mardi 31 janvier 2017

"Muslim Ban" : les droites françaises en rêvaient,Trump l'a fait !

Le décret anti-musulmans pris par Donald Trump choque à juste titre l'opinion publique mondiale. Mais nous, Français, sommes tristement habitués à cette logique islamophobe, car c'est celle mise en oeuvre et souhaitée, ici, par les droites françaises : amalgame volontaire entre islam et islamisme, préférence confessionnelle dans l'accueil des réfugiés, laïcité dévoyée et anti-musulmane.

Le décret Trump interdisant l'entrée aux ressortissants de sept pays musulmans (Iran, Irak, Libye, Somalie, Soudan, Syrie, Yémen) aux États-Unis en raison du risque terroriste est, comme l'ONU l'a rappelé à juste titre, contraire aux droits humains. C'est une intolérable discrimination confessionnelle.

Mais ce que fait Trump n'est pas nouveau : il fait pour l'ensemble des musulmans issus de certains pays ce que des élus français ont fait pour les réfugiés et ce que certains souhaiteraient faire pour l'ensemble des musulmans.

En effet, la logique défendue par Donald Trump et celle défendue par Eric Ciotti, Christian Estrosi, Laurent Wauquiez ou Marine Le Pen sont strictement les mêmes : "bannir" les musulmans en raison du risque terroriste.

Quand Eric Ciotti condamne les actions de solidarité de Cédric Herrou (citoyen solidaire de la Vallée de la Roya qui aide les réfugiés), c'est en appliquant la même logique que Trump : "Qui peut dire avec certitude que dans les centaines de migrants que M. Herrou se targue d'avoir fait passer ne se dissimule pas un futur terroriste ?" (Nice Matin, 30.12.2016, lire ici).

Quand plusieurs élus locaux de droite, en 2015 et 2016, sur-médiatisent leur soutien aux Chrétiens d'Orient, choisissent de n'accueillir que des réfugiés chrétiens et refusent donc d'accueillir des réfugiés musulmans, c'est en appliquant déjà la logique que Trump suit aujourd'hui. Après les tentatives d'instauration de la préférence nationale par le FN, les "Républicains" instauraient, en France et dans l'indifférence générale, la préférence confessionnelle (lire ici).

Le premier, dans le débat public français, à avoir affirmé publiquement que des djihadistes s’infiltraient parmi les migrants pour s'opposer à l'accueil des réfugiés n'est autre que Christian Estrosi, alors maire de Nice. Il entretient volontairement, depuis longtemps, l'amalgame entre islam et islamisme en soutenant que l’islam est incompatible avec la démocratie. Précurseur dans le processus d'extrémisation de la droite française par un processus de choc des identités cultuelles, il déclarait également que la "3ème guerre mondiale" était engagée entre "l'islamo-fascisme" et la "civilisation judéo-chrétienne".

Or si l'on suit cette logique jusqu'au bout, qui consiste à voir en tout musulman un terroriste potentiel, c'est l'ensemble des citoyens de confession musulmane qui est visé. Et c'est précisément le glissement sémantique qu'a opéré Marine Le Pen en substituant progressivement la figure du musulman à celle de l'immigré comme bouc émissaire et cible principale dans ses discours et dans les éléments de langage du FN.

Au fondement de la logique de Trump, Le Pen, Ciotti ou Estrosi se trouve donc l'amalgame entre islam et islamisme et l'insupportable soupçon de terrorisme jeté sur tout musulman.

Mais, pire encore, cet amalgame a été institutionnalisé sous le mandat de François Hollande, par le gouvernement de Manuel Valls et par Bernard Cazeneuve, alors ministre de l'intérieur en voulant réformer l'islam de France pour lutter contre le terrorisme. En effet faire de la réforme d'une religion un outils de lutte contre le djihadisme c'est entériner l'amalgame coupable entre les croyants de cette confession et les terroristes (lire ici).

Mettre au ban les musulmans en les empêchant d'entrer sur le sol américain dit Donald Trump. Bannir les musulmans de nos plages et de nos universités, disent de concert, ici, les défenseurs d'une laïcité dévoyée, dure, discriminante et anti-musulmane. Partout la même logique qui donne raison à ceux qui depuis longtemps parlent d'islamophobie. Partout le même rejet qui pousse les citoyens de confessions musulmane au repli communautaire. Partout cette logique absurde et contre productive qui fait le jeu des djihadistes.

