municipales à Nice et "amnésie" supposée : clarifications

En aucun cas la liste Viva n'a demandé, accepté ou refusé une fusion de liste avec JM Governatori et P Allemand. Si, fait improbable, elle avait accepté une telle fusion, je n'y aurais pas participé. L'éthique d'action demande constance et cohérence.

La liste "Viva ! Démocratie, écologie, solidarité" a fait à Nice, en peu de temps, une très belle campagne et je remercie chaleureusement toutes celles et ceux qui y ont participé. Il nous a manqué 720 voix pour être présents au second tour : ce n'est que partie remise. 

Cette aventure collective rassemblant quatre forces politiques (LFI, PCF, Génération.s et Ensemble) et des citoyens non encartés, au-delà de l'exercice démocratique de la campagne, constitue, je l'espère, l'acte de refondation et l'avenir de la gauche niçoise.

Je pensais ne plus écrire d'article sur cette élection mais le billet d'humeur de Thierry Prudhon publié dans Nice Matin ce jour, bien légitime puisque subsiste une incompréhension, appelle réponse. Notre liste serait devenue "amnésique" et prête à s'allier à Jean-Marc Governatori après l'avoir critiqué durant la campagne. Clarifications :

- Le Collectif citoyen 06 nous a invité à une réunion en vue d'une union au second tour. Nous avons convenu de nous y rendre et que nos représentants à cet échange reviendraient vers nous pour que nous puissions décider collectivement et démocratiquement de la position à adopter. 

- Avant que nous n'ayons eu à prendre cette décision et à voter en interne, nous avons appris que cette union ne serait pas possible suite à un refus de la liste AEI-EELV.

- En conséquence, en aucun cas la liste Viva n'a demandé, accepté ou refusé de fusion ni avec la liste menée par Patrick Allemand ni avec celle menée par Jean-Marc Governatori.

- Je pense que nous aurions refusé mais, respectant nos règles démocratiques internes, je ne peux l'affirmer puisque ce vote n'a pas eu lieu.

- Par contre, opposé à toute fusion de listes, j'avais prévenu mes colistiers et l'ensemble de l'équipe de Viva qu'en cas de fusion je me retirerais et ne participerais ni à une liste ni à une campagne commune.

J'ai décrit les choix politiques nationaux et locaux de Patrick Allemand et Xavier Garcia ici : Etre ou ne pas être de gauche à Nice. J'ai écrit aux écologistes niçois pour leur dire qui était Jean Marc Governatori et quel était le bilan de mandat de Juliette Chesnel et Fabrice Decoupigny ici : Lettre ouverte aux écologistes niçois. Il n'y a aucune amnésie de ma part et en aucun cas je n'aurais renié mes écrits et mes engagements.

Je devrais tout naturellement, face à aux dangers que représentent les politiques défendues par Philippe Vardon et Christian Estrosi, voter pour une liste EELV. Mais, en raison des éléments explicités dans ma lettre aux écologistes niçois citée plus haut, il m'est impossible, d'un point de vue éthique, de voter pour Jean-Marc Governatori. Je voterai donc "blanc" au second tour.

Au-delà de ces péripéties politiciennes imposées, l'urgence sociale, écologique et démocratique est là et appelle mobilisation, éthique d'action et responsabilité. J'y répondrai à mon niveau au sein de "Tous citoyens", de "Viva", et avec l'ensemble des citoyennes et citoyens prêts à s'impliquer pour cela.

jeudi 7 mai 2020

Pour une démondialisation écologique et humaniste

La démondialisation ne doit, en aucun cas et d'aucune manière, pouvoir être assimilée d'une part à un productivisme aveugle contraire à l'écologie et d'autre part à un nationalisme contraire à notre humanisme. La démondialisation sera écologique et humaniste ou elle ne sera pas.

La crise sanitaire, sociale et économique du Covid-19 a fait enfin comprendre à ceux qui s'y refusaient que la France était trop dépendante de ses importations et que, pour faire face aux crises à venir de façon plus efficace qu'elle ne le fait face à celle que nous vivons actuellement, elle devait être plus autonome. Cette autonomie passe par la relocalisation de filières de productions essentielles.

Elle passe également par un renforcement des services publics, notamment hospitaliers, par une préservation des biens communs, par une nouvelle répartition des richesses et par la garantie d'un revenu universel d'existence pour tous sans avoir à improviser des dispositifs compensations sociales partiels et partiaux. J'ai déjà esquissé cela (lire ici) et j'y reviendrai ultérieurement.

