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mardi 28 février 2023

Sondage mairie de Nice : la NUPES devant Ciotti !

Oui, je sais, ce n'est qu'un sondage.
Oui, je sais, les voix de s'additionnent pas.
Mais quand même...

Le sondage IFOP paru dimanche dans le JDD annonce un duel entre Christian Estrosi et Eric Ciotti et toute la presse a titré : Estrosi premier, Ciotti second. 

Sauf que les sondeurs ont délibérément écarté la possibilité d'une union de la gauche à Nice et n'ont malheureusement pas testé une candidature unique de la Nupes.

Le sondage donne au premier tour de l'élection municipale Estrosi en tête avec 35% des voix et Ciotti second avec 25% des voix. 

Sauf que la gauche, testée en ordre dispersé, cumule... 27 % des voix :
- EELV : 11%
- La France Insoumise : 9%
- Le PS : 7%

Fait majeur non commenté par la presse : selon l'IFOP et en cumul des voix, une gauche unie à Nice arriverait seconde, devant Eric Ciotti.

Oui, je sais, ce n'est qu'un sondage.
Oui, je sais, les voix ne s'additionnent pas
Mais quand même... 

A Nice, la NUPES peut tout changer !

vendredi 21 octobre 2022

Démocratie 1 - 0 Estrosi

Communiqué de presse : "Démocratie 1 - 0 Estrosi"

Victoire !

Christian Estrosi a engagé deux "procédures bâillons" en justice à mon encontre pour me réduire au silence. La première de ces deux procédures vient d'échouer et est définitivement close.
Bien au-delà de mon cas personnel ce premier succès constitue une victoire décisive pour la liberté d'expression et pour le débat démocratique.

Rappel des faits et procédures :

Dans la première procédure, le maire de Nice m'a attaqué en diffamation lorsque j'ai déclaré durant la campagne municipale de 2020 vouloir "mettre fin à la corruption à Nice". J'ai été condamné en première instance avant de gagner en appel. Le maire de Nice a déposé un pourvoi en cassation qui a été déclaré "non admis" par la cour de cassation, c'est à dire infondé. Cette procédure est en conséquence définitivement close.

Dans la seconde procédure il m'a attaqué pour injure publique lorsque j'ai déclaré, toujours durant la même campagne électorale, que la ville de Nice avait "un maire xénophobe". La justice m'a donné raison en première instance et une seconde fois en appel. Christian Estrosi s'est malgré tout pourvu en cassation et nous attendons la décision de la cour.

Dans ces deux procès, le maire de Nice a fait voter par le conseil municipal une protection fonctionnelle, pour faire payer ses frais d'avocat et ses frais de justice par les impôts des Niçoises et des Niçois.

Remerciements :

Je tiens à remercier Maître Bruno Rebstock pour son engagement et sa défense sans faille, Maître Mireille Damiano pour ses conseils et son soutien constant, ma compagne et mes proches qui m'ont supporté et soutenu durant cette épreuve.

Des associations, collectifs citoyens et partis politiques ont publié des communiqués de soutien nous permettant ainsi de faire front commun face aux intimidations et menaces du pouvoir local. Jean-Christophe Picard a porté le fer au conseil municipal sur la protection fonctionnelle. Qu'ils en soient remerciés également ici.

Je tiens à remercier enfin l'ensemble des citoyennes et citoyens qui ont pris part à ce combat et ont contribué au financement participatif de mes frais d'avocats : une centaine de donatrices et donateurs, de toute la France, sur les deux procédures. Sans eux, rien n'aurait été possible : à cause commune, défense participative et victoire collective !

Portée politique :

Ces procédures bâillons constituent des atteintes évidentes à la liberté d'expression : on fait pression sur ses opposants politiques, sur les citoyens solidaires aidant les migrants, on veut faire taire toute voix discordante y compris celle de la presse d'investigation.

On gaspille également l'argent public : le montant de la protection fonctionnelle accordée au maire de Nice dans les deux procédures qu'il a engagées contre moi pour payer ses frais d'avocat s'élève à ce jour à 23 313 € ! Cette somme, en réalité payée par les contribuables niçois, a été dépensée dans le seul but de financer son acharnement judiciaire à mon encontre.

Cette victoire est une première étape. Dans l'attente de l'issue de la seconde procédure je demande au maire de Nice de cesser toute procédure bâillon à l'encontre de ses opposants car ces procédures :

Encombrent inutilement les tribunaux et instrumentalisent la justice à des fins électoralistes
Amputent le débat public en réglant au tribunal ce qui devrait être débattu sur la place publique
Dissuadent par la peur d'un procès tout citoyen qui voudrait porter des revendications fortes
Rendent tabous certains sujets pourtant essentiels comme la lutte contre la xénophobie institutionnalisée et la lutte contre la corruption.


jeudi 19 mai 2022

Côte d’Azur Habitat : un plan d’expulsions massives et arbitraires

Côte d’Azur Habitat a mis en place un dispositif lui permettant d’expulser ses locataires condamnés ou poursuivis pénalement et d’expulser avec eux l’ensemble des membres de leur famille vivant sous le même toit. Ce procédé est rendu possible par une convention signée par le bailleur social avec la Ville de Nice, le préfet et le procureur des Alpes-Maritimes. Les familles sont préalablement convoquées à un « conseil des droits et des devoirs », simulacre de tribunal où elles se rendent sans avocat ni conseil. Le président de Côte d’Azur Habitat, Anthony Borré, se livre à une médiatisation constante des convocations à ce conseil des droits et des devoirs ainsi que des expulsions prononcées. Il a qualifié les personnes concernées d’« ennemis de la République » et a déclaré vouloir attribuer les logements à ceux qui « le méritent », s’autoproclamant décideur de qui « mérite » ou non un logement, de qui est ou n’est pas un « ennemi de la République ».

J’ai dénoncé dans la presse ce procédé dès janvier 2021, puis, lors de la première procédure effective d’expulsion, par un argumentaire plus détaillé (lire ici). Le Syndicat des Avocats de France, la Ligue des droits de l’Homme, le DAL, ADN, Habitat et citoyenneté et l’association Tous citoyens ont dénoncé très clairement ce dispositif répressif et les termes de cette convention quadripartite (lire ici)

Anthony Borré vient d’annoncer un plan massif d’expulsions reposant sur ce dispositif profondément injuste et arbitraire.

Sur le fond :

- Côte d'Azur Habitat n'a pas à se substituer à la justice pour infliger une condamnation sociale (la perte du logement) en plus de la condamnation pénale décidée par un juge. Il s'agit là d'une inadmissible double peine. 