L'actualité nous montre où nous mène cette logique et doit nous servir de leçon pour les échéances électorales à venir. Le "Muslim Ban" de Trump n'est autre que la mise en pratique de la politique souhaitée par les droites françaises, sous leurs différentes formes et différentes appellations.
Rappelons, pour conclure, les mots de Justin Trudeau, premier ministre canadien, après l'attentat terroriste qui a frappé une mosquée à Quebec avant hier : "La diversité est notre force".

samedi 28 janvier 2017

Nice, armes à feu dans nos écoles : transparence et débat public

La Ville de Nice a décidé de poster un policier municipal armé dans chaque école primaire en se basant sur un audit réalisé par une société israélienne. Or une arme a feu présente toujours un danger et l'école doit être préservée de l'angoisse sécuritaire. Les parents y sont interdits d'école et les citoyens tenus à l'écart : la sécurisation de nos écoles mérite transparence et débat public.

La dernière lubie sécuritaro-électorale de la Ville de Nice est tombée. Non, il ne s'agit pas, cette fois, des Roms, SDF, baigneuses en burkini, drapeaux étrangers ou mariés trop bruyants. 
Ils s'agit de nos enfants : un policier municipal armé d'un 9mn sera présent dans chaque école primaire. Oui, vous avez bien lu. Uniformes et armes à feu, l'école républicaine "sanctuarisée" cède le pas devant l'obsession sécuritaire post-attentat. 
Cette mesure est contestable pour moins quatre raisons :
1. L'armement des policiers municipaux
Nous étions nombreux, avant les attentats de 2015, à nous opposer à l'équipement des policiers municipaux en armes à feu en raison de leur mode de recrutement et de l'insuffisance de leur formation, en comparaison à celle dont bénéficient gendarmes et policiers nationaux. Étrangement, ces arguments ne seraient plus valables suite à la vague d'attentats sanglants commis sur notre sol. Or plus la menace est grande et plus nous avons besoin d'un dispositif sécuritaire efficace.
De deux choses l'une : soit pour être habilité à détenir et se servir d'une arme à feu il faut bénéficier préalablement d'une formation aussi exigeante que celle des gendarmes et policier nationaux, et dans ce cas il ne faut pas armer les municipaux, soit cela n'est pas nécessaire et on se demande alors pourquoi imposer cette formation aux gendarmes et policiers nationaux.
Ce n'est pas faire injure à nos policiers municipaux, très sollicités par ailleurs et dont les conditions de travail se dégradent, que de vouloir séparer clairement les prérogatives des uns et des autres. Aux maires la prévention de la délinquance, à l'Etat la répression. Que chacun se consacre pleinement à sa mission.
Il n'est pas acceptable que l'Etat se défausse de son obligation de protection des citoyens sur les communes ou les inter-communalités car l'égalité républicaine est rompue : selon que votre commune sera puissante ou moins fortunée, vous et vos enfants serez plus ou moins bien protégés.
Bernard Cazeneuve, alors ministre de l'Intérieur, a ainsi commis une faute en incitant les maires à armer leurs policiers municipaux. Mais chaque maire reste décideur d'armer ou non ses policiers municipaux.
2. Des armes à feu dans les écoles primaires
Disons-le clairement : nous nous opposons à la présence d'armes à feu au sein des écoles primaires, même à la ceinture de policiers en uniforme, car une arme à feu présente toujours un danger. 
Le 22 janvier 2015 un militaire en faction devant le centre Habad Loubavitch de Nice a tiré accidentellement une rafale de trois balles qui n’a, heureusement, pas fait de blessé. La rafale était due à une erreur de manipulation de son arme, alors tournée vers le sol. Imaginez qu'une erreur de ce type se reproduise mais cette fois au sein d'une école primaire...
De plus, la présence d'armes a feu peut présenter un caractère anxiogène pour les petits. Il faut préserver l'école comme un espace d'apprentissage et de transmission des savoirs dédié à l'enfance. 
L'école doit être protégée des menaces potentielles à l'extérieur mais préservée de la peur de la pression sécuritaire à l'intérieur. Oui, il faut sécuriser les abords des écoles. Mais il faut aussi préserver l'enfance de nos enfants. 