Concernant ces fameuses relocalisations de filières industrielles stratégiques devant garantir l'autonomie (de préférence à "indépendance") sanitaire et économique de la France, se pose la question centrale de savoir comment nous concevons cette politique et comment nous la nommons. Resurgissent alors des mots comme "souverainisme", "protectionnisme", "frontière" et, dans un champs lexical proche mais différent, "relocalisation", "circuits courts", "autosuffisance". Entre les deux, un concept que nous sommes nombreux à avoir défendu, notamment avec Arnaud Montebourg depuis 2011 et que nous défendons toujours, sans forcément y entendre tous la même chose : la "démondialisation".

Patriotisme économique, souverainisme et protectionnisme

Le premier champs lexical, de "souverainisme" à "frontières" en passant par "protectionnisme", "made in France" ou "patriotisme économique", permet à certains de rêver d'un dépassement des clivages politiques traditionnels de droite et de gauche en réalisant une union nationale, ces thèmes pouvant séduire les citoyens jusqu'aux électeurs d'extrême droite. Mais la démondialisation ne doit pas aboutir à un repli sur soi chauvin, chaque patriote restant du bon côté de sa frontière, une main sur le cœur, l'autre tendant haut son drapeau et chantant bien fort son hymne national. Certains disent "les Français d'abord", d'autres "America First", mais cela ressort du même creuset.

Pour autant, la patrie n'est pas la nation et être patriote n'est pas une tare ou une faute. Pour autant, sans un protectionnisme qui taxe aux frontières de l'UE les produits fabriqués sans respecter la protection et des travailleurs et de l'environnement, le produit étranger fabriqué ainsi vaudra toujours moins cher qu'un produit européen ou national plus vertueux. Pour autant, la politique du "made in France" et du "redressement productif" menée par Arnaud Montebourg en tant que ministre de 2012 à 2014, de la tentative de renationalisation temporaire de Florange aux 34 plans industriels stratégiques en passant par le décret de mai 2014 limitant l'investissement étranger dans des secteurs clefs, correspond très précisément à la politique qu'il aurait fallu poursuivre pour nous éviter la dépendance actuelle. Tout cela est vrai. Mais la démondialisation ne doit, en aucun cas et d'aucune manière, être assimilable à un nationalisme et il faut se garder d'entretenir la confusion. Même la notion de "souverainisme" renvoie pour beaucoup aux mouvements souverainistes eurosceptiques ou pro frexit. Il s'agit de retrouver un juste milieu et de nous prémunir des extrêmes.

Afin d'éviter ce risque, certains reviennent à la "déglobalisation", le terme de mondialisation étant la traduction française du terme anglais "globalization" et la démondialisation étant une déglobalisation financière et marchande. D'autres relancent la notion, certes intéressante mais elle aussi polysémique et développée en des directions différentes, de "juste échange". Benoit Hamon propose, lui, propose dans un tweet de parler de "démarchandisation", terme qui porte bien l'idée d'extraire les biens communs du système marchand mais qui perd la notion de relocalisation.

Relocalisation, autosuffisance et décroissance

Le second champ lexical, de "relocalisation" à "autosuffisance" en passant par "circuits courts", "territoires résilients", "collapsologie" ou "décroissance", retranscrit bien la nécessité de l'autosuffisance (de préférence à "souverainisme") sanitaire, alimentaire ou énergétique. Il met également l'accent sur la dimension locale et territoriale de la résilience. La notion d'autosuffisance introduit l'idée, en plus de celle d'autonomie, de ne prélever dans la nature et de ne produire que ce qui nous est suffisant. Nous rejoignons là une sobriété qui s'oppose à la surproduction et à la surconsommation. 

La relocalisation n'est pas la renationalisation : niçois, je préfère un produit bio de la Ligurie italienne voisine à un produit gavé d'engrais chimiques et de pesticides du nord de la France. Le circuit court et l'intérêt écologique priment sur les frontières nationales. 

Mais les politiques regroupées dans ce champ lexical se heurtent à des précisions nécessaires sur la productivité. Si nous sommes déjà entrés dans une phase de décroissance subie, si l'arrêt brutal de l'économie durant le confinement évoque l'effondrement, il est indispensable de produire pour relocaliser les filières essentielles à l'autosuffisance. Il faut donc décroître dans certains domaines non essentiels et défendre une croissance raisonnée dans des filières stratégiques ciblées, à définir et à prioriser. Cette indispensable croissance liée à la relocalisation des filières stratégiques ne peut se faire en dépit de l'impératif écologique d'une économie décarbonée, soucieuses de préserver aux maximum nos ressources et d'être le moins polluante possible. Nous devons opérer une mutation profonde de l'Anthropocène telle que nous puissions le transformer de l'intérieur. Et, en aucun cas, la démondialisation et la relocalisation des filière industrielles essentielles ne peuvent se réduire à un productivisme aveugle et non écologique.  

