mercredi 4 avril 2018

La P.A.F. devrait faire respecter la loi et non l'enfreindre !

 Communiqué de presse de l'association "Tous citoyens !" : "La Police de l'Air et des Frontières devrait faire respecter la loi et non l'enfreindre !"

Les associations venant en aide aux réfugiés dénoncent depuis plusieurs mois les exactions commises à la frontière italienne par la France.

Le Préfet des Alpes-Maritimes, qui a vu deux fois ses procédures concernant les majeurs condamnées par le Tribunal Administratif de Nice a vu également deux fois ses services condamnés par la même instance pour avoir refoulé illégalement à la frontières des mineurs isolés étrangers. Il s'agit là non pas d'une entrave au droit d'asile mais d'une atteinte à la protection de l'enfance puisque ces mineurs, du fait de leur vulnérabilité, doivent être protégés jusqu'à leur majorité.

La note laissée par les agents de la Police de l'Air et des Frontière « Si presse sur place, pas d'embarquement de mineurs dans les trains pour Vintimille »  est d'un cynisme absolu (lire ici et ici). Elle résume à elle seule toute la situation : la PAF bafoue quotidiennement le droit à la frontière italienne et ne fait mine de le respecter que si des journalistes sont présents !

Nous rappelons que notre association a présenté jeudi 29 mars ses six propositions pour un accueil digne et efficient des mineurs isolés étrangers dans les Alpes-Maritimes (en ligne ici) dont la première est précisément l'arrêt immédiat de tout refoulement à la frontière italienne des mineurs isolés étrangers.

Nous rappelons que la Police de l'Air et des Frontières devrait faire respecter la loi et non l'enfreindre. 

Nous demandons au Préfet des Alpes-Maritimes et au Ministre de l'Intérieur de faire, le plus rapidement possible, toute la lumière sur cette note et surtout sur les pratiques qu'elle confirme. 

Nous leur demandons de prendre toutes les mesures nécessaires pour faire cesser immédiatement ces entraves à la protection de l'enfance et que les jeunes exilés présents sur le sol français soient mis à l'abris et protégés conformément au droit français.

Pour l'association "Tous citoyens !"

David Nakache

jeudi 29 mars 2018

Six propositions pour un accueil digne des Mineurs Isolés dans les Alpes-Maritimes

Les six propositions de l'association « Tous citoyens ! » pour une prise en charge digne et efficiente des mineurs isolés étrangers dans les Alpes-Maritimes :

1. Arrêt immédiat de tout refoulement à la frontière italienne des mineurs isolés étrangers : 

Tout mineur isolé étranger présent sur le territoire national, du seul fait de son isolement, c'est-à-dire du fait qu'il n'ait ni parent ni tuteur légal pour s'occuper de lui, est considéré légalement comme vulnérable et doit bénéficier de l'aide sociale à l'enfance. Que son pays d'origine soit en guerre ou non, il ne s'agit pas ici du droit d'asile mais du droit à la protection de l'enfance. Or la Préfecture des Alpes-Maritimes expulse régulièrement des mineurs isolés à la frontière italienne et ces pratiques ont été condamnées deux fois par le Tribunal Administratif de Nice.

Le respect de la loi par les représentants de l'État, et donc l'arrêt immédiat des refoulements à la frontière de mineurs isolés dans les Alpes-Maritimes, est la condition sine qua non d'une gestion "normale" de la situation. 

2. Prendre en charge les mineurs dans les locaux du Département et non au commissariat de police :

Dans chaque département le Préfet et le Président du Département décident où doivent s'adresser les mineurs isolés pour être pris en charge : soit dans les locaux du Département, soit au commissariat de police. Dans les Alpes-Maritimes, tout mineur demandant la protection de l'enfance doit passer par le commissariat Auvare à Nice. Conséquence : de très nombreux mineurs ayant peur de la police et craignant d'être renvoyés en Italie ne font pas valoir leurs droits et dorment à la rue ou poursuivent leur migration au lieu d'être pris en charge.

Les policiers du service du "Quart" à Auvare font ce qu'ils peuvent mais les locaux ne sont pas adaptés à la prise en charge de mineurs, notamment pour ceux qui, arrêtés dans la soirée ou la nuit vont y dormir : pas de lit, pas de douche, pas de budget alloué pour les nourrir, ils attendent dans un couloir avec les gardés à vue...