Et si l'on doit intégrer la menace terroriste dans l'éducation civique c'est aux enseignants de décider quand et comment parler aux enfants de ce danger car eux sont formés et compétents pour cela. 
Les policiers municipaux affectés aux écoles recevront-ils une formation pour répondre de façon adaptée aux questions que ne manqueront pas de leur poser les élèves ?
3. Un véritable débat public sur la sécurisation des écoles 
La Ville de Nice, pour fonder sa décision, a rémunéré un cabinet d'audit israélien pour vérifier la sécurisation de ses écoles. Choix étonnant, sauf à considérer Israël comme un modèle de sécurité... et de démocratie.
Avant tout, Nice est-elle la seule ville française confrontée à ce problème ? Alain Juppé à Bordeaux ou Anne Hidalgo à Paris ne postent pas de policiers municipaux armés dans les écoles de leurs villes. A-t-on entendu quelqu'un s'en plaindre ? Les écoliers bordelais ou parisiens sont-ils moins en sécurité que les écoliers niçois ? Et que font nos pays voisins en Europe ? 
Financer un cabinet d'audit israélien n'est pas une caution en soi et Israël n'est pas un modèle sécuritaire transposable à la France. La sécurisation de nos écoles mérite un véritable débat public et que des éléments probants soient versés à ce débats et accessibles à tous : 
- Combien a coûté au Niçois l'étude menée par ce cabinet israélien ?
- Les résultats de cet audit sont-ils publics ? Et si non, pourquoi ?
- Quelles sont les écoles niçoises à sécuriser en priorité au regard de cette étude et quelles mesures ont été prises par la Ville ? 
- D'autres études ont-elles été menées, notamment en comparant les dispositifs mis en place ailleurs en France et en Europe ?
Nous demandons que la plus grande transparence soit faite et qu'un débat public ait lieu sur la sécurisation des écoles primaires à Nice.
4. Faire participer parents et citoyens
A Nice, les parents sont interdits d'école et ne peuvent plus pénétrer dans les établissements scolaires. Ils sont donc considérés comme un danger potentiel.
Or, si bien évidemment un terroriste peut se dissimuler parmi les parents d'élèves, le fait de provoquer un attroupement de parents accompagnant leurs enfants devant les école sans pouvoir y entrer engendre des problèmes de sécurité supplémentaires : mise en danger liée à la circulation, cibles faciles pour un terroriste que cet attroupement de parents et d'enfants devant les écoles.
Nos élus semblent ignorer un éléments simple et pourtant évident : les parents souhaitent par-dessus tout protéger leurs enfants. Nous serons donc les premiers à réagir et signaler un comportement suspect ou toute mise en danger de nos enfants.
Pourquoi fermer l'école aux parents alors que les parents sont les premiers agents de sécurité de leurs enfants ?
Les citoyens doivent être associés à la politique sécuritaire et ne doivent plus en être exclus. Faire participer les citoyens ne se résume pas à mettre en ligne un questionnaire biaisé leur demandant s'ils souhaitent que les policiers municipaux aient les mêmes prérogatives que les nationaux.
Et associer les habitants ne veut pas automatiquement dire que des brigades ciitoyennes se substituent aux forces de l'ordre : nous avons besoin de professionnels formés et compétents pour cela. 
La participation citoyenne est l'une des clefs de la réussite des dispositifs de sécurité. Les citoyens doivent être co-décideurs et acteurs de la politique sécuritaire locale, associés à chacune des étapes de son élaboration, de sa mise en oeuvre et de son évalutation. Nous le voyons à chaque comité de quartier où les questions sécuritaires reviennent sans cesse sans que cela soit formalisé et suivi d'effets probants. C'est à qui crie le plus fort et met le plus de pression sur l'élu local présent. Nous devons mettre en place une évaluation citoyenne des politiques publiques, et notamment des politiques sécuritaires.
Poster un policier municipal armé dans chaque école primaire, comme le veut la Ville de Nice est une fausse bonne idée. Cette mesure démontre à nouveau l'absence de réflexion globale sur la sécurité et la volonté de tenir les citoyens à l'écart des décisions les plus importantes. 
Nous savons, et le drame de Nice nous l'a douloureusement rappelé, que la sécurité est l’affaire de tous. Permettons donc à chacun d'y participer.

