mercredi 18 septembre 2019

Nouveau réseau de transports en commun à Nice : le fiasco

La Ville de Nice a commis cinq erreurs majeures : modifier le réseau à la rentrée, oublier des quartiers entiers, imposer trop de correspondances, faire détester le tramway et oublier la concertation. Ceux qui sont le plus habilités à parler des transports en commun sont ceux qui les utilisent. Il est temps de faire vivre la démocratie locale à Nice et de miser enfin sur l'intelligence collective.

La mairie de Nice nous demande de laisser le temps aux usagers de s'habituer au nouveau réseau de transport en commun de Nice avant de le juger. Lancé le 1er septembre, quel bilan deux semaines plus tard ? 

La ville de Nice et Ligne Azur ont commis cinq erreurs majeures :

 1. Chambouler le réseau à la rentrée des classes

La rentrée est un moment de stress pour les parents, les enfants, et l'ensemble de la communauté éducative. Pourquoi diable modifier toutes les lignes de transports en commun en même temps que la rentrée des classes ? Ne pouvait-on attendre le 1er janvier ou une autre date ? Les parents d'élèves qui accompagnent leurs enfants et les élèves qui vont seuls au collège ou au lycée avaient bien d'autre chose à penser que de s'adapter à un nouveau parcours pour se rendre sur le lieu d'apprentissage, avec plus de changements de transports qu'avant.

 2. Oublier des quartiers entiers et des points névralgiques

Comment peut-on prétendre "repenser" un réseau de transport en commun en oubliant de desservir des quartiers entiers de Nice, la gare SNCF centrale ou un IUT ?  Ligne azur a beau se rattraper au coup par coup en rajoutant des lignes non prévues, ces oublis constituent une incroyable bévue qui montre le degré d'impréparation et la précipitation avec laquelle la Ville de Nice gère les transports en commun, le quotidien des Niçois et la question environnementale. On oublie Riquier et on rajoute une ligne en catastrophe, on oublie le Parc Impérial où les habitants voulant se rendre à la gare doivent faire deux changements pour y accéder. On oublie même la gare Thiers ! Je n'ose imaginer le nombre d'heures de travail des équipes d'ingénieurs, d'heures de réunions, de comités de pilotages, de validations techniques puis de validation politique par l'équipe municipale et par le maire lui-même pour constater au final de telles aberrations.

Oublier, à Nice, que se déplacer pour des personnes âgées ou des personnes à mobilité réduite est un enjeu central de leur qualité de vie est tout simplement une faute politique.

3. Imposer un parcours du combattant aux Niçois

L'idée centrale de faire converger les lignes de bus vers le tramway afin de limiter la pollution en centre-ville est une bonne idée. Mais il faut se donner les moyens de la mettre en œuvre en prévoyant une capacité et une cadence suffisante des lignes de tramway. Elle présente également un inconvénient majeur pour les usagers : faire davantage de correspondances et donc perdre un temps précieux.

Partir d'un point A de la ville pour arriver à un point B ne se situant par sur le tracé direct du tram veut dire prendre un premier bus, changer pour prendre le tram, parfois changer de tram entre la L1 et la L2, et enfin prendre un second bus pour parvenir à destination. Or faire deux à trois changements est tout simplement long et pénible. Les actifs qui pointent le matin doivent partir plus tôt, avoir moins de repos, moins de temps pour la vie de famille le soir. Et que dire des déplacements hors de Nice ? Ceux qui souhaitent se rendre dans une autre ville ou venir d'une autre ville pour rejoindre le centre-ville niçois sont obligés de prendre une correspondance au Parc Phoenix. Le centre de la Métropole devient inaccessible de façon directe. Que l'on souhaite rendre un centre-ville difficilement accessible aux voitures individuelles pour pousser les usagers à prendre un transport en commun à l'entrée d'une métropole, cela se comprend et est souvent indispensable pour lutter contre la pollution. Mais que l'on entrave l'accès direct à un centre-ville en transports en communs est une bêtise.

Un réseau de transport en commun ne s'évalue pas seulement à l'aune de son coût ou de l'étendue de la zone couverte, il s'évalue aussi à son degré de pénibilité. Le constat est simple : aujourd'hui, prendre les transports en commun à Nice, c'est pénible. L'effort environnemental demandé aux Niçois devient une corvée quotidienne alors que nous sommes tous volontaires pour préserver notre environnement et notre santé et que l'on aurait pu à l'évidence faire autrement.

4. Faire détester le tramway

Avant, prendre le tramway à Nice était un plaisir. Il était parfois bondé, parfois encombré avec des difficultés pour les poussettes et les personnes en fauteuils roulant, mais dans l'ensemble prendre le tramway n'était pas une corvée. Aujourd'hui c'est tout l'inverse. Le tramway est tellement saturé que c'est à dégouter les plus courageux ! Alors que ce transport en commun est l'un des moins polluants et que l'arrivée du tram dans un quartier permet non seulement de le désenclaver mais aussi de le réhabiliter, la Ville de Nice a trouvé le moyen de le rendre impopulaire. C'est comme si l'on cherchait par tous les moyens à rendre l'écologie détestable alors que la transition de nos villes est indispensable.

On se demande comment il est possible que personne n'ait anticipé le fait que faire converger toutes les lignes de bus vers le tram allait automatiquement faire augmenter sa fréquentation. Ne pouvait-on faire une estimation préalable du nombre de voyageur supplémentaires en calculant le nombre de voyageurs de ces lignes de bus ? Certains niçois usagers des transports en commun en viennent à reprendre leur voiture !

Le tramway est un moyen efficace pour améliorer la qualité des habitants. Miser sur le "tout tramway" sans anticiper la hausse mécanique de sa fréquentation est totalement contre-productif.

J'ajoute que l'on ne peut prétendre lutter contre les violences faites aux femmes et, dans le même temps, laisser les trams et les bus bondés où la promiscuité est telle qu'elle favorise le phénomène des "frotteurs" dans les transports en commun.

5. Passer en force et oublier la concertation

Les personnes les plus habilitées à parler des transports en commun sont celles qui les utilisent. Les usagers ont une expertise, au quotidien, en tant qu'usagers. On ne peut repenser leur réseau et leur mode de déplacement quotidien sans leur demander leur avis.  On ne peut prétendre concevoir un service public sans se pencher sur les besoins de ses usagers. Or c'est très précisément ce qu'a fait la Ville de Nice.

Il est plus que temps de faire vivre la démocratie locale à Nice et de miser, enfin, sur l'intelligence collective.

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