Frontières

Pour saisir la portée de ces enjeux, un retour sur la question des frontières, ligne de démarcation idéologique, est utile et révélateur. Le RN propose une renationalisation de l'économie française en taxant les produits étrangers, quels qu'ils soient, aux frontières nationales, simplement parce qu'ils sont étrangers. Le protectionnisme peut ainsi être utilisé à des fins purement nationalistes. Mais il peut aussi être utilisé afin de préserver l'environnement et de protéger les travailleurs en taxant non pas aux frontières nationales mais aux frontières européennes les produits réalisés sans respecter les normes environnementales et les règles de l'Organisation Internationale du Travail (interdiction du travail des enfants, conditions de travail décentes, etc.).

Certains libéraux veulent ouvrir les frontières aux marchandises mais les fermer aux hommes et leur libéralisme économique se double d'une xénophobie mortifère. La démondialisation financière et marchande est, elle, fondamentalement humaniste. Elle refuse la mise en concurrence des travailleurs de pays importateurs avec ceux des pays exportateurs, tente de les protéger aussi bien les uns que les autres et retrouve ainsi l'ambition de l'Internationale socialiste. Elle ne saurait verser dans une traque inhumaine des réfugiés pris dans les affres des guerres et de la misère. 

La démondialisation doit intégrer ceux qui cherchent refuges au sein d'un écosystème économique local revivifié. Elle doit protéger les plus faibles et repenser le rapport au travail en se doublant d'un revenu universel d'existence pour toutes et tous. Elle doit permettre d'articuler l'action locale et celle de l'Etat. Elle doit aider l'ensemble des acteurs politiques et économiques à sortir de l'addiction à la recherche effrénée des profits et du mythe de la croissance illimitée. Elle doit savoir concilier la productivité indispensable à la relocalisation des filières stratégiques et la mise en oeuvre d'une véritable écologie politique. 

En définitive, la démondialisation sera écologique et humaniste ou elle ne sera pas.

vendredi 10 avril 2020

Tracking du Covid-19 : une nouvelle servitude volontaire

Participer volontairement à la traçabilité des personnes contaminées par le Covid-19 ne constitue rien de moins qu'une nouvelle servitude volontaire. J'invite chaque citoyenne et chaque citoyen à refuser de participer à toute forme de "tracking", de contrôle permanent des individus et de délation.

"Nous sommes en guerre", "couvre-feu", "drones", "tracking" et traçabilité des personnes contaminées... De crises en crises et à défaut de véritables solutions, la réponse sécuritaire s'impose peu à peu, banalisant le renoncement à nos libertés fondamentales.

Présenter la réponse sécuritaire comme seule réponse possible permet au pouvoir en place de masquer son incapacité à anticiper les crises et à y répondre de façon adéquate.

L'argument sécuritaire, face à la menace terroriste comme face à la menace sanitaire, pousse les citoyens à un "consentement" au renoncement.

La fabrique de ce consentement, véritable tour de force politique, ne constitue rien de moins qu'une nouvelle forme de servitude volontaire.

Dans cette droite ligne, le gouvernement français s'apprête à proposer son application de traçage des personnes contaminées par le Covid-19 sur la base du volontariat.

J'invite chaque citoyenne et chaque citoyen à refuser de participer à toute forme de "tracking", de contrôle permanent des individus et de délation.

Il en va de notre capacité à surmonter les crises que nous traversons sans renier nos valeurs.

Il en va de notre liberté et de notre humanité.

samedi 28 mars 2020

Il n'y aura pas de "jour d'après"

Les articles appelant à penser et à préparer "le jour d'après", souvent très pertinents, se multiplient. Or force est de constater que, les crises succédant aux crises, il n'y aura pas de jour d'après. Il faut, dès à présent, repenser le présent.

Les articles appelant à penser et à préparer "le jour d'après", souvent très pertinents, se multiplient, comme si le "moment post-coronavirus" était attendu comme moment fondateur d'un renouveau. Or force est de constater que, les crises succédant aux crises, il n'y aura pas de jour d'après. Il faut, dès à présent, repenser le présent.

Postulat

Notre époque n'est pas uniquement traversée par des crises successives, c'est le continuum de crises successives qui caractérise notre époque. 

Nous devons en conséquence repenser notre agir collectif et individuel afin d'être collectivement et individuellement aptes à résister et à surmonter ces crises, mais également afin d'être aptes à vivre et à nous émanciper collectivement et individuellement en temps de crise, pendant celle que nous traversons, quelle que soit sa nature et ses effets, car il y aura vraisemblablement de nouvelles crises après la crise.

