vendredi 12 août 2016

Non, Monsieur Lisnard, ce n'est pas cela la laïcité !

Il y a des polémiques stériles que l'on refuse d'alimenter. Mais elles frappent parfois à votre porte et vous devez y répondre. 

Le maire de Cannes et le maire de Villeneuve Loubet ont pris des arrêtés municipaux interdisant le port du burkini sur les plages de leurs communes. 

Le maire de Cannes, David Lisnard, explique à la presse* que cet arrêté vise à "protéger la population". Il devrait donc expliquer en quoi le fait de se baigner à côté d'une personne portant un burkini nous met en danger. Mais il ne le fait pas, silence radio.

Il explique par contre que "toute personne n'ayant pas une tenue correcte et respectueuse des bonnes mœurs et de la laïcité, respectant les règles d'hygiène et de sécurité des baignades" sera verbalisée. 

Une époque ou les vêtements étaient la norme sur les plages...
Concours d'essorage de maillots de bain - 1900
Outre qu'il s'érige en décideur de ce que sont les bonnes et mauvaises mœurs, il avance l'argument du respect de la laïcité. 

Or la loi française permet le port de signes religieux, même ostensibles, dans l'espace public : les signes ostensibles sont interdits dans les établissements scolaires et la burqa, parce qu'elle empêche l'identification des individus, est interdite partout.

Le port du burkini à la plage, tout comme le port du voile, de la kippa ou de la soutane dans la rue, est, lui, autorisé par la loi.

Le maire de Cannes ajoute que "le burkini, c'est l'uniforme de l'islamisme extrémiste, pas de la religion musulmane". Mais qui est-il donc pour décréter ce qui relève d'une religion ou non ? 

La loi de 1905 sépare les Eglises de l'Etat : les Eglises n'ont pas à dicter sa conduite à l'Etat et, inversement, les pouvoirs publics, même locaux, n'ont pas à interférer dans affaires religieuses, sauf trouble manifeste à l'ordre public, ce qui n'est à l'évidence pas le cas ici.

Le maire de Cannes est un homme instruit et intelligent. Il sait donc tout cela par lui-même. Pourquoi donc enfreindre les règles de la laïcité, sous prétexte de la défendre, si ce n'est à visées électoralistes ?

Indépendamment de ce que chacun peut penser du port du burkini, la France est un état de droit. L'égalité de tous les citoyens devant la loi, sans distinction d'origine, de race ou de religion est inscrite dans l'article 1er de notre constitution. 

Le respect de la loi, a fortiori par les élus de la République, est fondamental. C'est le socle de notre démocratie, c'est qui fait notre force et notre unité face à la barbarie terroriste.

J'ajoute que dans l'hypothèse où une femme est contrainte à porter un burkini par son entourage, croit-on vraiment que c'est en la verbalisant que l'on va l'aider à s'émanciper ? Un accompagnement est-il prévu et par qui ? Le personnel de la police municipal a-t-il reçu une formation spécifique à cet effet ?

Après les arrêtés anti-mariages bruyants à Nice, anti-chichas à Carros et Antibes, voici les arrêtés anti-burkinis à Cannes et Villeneuve-Loubet, discriminant encore et toujours une même partie de la population, au risque de la pousser à se communautariser et au moment même où nous avons le plus besoin d'unité face à notre ennemi commun, le terrorisme. 

Faire de l'obsession de l'islam une politique locale, institutionnaliser et par là-même normaliser l'islamophobie est, bien plus qu'une simple erreur de droit, une faute politique majeure.


* Interview à Nice Matin du 12.08.2016

vendredi 5 août 2016

L'Express - Attentat du 14 juillet : la double fracture niçoise

Article de Romain Scotto publié dans l'Express le 19.07.2016 :

A Nice, les tensions sont vives entre des communautés et des quartiers qui se sentent méprisés et d'autres qui les rejettent. L'attentat de la promenade des Anglais a ravivé les plaies. Reportage dans une ville divisée.


