samedi 10 septembre 2016

Réformer l’islam de France ou combattre le djihadisme français ?

La plupart des terroristes ayant commis ou tenté de commettre des attentats sur le sol français ces dernières années sont passés par l’école de la République, étaient suivi par les services sociaux et par le renseignement français, et ont été détenu dans les prisons françaises. Très peu fréquentaient assidûment les mosquées. Et que fait le gouvernement ? Il réforme l’islam de France…

On ne combat pas une organisation militaire, une idéologie totalitaire et des dérives sectaires en réformant une religion.

Le terrorisme moderne est un phénomène complexe et multifactoriel. Toute personne écrivant sur le sujet doit l’admettre et faire preuve d’humilité : aucune explication ne s’avère suffisante en soi, personne ne détient « la » solution parce qu’il n’existe pas « une » explication mais une concomitance de causes multiples et interdépendantes.

Combattre Daech impose de prendre en considération la dimension internationale du conflit, la responsabilité de la France par ses opérations militaires extérieures ainsi que les contradictions flagrantes de sa politique internationale. Combattre Daech impose également de prendre la mesure de la dimension nationale du conflit, l’importance du passé colonial non surmonté de la France, du déterminisme social qui joue à l’évidence dans le parcours de nombreux terroristes français. Combattre Daech implique enfin de prendre en considération les processus sectaire mis en œuvre par cette organisation et l’approche psychologique permettant de mieux appréhender certains passages à l’acte.


La réforme de l’islam de France annoncée par le gouvernement de Manuel Valls ne permet pas de lutter efficacement contre cette organisation et présente, au minimum, quatre points d’achoppements majeurs :

1. Elle est contraire au principe laïque de séparation des Eglises et de l’Etat

Jean-Pierre Chevènement devrait prochainement prendre la tête de la Fondation pour l’islam de France. Il a annoncé que cette fondation assurerait la formation profane des imams. Or cela revient, pour l’Etat, à intervenir dans le champ religieux, à prendre part à l’organisation de l’une des Eglises dont la loi de 1905 le séparait. La laïcité française implique une non-ingérence du religieux dans le domaine politique et, réciproquement, une non-ingérence du politique dans les affaires religieuses. Comme le résumait Victor Hugo en une formule limpide : « L’Eglise chez elle et l’Etat chez lui ». Or, avec la réforme de l’islam de France, l’Etat, précisément, ne reste pas « chez lui ».

Que le gouvernement commence par exercer pleinement et promptement la police du culte déjà prévue par la loi lorsqu’il y a trouble à l’ordre public et menace sur la sécurité civile, nous verrons ensuite s’il est légitime de s’immiscer dans la formation et le choix des représentants d’un culte, quel qu’il soit.

2. Elle officialise un travestissement de la laïcité qui deviendrait une arme de lutte contre le terrorisme

Quand bien même, comme certains le souhaitent, tout signe religieux serait interdit dans l'espace public, l'islam de France réformé et la laïcité devenue anti-religion, ce n'est pas ce qui arrêtera les attentats en France, bien au contraire.

Nous pouvons débattre à n’en plus finir du port de signes ostentatoires sur les plages, dans les universités ou même dans l’espace public dans sa globalité, cela ne fera que nous détourner un peu plus des réflexions et des actions à mener pour endiguer le terrorisme.

La laïcité doit être traitée pour elle-même et ne doit servir ni de compensation à notre frustration collective à ne pouvoir éradiquer la menace terroriste, ni de prétexte pour réaffirmer la prédominance d’une identité religieuse contre une autre en exaltant les racines chrétiennes de la France contre l’islam, ni de paravent à un racisme anti-arabe qui profite aujourd’hui de la peur des attentats pour se répandre en toute impunité.

3. Elle officialise un amalgame coupable entre islam et djihadisme

Réformer l’islam de France pour endiguer la « radicalisation » et lutter contre le terrorisme valide officiellement l’idée que le terrorisme nait de l’islam et que le combattre passe par une action à mener auprès des musulmans de France. Alors que les millions de français de confession musulmane démontrent au quotidien que la pratique de leur foi ne menace par la Nation, cette réforme acte un amalgame coupable entre islam et terrorisme.

Si les attentats sont revendiqués au nom d’une religion, l’entreprise terroriste islamiste participe de l’instrumentalisation politique d’une croyance. Or ce n’est pas la première fois qu’une religion révélée, envers et contre son texte saint, est instrumentalisée pour assoir une domination politique. Que l’on se souvienne de la Saint Barthélémy, des Croisades ou de la torture sous l’Inquisition…

Que l’Etat désigne publiquement aux français non musulmans les français musulmans comme liés au terrorisme est une faute politique majeure qui ne peut que concourir à les dresser les uns contre les autres, et à offrir en victoire à Daech la division de la société française.

