Interview de David Nakache à Nice Presse : HLM dans tous les quartiers, logements vides expropriés… À Nice, la liste LFI-Viva promet un big bang immobilier contre la crise du logement
Nice est confrontée à une grave crise du logement, avec une tension locative intenable. Que faire ?
La première mesure, c’est l’encadrement des loyers. Il ne fait pas chuter les prix, mais il stoppe leur envolée dans un marché niçois totalement livré à la spéculation. Résidences secondaires, Airbnb, hôtellerie, surtourisme… le parc réellement disponible pour les habitants se réduit et les loyers flambent. Résultat, des familles dorment dans le salon, des enfants partagent une chambre faute d’espace, et beaucoup consacrent la moitié de leurs revenus au logement, au détriment de la nourriture, des soins ou des vêtements. Avec l’encadrement, le préfet fixe un loyer plafond et les dépassements sont sanctionnés.
Pourquoi la municipalité actuelle ne demande-t-elle pas cet encadrement ? Vous parlez d’un « choix politique délibéré ».
Parce qu’elle choisit d’activer uniquement les mesures qui ne touchent pas à la spéculation ni au droit de propriété. Pourtant, le législateur a donné aux maires de vrais leviers pour reprendre la main : encadrement des loyers, lutte contre les logements vacants, limitation des résidences secondaires, régulation d’Airbnb… À Nice, on refuse de les utiliser pleinement, comme si laisser un appartement vide pendant des années relevait d’un droit absolu, même quand des familles dorment dehors. Nous, nous assumons un autre ordre de priorité : le droit au logement. Il ne s’agit pas de brider les libertés, mais de permettre aux habitants d’avoir un toit digne.
Nice compte des milliers de demandes en attente pour un logement social. Vous dites que l’enjeu, c’est d’abord de « récupérer chaque mètre carré » plutôt que de bétonner davantage. Comment faire ?
Il faudra construire, mais sans détruire un mètre carré de nature. L’essentiel, c’est de reconvertir ce qui existe déjà : anciens commerces, bureaux vides, friches, zones déjà bétonnées. La Ville est alertée dès qu’un site se libère. Elle doit préempter systématiquement et transformer en logements sociaux. Sur les logements vacants, nous voulons agir fermement, avec une aide à la rénovation, puis, en dernier recours, une expropriation, pour remettre ces biens dans le circuit. Chaque mètre carré disponible doit revenir aux Niçoises et aux Niçois.
Vous proposez aussi d’abaisser le seuil imposant des logements sociaux dans les programmes neufs. Est-ce réaliste, y compris dans les quartiers huppés ?
Aujourd’hui, en dessous de 1500 m², un promoteur peut construire un immeuble entier sans intégrer le moindre logement social. C’est une niche connue. Beaucoup visent 1495 m² pour éviter toute obligation. En abaissant ce seuil à 500 m², dès qu’un programme dépasse une dizaine de logements, un tiers devra être social. Concrètement, cela réintroduit de la mixité dans tous les quartiers, y compris Cimiez, le Mont-Boron ou le Carré d’Or. On entre dans une logique de logement social « dans le diffus », indiscernable du parc privé. Cela permet « d’offrir » de beaux biens à des personnes âgées ou à des familles modestes. Pourquoi n’auraient-elles pas droit à une vue mer, elles aussi ?
Vous dénoncez l’insalubrité d’une partie du parc social niçois. Que prévoyez-vous ?
À Nice, elle touche particulièrement le parc public, ce qui est anormal pour un bailleur social. Nous constatons des lenteurs majeures. Ascenseurs en panne pendant des mois, chauffage défaillant en hiver, eau chaude coupée…
Trop souvent, Côte d’Azur Habitat renvoie la responsabilité vers ses prestataires, alors que les réparations tardent réellement. Nous proposons un grand plan de réhabilitation, cofinancé par la Métropole et le bailleur (lequel en a déjà lancé un, avec 300 M€ annoncés, ndlr), mais surtout une refonte de la gestion quotidienne, avec des équipes de maintenance de proximité, capables d’intervenir rapidement dans chaque quartier.
Vous critiquez aussi la gouvernance de Côte d’Azur Habitat. Pourquoi ?
Le président de Côte d’Azur Habitat est systématiquement un adjoint au maire. Cela crée une mainmise du politique. Nous, nous voulons couper ce cordon. À la tête du bailleur, il faut des spécialistes de l’intégration, des professionnels de la gestion d’un parc social, des personnes entièrement consacrées à cette tâche, pas des élus qui cumulent les mandats et ne peuvent y consacrer que quelques heures, souvent quand il y a une urgence médiatique.
Quand le président convoque des familles en difficulté dans un « Conseil des droits et des devoirs », avec la police en fond de salle, puis publie des photos sur les réseaux sociaux, on fait des HLM un théâtre politique…
Vous insistez beaucoup sur le surtourisme. Concrètement, quel est son impact sur les prix du logement, et que dites-vous aux Niçois qui mettent leur propre bien sur Airbnb pour boucler leurs fins de mois ?
Le surtourisme fait mécaniquement monter les prix. Plus il y a de visiteurs, plus les loyers s’alignent sur les plus hauts revenus. Nous ne condamnons pas le particulier qui loue sa résidence principale 90 jours pour compléter son budget. Le problème, ce sont les Airbnb détenus par des professionnels. 70% du parc. Cela retire massivement des logements au marché annuel et alimente des dérives graves, comme la prostitution dans certains secteurs.
Dans le même temps, l’équipe sortante veut étendre l’aéroport pour accueillir 8 millions de passagers supplémentaires. Où logeront-ils, si les Airbnb et les hôtels sont déjà saturés ? C’est une contradiction majeure.
Vous parlez aussi d’interdire les nouvelles résidences secondaires dans certains secteurs. Comment ?
La loi permet aux maires de délimiter des zones d’habitat permanent. Dans ces périmètres, on pourrait décider que l’on ne veut plus que des résidences principales. Concrètement, cela veut dire qu’en dix ans, dans ce secteur, on ne construira plus de résidences secondaires, mais seulement des logements pour des gens qui vivent et travaillent ici à l’année.
La mairie met en avant la surélévation des immeubles comme l’une des solutions. Faire gagner de la hauteur à la ville, y êtes-vous favorable ?
La surélévation fait partie des outils utiles, mais ce n’est pas l’alpha et l’oméga. La Métropole l’a parfois présentée comme la solution miracle qui suffirait, elle seule, à résoudre la crise du logement. Ce n’est pas réaliste, cela ne concernerait qu’un parc restreint. En revanche, comme pour les logements vacants, chaque mètre carré compte. Si l’on peut créer en surélevant certains immeubles, en respectant l’architecture et le paysage urbain, il faut le faire.
Pensez-vous réellement pouvoir « régler la crise du logement » durant le mandat ?
Il ne faut pas mentir aux gens, on ne la résoudra pas en une mandature. Atteindre les 25% de logements sociaux imposés par la loi demandera au moins deux mandats. Notre objectif, c’est de mettre en marche une dynamique irréversible. En 6 ans, approcher les 18-19% de logements sociaux, en partant du niveau actuel. Dans une deuxième mandature, viser 22-23 %, puis 25 %. Il ne faut plus laisser croire que cette crise serait une fatalité. Les maires ont aujourd’hui les moyens de reprendre la main. Si la Ville de Nice ne le fait pas, ce n’est pas parce qu’elle ne peut pas. C’est parce qu’elle ne veut pas toucher aux intérêts de la spéculation immobilière.

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