mercredi 1 mai 2024

Couvre feu pour mineurs à Nice : une fausse bonne idée et un manque de courage politique

La Ville de Nice a pris un arrêté municipal le 26 avril 2024 imposant un couvre-feu pour les moins de 13 ans de 23h à 6h dans les quartiers suivants : Las Planas, l'Ariane, Bon Voyage, Pasteur, Saint Roch, Pilatte-Lorrain, Trachel-Gare du Sud, Centre ville, Vieux Nice, Madeleine et Jean Vigo, ainsi qu'un couvre-feu pour les moins de 16 ans aux mêmes horaires dans le quartier des Moulins.

Cette décision est à la fois une fausse bonne idée et un réel manque de courage politique.

Une fausse bonne idée :

Cette idée apparaît au premier abord être une bonne solution : personne n'est favorable à ce que des jeunes de 10, 13 ou 15 ans soient seuls dehors la nuit.  Le seul problème est que rien ne démontre que ces couvre-feux soient efficaces. En effet, des couvre-feux pour mineurs ont déjà été mis en œuvre à Nice et le sont dans d'autres communes, mais aucune étude sérieuse ne démontre que cela fonctionne.

Cette mesure s'inscrit dans un discours sécuritaire qui est très populaire. Mais en réalité la répression, sans la prévention, est un échec. Pire, ce type d'effets d'annonces envenime les rapports avec les jeunes pour les policiers, les éducateurs et toutes les structures d'accompagnement.

L'arrêté municipal cite le chiffre de 1 230 mineurs interpellés en 2023 et début 2024 mais ne donne pas l'évolution de ces interpellations sur plusieurs années. L'arrêté évoque le nombre d'interpellations mais ne donne pas le nombre de condamnations par la justice pour des faits avérés de délinquance. Or, nationalement, les chiffres des tribunaux montrent que la délinquance des mineurs est en baisse. 

Un réel manque de courage politique

Le courage en politique, face à la délinquance des mineurs, ce n'est pas de faire des annonces médiatiques clinquantes, c'est de déployer une politique de prévention ambitieuse, à long terme, et sans baisse de budget. 

Cette politique de prévention doit être menée en complémentarité avec les services de l'Etat, l'éducation nationale et la protection judiciaire de la jeunesse, la justice pour mineurs et le tribunal pour enfants, le Département et l'Aide Sociale à l'Enfance, les travailleurs sociaux qui accompagnent les familles, et, bien sûr, les associations de terrain. Or nous assistons à une mesure à court terme, prise par la Ville, sans coordination avec l'ensemble des autres acteurs.

Le courage en politique, c'est de dépasser les querelles politiciennes et d'agir pour l'intérêt général. Or aujourd'hui les services de la Ville et du Département ne travaillent plus ensemble, alors que c'est bien le Département qui est en charge de la protection de l'enfance.

Le courage en politique c'est d'avoir une vision globale et réfléchie de la situation sociale des jeunes et de leurs familles et d'arrêter de les stigmatiser à des fins électoralistes. Ce couvre-feu s'inscrit en effet dans un processus de stigmatisation déjà à l'œuvre lorsque la Ville de Nice souhaite, avec Côte d'Azur Habitat, expulser des logements sociaux les familles dont un membre a commis des actes de délinquance. Le maire de Nice emboîte le pas du premier ministre, Gabriel Attal, qui divulgue un message simpliste de répression et de retour à l'autorité en déployant des mesures qui ont déjà été mises en œuvre et que l'on avait supprimées car elles étaient inefficaces. 

Le courage en politique, c'est de favoriser l'émancipation des jeunes et, avant tout autre chose, de leur procurer des conditions de vie digne, notamment avec une véritable politique de logement et de lutte contre la ghettoïsation, ce dont nous sommes, à Nice, très, très loin.

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