4. Elle nous détourne de la véritable action à mener : comprendre et combattre le djihadisme français.

L’historien Jean-Pierre Filiu explique, dans une approche à contre-courant, que « Le tueur de Nice ne s’est pas « radicalisé » dans l’Islam, il s’est converti à la secte djihadiste. » (lire ici). Le juge Trevidic, lui, dès juin 2015, affirmait que « Le nombre de personnes atteintes de délire djihadiste est exponentiel. » Qu’elles « auraient été dangereuses dans tous les cas, avec ou sans djihad. (…) La religion n’est pas le moteur de ce mouvement et c’est ce qui en fait sa force. C’est pour cette même raison que placer la déradicalisation sous ce seul filtre ne pourra pas fonctionner. » (lire ici)

Il est bien loin le temps du terrorisme orchestré par l’Iran, le FIS et le GIA, où les bombes étaient posées sur le sol français par des combattants étrangers. La grande majorité des actes terroristes commis ou tentés d’être commis sur le sol français ont été réalisés par des français ou des personnes résidant en France depuis longtemps.  Le recrutement se passe en France. Nous sommes confrontés à un terrorisme endogène, à un djihadisme français. Tant que nous refuserons de l’admettre nous ne nous donnerons pas les moyens de trouver des solutions efficaces.

La réforme de l’islam de France est contraire au principe de séparation des Eglises et de l’Etat. Elle entretient l’idée fausse que repenser le rapport de l’Etat à la religion, et donc la laïcité, permet de lutter contre le terrorisme. Elle fait symboliquement porter une partie de la responsabilité du terrorisme qui nous frappe sur nos compatriotes de confession musulmane. Enfin, elle nous détourne du véritable combat à mener contre le djihadisme français.

Par l’annonce de cette réforme, le gouvernement fait diversion : il ne remet toujours pas en question sa politique étrangère mortifère et tente de masquer son absence cruelle de plan d’action global pour lutter contre le djihadisme français. 

mercredi 7 septembre 2016

Manuel Valls, Marianne, la bêtise et la xénophobie...

Nice Matin 04.09.2016 :


NB : Manuel Valls a déclaré, le 29.08.2016 : "Marianne, le symbole de la République, elle a le sein nu parce qu'elle nourrit le peuple, elle n'est pas voilée parce qu'elle est libre. C'est ça, la République".

jeudi 18 août 2016

Arrêtés anti-Burkini : lutte contre le terrorisme, discrimination ou calcul électoral ?

La polémique sur le burkini n'en finit plus. Elle apparaît de plus en plus comme un palliatif malsain à notre impuissance collective à lutter contre le terrorisme. 

Faute de solutions et d'actions probantes, la classe politique, soutenue activement par les médias, se focalise sur de faux problèmes, désigne des boucs émissaires, interdit pour donner la semblance d'autorité dont doit se parer tout pouvoir pour ne pas paraître faible et démuni.

Des arrêtés contraires à la laïcité 

Les arrêtés anti-burkini pris par certains maires entrent en contradiction flagrante avec le principe de laïcité qu'ils prétendent défendre (lire ici).

La laïcité rend possible la liberté de conscience, de croire ou de ne pas croire en Dieu. A ceux qui croient, elle garantie le libre exercice du culte.

Si les signes ostensibles sont interdits dans les établissements scolaires et si la Burqa, qui dissimule le visage et empêche l'identification, est interdite partout, les signes ostensibles sont autorisés par la loi dans l'espace public, et donc sur les plages également.

Se vêtir comme bon nous semble relève d'une liberté individuelle à laquelle il ne faut pas renoncer. 

L'Etat n'a plus à interférer dans le choix des vêtements depuis la loi de séparation des Eglises et de l'Etat de 1905, c'est le sens de la réponse que font Aristide Briand et Jean Jaurès au député Chabert qui demandait l'interdiction du port de la soutane dans la rue.

Selon Chabert, le port de la soutane constituait un acte politique, un acte de prosélytisme, contraire à la dignité humaine et la soutane représentait une "prison" pour celui qui la portait. Ce sont exactement les mêmes arguments que l'on retrouve aujourd'hui contre le voile.

La laïcité anti-religieuse fut mise en minorité en 1905 et revient à la charge aujourd'hui. Mais la laïcité telle que définie actuellement dans nos lois et notre constitution respecte les libertés individuelles.

La République garantit l'égalité des citoyens devant la loi sans distinction d'origine, de race ou de religion et respecte toutes les croyances (article 1er de la Constitution). 