Sur la route qui sépare la plage du jardin Albert 1er, ça hurle de tous les côtés. Au lendemain du carnage de la promenade des Anglais, c'est là qu'une foule de Niçois s'est réunie pour rendre hommage aux 84 victimes du camion fou. 

Certains se recueillent, déposent une gerbe, une bougie, un dessin. D'autres cèdent à la crise de nerfs: "Pourquoi l'a-t-on laissé passer? Pourquoi? Qu'est-ce qu'ils ont fait, les flics? Ils étaient où?" s'époumone une jeune femme. 

Très vite, cette "place de la mémoire" improvisée, cernée par les caméras, prend des allures d'Agora. Plusieurs personnes répondent à la question, lancée à la cantonade. Tentent d'engager le débat. 
Un maximum de morts avec peu de moyens

Les mots "insécurité", "immigration", "vote blanc" sont lâchés dans le brouhaha. On fustige "Hollande et son coiffeur à 9000 euros". Il y a là des retraités au crâne lisse et des ados à piercings, des résidents du bord de mer descendus promener Simba, le labrador familial, des touristes en claquettes. Mais aussi des visages noirs, bronzés ou aussi blancs que les balcons de l'hôtel Méridien, situé juste en face. Un condensé du peuple niçois, secoué au plus profond de son identité depuis l'attentat revendiqué par Daech, le 15 juillet, lendemain du drame. 

dimanche 10 juillet 2016

Inauguration de la salle de culte En Nour

Article publié sur le site de Nice Premium le 10.07.2016

La mosquée En Nour a accueilli officiellement ce samedi à Nice ses premiers fidèles. La mosquée - qui pourra accueillir jusqu'à 880 fidèles - a reçu samedi matin l'autorisation d'ouverture signée par le Préfet, qui s'est substitué au maire de la ville, après une décision de justice.


"C’est une joie qui n’est pas feinte, mais pas non plus un triomphalisme béat", a déclaré Ouassini Mebarek, avocat et président de l’association cultuelle. "C’est la reconnaissance du droit, et d’un droit, celui d’exercer librement son culte en France dans le respect des valeurs de la République.".

Le projet de construction de cette mosquée avait commencé en 2003.

David Nakache, président de l’association Tous Citoyen a ainsi commenté :

"On parle souvent d’islamophobie et, si le terme a été longtemps contesté, la réalité qu’il décrit ne peut être mise en doute.

Oui, il y a bien eu "atteinte grave et manifestement illégale à la liberté de culte" à Nice, 5e ville de France, envers les citoyens de confession musulmane, le Conseil d’État l’a reconnu publiquement.

C’est donc avec une joie particulière que je participais hier à l’inauguration de l’Institut, pour ce beau moment de partage et d’amitié, mais aussi pour le triomphe du droit et de l’égalité républicaine face à l’islamophobie à Nice."

mercredi 6 juillet 2016

Amis frondeurs, assumez !

Quitter le PS pour rester socialistes


J'ai quitté le PS il y a un an afin de mettre en conformité mes paroles et mes actes et je m'en suis alors expliqué publiquement (lire ici). J'estimais, et j'estime toujours, qu'afin de rester socialiste, il faut quitter l'organisation politique qui en usurpe le nom.

J'ai assumé longtemps, localement, l'étiquette de "frondeur". Aujourd'hui je ne comprends plus la position de mes camarades "frondeurs" : s'il y avait une volonté réelle de censurer la politique gouvernementale, la motion aurait dû être rédigée et co-signée à l'avance et déposée dans la minute suivant l'annonce par Manuel Valls de ce nouveau recours au 49.3.

Amis frondeurs, assumez ! Par David Nakache

Le recours récurent au 49.3, ajouté à un ensemble inquiétant d'atteintes aux droits fondamentaux et d'un dénigrement constant des citoyens constitue une réelle mise en danger de notre modèle démocratique (lire ici).

