mardi 9 décembre 2014

Laïcité, crèches et populisme identitaire

En ce 9 décembre 2014, date anniversaire de la promulgation de la loi du 9 décembre 1905, la laicité est à nouveau aux prises avec des polémiques stériles et des instrumentalisations politiciennes ramenant le niveau du débat public des années en arrières.
A chaque nouvelle polémique son prétexte, et le petit monde médiatico-politicien se focalise actuellement sur la place des crèches dans les administrations publiques.
A l'origine du débat, un jugement du 14 novembre dernier du Tribunal Administratif de Nantes qui condamne la présence d'une crèche dans les locaux du Conseil Général de Vendée. 
Si l'on considère qu'une crèche est un objet à caractère religieux (qui peut le nier ?), elle tombe effectivement sous le coup de la loi de 1905, article 28 : « Il est interdit, à l'avenir, d'élever ou d'apposer aucun signe ou emblème religieux sur les monuments publics ou en quelque emplacement public que ce soit, à l'exception des édifices servant au culte, des terrains de sépulture dans les cimetières, des monuments funéraires, ainsi que des musées ou expositions. » 
Dès lors, les élus locaux, garants de la stricte neutralités des pouvoirs publics locaux en matière de religion, pourraient avoir le bon sens de respecter la loi.
Si l'on considère par ailleur qu'en plus de son caractère religieux une crèche revêt un caractère culturel (qui peut le nier ?) la question ne doit pas nous pousser à adopter une position "dogmatique". Et force est de constater que la présence de crèches n'a pas constituée jusqu'à présent une entrave au vivre ensemble ! Il n'y a donc pas lieu à crier "haro" et à en faire un emblème absolu de défense de la laicité.
En cette affaire comme en bien d'autres, il faut raison garder.
Là où le débat se complexifie c'est quand des élus locaux, au lieu de s'en référer à une culture locale (les santons de provence, par exemple), se réfèrent explicitement aux "racines chrétiennes de notre civilisation", défendant ainsi la présence de crèches au sein des administrations publiques tout en se référant à leur caractère religieux.
Or évoquer les racines religieuse d'une société ou d'une civilisation pour justifier la présence d'un objet dans une adminsitration ne tient pas et est, pour le coup, clairement contraire à la loi de 1905. Je suis déjà intervenu dans le passé à ce sujet et je n'y reviendrai pas (lire ici).
Certains maires FN ont alors installé, pour la première fois, des crèches dans leur mairie en tweetant "#résistance". Eric Ciotti, président du Conseil Général des Alpes-Maritimes s'est empressé d'installer une crèche dans les locaux publics dont il a la gestion en évoquant "l'héritage judéo-chrétien de notre civilisation" et voyant dans la crèche un symbol "identitaire" autant que religieux.
Ces démarches, à caractère inutilement provocatrices, correspondent très précisément à ce que certains politologues nomment le "populisme identitaire". Nous basculons ici de la question laïque à un domaine plus vaste. Ces pratiques politiques vont à l'encontre du vivre ensemble et sont indignes d'élus de la République. Nous ne pouvons que les condamner.
Enfin, comme l'écrit Jean-Louis Bianco, président de l'observatoire de la laicité : "en cette période de fin d'année, souhaitons collectivement que les acteurs concernés évitent toute polémique inutile, toute instrumentalisation de la laïcité et promeuvent le dialogue et l'ouverture à l'autre."

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