mardi 28 janvier 2020

Sur-tourisme et qualité de vie à Nice

Il a suffi de l'annonce d'une nouvelle épidémie, le coronavirus, pour que tremble l'économie niçoise. Certains commencent à comprendre, enfin, les dangers de la mono-activité touristique. En réalité, Nice est à un point de bascule dans un sur-tourisme écologiquement désastreux, dangereux pour la santé publique, destructeur de notre qualité de vie et économiquement contre-productif.

Nice est à la croisée des chemins. L'élection municipale des 15 et 22 mars 2020 constitue à bien des égards une dernière chance, une ultime possibilité pour inverser la tendance. D'un point de vue économique, il s'agit avant tout de ne pas franchir la ligne rouge du sur-tourisme, ce moment où le développement du tourisme nuit de façon irrémédiable à la santé publique, à l'équilibre social et économique, à notre qualité de vie et à notre environnement.

Le bon sens populaire nous invite à "ne pas mettre tous ses oeufs dans le même panier". C'est pourtant ce que l'intelligentia locale est train de faire. Le tourisme fait vivre beaucoup de niçois mais l'économie niçoise dépend trop du tourisme. Au lieu de diversifier les moteurs d'attractivité et de développement économique, nous sombrons encore davantage dans une mono-activité touristique dangereuse. La simple annonce de la propagation du coronavirus chinois a suffi pour faire comprendre à beaucoup que si l'une des principales provenance de touristes se tarissait les conséquences sur l'économie locale seraient immédiates. Pire, si les conditions climatiques se dérèglent encore davantage ou si le risque attentat devient tel que la "destination Nice" tombe pour les tours opérateurs, la très grande majorité de l'activité économique niçoise sera purement et simplement à l'arrêt. 

En réalité, trop de tourisme tue le tourisme. Le sur-tourisme, le développement à outrance du tourisme de masse, c'est la mort annoncée du tourisme éco-responsable. Et cette accélération du tourisme de masse intervient au moment même où une partie des acteurs locaux du tourisme font des efforts louables pour développer un tourisme respectueux de l'environnement.

Le choix du modèle de développement touristique constitue également un choix concernant l'image de notre ville et de nous-même que l'on souhaite donner au monde. Les touristes ne viennent pas à Nice pour retrouver le stress qu'ils ont fui à Paris ou ailleurs, des files d'attentes interminables, un tram saturé dès la station de départ à l'aéroport et des plages bondées. Nous voulons un tourisme où, en arrivant à Nice, les touristes se disent qu'il fait bon vivre à Nice, que nous, Niçois, nous avons bien de la chance de vivre ici et que, s'ils le pouvaient, ils resteraient ici pour s'y installer. Nous voulons donner aux voyageurs l'envie de revenir à Nice. Nous voulons montrer ce qu'est bien vivre à Nice et défendre notre art de vivre.

Le modèle de développement touristique a des conséquences directes sur la vie quotidienne des Niçoises et des Niçois :

- Sur la santé publique et sur la préservation de l'environnement tout d'abord. L'extension de l'aéroport de Nice est une aberration environnementale. Passer de 13 millions de passagers par an à 18 millions dès 2022 puis 21 millions en 2030 c'est plus de nuisances sonores pour les riverains, plus de production de déchets dans un système de gestion déjà saturé, plus d'embouteillages, plus de liaisons aériennes et de vols quotidiens et donc plus de pollution. Nice est classée avant dernière des douze plus grandes villes de France dans la lutte contre la pollution atmosphérique. 500 décès prématurés par ans sont liés, à Nice, à la pollution de l'air. Ne pas lutter contre la pollution est irresponsable, rajouter de la pollution à la pollution est coupable. 

- Sur l'emploi ensuite car plus le tourisme de masse est concentré sur des périodes ciblées de l'année et plus le travail devient un travail saisonnier et donc précaire. Une grande partie des actifs, et notamment des jeunes arrivant sur la marché du travail se trouvent alors cantonnés à des emplois de courtes durées et peu qualifiés.

- Sur le logement également car le sur-tourisme a pour effet une captation plus grande des appartements disponibles pour des locations saisonnières, y compris par des professionnels du Airbnb. Ce phénomène entraine une raréfaction des locations pour les habitants, une augmentation significative du prix du mettre carré et donc de plus grandes difficultés pour se loger, notamment pour les familles. Dans une ville où le taux de logements sociaux plafonne à 12% au lieu des 25 % fixés par la loi, il ne faut pas s'étonner si les actifs fuient là où le logement est moins cher. Et c'est l'un des facteurs déterminants de la perte d'attractivité et de la réduction du nombre d'habitants à Nice.