- En décrétant que toute personne condamnée par la justice peut perdre son logement social, Côte d'Azur Habitat instaure un nouveau critère d'attribution de logement social : avoir un casier judiciaire vierge. Il s'agit là d'une atteinte évidente au droit au logement, principe pourtant acté par le législateur.

- En faisant payer les proches qui habitent avec la personne condamnée Côte d'Azur Habitat bannit socialement des individus pour des faits dont ils ne sont pas responsables, ce qui est profondément injuste.

- En communiquant à outrance sur ces expulsions, Anthony Borré cherche à masquer le non respect de la loi SRU par la Ville de Nice qui paye plus de 400 000 € de pénalités par an pour n'avoir que 13% de logements sociaux au lieu des 25% légaux. 16 000 familles sont actuellement en attente d'un logement social à Nice. Cette sur-médiatisation ne compensera pas l'absence d'une politique de logement digne de ce nom.

- En faisant du logement social un outil de répression, Anthony Borré détourne Côte d'Azur Habitat de sa vocation sociale pour en faire un nouveau dispositif sécuritaire.

- Expulser des familles ne diminuera en rien la délinquance : on ne fait que déplacer le problème à d'autres quartiers en plongeant des familles entières dans la précarité. Sans logement social et sans argent pour louer légalement un logement privé, où iront elles ? Côte d’Azur Habitat ne fait que pousser ces familles vers des marchands de sommeil, des squats ou la rue.

- En annonçant 132 procédures d'expulsions à venir, Anthony Borré confirme la mise en place d'un plan d'expulsions massives fondées sur un procédé arbitraire, portant manifestement atteinte au droit au logement.

lundi 18 avril 2022

Voter Macron sans voter "pour" Macron : lettre au Président - candidat

 M. Le Président - candidat,

Je vais utiliser un bulletin de vote à votre nom dimanche prochain sans jamais voter "pour" vous, mais seulement afin de voter "contre" le fascisme. Je sais que vous ne lirez pas cette lettre et que vous vous fichez royalement de cette distinction : le soir de votre victoire, vous considérerez, et les médias avec vous, que mon vote vous est acquis. Mais, voyez vous, et cela doit être dit et écrit, il n'en n'est rien.

Nous sommes très nombreux à avoir dû voter pour vous en 2017 afin de faire barrage au Rassemblement National et à nous être promis à nous-mêmes, ensuite, de ne plus jamais accepter cette compromission politique et morale. Et nous sommes très nombreux, aujourd'hui, à devoir rompre cette promesse faite à nous-mêmes par esprit de responsabilité et par amour de la liberté, de l'égalité et de la fraternité. 

Nous sommes également très nombreux à vous tenir pour responsable de la situation politique actuelle de notre pays. Si, pour beaucoup de personnes, le besoin de faire "barrage à Macron" est aujourd'hui plus fort que la nécessité de faire "barrage à Le Pen", c'est parce qu'elles ont le sentiment légitime d'avoir été méprisées, voire humiliées, cinq années durant. Votre quinquennat constitue en effet l'une des périodes de régression démocratique et sociale les plus importantes de la cinquième République : lois liberticides et discriminatoires, répressions policières violentes et répétées, accroissement des inégalités, enrichissement odieux des plus riches et appauvrissement des classes moyennes et précaires, petites phrases assassines où votre insupportable morgue a blessé inutilement nos concitoyens, etc. La montée du fascisme en France découle en partie directement de la façon dont vous avez mené votre mandat. Et si, par malheur, le fascisme accédait au pouvoir, votre quinquennat resterait dans l'histoire comme la période pré-fasciste menant à l'avènement du fascisme.

C'est parce que nous sommes d'autant plus conscients des méfaits de votre politique que notre vote nécessite courage, détermination et abnégation. 

En conséquence, comme de nombreux citoyens, je glisserai dans l'urne un bulletin de vote "Emmanuel Macron" dimanche prochain, mais sans jamais, ô combien jamais, voter "pour" vous. 

Dimanche 24 avril, je voterai contre Marine Le Pen et le Rassemblement National, contre un processus d'incitation à la haine d'une partie de la population contre une autre, contre la rupture avec la laïcité telle que définie par la loi de 1905 garantissant la liberté de culte et de conscience, contre un régime et un mode de gouvernance autoritaire et anti-démocratique, contre le retour au droit du sang et pour préserver le droit du sol, contre le rejet de l'autre, de l'étranger, de toute personne différente et n'entrant pas dans "la norme", contre la négation de la liberté de la presse et de la liberté d'expression, et, surtout, contre la négation de notre humanisme le plus noble et le plus profond. Accompagnant au quotidien des personnes en exil et en situation de précarité, je sais à quel point des lois et des décrets peuvent briser des vies.

Je voterai contre le retour du fascisme en France et je vous fais "en même temps" la promesse, à vous autant qu'à moi-même, si vous gagnez cette élection en partie grâce à mon vote, de combattre autant que faire se peut les mesures néfastes que vous mettrez en œuvre durant les cinq années à venir. Et je ferai tout, avec l'ensemble de mes compagnons de lutte et de solidarité, et ce dès les élections législatives de juin, pour contribuer à renforcer l'alternative démocratique, sociale et écologique nous permettant d'échapper à l'impasse politique dans laquelle nous sommes actuellement piégés.

David Nakache

Responsable associatif 

vendredi 21 janvier 2022

Nice, conseil municipal : défendre la liberté d'expression, encore et toujours

 Communiqué de presse

Nice, conseil municipal : défendre la liberté d'expression, encore et toujours


Les délibérations 10.4 et 10.5 permettant à Christian Estrosi de faire payer ses frais d'avocats par les niçoises et les niçois afin de me poursuivre en cassation, via l'octroi de la protection fonctionnelle, ont été votées ce matin en conseil municipal.

Ces délibérations sont entachées d'erreur puisqu'elles affirment abusivement que mes propos envers le candidat Christian Estrosi durant les élections municipales étaient respectivement "diffamatoires" et "injurieux" alors que la cours d'appel m'a, pour chacune de ces accusations, relaxé. Je remercie Jean-Christophe Picard de l'avoir rappelé en séance.

Contrairement à ce qu'il est écrit dans la délibération 10.4 et contrairement à ce que Mme Ouaknine a affirmé en séance, je n'ai en aucun cas dit que Nice avait un maire "raciste". J'ai affirmé par contre que la ville de Nice avait un maire "xénophobe" et j'ai publié un article en janvier 2021 pour expliquer la distinction entre ces termes et en quoi la politique menée à Nice présentait un caractère xénophobe (lire ici).