Cette fois-ci la coupe est pleine. Il est plus que temps d'agir.

Porter un projet socialiste pour la France


En réalité, le courage politique impose à ces députés, a minima, ce qui aurait dû être fait depuis déjà longtemps :
  1. Quitter le PS. 
  2. Constituer un groupe indépendant à l'Assemblée. 
  3. Organiser des primaires de la gauche non socialiste avec l'ensemble des forces politiques réellement de gauche qui le souhaitent. 
  4. Ouvrir les bras aux citoyens, à la société civile, et bâtir un avenir commun.
  5. Porter haut, incarner un socialisme vivant et actuel et proposer un projet véritablement socialiste pour notre pays, quitte à y laisser ses indemnités d'élus, son statut et ses petits privilèges. 
A défaut d'une réaction forte démontrant une capacité à assumer ses choix et à faire preuve d'un minimum de courage et de décence en politique, toute alternative intermédiaire contribuera non seulement à disqualifier les dits députés mais surtout à discréditer encore un peu plus la parole politique dans son ensemble.

mardi 5 juillet 2016

49.3 - Leur adversaire, c'est la démocratie

49.3 Leçon de démocratie
Les conséquences du recours récurent au 49.3 vont bien au-delà du sort des députés frondeurs, de la loi El Khomri ou du gouvernement Valls. Elles remettent en question la place accordée au Parlement, l'équilibre des pouvoirs et la crédibilité même de la démocratie représentative.

Le pouvoir législatif, sensé contrôler l'action du gouvernement, est privé de sa prérogative, amender et voter une loi, et se trouve renvoyé facticement à un quasi inaccessible pouvoir de censure. Or cette mise au pas répétée du pouvoir législatif intervient après que le pouvoir judiciaire ait lui aussi été affaibli par la Loi renseignement et le recours à un état d'urgence sans cesse prolongé. Ce qui est en question ici, ce n'est rien de moins que la séparation et l'équilibre des pouvoirs en France.

Si le pouvoir exécutif ressort excessivement renforcé par ce quinquennat, ce type de pratiques ne date pas de 2012 et porte atteinte à la capacité de la démocratie représentative à garantir au citoyen qu'elle représente bien ses intérêt et sa volonté, qu'elle est donc réellement utile. 

Les dénis successifs de démocratie depuis le non respect du vote référendaire en 2005 sur le Traité Constitutionnel Européen, les comportements de caste et les mœurs de la classe politique, l'affairisme et la corruption ou tout simplement le manquement à la parole donnée ne font que renforcer le rejet du système médiatico-politique en place. Or ce rejet alimente au moins trois phénomènes : l'extrême droite, l'abstention et la tentation de la démocratie directe.
  • Le vote Front National se nourrit du rejet du système, rejet d’autant plus fort que la démocratie est faible. Plus le citoyen est bafoué, plus le FN monte. Et, quand bien même le FN démontre années après années qu’il est un parti comme un autre il n’en demeure pas moins le principal bénéficiaire électoral de l’irrespect de la volonté populaire.
  • L’abstention revêt de nouveaux visages. A l’abstention par désintérêt s’ajoute une abstention de refus : refus de se prêter à un simulacre de pouvoir de décision, refus de cautionner le système en place. Des citoyens informés, engagés dans le domaine associatif, pratiquent désormais un "abstentionnisme militant". Le recours au 49.3 ne fait que confirmer leur intime conviction, renforce et légitime leur retrait du geste électoral.
  • La tentation de la démocratie directe est forte. Les idées de tirage au sort, d’assemblée constituante, de contrôles citoyens et de révocabilité des élus sont plébiscitées. Nuit Debout développe également une pratique expérimentale de la démocratie, parfois en complète défiance de toute représention et dans la hantise de la récupération. Mais la démocratie directe comporte aussi de véritables dangers en légitimant souvent un retour du populisme, sous différentes formes mais toujours fondé sur la fiction d'un peuple total.