lundi 4 janvier 2021

Xénophobie municipale à Nice

Christian Estrosi m'attaque à nouveau en justice. Le prétexte ? J'ai constaté que Nice avait un maire xénophobe, c'est-à-dire "hostile aux étrangers". Or l'analyse de la politique menée à Nice le confirme amplement. Y a-t-il une xénophobie municipale à Nice ? Audience le 11 janvier à 13h30 au TGI de Nice.

Certains détenteurs du pouvoir n'aiment pas les voix qui dérangent. Après m'avoir fait condamner à verser plus de 10 000 € pour avoir osé dire qu'il fallait mettre fin à la corruption à Nice (j'ai fait appel de cette décision sidérante), Christian Estrosi m'attaque en justice pour injure publique car j'ai dit tout haut ce que beaucoup pensent tout bas : Nice a un maire xénophobe.
Le prétexte de cette nouvelle action en justice à mon encontre est un tweet de campagne électorale pour les municipales daté du 15 février 2020. Après un sondage où la liste dont j'étais membre n'était pas dans le trio de tête j'ai exhorté les électeurs à réagir :
"Un dernier sondage place C. Estrosi en tête, suivi de P. Vardon et JM Governatori : un maire xénophobe qui a surendetté la Métropole, un extrémiste identitaire et un affairiste prêt au pire. Amis Niçois, la servitude volontaire n'est pas une fatalité, votez @vivanice2020 ;-)"
On notera au passage que Christian Estrosi ne conteste pas avoir surendetté la Métropole. Par contre il estime que dire qu'il est un maire xénophobe est une injure publique.
Or il s'agit là d'un simple constat :

1. Le mot "xénophobe" n'est pas une injure
Si traiter quelqu'un de "raciste", de "facho" ou de "nazi" comporte une dimension péjorative, le terme "xénophobe", lui, n'est ni insultant ni injurieux. D'ailleurs, aucun dictionnaire ni aucune encyclopédie ne mentionne d'usage péjoratif à ce mot.
La xénophobie est, étymologiquement, un composé de deux mots de grec ancien : la peur (phobos) de l'étranger (xénos). Elle relève donc avant tout du domaine du ressenti et de la psychologie.
"Xénophobe", selon le Larousse, le Robert ou l'Encyclopédie Universalis, se dit de quelqu'un "qui est hostile aux étrangers", qui manifeste une attitude ou un comportement hostile vis-à-vis des étrangers ou de ce qui vient de l'étranger, de l'extérieur.
A la différence du racisme ou du racialisme, la xénophobie ne se réfère pas à une théorie des races, à l'eugénisme ou à toute forme élaborée et théorisée de supériorité d'une race sur une autre ou, de façon plus générale, de classification des êtres comme supérieurs ou inférieurs. Elle témoigne simplement d'un sentiment de crainte pour la préservation de sa propre identité et se manifeste par un phénomène de rejet de tout ce qui pourrait mettre en péril son identité.
La sociologie et la psychologie sociale nous apprennent que la xénophobie repose sur un ethnocentrisme faisant du groupe ethnique auquel on appartient le seul modèle de référence accepté. La figure de l'étranger rompant avec ce modèle de référence prend tour à tour, en France, le visage de l'immigré, du musulman, du Rom ou du migrant.
Politiquement, cela se traduit par des propos et des prises de décisions hostiles à ce qui est assimilé à l'étranger et par une sur-valorisation de l'identité locale. La politique menée à Nice répond pleinement à ces deux caractéristiques dominantes.

2. Une politique xénophobe à Nice
Christian Estrosi mène à Nice une politique hostile aux étrangers.

Il a pris plusieurs arrêtés municipaux significatifs :
- Arrêté interdisant les drapeaux étrangers durant la coupe d'Europe de foot (annulé par le Tribunal Administratif de Nice en 2014)
- Arrêté interdisant les mariages bruyants en visant explicitement les "you-you"
Arrêté anti-burkini (suspendu puis retiré suite à la décision du Conseil d'Etat cassant l'arrêté de Villeneuve Loubet du 26 août 2016)
Il mène une politique d'aménagement discriminante notamment en repoussant le plus longtemps possible le désenclavement du quartier sensible de l'Ariane.
Il s'acharne à faire fermer un lieu de culte musulman, la mosquée En-Nour, après deux enquêtes publiques biaisées et un refus de signer l'ouverture du lieu malgré le rappel à l'ordre de la justice et de la Préfecture. Pour mémoire, l'arrêt du conseil d'Etat du 30 juin 2016 concernant l'Institut Niçois En-nour stipule que la Ville de Nice s'est livrée à "une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté fondamentale" qu'est la liberté de culte.