De plus, faire, en séance, comme l'a fait le 1er adjoint au maire, M. Anthony Borré, un amalgame entre mes propos envers Christian Estrosi et les attaques physiques subies par des élus, que je condamne très fermement, est un procédé dangereux. Cela revient à confondre volontairement débat démocratique et agressions physiques. Chercher à disqualifier un adversaire politique ne doit pas mener à remettre en question le principe fondamentale de la liberté d'expression.

La protection fonctionnelle est une disposition utile et parfois indispensable qu'il ne faut pas détourner pour règlements de compte politiciens. Les propos tenus étaient des propos de campagne électorale et si quelqu'un devait se sentir visé ce serait le candidat Christian Estrosi et non le maire de Nice. Ce n'est donc en aucun cas aux Niçois de payer.

Christian Estrosi cherche, par tous moyens, à judiciariser le débat démocratique afin de ne pas avoir à répondre, en débat public, aux critiques de fond émises contre sa politique. Il a pour ce faire recours à des procédures bâillon pour faire taire ses adversaires et il est prêt à aller jusqu'en cassation contre moi pour cela.

Il y a, à Nice, 74 000 personnes qui vivent sous le seuil de pauvreté. Cela devrait être la priorité absolue de l'équipe municipale. Mais il est visiblement plus urgent d'utiliser les impôts des Niçoises et des Niçois pour poursuivre un opposant parce que le maire refuse d'admettre que la justice lui donne tort. Orgueil, quand tu nous tiens...

Nice, le 21 janvier 2022

David Nakache

Président de l'association Tous citoyens et membre du rassemblement Viva, démocratie, écologie, solidarité

Résumé des procédures en cours m'opposant à Christian Estrosi à lire ici.

mardi 18 janvier 2022

Affaires Estrosi/Nakache : quand le maire de Nice s’acharne aux frais du contribuable

 Communiqué de presse

Affaires Estrosi/Nakache : quand le maire de Nice s’acharne aux frais du contribuable


Christian Estrosi a engagé à mon encontre deux « procédures bâillons » pour me faire taire. L’une, pour diffamation, lorsque j’ai déclaré vouloir mettre fin à la corruption à Nice, la seconde, pour injure publique, quand j’ai soutenu que Nice avait un maire xénophobe. Dans les deux cas, la justice m’a donné raison et j’ai été relaxé.

Les tentatives de Christian Estrosi pour me réduire au silence et pour judiciariser le débat public ont échoué. Je remercie très chaleureusement toutes celles et tous ceux qui m’ont soutenu durant cette longue lutte.

Mais Christian Estrosi refuse ce double verdict de la justice et se pourvoit en cassation. Pire, il fait payer aux contribuables niçois son acharnement contre moi : il proposera en conseil municipal, le 21 janvier 2022, que lui soit octroyée une protection fonctionnelle pour payer ses frais d’avocats ! Le combat pour préserver notre liberté d'expression commune continue.

Ce harcèlement judiciaire pour faire taire un opposant est insupportable, ce gaspillage d’argent public l’est tout autant.
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Nice, le 18 janvier 2022

David Nakache

Président de l'association "Tous citoyens"

Membre du collectif niçois "Viva - Démocratie, écologie, solidarité"

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A lire sur le même sujet :

Affaires Estrosi/Nakache, synthèse des procédures en cours

dimanche 5 décembre 2021

Migrants, citoyens solidaires, Mimmo Lucano : pourquoi un tel acharnement ?

Invité à participer, au nom de l'association "Tous citoyens" à la très belle soirée organisée en soutien à Mimmo Lucano, ex maire de Riace, le 17 novembre 2021 à la Bourse du travail à Paris, je n'ai pu, faute de temps, y développer tous mes arguments. Voici, affinée pour sa publication, la réflexion que j'aurais aimé livrer lors de cet événement fondateur.

"Bonsoir,

Vu que nous avons très peu de temps je voudrais ce soir aller à l'essentiel et vous faire part de quatre questionnements simples, mais qui me semblent centraux : pourquoi un tel acharnement contre les migrants ? Pourquoi cet acharnement se focalise-t-il désormais contre les mineurs isolés ? Pourquoi un tel acharnement contre les citoyens solidaires ? Pourquoi cet acharnement devient-il si extrême à l'encontre de Mimmo Lucano ?

Pour répondre à ces questions je vais faire un détour nécessaire, en vous expliquant d'où je vous parle et qui nous sommes. Notre association s'appelle "Tous citoyens". Elle est basée à Nice et vient en aide aux Mineurs Non Accompagnés (MNA). Dans les Alpes-Maritimes, les mineurs isolés subissent une série d'entraves dans l'exercice de leurs droits : refoulements illégaux à la frontière ; évaluation de minorité à charge par les agents du département eux-mêmes, en régie direct et par conséquent "juges et partis" ; difficultés d'accès aux soins et à l'éducation ; non prise en charge des traumatismes causés par la migration (et, pour beaucoup, des sévices subis en Libye et des errances en méditerranée) ; tests osseux aléatoires ; blocage des dossiers au moment d'obtenir un titre de séjour. Les travailleurs sociaux de la si mal nommée "Aide Sociale à l'Enfance"(ASE) en viennent même à prévenir la police pour faire arrêter les jeunes exilés en cas de mainlevée de leur placement. Notre association intervient quand ces jeunes sont remis à la rue par l'ASE. Nous avons dû constituer, comme bien d'autres associations locales, un réseau d'hébergement solidaire le temps des procédures judiciaires. Mais nous sommes une goutte d'eau dans un océan de détresse et de violences administratives et judiciaires.

Nous agissons à Nice et dans les Alpes-Maritimes, territoire où l'obsession sécuritaire est portée à son paroxysme : vidéosurveillance à outrance, expérimentation de la reconnaissance faciale, projet de reconnaissance émotionnelle, applications numériques de délation généralisée, messages sécuritaires diffusés par haut-parleurs, drones utilisés durant les confinements sanitaires, présence policière massive face aux manifestants et répression (que l'on se souvienne de ce qu'a subi Geneviève Legay), arrêtés municipaux liberticides, et, bien sûr, fermeture de la frontière franco-italienne, les frontières étant la condition sine qua non de toute société fermée. L'ensemble de ces dispositifs ne sont que les émanations d'un projet de société autoritaire de contrôle permanent des individus. Savoir à chaque instant où est chaque individu, ce qu'il fait et avec qui, voilà le projet fou et terrifiant que nourrissent certains. Est-ce par simple calcul électoral et par cynisme politique ? Est-ce par conviction ou par idéologie ? Sont-ils mus par une incontrôlable volonté de puissance, un désir pathologique de domination ? Quoi qu'il en soit, ce monde dystopique qu'ils nous imposent progresse à chaque nouvelle mesure liberticide et à chaque nouveau dispositif sécuritaire.