- Sur la qualité de vie enfin, et la façon d'habiter la ville et l'espace public. A l'échelle de la planète, 95% des touristes mondiaux s'agglutinent sur moins de 5% des terres émergées. Il en va de même à Nice où des parties entières de notre ville deviennent infréquentables, irrespirables tant ils sont surpeuplés en période estivale. Nous assistons alors à un développement urbain à deux vitesses : les "quartiers carte postale" où tout doit être parfait pour les touristes, beau, propre, sans cesse refait à neuf, et les autres, les oubliés, ceux qui ne concernent que les Niçois et sont délaissés, parfois laissés à l'abandon. Et ce développement à deux vitesses se retrouve également entre l'ouest et l'est de la ville. Christian Estrosi veut déplacer l'attractivité et "l'avenir" de la ville de Nice à l'ouest : OIN Plaine du Var, aéroport étendu, futur Palais des expositions et haut lieu du tourisme d'affaire… au détriment de l'est de la ville où les Arianencs bénéficieraient seulement d'un bien incertain tram-train. 

Le développement économique local doit être diversifié pour ne pas sombrer dans une mono-activité suicidaire et il doit également être équilibré sur l'ensemble de la ville.

Nous devons stopper le tourisme de masse et la bascule dans un sur-tourisme destructeur. Il en va de notre santé, de notre environnement, de nos emplois, de nos logements, de notre qualité de vie et de l'avenir de nos enfants.

La liste "Viva ! Démocratie, écologie, solidarité" constitue une réelle alternative à cette escalade désastreuse. Mobilisons-nous, votons et faisons voter les 15 et 22 mars. Après, il sera trop tard.

David Nakache

Président de l'association "Tous citoyens !"

Candidat à l'élection municipale à Nice sur la liste "Viva ! Démocratie, écologie, solidarités"

dimanche 12 janvier 2020

Nakache au tribunal

 Cnews Matin Côte d'Azur, 13 janvier 2020




Affaire Estrosi / Nakache : de la liberté de s'opposer

Christian Estrosi tente de me réduire au silence, comme il l'a fait avec d'autres opposants avant moi, en m'attaquant en justice pour diffamation. Le prétexte ? J'ai osé parler du clientélisme et de la corruption à Nice. Eh bien oui, nous parlerons clientélisme, corruption et rétablissement d'une éthique municipale à Nice et, non, personne ne me fera taire.

A quelques jours de Noël j'ai reçu dans ma boite aux lettres un drôle de cadeau : la signification d'une action en justice de Christian Estrosi à mon encontre pour diffamation. Je suis convoqué au tribunal de grande instance de Nice le 13 janvier à 13h30. La raison de cette procédure ? Un tweet que j'ai posté le 4 décembre :

"Mireille Damiano est notre candidate, une femme juste pour en finir avec le clientélisme et la corruption à Nice, l'accroissement des inégalités sociales et le sacrifice de notre santé et de notre environnement sur l'autel du béton et de la recherche effrénée des profits"

Cette procédure lancée à mon encontre appelle trois commentaires : la judiciarisation du débat politique et la tentative de musellement des opposants, le contenu de mon tweet et la question de la diffamation, et enfin le débat que certains cherchent à éviter sur le clientélisme et la corruption à Nice.

La judiciarisation du débat politique et la tentative de musellement des opposants

Des militants de Greenpeace Nice ont collé des autocollants "ville polluée", "on veut respirer" et "climat en danger" sur le local des amis du maire de Nice. Au lieu de répondre en tentant de démontrer que la politique municipale permet de lutter efficacement contre la pollution atmosphérique, le maire de Nice annonce porter plainte contre ces militants pour dégradation.

J'indique par mon tweet que nous souhaitons mettre fin au clientélisme et à la corruption à Nice. Au lieu de tenter de démontrer, s'il souhaite participer à ce débat, ce que la municipalité a fait pour combattre le clientélisme et la corruption à Nice, Christian Estrosi m'attaque en justice pour diffamation.

Cette judiciarisation systématique de la vie politique constitue une tentative pour intimider et museler toute opposition afin que l'on se dise "attention, si je dis ceci ou cela, je vais avoir un procès." Eh bien non, personne ne me privera de ma liberté d'expression. Personne ne me fera taire. 

Attaquer en justice un candidat aux élections municipales engagé sur une liste adverse c'est tenter de priver les citoyens d'un réel débat démocratique, de ce moment privilégié pour la démocratie locale que constitue l'élection municipale. Eh bien non, le débat sur le clientélisme et la corruption à Nice aura lieu. Et personne n'en privera les électrices et les électeurs. 

Attaquer en justice ses opposants au frais de la municipalité c'est faire un curieux usage des deniers publics. D'autant plus que cette action contre moi est engagée (page trois de la procédure) par Christian Estrosi "actuel maire de Nice et (non officiel) candidat à sa réélection". Eh bien non, les Niçoises et les Niçois n'ont pas à payer avec leurs impôts  les tentatives d'intimidations du maire et encore moins celles d'un candidat à l'élection municipale.

