mardi 7 octobre 2014

L'entreprise, le business et les opposants imaginaires de Manuel Valls

En l'espace de quelques semaines Manuel Valls a développé une stratégie de communication déconcertante autour du thème de l'entreprise. Tout d'abord en français, devant le MEDEF par un retentissant "j'aime l'entreprise", puis en allemand lors de son déplacement outre Rhin et, enfin, en anglais, par un "my Government is Pro Business"  à la City de Londres.

En l'espace de quelques semaines Manuel Valls a développé une stratégie de communication déconcertante autour du thème de l'entreprise. Tout d'abord en français, devant le MEDEF par un retentissant "j'aime l'entreprise", puis en allemand lors de son déplacement outre Rhin et, enfin, en anglais, par un "my Government is Pro Business"  à la City de Londres.
Cette communication primo ministérielle appelle au moins trois commentaires :
1. Sortir du pathos
Le premier motif d'étonnement vient du champs lexical choisi, celui de l'affect, du sentiment. Lorsque l'on décide et met en oeuvre une politique économique on n'a pas à aimer ou non l'entreprise, mais à soutenir durablement et efficacement l'entreprenariat. La thématique du "j'aime" ou du "je n'aime pas" renvoie à l'acte arbitraire d'aimer telle ou telle chose, au fait du Prince et non à un choix de raison.
On est en droit d'espérer que le choix de verser 41 milliards d'euros aux entreprises relève d'autre chose que des goûts et des couleurs de Manuel Valls...
Rien ne semble donc expliquer ce choix communicationnel hormis, peut être, la référence implicite à la phrase malheureuse de François Hollande, qu'il viendrait corriger, "je n'aime pas les riches".
2. Des opposants imaginaires
Lorsque l'on affirme avec force une position, c'est le plus souvent par opposition à d'autres personnes qui pensent le contraire. Or qui, aujourd'hui, déclarerait "détester" ou "haïr" l'entreprise ? Qui serait "anti" business ? A quel farouche adversaire s'oppose notre vaillant premier ministre en portant le fer sur ce thème ?
En réalité, à personne. Il y a bien longtemps que les leaders politiques de gauche comme de droite ont pris conscience de l'impérative nécessité de soutenir l'entreprise car elle crée de l'emploi. A travers elle, ce sont les demandeurs d'emploi que l'on aide, les jeunes qui se trouveront bientôt sur le marché du travail, les salariés qui souhaitent conserver leur emploi, se former, évoluer dans leur vie professionnelle, la société en général que l'on souhaite prospère et la France, enfin, que l'on veut voir influente et reconnue sur la scène internationale.
3. Aider l'entreprise oui, mais avec discernement
Si tout le monde est conscient qu'il faut soutenir les entreprises, certains souhaitent le faire avec plus de discernement.
Il est en effet préférable que l'on soutienne les entreprises françaises, celles qui payent leurs impôts en France, les entreprises qui font des efforts pour moins polluer, celle qui forment leurs salariés, qui réinvestissent dans l'appareil productif au lieu de tout reverser en dividendes, etc.
Ce dont il est question ici, ce n'est pas d'aimer ou de détester les entreprises, d'être "pro" ou "anti" business, mais du bon usage des fonds publics et de la relance de l'économie dans la justice sociale et le respect de l'environnement.
Car si l'on aide indistinctement les entreprises qui polluent impunément et celle qui dépensent des sommes très importantes pour respecter l'environnement, on verse un blanc seing aux entreprises polluantes et on désavantage les entreprises éco-responsables. Idem pour les entreprises favorisant le bien être au travail ou celles faisant tout pour maintenir les emplois en France au lieu de délocaliser. Bref, "aimer" sans distinction les entreprises au lieu de favoriser les entreprises méritantes c'est se priver d'un outils efficace pour maintenir l'entreprenariat français dans un cercle vertueux.
Le parti socialiste n'a eu de cesse de prôner le juste échange (afin d'imposer le respect des normes sociales et environnementale) et la fiscalité verte (afin de récompenser les entreprises éco-responsables). Arnaud Montebourg, alors ministre du redressement productif, a défendu le made in France (afin de préserver nos emplois en France) et le patriotisme économique (afin, entre autres, de lutter contre l'évasion fiscale).
Verser sans discernement et sans contrepartie 41 milliards d'euros à toutes les entreprises sous couvert de les "aimer" ou d'être "pro" business, c'est rompre avec une politique de bon sens qui emportait l'adhésion bien au-delà du parti socialiste et trouvait un écho favorable aussi bien dans la population que dans les formations politiques de tous bords.
Enfin, un pacte, par définition, est un accord qui engage chacun des contractants. Or le pacte de responsabilité, puisqu'il n'exige aucune contrepartie des entreprises, n'est pas véritablement un pacte. C'est un acte unilatéral de l'Etat français envers les entreprises. C'est, de surcroît, un acte unilatéral irresponsable puisqu'il dilapide les fonds publics sans garantie aucune et sans retour sur investissement. Cet acte n'est donc ni "un pacte", ni "responsable"... curieuse sémantique du pouvoir. 
Qu'est-ce donc alors ? Serait-ce, puisque Manuel Valls dit "aimer" l'entreprise, au final, un acte d'amour ? Peut être, puisque l'amour rend aveugle.

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