Revenons désormais à notre quadruple questionnement.

Pourquoi un tel acharnement contre les migrants ? 

Des murs bâtis entre Etats-Unis et Mexique ou aux frontières de l'Europe, la Méditerranée et la Manche devenues charniers, partout dans le monde, la fermeture des frontières tue. Pourquoi un tel acharnement ? La xénophobie et le racisme ne suffisent pas, à eux seuls, à rendre raison d'un tel phénomène. Quand on veut instaurer une société de contrôle et de défiance de tous contre tous, quand on veut, par la vidéosurveillance, les drones et la reconnaissance faciale, savoir où est et que fait chaque individu à chaque instant, l'idée même qu'une personne transgresse les interdits et passe la frontière, quelqu'un qui n'a pas de papiers d'identité, pas de visa et qui vient, ici et maintenant, incarner, là, devant vous, la figure de l'étranger, voilà qui est proprement insupportable. Le migrant symbolise à lui seul l'échec annoncé du désir irrépressible qui anime les tenants d'un contrôle permanent des individus. Il est la preuve incarnée que leur insatiable volonté de puissance et de contrôle est par définition irréalisable. Le migrant est la matérialisation de leur frustration. Dans un processus d'imposition d'une domination autoritaire et sécuritaire, le degrés d'intensité de la traque des migrants est l'exact baromètre de la frustration des puissants.

Pourquoi un tel acharnement contre les mineurs isolés ?

Pourquoi cibler désormais les mineurs isolés étrangers, désignés également sous le sigle de "Mineurs Non Accompagnés" ? Dans les années 80, l'extrême droite de Jean-Marie Le Pen s'en prenait à l'immigration légale, au regroupement familial et aux clandestins, mais elle ne touchait pas aux réfugiés, et l'on ne parlait même pas, à l'époque, dans le débat public, des mineurs. Puis, dans les années 2000 l'extrême droite et la droite extrême ont commencé à remettre en question le droit d'asile. Les attentats leur ont permis d'imposer peu à peu dans les médias l'équation "migrants = terrorisme". Mais on ne touchait toujours pas aux mineurs. Enfin, certains politiques, en commençant par Eric Ciotti, alors président du Département des Alpes-Maritimes et député, ont commencé à remettre en question la protection de l'enfance en insinuant le doute entre les "vrais" et les "faux" mineurs. Jamais jusqu'à présent, les mineurs isolés n'avaient constitué un enjeu lors de l'élection présidentielle. Or on a vu Valérie Pécresse, tout récemment, lors de l'un des débats de la primaire LR, s'y positionner contre les MNA. On avait entendu, déjà, les propos extrêmement violents et discriminatoires d'Eric Zemmour déclarant que les mineurs isolés étaient tous "des voleurs, des assassins et des violeurs". Les droites françaises font d'une pierre deux coups : s'en prendre aux migrants sous un angle nouveau et casser la protection de l'enfance, pierre angulaire du modèle social français. La décentralisation ayant confié aux Départements la protection de l'enfance, les entraves aux droits des mineurs isolés dépendent des potentats politiques des barons locaux. Ainsi, des politiques discriminatoires peuvent être mises en œuvre en ne ciblant qu'une frange très réduite de la population. Elle vise des victimes qui ne pourront de toutes façons que très exceptionnellement s'exprimer pour dénoncer ce qu'elles subissent, seuls les citoyens solidaires qui les accompagnent font alors entendre leurs voix.

Pourquoi un tel acharnement contre les citoyens solidaires ?

Partout les citoyens solidaires sont poursuivis. Dans les Alpes-Maritimes les procédures tendant à imposer un délit de solidarité n'ont pas cessé depuis 2015. Plusieurs ont été médiatisées comme celles engagées contre Martine Landry, Pierre Alain Mannoni et bien sûr Cédric Herrou qui interviendra tout à l'heure. Et, quand on ne parvient pas à trouver dans les actions humanitaires de quoi accuser un citoyen solidaire, on tente le faire taire autrement, par des attaques en justice pour diffamation ou injure publique, ce qui est mon cas personnel. Il s'agit de "procédures baillons" n'ayant aucune autre vocation que de réduire au silence celles et ceux qui s'opposent à la traque des exilés. Nous sommes dans un département où les principaux élus, dont la parenté idéologique avec l'extrême droite italienne est évidente, on institutionnalisé la xénophobie en politique publique locale. Mais, plus que cela, ils glorifient l'ordre, l'uniforme, et vouent un véritable culte à l'autorité. La pensée sécuritaire veut réduire les citoyens à des individus dociles, obéissants et, surtout, ne réfléchissant pas trop. Que des personnes transgressent les interdits voilà qui est pour elle, là aussi, proprement insupportable. Que ces personnes pensent par leurs propres moyens, évaluent les règlements, lois et décrets et décident, selon leur propre conscience, de les appliquer ou non, voilà qui remet en question tout l'édifice élaboré par une caste de dominants occupant un à un les lieux de pouvoirs. La désobéissance civile est un acte de liberté, perçu par les tenants du tout sécuritaire comme un acte de résistance à l'ordre autoritaire qu'ils veulent imposer. La solidarité devient pour eux l'ennemi à abattre. Le simple geste consistant à aider son prochain devient un acte de résistance. Aujourd'hui, dans une société tendant au tout sécuritaire et à l'autoritarisme, aider, c'est résister.

Pourquoi un tel acharnement contre Domenico Lucano ?

Mon dernier questionnement concerne l'acharnement contre Mimmo Lucano lui-même. Mais la réponse découle logiquement de ce que nous venons de voir. Dans une tentative d'instauration d'une société fermée, xénophobe, et de contrôle permanent, la figure du migrant symbolise l'échec de ce contrôle total et son impossibilité même. Dans une tentative d'instauration d'une société autoritaire où les individus ne doivent qu'obéir, le citoyen solidaire, par sa désobéissance civile, vient contrecarrer l'ordre établi et symbolise la résistance à cet autoritarisme. Dans une société qui tente d'imposer l'image du migrant comme constituant le mal absolu, le danger de l'invasion et du terrorisme, et qui tente d'imposer l'image du citoyen solidaire comme celle d'un passeur de terroristes, rendre l'accueil impossible devient un objectif stratégique. Or un maire qui démontre au quotidien, dans sa commune, que la question n'est pas de savoir s'il y a ou non invasion ou s'il faut ou non accueillir, mais, à l'inverse, que l'enjeu est de faire société avec les exilés, voilà qui constitue le comble de l'inadmissible pour les tenants d'un ordre autoritaro-xénophobe. Alors qu'ils tentent de la réduire à une contestation du système, l'expérience de Riace démontre que la solidarité peut être érigée en règle et qu'elle peut devenir la clef de voûte du vivre ensemble. Voilà qui constitue pour eux le paroxysme de l'insupportable. Et Mimmo incarne ce paroxysme, il est celui qui a démontré qu'accueillir dignement les migrants et être solidaires nous permettait de refaire société et de retrouver, à travers cette solidarité, notre propre dignité. Et il n'est alors malheureusement pas étonnant qu'ils s'en prennent autant à lui, d'où la démesure absolue de sa condamnation à treize années de prison.