Respecter les droits fondamentaux ne veut pas dire être laxiste face au terrorisme. Cela veut dire préserver et défendre le modèle démocratique que le djihadisme combat, préserver et défendre les libertés que le djihadisme veut abolir, ne pas céder à la haine et au rejet de l’autre et refuser d’offrir nos divisions en victoire aux ennemis de la liberté.

Des arrêtés contre productifs

Ces arrêtés municipaux s'avèrent surtout inefficaces dans la lutte contre le fondamentalisme, voire même contre productifs.

Sans prétendre à une typologie précise et en se gardant bien de vouloir catégoriser les personnes, nous pouvons distinguer différentes motivations de port du voile, burkini et, de manière générale, signes religieux ostensibles :

- Le port volontaire non revendicatoire : certaines personnes portent un vêtement considéré comme un signe religieux ostensible tout simplement pour vivre en conformité avec leur foi.

Qu'une femme libre, indépendante de toute contrainte, porte le vêtement de son choix, du moment qu'elle ne trouble pas l'ordre public et permet son identification, est son droit le plus strict.

Nier ce droit et la verbaliser ne peut que générer chez elle un sentiment d'injustice, de rejet, voir la pousser à un repli communautaire, ce qui est très précisément ce contre quoi ceux qui prennent ces arrêtés prétendent lutter.

Nous ne pouvons, y compris au nom de la condition féminine, aller contre la liberté des femmes à se vêtir comme elles l'entendent, à ne pas dévoiler leur propre corps si elles ne le souhaitent pas.

- Le port revendicatoire : d'autres personnes portent un signe ostensible de façon clairement revendicatoire, voire provocatrice. Il s'agit pour elles d'affirmer leur identité et de mener un combat politique pour leur cause.

Or les pouvoirs publics savent pertinemment que l'interdit ne fait que nourrir la revendication : interdire, c'est permette aux provocateurs de se dire stigmatisés et victimes de discriminations.

C'est leur donner des arguments pour convaincre d'autres personnes de les rejoindre. C'est alimenter leur combat politique.

La loi interdisant la burqa a par exemple généré un important port revendicatoire de ce vêtement après sa promulgation. De même il semble que la vente de burkini augmente significativement depuis la polémique

- Le port par contrainte : si des femmes portent un signe ostensible sous la contrainte de leur entourage, la verbalisation est alors une double peine.

Elles sont déjà victimes d'une domination oppressive leur imposant un comportement et une tenue vestimentaire et, au lieu de leur permettre de s'émanciper de cette domination, nous les punissons en retour.

Lorsque nous sommes confrontés à des violences conjugales ou à des dérives sectaires nous faisons tout pour permettre aux victimes de s'en extraire par un accompagnement et par des mesures de protection si nécessaire.

Pourquoi dans le cadre d'une oppression privant des femmes de leur liberté de se vêtir et de se comporter comme elles le souhaitent, il faudrait verbaliser les victimes et laisser impunis leurs oppresseurs ? Comment peut-on, au nom de la condition féminine, verbaliser des femmes victimes d'oppression ?

On le voit rapidement, les arrêtés anti-burkini sont contre productifs, ils infligent une double peine aux femmes victimes d'oppression, ne permettent pas de lutter efficacement contre la progression du fondamentalisme en France et favorisent le repli communautaire.

Pourquoi, dans ces conditions, prendre de tels arrêtés ?

Des arrêtés électoralistes

Sur la Côte d'Azur, les élus locaux ont pris l'initiative de priver une partie de la population de ses libertés fondamentales alors qu'il n'y avait pas de trouble manifeste à l'ordre public.

Ces arrêtés anti-burkini s'inscrivent dans une continuité de décisions discriminatoires : arrêtés anti-mariages bruyants et entrave à la liberté de culte reconnue par le Conseil d'Etat à Nice (lire ici), arrêtés anti-chicha à Carros et Antibes, etc.

Ils s'inscrivent dans un climat d'hystérisation du débat public local autour de l'islam, de réaffirmation permanente des racines chrétiennes de la France et d'instrumentation flagrante de la laïcité (lire ici).

Pour les élus "Républicains" azuréens, l'enjeu est multiple :
  • Asphyxier électoralement le Front National local en préemptant la question identitaire et la lutte contre la "radicalisation".
  • Forcer le gouvernement à épouser leur ligne politique en s'inscrivant dans une course médiatique effrénée à "celui qui combat le plus le terrorisme"
  • Masquer leur impuissance quand, dans un département dont ils gèrent sans contestation depuis plusieurs décennies les principales collectivités, les départs pour le djihad ont été parmi les plus nombreux de France, notamment à Nice avec la cellule d'Omar Omsen ; les réseaux terroristes se sont développés et installés, notamment à Cannes avec la filière dite "Cannes-Torcy" 
  • Laver l'image désastreuse de l'attentat de Nice où l'un des plus important dispositif de vidéo surveillance de France et l'une des polices municipales les plus nombreuses et les mieux armées se sont avérés inadaptés pour éviter un drame faisant 85 morts, démontrant ainsi que surveiller ne suffit pas à protéger.
Nous sommes à l'évidence confrontés à une instrumentalisation et du combat féministe et de la lutte contre le terrorisme par des élus pyromanes qui n'hésitent pas à stigmatiser une partie de la population à des fins purement électoralistes.

