lundi 2 septembre 2024

Nice, chronique d'un racisme institutionnel ordinaire


Nice, chronique d'un racisme institutionnel ordinaire


"Il n'avait qu'à pas venir en France". 

"Il est venu jusqu'ici de Guinée ? Il peut bien passer encore une nuit dehors". 

"Si vous n'êtes pas content, prenez le chez vous".

L'homme qui m'assène ces propos porte l'uniforme, encouragé par sa collègue, elle aussi en uniforme. Il incarne l'Etat et la République française. Nous sommes le 1er septembre 2024 devant le commissariat Auvare à Nice, et il est policier.

Les échanges se déroulent durant les 5h d'attente, de 20h à 1h du matin, passées à l'extérieur du commissariat, en présence de Mamadou (dont j'ai changé le prénom), Mineur Non Accompagné faisant l'objet d'une Ordonnance de Placement Provisoire (OPP) du tribunal pour enfants ordonnant son placement avant son audience prochaine.

Le Département 06 et la police imposent aux jeunes bénéficiaires d'une décision de placement après recours, de façon totalement inutile, de passer par le commissariat pour être ensuite placés en foyer. L'accueil au commissariat Auvare varie du tout au tout selon les équipes présentes.

Le policier a d'abord refusé de tenir compte de la décision de justice car le jeune, venu seul, la lui a présentée en photo dans son téléphone. Il a fallu que je le rejoigne sur place avec l'OPP imprimée pour qu'il accepte de s'occuper de Mamadou. 

Nous avons dû attendre 5h avant que le chauffeur d'un foyer ne vienne le chercher. Le policier a refusé de faire entrer Mamadou dans le commissariat, le laissant à l'extérieur, sous prétexte qu'aucun local, dans tout le bâtiment, n'était disponible. 

Échanges très tendus, propos racistes proférés par un agent de l’État, il a fallu parlementer pour parvenir à établir une communication plus respectueuse et, enfin, un semblant de compréhension mutuelle lorsque le policier a peu à peu réalisé que les foyers contactés et le responsable d'astreinte du Département 06 auraient dû et auraient pu faire diligence et ne pas laisser attendre Mamadou la moitié de la nuit pour rien.

Durant ces 5h, nous avons vu défiler une femme en larmes, victimes de violences conjugales, plusieurs personnes devant pointer pour un contrôle judiciaire, un homme voulant déposer plainte, etc. Chacun s'est adressé à une vitre sans tain, ne voyant pas leur interlocuteur, le commissariat Auvare étant en effet équipé d'un guichet fermé, totalement déshumanisant, où l'on ne voit personne de l'extérieur. Chacun a dû raconter les détails de sa situation et de sa vie privée : les violences du mari, le motif de la détention en prison donnant lieu au contrôle judiciaire, etc., sans aucune zone de confidentialité, les réponses des policiers au micro, cachés derrière leur vitre sans tain, résonnant fort dans le silence de la nuit.

Après ces 5h de maltraitance institutionnelle, Mamadou a pu être amené dans un hôtel à Antibes, les foyers étant pleins.

Après ces 5h d'attente, j'ai pu rentrer chez moi, non sans passer devant la plaque commémorative située sur le mur du commissariat, l'ancienne caserne Auvare. Cette plaque rappelle que c'est ici qu'étaient regroupées les personnes arrêtées avant leur déportation à Auschwitz durant l'occupation…


David Nakache

Président de l'association Tous citoyens !

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