Mais Mimmo nous ouvre la voie. Mimmo est le contre-exemple par excellence. Il est le démenti concret du modèle de société fermée, du tout sécuritaire autoritaire et xénophobe. C'est pour cela que nous le soutenons, et c'est pour cela que nous luttons et que nous ne cesserons de lutter ensemble."



vendredi 8 octobre 2021

S'opposer à Zemmour, un devoir citoyen

 Éric Zemmour a été condamné pour provocation à la haine raciale. Il est raciste et prône une vision raciste de la société. Nous devons le dire, l'écrire, le dénoncer et combattre son projet politique. Toute pondération et tout atermoiement à ce sujet est le début d'une inacceptable compromission.

Le régime de Vichy a participé à la solution finale. Minimiser le rôle du Maréchal Pétain et tenter de le réhabiliter comme le fait Érc Zemmour n'est rien d'autre qu'une forme de révisionnisme.

La mise sur le même plan, volontaire, par Éric Zemmour de l'islam et de l'islamisme et ses propos réitérés contre les musulmans sont clairement islamophobes.

Le virilisme qu'il défend depuis de longues années repose tout à la fois sur un sexisme rétrograde assumé et sur une homophobie à peine voilée.

La droite qui nous somme, à chaque élection, de faire un front républicain contre l'extrême droite n'ose pas s'opposer à Éric Zemmour et refuse de dénoncer clairement son racisme, son révisionnisme ou son sexisme. Sa non-opposition à Zemmour lui retire toute légitimité à prétendre être une droite "républicaine".

Dans les Alpes-Maritimes, Éric Ciotti, député LR et questeur à l'Assemblée, dévoile plus ouvertement encore qu'auparavant sa ligne politique d'extrême droite et annonce qu'il voterait Zemmour face à Macron.

La Ville de Nice, via son Centre Universitaire Méditerranéen, a invité plusieurs fois Éric Zemmour, sans contradicteurs face à lui. Un conseiller municipal de la majorité et adjoint au maire, Gaël Nofri, l'a récemment "accueilli" pour un quasi-meeting de campagne.

La gauche, quant à elle, a trop longtemps fait l'autruche. Le sempiternel argument selon lequel parler de Zemmour serait faire sa promotion a cautionné un silence coupable face au déversement de thèses d'extrême droite dans les médias.

Le simple fait que l'on débatte pour savoir si Jean-Luc Mélenchon devait ou non débattre avec Zemmour est le symptôme d'un profond renoncement.

Bien au-delà de la personne d'Éric Zemmour, la politique qu'il défend est profondément discriminatoire et attentatoire aux libertés comme à l'égalité. Elle repose sur une vision de la société qui ne peut générer, si elle accède au pouvoir, de façon directe ou indirecte, que des conflits ouverts, de la violence d'État et de multiples souffrances. Elle est l'antithèse des valeurs républicaines qui fondent et régissent notre démocratie.

Aujourd'hui, qu'Éric Zemmour aille au bout de la campagne présidentielle ou non et que les partis politiques progressistes se décident ou non à réellement s'opposer à lui, il revient à chaque citoyenne et à chaque citoyen de combattre pied à pied chacune des thèses dont il fait la promotion.

mardi 7 septembre 2021

Nice : expulsion locative injuste et arbitraire

Anthony Borré, premier adjoint à la Ville de Nice et président de Côte d'Azur Habitat, principal bailleur social de la ville, annonce fièrement dans les médias avoir obtenu l'expulsion d'une mère de famille dont le fils, majeur, est un délinquant. Il explique à qui veut l'entendre combattre ainsi les "ennemis de la République", expression utilisée par Emmanuel Macron pour désigner les djihadistes.

Le jeune en question a été condamné à 20 mois de prison par la justice. Mais sa mère, elle, n'a commis ni délit ni crime. Elle n'a pas été reconnue coupable par un tribunal. Ce n'est pas une terroriste. C'est juste une mère de famille dont le fils a mal tourné et est devenu dealer. Elle est pourtant sanctionnée par Côte d'Azur Habitat qui va l'expulser et la mettre à la rue pendant que son fils, lui, sera incarcéré. 

Cette double peine est choquante pour au moins quatre raisons :

1. Une sanction injuste :

C'est l'idée même de justice qui est en jeu : on ne doit sanctionner quelqu'un que pour les actes qu'il a commis et non pour ceux commis par d'autres personnes. Des parents sont légalement responsables des actes de leurs enfants quand ceux-ci sont mineurs, ce qui n'est pas le cas ici. 

Cette dame n'a été condamnée ni au civil ni au pénal mais Côte d'Azur Habitat la sanctionne en inventant ainsi une "condamnation sociale" nouvelle : l'expulsion pour des faits commis par un proche. 

Sa seule faute serait donc d'avoir un fils délinquant. Or combien de parents ne sont pas parvenus à empêcher la dérive de leur enfant ? Combien ont demandé, en vain, l'aide des pouvoirs publics ? C'est d'aide et d'accompagnement dont ils ont besoin et non d'une mise à la rue. Le droit au logement est un droit, non la contrepartie d'un comportement jugé ou non méritant.

2. Un consentement contraint :

Cette expulsion a été validée par un tribunal comme conforme au nouveau règlement intérieur du bailleur social. Mais ce nouveau règlement rendant possible l'expulsion de toute une famille si l'un des occupant du logement a commis un délit a été modifié unilatéralement par Côte d'Azur Habitat. 

Les bénéficiaires de logement sociaux n'ont pas eu le choix : soient ils acceptaient cette modification soit ils se retrouvaient à la rue. Un consentement obtenu sous contrainte n'est pas un consentement. 

Si cette décision a été jugée légale au regard de l'application de ce nouveau règlement intérieur, elle n'en n'est pas pour autant légitime. 