Si Christian Estrosi a, à raison, tout fait pour interdire les prestations de Dieudonné à Nice, la Ville de Nice a invité plusieurs fois Eric Zemmour à donner des conférences alors qu'il avait déjà été condamné pour incitation à la haine et qu'il le sera à nouveau ensuite.

Christian Estrosi a, en sa qualité de maire, déclaré à des Roms, en 2013, lors d'une altercation : "j'en ai maté d'autres, je vous materai". Il a ensuite envoyé à tous les maires de France un "mode d'emploi" pour lutter contre l'installation des Roms dans leur ville.

Il a déclaré sur Europe 1, à propos du droit de vote des étrangers aux élections municipales : "Ce qui me révolte le plus, c'est donner le droit de vote à des personnes qui haïssent la France" affirmant ainsi que tous les étrangers non communautaires résidant en France haïssent la France.
Toujours en 2013, il a affirmé que "L'islam est totalement incompatible avec la démocratie", sans opérer aucune distinction entre "islam" et "islamisme".
La xénophobie, hostilité envers toute personne assimilée à la figure de l'étranger, appliquée en terme de gestion d'une collectivité territoriale, n'est donc pas une affaire d'étiquette politique : même si Nice n'est pas dirigée par le Rassemblement National, il y a bien une "xénophobie municipale" à Nice en tant que politique publique.

3. Des faits déjà constatés et dénoncés :
Suite à ses propos sur les Roms et sur l'islam en 2013, SOS Racisme et le MRAP ont déposé plainte contre Christian Estrosi pour incitation à la haine raciale et ses déclarations ont été largement dénoncées :

François Lamy, alors ministre de la ville a déclaré que les propos de C. Estrosi étaient "imbéciles et dangereux".
David Assouline, alors sénateur et porte parole du PS a déclaré : « tout, dans la diatribe de M. Estrosi, sent mauvais. La xénophobie suggérée, l’appel presque assumé à se faire justice soi-même, le phrasé anti socialiste primaire, la remise en cause de la laïcité à propos de l’islam. L’extrême droite ne peut pas faire beaucoup mieux. Mais comme à chaque fois, c’est elle qui tirera les marrons du feu »
Manuel Valls, alors ministre de l'intérieur, a déclaré : « Les propos du maire de Nice sont l’émanation d’une politique passée qui a fait du mal à la France, celle de l’amalgame et de la stigmatisation ».
Lutte ouvrière a dénoncé la "démagogie xénophobe" de C. Estrosi suite à ses propos sur la "cinquième colonne islamiste en France".
De nombreuses plaintes ont été déposées par des membres de la communauté Tchétchène et par la Ligue des Droits de l'Homme contre Christian Estrosi en juillet 2020, suite à ses propos sur BFM stigmatisant la communauté tchétchène dans son ensemble, qui, selon lui, "lutte pour avoir le monopole du marché de la drogue".
Je suis donc loin d'être le seul à avoir constaté la xénophobie du maire de Nice même si je suis étrangement le seul qu'il attaque en justice.
La xénophobie est un fait social. Dire qu'une politique publique est xénophobe est fondé dès lors que l'on constate qu'effectivement cette politique est hostile aux étrangers. Un maire xénophobe est un maire qui met en œuvre une telle politique. Or cette xénophobie municipale engendre des discriminations qui brisent l'égalité républicaine et portent atteinte aux libertés individuelles et à la fraternité. Dénoncer et lutter contre les discriminations est le devoir de tout citoyen.

L'évaluation citoyenne des politiques menées nationalement comme localement devrait donner lieu à des débats publics argumentés permettant à chacune et chacun de se forger sa propre conviction. La judiciarisation excessive de la vie publique ampute le débat démocratique et menace la liberté d'expression individuelle et collective. 

Audience le 11 janvier à 13h30 au Tribunal de Grande Instance de Nice.

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