mardi 19 février 2013

Allocations familiales: sous conditions de ressources, oui, fiscalisées, non !

L'idée de limiter les allocations familiales n'est pas une idée scandaleuse. Mais, pour avoir un débat de qualité sur la question il faut tout d'abord savoir de quoi l'on parle (ce qui est), et, ensuite, savoir ce vers quoi l'on veut tendre (ce qui doit être).
Nous parlons d'une façon floue des allocations familiales et beaucoup pensent à l'aide qu'ils touchent pour leur enfant en bas âge (moins de trois ans), ou à l'aide qu'ils perçoivent parce qu'ils ont une famille nombreuse (à partir de trois enfants) ou encore aux aides au logement.
En réalité, les prestations familiales sont diverses et sensées répondre à des besoins spécifiques : la Prestation d'Accueil du Jeune Enfant (PAJE), sous conditions de ressources, est versée pour un enfant de moins de trois ans. Le Complément Familial, sous conditions de ressources également, est versé pour les familles ayant au moins trois enfants de plus de trois ans. Des prestations sont liées au handicap (AAH, AEEH), d'autres à l'isolement (ASF, RSA majoré), d'autres encore au logement (AL ou APL), à la précarité (RSA) ou la rentrée scolaire (ARS).
Parmi toutes ces prestations, les allocations familiales de base (AL), celles qui font l'objet de la controverse, sont versées sans condition de ressource à toute personne ayant au moins deux enfants à charge dont l'ainé à moins de 20 ans. Elles sont issues d'une politique nataliste tendant à inciter les parents à avoir plus d'enfants, les allocations étant majorées en fonction du nombre d'enfants supplémentaires.
Pour autant, l'absence de conditions de ressources est une source d'injustice sociale.
En effet, un couple ayant un revenu mensuel de 5 000 € par mois, s'il en fait la demande, peut percevoir ses 127 € par mois s'il a deux enfants, 290 € s'il en a trois, 453 € s'il en a quatre, et 162 € par enfant supplémentaire. Et il n'y a aucune limite. Si un couple ayant 45 000 € par mois en fait la demande, du moment qu'il a deux enfants à charge de moins de 20 ans, il touche les allocations familiales de base. 
Cet argent devrait être utilisé pour les personnes en ayant réellement besoin, et notamment pour le paiement des allocations familiales de base, sous conditions de ressources, dès le premier enfant. 
Il existe certes la PAJE, sensée pallier aux dépenses liées à l'arrivée de l'enfant, mais le plafond de ressources est trop bas et c'est bien lors de l'arrivée du premier enfant que les dépenses sont les plus élevées. De plus, la PAJE s'arrête aux trois ans de l'enfant. De ce fait, une famille avec un seul enfant ayant un revenu moyen (non bénéficiaire du RSA) ne perçoit plus de prestations liées à l'enfant (donc hors aides au logement) après ses trois ans.
Christian Estrosi avait déposé un projet de loi visant à verser les allocations familiales dès le premier enfant, mais, afin de rester à budget constant, il proposait dans le même temps de réduire les montants versés aux familles nombreuses (lire ici)
La mise sous conditions de ressources des allocations familiales n'est donc pas une lubie ultra-libérale mais le rétablissement d'une justice sociale cruellement absente. 
Lorsque Lionel Jospin avait souhaité que l'on ne verse plus les allocations familiales de base pour les familles percevant plus de 4 900 € par mois, il avait dû reculer devant la levée de boucliers suscitée alors. Mais il avait raison.
Nous pourrions donc soumettre les allocations familiales à conditions de ressources et arrêter de verser de l'argent à des familles n'en n'ayant pas réellement besoin. 
Pour autant, la proposition consistant à fiscaliser les allocations familiales, elle, consiste à continuer à verser ces aides à tout le monde, y compris ceux qui n'en n'ont pas le plus besoin, pour en récupérer une partie via l'impôt.
Question simple : pourquoi payer pour reprendre ensuite une partie de ce que l'on a payé alors que l'on pourrait (ou devrait) éviter de le payer ?
En définitive, nous pouvons, par soucis de justice sociale, être favorable à la mise sous conditions de ressources des allocations familiales de base, de préférence à une fiscalisation. Cette mesure doit s'accompagner d'une double exigence : s'assurer que le plafond fixé ne pénalise pas les classes moyennes, et, d'autre part, que l'argent économisé sera utilisé à bon escient dans une politique familiale juste, notamment dans le paiement des allocations familiales, toujours sous conditions de ressources, dès le premier enfant.

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