3. Une décision arbitraire et illégitime :

Qui est Anthony Borré pour s'arroger le droit de décider qui est et qui n'est pas un "ennemi de la République" ? Que recouvre cette notion utilisée par Emmanuel Macron pour désigner les djihadistes lors de son allocution sur le séparatisme ? S'applique-t-elle à Nice à tous les délinquants, y compris ceux en cols blancs, ou uniquement aux familles pauvres des quartiers défavorisés ?

En réalité ni des élus locaux ni un bailleur social ne doivent se substituer à la justice et infliger des condamnations sociales à des personnes innocentes.

Il s'agit là d'une dérive manifeste dans l'exercice du pouvoir local. Cette pratique n'est possible que par le cumul du mandat d'élu et de la fonction de président d'un bailleur social, cumul qu'il faudrait interdire.

4. Une stratégie de diversion :

La surmédiatisation de cette expulsion inique relève d'une stratégie de communication ayant pour but de masquer une double réalité : 

- La volonté de la Ville de Nice de ne pas créer suffisamment de logements sociaux. Nice n'a en effet que 12,5% de logements sociaux quand la loi en exige 25%. Si 16 000 niçois sont sur des listes d'attente pour obtenir le logement social auquel ils ont droit, ce n'est pas parce que ces logements sont occupés par des personnes qui "ne le méritent pas", mais parce que la municipalité refuse de se mettre en conformité avec la loi.

- L'incapacité de la Ville de Nice a endiguer les réseaux structurés de trafiquants de drogue et à garantir la sécurité des habitants de quartiers délaissés. Ce n'est pas un hasard si cette affaire a eu lieu à l'Ariane. La Ville de Nice a abandonné la politique de prévention au profit d'une politique de répression. Elle a dépensé des sommes folles en vidéo surveillance et en outils technologiques toujours plus nombreux et plus onéreux. Or les résultats chiffrés d'une baisse significative de la délinquance sont désespérément absents.

On voudrait donc que l'opinion publique se focalise sur cette expulsion et non sur l'échec flagrant de la politique menée dans la cinquième ville de France. Il est en effet toujours plus facile de sanctionner les plus faibles que d'assumer ses responsabilités.

mercredi 4 août 2021

Séparer pour mieux régner, la biopolitique en marche

 Il faut savoir assumer ses positions même si l'on sait pertinemment que l'on va être minoritaire, que l'on va déplaire ou choquer des personnes, y compris des proches. C'est une question de transparence, de cohérence et de courage politique. 

Le soir de l'allocution présidentielle annonçant l'obligation vaccinale du personnel soignant et l'imposition du passe sanitaire, après m'être exprimé contre ces mesures au nom de la défense des libertés individuelles et collectives, j'ai reçu sur les réseaux sociaux et par messages privés les mêmes commentaires indignés, accusateurs et culpabilisateurs que lorsque je m'étais opposé au premier état d'urgence, le soir de son annonce, à la suite des attentats de Charlie Hebdo. La similitude frappante des postures adoptées lors de ces deux "moments politiques" pousse à interroger les fondements communs à ces deux situations "pivot" auxquelles nous avons été et nous sommes confrontés.

Dans les deux cas on essaie de caricaturer les défenseurs des libertés mais il est en réalité possible et parfaitement légitime de vouloir tracer la voie d'une politique responsable, a minima aussi efficace que celle menée sinon plus, tout en ne bafouant pas les droits fondamentaux.

Dans les deux situations, le débat public s'est à ce point polarisé qu'il s'est enfermé dans un schéma binaire empêchant toute réflexion et toute émancipation collective. 

Séparatisme d'Etat

Lors du tournant sécuritaire et liberticide post-attentats, on a tenté de faire passer les défenseurs des libertés pour des personnes complaisantes avec l'islamisme et le terrorisme. Nous avons tout d'abord été traités d'islamogauchistes par l'extrême droite puis par la droite extrême avant que le gouvernement lui-même ne lance une chasse aux sorcières jusque dans les rangs de l'Université. J'ai même été, localement, traité de salafiste...

Dès son allocution, Emmanuel Macron a stigmatisé les non vaccinés par un discours moralisateur n'hésitant pas à parler, pour les désigner, "d'égoïsme". Dès lors, le coupable idéal était trouvé. Un gouvernement qui a accéléré le manque de moyens des hôpitaux et fermé des lits de réanimation, qui a lui aussi laissé délocaliser des filières sanitaires stratégiques, qui n'a pas su gérer la pénurie de masque ni celle des tests, ni enfin les retards dans le lancement de la campagne de vaccination, qui a improvisé des mesures contradictoires de confinements en déconfinements, venait enfin de trouver un bouc émissaire pour masquer son incurie : les mauvais citoyens qui refusent le vaccin ! Diviser pour mieux régner, encore et toujours. Et nous devrions tous crier "haro" sur les mauvais français qui mettent en péril notre défense collective contre le virus, participer à leur mise au ban de la société. Dans la foulée, le ministre de l'éducation n'a rien trouvé de mieux que d'annoncer fièrement que les collégiens non vaccinés, en cas de contamination dans une classe, seront "évincés". Des adolescents seront alors "déclassés", au sens propre du terme, et devront suivre les cours à distance. Dès le collège donc, on apprend à montrer du doigt ceux qui mettent en péril le reste de la classe. Ce discours rappelle celui asséné contre les "ennemis de la République" supposés être complaisants avec l'islamisme. Et nous apprenions déjà, là également, dès le collège et le lycée, à "séparer" les élèves en montrant du doigt celles qui portent le voile ou certains signes religieux ostentatoires. La politique sociétale d'Emmanuel Macron, de son gouvernement et de sa majorité se résume par ce mot lancé dans le débat public en théorie pour le dénoncer mais en réalité pour l'appliquer à la lettre : le séparatisme.

Dès le début de la crise sanitaire le "nous sommes en guerre" du Président donnait le ton de l'impératif moral de "l'unité nationale" qui réduirait au silence toute personne faisant simplement œuvre d'esprit critique en la catégorisant dans le camp maudit des ennemis de la nation. A un an de la présidentielle, quoi de mieux qu'un bouc émissaire pour faire oublier l'incurie du gouvernement dans sa gestion du covid ? La dimension politicienne flagrante du discours présidentiel est venue percuter de plein fouet l'appel à l'unité nationale et la gravité de la situation. Il est impossible, pour tout défenseur du vivre ensemble, de l'idée qu'il est sans cesse nécessaire mais toujours possible de faire et refaire société, que la "Res Publica" est notre bien commun, d'accéder à la demande présidentielle et d'accepter de diviser le peuple entre les "bons" et les "mauvais" citoyens. Il impossible à tout humaniste d'accepter ce "séparatisme d'Etat" que le gouvernement met en place.