Ainsi, il n'est pas étonnant de voir Manuel Valls emboîter le pas de ces élus, lui, champion d'une laïcité gallicane identitariste et stigmatisante.

La Cote d'Azur et l'argent du terrorisme

Une véritable lutte contre le terrorisme sur la Côte d'Azur commencerait, au lieu de verbaliser quelques baigneuse en burkini, par s'attaquer au financement du terrorisme. Car soudain, dès qu'il s'agit de retombées économiques, la lutte contre le fondamentalisme ne semble plus de mise.

Nous nous souvenons tous de la privatisation d'une plage à Vallauris au profit du roi d'Arabie Saoudite et de sa très nombreuse suite (lire ici et ici). Les élus azuréens ne semblaient pas s'être émus, alors, des tenues des baigneuses et ne parlaient que des retombées financières pour l'hôtellerie et la restauration locale.

Nous nous souvenons tous de la campagne menée contre l'ouverture d'une mosquée à Nice en raison de la nationalité saoudienne du propriétaire des lieux quand dans le même temps on acceptait d'autres investissements saoudiens sur la Côte d'Azur.

Cannes est un symbole, c'est la deuxième ville de France la plus connue dans le monde après Paris. Si le maire de Cannes veut envoyer un symbole fort en disant clairement au monde que le fondamentalisme n'a plus sa place à Cannes, qu'il interdise aux yachts battant pavillon d'un pays financeurs du terrorisme de mouiller dans le port et la rade de sa ville. 

Mieux, si les élus azuréens déclarent la guerre au terrorisme, qu'ils empêchent les investisseurs des pays qui le financent de faire des affaires et d'investir ici.

N'oublions pas que le Carlton et l'Hotel Martinez à Cannes ou le Palais de la Méditerranée à Nice battent déjà pavillon qatari.

N'oublions pas les très nombreuses villas appartenant à de riches propriétaires de ces pays sur l'ensemble de la Côte d'Azur.

N'oublions pas les importants partenariats financiers avec des actionnaires des pays financeurs du terrorisme dans les grands projets de développement économique de la Côte d'Azur.

Nos élus, indignés par la condition des femmes portant un burkini, ont visiblement les indignations sélectives dès qu'il s'agit d'argent.


En définitive, oui, les arrêtés anti-burkini ne permettent pas de lutter contre le fondamentalisme et risquent de renforcer le repli communautaire, isolant encore plus les femmes subissant des pressions au lieu de les aider.

Ils constituent une discrimination supplémentaire à l'encontre des musulmanes de France, renforcent et légitiment une islamophobie peu à peu institutionnalisée.

Ils font partie d'une stratégie électoraliste à long terme et sont un leurre pour masquer l'absence de lutte véritable contre la progression du fondamentalisme en France, à commencer par l'argent du terrorisme, investi en toute impunité sur la Côte d'Azur avec l'aval des élus locaux.

mardi 16 août 2016

Le sens de l'engagement

Etre humaniste c'est penser qu'il y a en chacun de nous la même humanité et le droit à la même dignité.
Etre universaliste c'est penser que nous sommes tous égaux devant la loi sans distinction d'origine, de race, de religion ou de genre. Cette égalité de droit fonde la lutte contre toute forme de discrimination.
On peut ainsi être blanc et lutter contre le racisme, être athée et lutter contre l'islamophobie, être juif et lutter pour Gaza, être hétérosexuel et lutter contre l'homophobie et la transphobie, être un homme et se battre pour les droits des femmes, etc.
Respecter les droits fondamentaux ne veut pas dire être laxiste face au terrorisme. Cela veut dire préserver et défendre le modèle démocratique que le djihadisme combat, préserver et défendre les libertés que le djihadisme veut abolir, ne pas céder à la haine et au rejet de l’autre et refuser d’offrir nos divisions en victoire aux ennemis de la liberté.
Nous savons que nous irons à contre-courant, que nous serons minoritaires, mais nous garderons en nous la fierté et la force de ceux qui résistent et qui n'hurlent pas avec la meute. 
Nous garderons, chevillés au corps, envers et contre l'hystérie collective et la vindicte populaire attisées par les irresponsables, l'attachement et la défense des droits fondamentaux, de l'indispensable égalité et de l'impérative liberté.
Tel est notre chemin.