samedi 21 janvier 2017

Roya: l'Etat pousse-t-il les citoyens solidaires à la faute?

Les nouvelles arrestations musclées, perquisitions et gardes à vue prolongées dans la Roya témoignent de la volonté des pouvoirs publics de pousser à bout les désobéisseurs azuréens. Que cherche-t-on par ce harcèlement judiciaire et policier ? A engendrer violence et conflit ouvert pour décrédibiliser toute action de solidarité ? La mort de Rémi Fraisse n'a-t-elle donc servie de leçon à personne ?

Les nouvelles arrestations musclées, perquisitions et gardes à vue prolongées de citoyens solidaires de la Roya, dont Cédric Herrou, les 19 et 20 janvier 2017, témoignent de la volonté manifeste des pouvoirs publics de pousser à bout les désobéisseurs azuréens.
Déjà, alors que Pierre Alain Mannoni avait été relaxé, l'appel du Parquet marquait un choix délibéré et constant du gouvernement de rétablir le délit de solidarité, en dépit des promesses de campagnes et de la loi du 31 décembre 2012.
Si l'on regarde le fil des événements passés, nous sommes saisis par une posture littéralement "irresponsables" des pouvoirs publics :
- C'est le Procureur qui a fait le choix délibéré de poursuivre Pierre Alain Mannoni, ingénieur et enseignant à l'université de Nice, puis de faire appel de sa relaxe par le Tribunal de Nice.
- C'est le Préfet des Alpes-Maritimes qui a "signalé" Cédric Herrou, agriculteur, au Procureur qui a, à son tour, choisi de le poursuivre (délibéré le 10 février).
- C'est sous l'égide de ce même Procureur que l'évacuation médiatisée des locaux de la SNCF occupés pour y héberger des réfugiés, a donné lieu, en octobre 2016, à un déploiement de forces de l'ordre à l'évidence surdimensionné. 
- C'est ce même Préfet, représentant de l'Etat, qui s'en est pris de façon violente et totalement disproportionnée à Yvan Gastaut, historien, pour une tribune parue dans Nice Matin (lire ma réponse ici).
- C'est le Président du Conseil Départemental des Alpes-Maritimes, mis en cause par de nombreux observateurs pour la non prise en charge des mineurs isolés (lire ici), qui s'est lui aussi fendu d'une diatribe hystérique, cette fois directement contre la presse locale, Nice Matin encore, pour l'élection par les lecteurs du journal de Cédric Herrou comme citoyen de l'année (lire ma réponse ici)
- C'est cette même volonté politique, aveugle et intransigeante qui fait que Claire Marsol, 72 ans, maître de conférence à la retraite a été condamnée à 1500 € d'amande en décembre 2015 (lire ma réaction ici), peine confirmée en appel le 2 décembre 2016 ; que Magali M., fonctionnaire, sera sur le banc des accusés le 3 mars prochain ; que Francesca Peirotti, interprète, sera jugée le 4 avril ; que Ben, photographe, sera jugé le 8 avril ; qu'Eric, photographe de presse et Marie Rose, travailleuse social, seront jugés le 24 avril ; que Françoise Gogois, René Dahon, Gibi et Dan seront eux jugés le 16 mai...
Que cherchent les pouvoirs publics au juste par ces procès successifs ? A décourager toute tentative future de solidarité vis à vis des réfugiés qui fuient dictatures, bombardements et conflits armés ? 
Que cherche le gouvernement à travers les agissements du Préfet et du Procureur ? A pousser à bout les citoyens solidaires de la Roya, par un harcèlement judiciaire et policier constants, et qu'ils en viennent à des réactions violentes ? Le gouvernement espère-il que l'action de solidarité des habitants de la Roya dégénère en conflit ouvert pour crédibiliser leur action ? 
La mort de Rémi Fraisse n'a-t-elle pas servie de leçons au gouvernement ? Combien de Rémi Fraisse encore ? Ceux qui nous gouvernent n'ont-ils finalement ni discernement ni conscience ?
Si des citoyens solidaires en sont venus à désobéir c'est avant tout parce que l'Etat et de Conseil Départemental des Alpes-Maritimes n'assumaient pas leurs obligations légales et restaient léthargiques face à l'urgence de la crise humanitaire à laquelle nous sommes confrontés avec l'arrivée de réfugiés.
Partout des citoyens se lèvent. Des faucheurs d'OGM aux faucheurs de chaises, des enseignants désobeisseurs aux participants à Nuit Debout et aux zadistes, jusqu'aux citoyens solidaires de la Vallée de la Roya. Partout des citoyens rappellent les idéaux démocratiques, font vivre le cœur de la République et défendent les libertés fondamentales envers et contre l'Etat, les élus sensés les représenter, les administrations aveugles s'inventant et imposant leurs propres règles. 
Ces citoyennes et ces citoyens, envers et contre les pouvoirs publics, sont parfois les derniers défenseurs de la démocratie et de la solidarité.
Rappelons donc Élus locaux, Préfet, Procureur, gouvernement et Président de la République au sens des responsabilités. Ne poussez pas les citoyens à l'impasse en laissant pourrir une situation intenable où ils sont seuls et démunis face à une misère et une détresse que vous refusez de prendre en charge et pour lesquelles vous leur interdisez d'intervenir. 
Ce n'est pas en criminalisant la solidarité que vous réglerez le problème : de l'écoute, du dialogue, des solutions constructives et équilibrées et un véritable volontarisme politique pour que la France soit à la hauteur de la France, pays des droits de l'Homme et du citoyen, voilà ce dont nous avons besoin.

Pour suivre l'actualité et soutenir les citoyens solidaires du 06 : https://citoyenssolidaires06.com/