Président pyromane

A partir du moment où une instance médicale internationale faisant référence, l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS), préconise d'inciter à la vaccination mais de ne pas l'imposer, et où bien d'autres pays luttent tout comme nous contre le covid mais sans rendre la vaccination obligatoire, il apparaît clairement que l'obligation vaccinale directe pour le personnel soignant et l'obligation vaccinale indirecte pour tout un chacun par le passe sanitaire relèvent d'un choix politique plus que d'une obligation sanitaire. L'insistance du gouvernement à expliquer "qu'il n'y a pas d'autre alternative", reprenant à la lettre la formule du mot d'ordre libéral de Margaret Thatcher, souligne la volonté d'enfermer le débat sous le sceau du dogmatisme. L'annonce martiale s'est poursuivie par un débat à marche forcée au parlement où l'alternative binaire "passe sanitaire ou confinement" a été martelée par le gouvernement.

Le passage en force à l'obligation vaccinale intervient au pire des moments : un contexte psychologique post confinements fragile où l'on constate des comportements individuels et collectifs exacerbés voire extrêmes ; un contexte social très difficile suite à la précarisation accélérée d'une grande partie de la population ; un contexte politique tendu suite à l'émergence du mouvement des gilets jaunes et sa répression policière aveugle. Nous vivons une situation politique paradoxale où, dans le même temps, nous connaissons une abstention record et une contestation politique constante voire croissante rejetant pour certains toute forme de représentativité institutionnelle. Au moment où la moindre étincelle peut mettre le feu aux poudres, la décision politique et politicienne d'Emmanuel Macron, président pyromane, d'obliger de façon directe ou indirecte à la vaccination vient délibérément ajouter une crise démocratique à la crise sanitaire dont nous voulons tous sortir.

Consentement forcé

En réalité, nous pouvons tout à fait être favorables au vaccin, être nous-mêmes vaccinés et promouvoir le vaccin mais penser que rendre la vaccination obligatoire n'est pas nécessaire et respecter la liberté de celles et ceux qui ne souhaitent pas être vaccinés. Le passe sanitaire est une obligation vaccinale qui ne dit pas son nom. Pire, il est la négation d'une politique de santé publique digne de ce nom, fondée sur l'accompagnement et le consentement. Il ne s'agit pas simplement, pour celles et ceux qui ne disposeront pas du passe sanitaire, de ne pas pouvoir entrer dans un restaurant ou un théâtre, mais bien de suspensions de salaires sans limitation de durée et de licenciements. De plus, la mise en œuvre du passe sanitaire s'inscrit dans une politique plus large de traçabilité et de contrôle permanent des personnes. L'état d'urgence, qu'il soit sanitaire ou non, est la négation de la séparation des pouvoirs et d'un fonctionnement réellement démocratique de notre société. Les privations de liberté opérées en réponse au risque sanitaire constituent bel et bien, après celles mises en œuvre face au risque terroriste, un second tournant sécuritaire et liberticide. 

Il est important de dire et de redire que l'on peut être opposé aux mesures annoncées par Emmanuel Macron sans pour autant est "antivaccin" ni reprendre de façon absurde et abjecte la symbolique de l'étoile jaune et du génocide juif. On peut très bien penser que nous ne vivons pas dans une dictature tout en constatant à regrets que si un apprenti dictateur accédait au pouvoir demain il disposerait de tous les dispositifs légaux de contrôle pour instaurer un fonctionnement non démocratique de notre société. 

Accepter ce passe sanitaire et le suivi des personnes par une application informatique c'est accepter un contrôle des corps et une traçabilité des corps à l'avenir, par d'autres gouvernements et d'en d'autres circonstances. On ouvre une porte. On fait reculer le seuil de l'acceptable. On intègre les contraintes. On force le consentement. La vaccination obligatoire dans le cas du covid-19 et dans ces conditions est une atteinte évidente aux libertés individuelles et collectives. Faire payer le test PCR est une discrimination par l'argent. On ne soigne pas en renonçant à la liberté et à l'égalité, valeurs fondamentales de notre République.

Biopolitique

Accorder ou non la liberté de faire ceci ou cela en fonction non des droits des personnes mais en fonction des caractéristiques physiologiques et des corps, c'est l'avènement de la biopolitique combattue par Michel Foucault et bien d'autres. On ne parle plus de "personnes", de "citoyens" ni de "peuple" mais "d'individus" et de "population", de taux, de densité, de courbes et de pics. Le contrôle biopolitique consiste, au lieu d'affirmer que les hommes sont libres et égaux devant la loi en leur qualité de citoyen, sans distinction d'origine, de race ou de religion (article 1er de notre constitution), à accorder des droit aux uns et à en refuser à d'autres en fonction de leurs caractéristiques physiologiques. C'est une remise en question fondamentale du principe d'égalité comme de celui de liberté. C'est la reconnaissance de droits, non en fonction du statut politique des personnes constitutives du corps politique, mais en fonction de leurs caractéristiques physiques et corporelles. Il y a là un double processus de déshumanisation et de réification d'une part et d'abaissement de l'Etat de droit et de négation des droits fondamentaux de l'autre. 

Il est évident que le gouvernement n'a pas créé le virus ni la crise sanitaire, tout comme il est évident que ni lui ni les gouvernements précédents n'ont créé le risque terroriste. Pour autant, force est de constater une propension particulière des gouvernants à saisir les aubaines politiques leur permettant d'assoir un contrôle des personnes et une société sécuritaire. Après les atteintes à la liberté de la presse et les atteintes à la liberté de manifester, après le fichage des citoyens selon leurs opinions politiques ou syndicales, après un contrôle accru des associations pour faciliter leur dissolution, voici venu le passe sanitaire. Après les auto-attestations et les confinements, les masques en extérieur même dans les zones très peu densifiées, les couvre-feux, les dérives locales de surveillance par drones et messages sécuritaires diffusés par haut-parleurs, voici venu une nouvelle instauration d'un laisser-passer permettant ou non de circuler et de vivre en société. Or un passe sanitaire, sur papier ou smartphone peut être falsifié, volé à un voisin ou à un passant. Quelle sera donc la seconde étape ? Que tout employé de restaurant ou de magasin soit habilité à contrôler votre identité ? Ce passe sanitaire fait voler en éclat et le secret médical et la réglementation encadrant les contrôles d'identité. Et lorsque l'on voit les dérives lors des contrôles pourtant effectués par des agents formés et assermentés, qu'il s'agisse de contrôle au faciès racistes ou de remarques et gestes sexistes, on peut légitimement s'inquiéter de la généralisation du pouvoir de contrôle d'identité donné à n'importe qui. De plus, tout est fait pour que le passe sanitaire soit plus pratique à l'usage par l'application gouvernementale Tous anti-covid ce qui induit une traçabilité des faits et gestes de chacun, à chaque instant. 