Digression

Personne n'aurait pu prédire que nous allions tous être confinés et que l'économie mondiale serait partiellement à l'arrêt. Depuis le début du confinement, nous avons tous été enclins à penser, à un moment ou à un autre qu'une fois cette crise passée, "ce ne sera plus jamais comme avant." Aussitôt après avoir pensé cela, m'est revenu en mémoire notre état de sidération, à Nice, après l'attentat du 14 juillet 2016. Là également j'avais fait l'épreuve de cette pensée, bien que le contexte soit totalement différent : "rien ne sera plus jamais comme avant". Puis je me suis souvenu de l'expérience intime, d'un tout autre ordre, qu'a constitué pour moi la prise de conscience de l'urgence climatique, de l'impact de l'activité humaine sur la planète, de la décroissance subie et de l'effondrement. J'avais déjà vécu la prise de conscience individuelle de la contingence du monde en lisant Sartre ou celle du dépassement de l'illusion de liberté en lisant Spinoza. Mais là, lorsque nous réalisons que nous vivons une prise de conscience collective à grande échelle, nous sommes tentés de nous dire que "nous ne pourrons plus jamais voir les choses comme avant".

En réalité, nous sommes pris dans un tourbillon de crises successives et à chaque fois nous avons pensé que c'était la fin d'un cycle et que tout serait différent ensuite. Or, bien sûr, tout a repris, à chaque fois, de la même manière. Alors oui, le jour de la fin du confinement, nous irons tous voir les proches dont nous avons été séparés durant cette période, nous irons boire un verre entre amis et nous retrouverons l'infini plaisir de marcher ou de courir à plus d'un kilomètre de chez soi. Mais, de fait, nous devons affronter l'idée qu'au sortir de la crise du coronavirus et après un bref temps de répit, nous serons assaillis par un nouvel attentat ou un nouvel épisode caniculaire ou une nouvelle tempête, par une nouvelle crise politique ou sanitaire. Affronter l'idée qu'il n'y aura pas véritablement de "jour d'après" et encore moins de "monde d'après" nous impose une exigence de pensée encore plus grande. Le continuum de crise est tel que nous devons commencer à changer les choses dès maintenant, pendant la crise actuelle et sans attendre "le jour d'après".

Propositions

Proposition n°1 : préserver nos contre-pouvoir et notre démocratie en temps de crise

À chaque crise, qu'il s'agisse d'une vague d'attentat ou d'une crise sanitaire majeure, et afin de pouvoir prendre des décisions rapidement et efficacement, la tentation est grande de donner les clefs du pouvoir à quelques-uns voir à un seul en décrétant un état d'exception. Nous nous habituons ainsi à voir nos contre-pouvoirs suspendus ou réduits, à commencer par les prérogatives du parlement. Nous nous habituons également à voir nos libertés individuelles réduites voire supprimées en raison de la préservation de notre sécurité. Mais, à chaque fois et quelque soit la forme de l'état d'exception décrété, le risque de dérive autoritaire est grand, et le renoncement à nos droits et nos avancées démocratiques un peu plus ancré et accepté. Nous devons impérativement repenser nos institutions de sorte que des décisions rapides et efficaces puissent être prises sans contrevenir à la séparation des pouvoirs en France et en respectant chacun des contre-pouvoir. Nous devons également proclamer inaliénables et non suspensifs un certain nombre de droits collectifs et de libertés individuelles, qu'elle que soit la situation et la crise en cours.

Proposition n°2 : tendre vers une économie démondialisée et éco responsable

Afin d'affronter la crise actuelle et de parer aux crises futures il semble indispensable, entre autres, de :

- sortir les services publiques et les biens communs de l'exigence de rentabilité et de la loi du marché 

- diversifier l'économie et sortir de la mono activité, notamment touristique

- démondialiser, relocaliser et décarboner notre économie, filière par filière en s'emancipant autant que faire se peut des énergies fossiles.

- tendre vers l'autonomie alimentaire et énergétique 

Propositions n°3 : garantir un revenu universel à chacun

À chaque crise les plus démunis sont les oubliés des dispositifs mis en place et il faut à chaque fois lutter pour leur prise en charge. Nous devons garantir des conditions de vie décentes pour tous même lorsqu'une crise met l'économie à l'arrêt. Afin de ne pas devoir improviser de système d'aide universelle en temps de crise prenant le relais des aides classiques en temps "normal", il semble plus pertinent d'adopter un véritable "revenu universel" ou "revenu de base" garantissant, en temps de crise comme en tant normal, un revenu décent pour tous.

Chacune de ces propositions pourrait être complétée ou amendée et bien d'autres seraient à formuler. Mais l'essentiel est de garder à l'esprit que chacune d'entre elles doit être mise en oeuvre dès à présent.  Chacune doit pouvoir être appliquée aussi bien durant la crise actuelle que durant les temps de répit inclus dans le continuum de crises et durant les crises à venir, car il est vain d'attendre un "jour d'après".