Des propos diffamants, sérieusement ?

L'argumentaire développé par Christian Estrosi dans la procédure engagée consiste à dire que :

- La partie de mon propos concernant "l'accroissement des inégalités sociales et le sacrifice de notre santé et de notre environnement sur l'autel du béton et de la recherche effrénée des profits" est une simple opinion ou un jugement de valeur. Elle ne dérange pas Christian Estrosi alors qu'il s'agit précisément de santé publique.

- La partie concernant la corruption et le clientélisme, elle, constitue l'objet de la procédure : selon Christian Estrosi, dire qu'avec l'élection de Mireille Damiano il sera mis fin à la corruption induit que c'est la majorité actuelle qui est corrompue et donc le maire lui-même.

Au passage, Christian Estrosi me demande 2 806 € de dommages et intérêts et 2 500 € de frais de procédure. Il réclame également que je sois obligé, si je suis condamné, à le publier sur Twitter avec une astreinte de 150 € par jour de retard en cas de non publication.

En réalité, mon tweet ne cite pas et ne vise pas Christian Estrosi. Dire qu'il y a à Nice de la corruption et du clientélisme ne veut pas dire que Christian Estrosi soit corrompu ou qu'il soit partie prenante du clientélisme. Et s'il se sent visé par ce propos, cela ne regarde que lui.

Si demain un fonctionnaire, un magistrat, un élu du conseil départemental ou le député d'une circonscription niçoise recevait des pots de vin et se faisait acheter, cela constituerait aux yeux des Niçoises et des Niçois des faits de corruption sans qu'ils songent un seul instant à en accuser le maire de Nice. Contrairement à ce que semble penser Christian Estrosi, tout ce qui se passe à Nice ne dépend pas de lui...

Le clientélisme et la corruption à Nice

Revenons maintenant au débat que Christian Estrosi veut empêcher, au tabou qu'il refuse de lever : le clientélisme et la corruption à Nice, cinquième ville de France. Oui, le clientélisme pèse sur la ville. Oui, l'histoire de notre ville a été émaillée de nombreuses affaires de corruption comme l'affaire des marchés truqués avec la condamnation de Michel Vialatte, celle du tramway avec la condamnation du groupe Thales, des affaires concernant l'office HLM ou atteignant l'institution judiciaire elle-même, jusqu'au dernier soubresaut en date avec la condamnation récente du premier adjoint au maire pour prise illégale d'intérêts. Les Niçoises et les Niçois savent tout cela, ils en ont la mémoire commune et la presse s'en fait régulièrement écho.

Mais la corruption, ce n'est pas simplement telle ou telle condamnation de justice, c'est également une perte collective de valeurs morales. Une société corrompue est une société en manque de repères où un homme corrompu peut être érigé en modèle. Lorsque la Ville de Nice honore Jacques Médecin, ancien maire de Nice condamné à plusieurs reprises notamment pour corruption, délit d'ingérence, détournement de fonds, abus de confiance, abus de biens sociaux et fraude fiscale, elle banalise la corruption. 

Le fait que Christian Estrosi inscrive son action sous l'égide de Jacques Médecin ne veut pas dire qu'il fasse lui-même acte de corruption mais qu'il délivre à tous le message selon lequel la corruption est quelque chose d'acceptable. Le fait que la ville de Nice attribue un nom de rue à Charles Pasqua, condamné pour financement illégal de campagne électorale et détournement de fonds, participe de cette normalisation de la corruption. En finir avec la corruption à Nice, c'est aussi en finir avec l'apologie des hommes corrompus.

Cette perte de repères alimente le sentiment du "tous pourris", le rejet du politique et la rupture entre le citoyen et la politique. Il est plus que temps de rétablir un minimum d'éthique en politique, nationalement comme localement et, à Nice, d’œuvrer pour une véritable éthique municipale. La Liste "Viva !", dont je suis membre, présentera très prochainement ses propositions à ce sujet.

Je ne suis membre d'aucun parti, d'aucune loge, d'aucun réseau d'influence. Je suis un citoyen qui essaie d'exercer pleinement sa citoyenneté. Nous avons créé une association dont je suis le président, "Tous citoyens !" et je suis membre de la liste "Viva ! Démocratie, écologie, solidarité" pour les élections municipales.

Christian Estrosi, du haut de son statut de maire, d'ancien député et d'ancien ministre, tente de me réduire au silence par cette procédure judiciaire. Au-delà de ma simple défense personnelle, je me battrai, plus largement, pour la liberté d'expression et la démocratie à Nice.