Nous aurons bien du mal à expliquer à nos enfants et à nos petits-enfants à quel moment précis et pourquoi nous avons de nous-même accepté de basculer dans une société du contrôle permanent, pour quelles obscures raisons nous avons renoncé, de nous-mêmes et les premiers, au pays des Droits de l'Homme et du Citoyen, à notre liberté.

jeudi 24 juin 2021

Le front républicain, ça se mérite

Un front républicain ne peut être constitué qu'entre républicains. Or une partie de la droite française s'est peu à peu convertie aux idées d'extrême droite. Il revient à la droite de faire barrage à l'extrême droite dans ses propres rangs avant de pouvoir légitimement exiger des forces politiques de gauche et écologistes un front républicain et des électeurs humanistes un vote en sa faveur.

Malheur à celui qui arrive troisième ! C’est un peu le leitmotiv des élections. Depuis que l’extrême droite est devenue en France le premier parti d’opposition, cette malheureuse place incombe à la gauche. Nous pourrions deviser longtemps sur la responsabilité de la gauche dans la perte de son rang et dans l’avènement du Rassemblement National mais cela ne résoudra pas l’ultimatum du moment. Car c’est bel et bien d’un ultimatum qu’il s’agit, imposé aux partis devant ou non se désister comme aux électeurs tiraillés entre le vote du moindre mal, le vote blanc ou l’abstention.

Mais l’injonction de faire barrage à l’extrême droite en constituant un Front Républicain pose une autre responsabilité : celle de la droite elle-même. Un front républicain ne peut être réalisé qu’entre… républicains. Or une part croissante de la droite française a quitté depuis longtemps les rivages du républicanisme. La droite française est désormais scindée en deux camps : une droite traditionnelle, gaulliste, modérée, ne transigeant jamais avec les idées d’extrême droite, et une droite extrême, reprenant largement à son compte une bonne part de la doxa d’extrême droite.

Face à la montée électorale de l’extrême droite, si la droite extrême a remporté des succès électoraux et a endigué la progression du RN sur ses terres c’est en réalité en reprenant à son compte les fondamentaux de l’extrême droite. Electoralement parlant, le résultat est probant puisqu’ils triomphent dans les urnes. Mais le problème est d’une autre nature. Il est éthique : on ne combat pas l’extrême droite en faisant la promotion et en appliquant les idées d’extrême droite. Ainsi la mainmise électorale d’un Éric Ciotti ou d’un Laurent Wauquiez est une victoire en trompe l’œil : si cette droite là laisse peu de place au RN c’est qu’elle s’est en réalité convertie à l’extrême droite. Les succès électoraux de la droite extrême française constituent au final une victoire de l’extrême droite. Or il ne s’agit pas ici seulement d’une « banalisation » des idées d’extrême droite mais d’une extension du domaine de la haine, du rejet de l’autre, du culte de l’autorité, d’un tout-sécuritaire omniprésent, de l’exacerbation d’un identitarisme culturel et ethnique mortifère.

La droite française ne sera légitime à faire injonction à la gauche et à l’écologie de faire barrage à l’extrême droite que lorsqu’elle aura elle-même fait barrage à l’extrême droite dans son propre camp, dans ses propres rangs, et qu’elle aura tracé une ligne rouge à ne pas franchir entre le républicanisme et l’extrême droite.



De son côté, le camp de la gauche et de l’écologie s’est entre-déchiré en un éclair, enfermé dans les tourments d’un lendemain de premier tour électoral en PACA. On a vu fleurir, en ce début d’été, des champs d’anathèmes. On a récolté des invectives et des excommunications par foison. Peut-on seulement entendre que chacune des deux positions contraires, le maintien ou le retrait, se défendait légitimement ? Certains, bardés de certitudes, inaptes à vaincre droite et extrême droite, ont pris un plaisir inavoué à accabler ceux de leur propre camp qui, sur le terrain, étaient pris par le doute.

En vérité le devoir moral qui soudain incombait à la gauche et à l’écologie n’aurait pas dû leur incomber, ou du moins pas à elles seules. Si la droite, en PACA, avait de façon irréprochable et dans une clarté sans cesse renouvelée, fait barrage dans son propre camp aux idées d’extrême droite, la gauche et l’écologie auraient sans aucune hésitation constitué le fameux front républicain tant demandé.

La progression des idées d’extrême droite en France est telle que les lignes sont brouillées partout. L’extrême droite a semé ses graines dans les médias, dans la droite républicaine, dans la majorité présidentielle mais aussi à gauche. Il suffit de regarder CNEWS, de lire de contenu des lois dites de sécurité globale ou sur le séparatisme ou d’écouter un discours de Manuel Valls pour le constater.

A la dédiabolisation du RN s’ajoute la diabolisation de La France Insoumise. Une partie de cette nouvelle extrême droite exige désormais un front républicain anti-France Insoumise. Le renversement des valeurs est à son comble et une nouvelle injonction est désormais faite à la gauche de se séparer de la France Insoumise (injonction qu’avait anticipé EELV en PACA en refusant toute alliance avec la FI dans la liste de Jean-Laurent Félizia).

Or les ressorts de cette diabolisation de la France Insoumise ne relèvent pas d’une conception différente de la stratégie de développement économique (libéralisme – antilibéralisme) ou d’enjeux stratégiques majeurs (fédéralisme européen - frexit) mais, au fond, du déferlement de l’accusation d’islamo-gauchisme par la droite mais aussi et surtout par La République En Marche et les membres du gouvernement.

Cette diabolisation et cette nouvelle injonction faite à la gauche et à l’écologie est révélatrice car elle repose sur le triomphe de thèmes sociétaux, identitaires et sécuritaires qui saturent l’espace médiatique : l’obsession de l’islam et de la laïcité, le renoncement aux libertés individuelles devant la menace terroriste ou le risque sanitaire, le renouvellement perpétuel d’états d’urgences successifs rompant avec la séparation des pouvoirs, les atteintes répétées aux droits de la presse, de l’opposition, des associations, des manifestants, etc.

Or c’est très précisément sur chacun de ces thèmes que la droite traditionnelle doit se démarquer de l’extrême droite. C’est là la condition sine qua non de la légitimité à la fois de sa demande aux forces politiques de constitution d’un front républicain et à la fois de sa demande aux électeurs humanistes d’un vote à sa faveur.

Mesdames et Messieurs les représentants de la droite encore républicaine, la balle est dans votre camp.