La plupart des terroristes ayant
commis ou tenté de commettre des attentats sur le sol français ces dernières
années sont passés par l’école de la République, étaient suivi par les services
sociaux et par le renseignement français, et ont été détenu dans les prisons
françaises. Très peu fréquentaient assidûment les mosquées. Et que fait le
gouvernement ? Il réforme l’islam de France…
On ne combat pas une organisation
militaire, une idéologie totalitaire et des dérives sectaires en réformant une
religion.
Le terrorisme moderne est un
phénomène complexe et multifactoriel. Toute personne écrivant sur le sujet doit
l’admettre et faire preuve d’humilité : aucune explication ne s’avère
suffisante en soi, personne ne détient « la » solution parce qu’il
n’existe pas « une » explication mais une concomitance de causes
multiples et interdépendantes.
Combattre Daech impose de prendre
en considération la dimension internationale du conflit, la responsabilité de
la France par ses opérations militaires extérieures ainsi que les contradictions
flagrantes de sa politique internationale. Combattre Daech impose également de
prendre la mesure de la dimension nationale du conflit, l’importance du passé
colonial non surmonté de la France, du déterminisme social qui joue à
l’évidence dans le parcours de nombreux terroristes français. Combattre Daech
implique enfin de prendre en considération les processus sectaire mis en œuvre
par cette organisation et l’approche psychologique permettant de mieux
appréhender certains passages à l’acte.
La réforme de l’islam de France annoncée
par le gouvernement de Manuel Valls ne permet pas de lutter efficacement contre
cette organisation et présente, au minimum, quatre points d’achoppements
majeurs :
1. Elle est contraire au principe laïque de séparation des Eglises et de l’Etat
Jean-Pierre
Chevènement devrait prochainement prendre la tête de la Fondation pour l’islam
de France. Il a annoncé que cette fondation assurerait la formation profane des
imams. Or cela revient, pour l’Etat, à intervenir dans le champ religieux, à
prendre part à l’organisation de l’une des Eglises dont la loi de 1905 le
séparait. La laïcité française implique une non-ingérence du religieux dans le
domaine politique et, réciproquement, une non-ingérence du politique dans les
affaires religieuses. Comme le résumait Victor Hugo en une formule limpide :
« L’Eglise chez elle et l’Etat chez lui ». Or, avec la réforme de
l’islam de France, l’Etat, précisément, ne reste pas « chez lui ».
Que le
gouvernement commence par exercer pleinement et promptement la police du culte
déjà prévue par la loi lorsqu’il y a trouble à l’ordre public et menace sur la
sécurité civile, nous verrons ensuite s’il est légitime de s’immiscer dans la
formation et le choix des représentants d’un culte, quel qu’il soit.
2. Elle officialise un travestissement de la laïcité qui deviendrait une arme de lutte contre le terrorisme
Quand bien
même, comme certains le souhaitent, tout signe religieux serait interdit dans
l'espace public, l'islam de France réformé et la laïcité devenue anti-religion,
ce n'est pas ce qui arrêtera les attentats en France, bien au contraire.
Nous pouvons débattre
à n’en plus finir du port de signes ostentatoires sur les plages, dans les
universités ou même dans l’espace public dans sa globalité, cela ne fera que
nous détourner un peu plus des réflexions et des actions à mener pour endiguer
le terrorisme.
La laïcité
doit être traitée pour elle-même et ne doit servir ni de compensation à notre
frustration collective à ne pouvoir éradiquer la menace terroriste, ni de
prétexte pour réaffirmer la prédominance d’une identité religieuse contre une
autre en exaltant les racines chrétiennes de la France contre l’islam, ni de
paravent à un racisme anti-arabe qui profite aujourd’hui de la peur des
attentats pour se répandre en toute impunité.
3. Elle officialise un amalgame coupable entre islam et djihadisme
Réformer
l’islam de France pour endiguer la « radicalisation » et lutter
contre le terrorisme valide officiellement l’idée que le terrorisme nait de
l’islam et que le combattre passe par une action à mener auprès des musulmans
de France. Alors que les millions de français de confession musulmane
démontrent au quotidien que la pratique de leur foi ne menace par la Nation,
cette réforme acte un amalgame coupable entre islam et terrorisme.
Si les
attentats sont revendiqués au nom d’une religion, l’entreprise terroriste
islamiste participe de l’instrumentalisation politique d’une croyance. Or ce
n’est pas la première fois qu’une religion révélée, envers et contre son texte
saint, est instrumentalisée pour assoir une domination politique. Que l’on se
souvienne de la Saint Barthélémy, des Croisades ou de la torture sous
l’Inquisition…
Que l’Etat
désigne publiquement aux français non musulmans les français musulmans comme
liés au terrorisme est une faute politique majeure qui ne peut que concourir à les
dresser les uns contre les autres, et à offrir en victoire à Daech la division
de la société française.
4. Elle nous détourne de la véritable action à mener : comprendre et combattre le djihadisme français.
L’historien Jean-Pierre
Filiu explique, dans une approche à contre-courant, que « Le tueur de Nice ne
s’est pas « radicalisé » dans l’Islam, il s’est converti à la secte djihadiste.
» (lire ici).
Le juge Trevidic, lui, dès juin 2015, affirmait que « Le nombre de
personnes atteintes de délire djihadiste est exponentiel. » Qu’elles
« auraient été dangereuses dans tous les cas, avec ou sans djihad. (…) La
religion n’est pas le moteur de ce mouvement et c’est ce qui en fait sa force.
C’est pour cette même raison que placer la déradicalisation sous ce seul filtre
ne pourra pas fonctionner. » (lire ici)
Il est bien
loin le temps du terrorisme orchestré par l’Iran, le FIS et le GIA, où les
bombes étaient posées sur le sol français par des combattants étrangers. La
grande majorité des actes terroristes commis ou tentés d’être commis sur le sol
français ont été réalisés par des français ou des personnes résidant en France depuis
longtemps. Le recrutement se passe en
France. Nous sommes confrontés à un terrorisme endogène, à un djihadisme
français. Tant que nous refuserons de l’admettre nous ne nous donnerons pas les
moyens de trouver des solutions efficaces.
La réforme de l’islam de France
est contraire au principe de séparation des Eglises et de l’Etat. Elle
entretient l’idée fausse que repenser le rapport de l’Etat à la religion, et
donc la laïcité, permet de lutter contre le terrorisme. Elle fait
symboliquement porter une partie de la responsabilité du terrorisme qui nous
frappe sur nos compatriotes de confession musulmane. Enfin, elle nous détourne
du véritable combat à mener contre le djihadisme français.
Par l’annonce de cette réforme,
le gouvernement fait diversion : il ne remet toujours pas en question sa
politique étrangère mortifère et tente de masquer son absence cruelle de plan
d’action global pour lutter contre le djihadisme français.