samedi 13 juin 2020

Symboles publics de corruption, de racisme et d'esclavagisme: l'exemple niçois

La démocratie exerce légitimement son droit d'inventaire et réexamine les symboles de la République. Assumer notre passé permet de ne pas reproduire les erreurs commises et, à tout le moins, de ne pas les ériger en exemples. Or c'est très précisément ce que fait la Ville de Nice célébrant tour à tour des personnalités corrompues, racistes ou esclavagistes.

S'il revient aux historiens d'analyser et d'éclairer les faits historiques, lorsqu'une commune honore et célèbre une personnalité en lui attribuant un nom de lieu, nous entrons dans le champs de la décision politique. 

La République est faite de symboles, ils marquent l'appartenance à une communauté de destins et des valeurs communes, et l'inscription de nos propres actions au sein d'un récit commun. Or nous assistons à une contestation de symboles racistes ou esclavagistes un peu partout en France. La démocratie exerce ainsi, de façon légitime, son droit d'inventaire. Si je ne cautionne pas les actes unilatéraux de destitution d'une statue, il faut entendre la portée symbolique de ce geste politique. 

Dans une démocratie mature, nous devrions être capables de créer les conditions d'un examen posé et concerté du maintien ou non de certains symboles, statues, plaques et nom de rues afin de déterminer s'ils sont toujours en accord avec les valeurs de la République Française. 

Des statues d'esclavagistes, si elles ne doivent bien évidemment pas être détruites, pourraient être exposées dans des musées au lieu de trôner sur la place publique. Ce n'est que l'une des options possibles et nous devrions être en mesure de mener un débat démocratique serein sur cette question qui est loin de n'être que mémorielle. 

Mais, dans l'attente de cet examen du passé et des symboles érigés naguère, il est par contre impensable d'honorer à nouveau des personnalités racistes ou esclavagistes. C'est pourtant ce qu'a récemment fait la Ville de Nice, incurable laboratoire du pire, dont la politique d'attribution des noms de lieux révèle d'un sidérant manque d'éthique :

- Novembre 2018, attribution d'un nom de rue à Charles Pasqua, condamné à 18 mois avec sursis pour financement illégal de campagne électoral et à un an avec sursis pour détournement de fonds en 2010.

- Octobre 2019, inauguration du quai Napoléon 1er. Napoléon Bonaparte qui, outre l'instauration de l'Empire et le très grand nombre de morts dus aux guerres impériales, a notamment rétabli l'esclavage.

- Novembre 2019, inauguration de la rue Jacques Médecin qui, en 1974, a jumelé la ville de Nice avec celle du Cap en soutien à la politique d'apartheid menée en Afrique du Sud, qui a tenu des propos ouvertement racistes ("La France va être envahie par tous les macaques qui n'ont rien d'autre à faire que venir vivre chez nous"), et qui a été condamné en 1992 à un an de prison ferme pour délit d'ingérence, en 1995 à deux ans de prison ferme, cinq ans de privation de droits civiques pour détournements de fonds et trois ans de prison ferme pour corruption et abus de bien sociaux et, en 1998, à deux ans de prison ferme pour fraude fiscale.

- Février 2020, inauguration du cours et de la statue de Jacques Chirac, condamné à deux ans avec sursis en 2011 pour détournement de fonds, prise illégale d'intérêts et abus de confiance et qui a tenu, lui aussi, des propos ouvertement racistes ("le bruit et l'odeur").

On ne peut dans le même temps enseigner l'éducation civique à nos enfants et glorifier, au nom de la collectivité, des personnalités corrompues, racistes ou esclavagistes. Assumer notre passé consiste très précisément à ne pas reproduire les erreurs commises et, à tout le moins, à ne pas les ériger en exemples.

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