La Préfecture et le Département doivent rendre public le protocole local de gestion des mineurs isolés, le modifier afin que le premier accueil soit effectué par les travailleurs sociaux du Département, dans les Maisons Sociales Départementales (MSD). Lors des horaires de fermeture des MSD les mineurs doivent être accueillis au commissariat à la brigade des mineurs ou dans un autre lieu adapté, mais pas au « quart ».

3. Améliorer les modalités d'évaluation de minorité

Une fois passée l'étape du commissariat les mineurs sont placés dans un centre de répit et une évaluation doit avoir lieu dans les cinq jours. Réalisée en régie directe par l'Aide Sociale à l'Enfance (ASE) des Alpes-Maritimes cette évaluation se déroule dans des conditions déplorables. Souvent sans traducteur alors que le jeune comprend et parle mal le français, cet entretien qui dure en général entre 30 et 40 minutes ne permet pas aux adolescents de se livrer, de raconter les véritables raisons de leur départ, les un an à un an et demi de migration, les sévices subis en Lybie, la traversée de la méditerranée et les éventuels naufrages, leur situation actuelle et leur volonté concernant leur avenir.

Il revient à l’ASE de mener les investigations pour vérifier si le jeune est mineur ou majeur. Or l’ASE 06 décrète que c’est au jeune de prouver sa minorité, rejette les copies de document d’état civil en disant que c’est aux adolescents d’obtenir par leurs propres moyens des originaux. Elle fait pratiquer des tests osseux dont le caractère approximatif et non fiable a été prouvé. Tout est fait de telle sorte que le jeune soit considéré majeur et que le Département 06 ait le moins de mineurs à prendre financièrement en charge jusqu’à 18 ans.

L’évaluation de minorité doit être réalisée dans des conditions permettant de connaître la situation véritable du jeune et donc de recueillir son récit. La présence d’un traducteur, qui est une obligation légale, doit être respectée. Les associations ou particuliers accompagnant le jeune devraient pouvoir être présents ou être entendus. Le Département 06 doit cesser d’inverser la charge de la preuve et doit mener les investigations pour établir la minorité du jeune au lieu d’exiger de lui qu’il la prouve sans lui en donner les moyens.

4. Détecter systématiquement les besoins de suivis post-traumatiques des mineurs

Nous, bénévoles associatifs, savons nourrir, héberger et réconforter les mineurs. Nous savons même déposer des recours en justices. Mais nous sommes totalement démunis face à la détresse causée par les traumatismes subis par les jeunes que nous aidons. En Libye, Benjamin a vu son frère se faire tuer sous ses yeux. Mohamed a été séquestré trois mois dans une cage, accroupi, sans pouvoir se lever, mangeant au milieu de ses déjections. Amadou a subi des tortures à l’électricité et à l’eau. Tous ont été au minimum battus. Magdalène a été prostituée de force. Mahmadi a été vendu comme esclave sexuel…

Tous ces jeunes, à leur arrivée en France, devraient bénéficier d’un suivi post-traumatique et, au lieu de cela, nous les accueillons aves les grilles du commissariat Auvare et des policiers en armes…

Lors de l’entretien d’évaluation de minorité, l’agent administratif de l’ASE 06 est censé, en une demi-heure et sans formation, détecter les besoins de suivi post-traumatiques des jeunes et cocher la case adéquate dans son formulaire. Bien peu le font…

L’évaluation administrative de minorité devrait être systématiquement doublée d’une évaluation psychologique permettant de détecter les besoins en suivi post-traumatique des mineurs isolés.

5. Ouvrir les portes de l'éducation nationale aux mineurs isolés étrangers

De nombreux jeunes sont non francophones et beaucoup parlent ou lisent un français très approximatif. Alors que d’autres académies accueillent les mineurs isolés jusqu’à leur majorité et parfois au-delà, l’Académie des Alpes-Maritimes, se retranchant derrière le fait que l’école n’est obligatoire que jusqu’à 16 ans refuse d’accueillir les jeunes qui ont dépassé cet âge.

La maîtrise de la langue est pourtant la condition rendant l’intégration possible. Ces jeunes doivent être accueillis dans des classes spécialisées par l’éducation nationale, au sein de nos lycées, afin de pouvoir s’intégrer rapidement.

L’Académie des Alpes-Maritimes doit ouvrir les portes de ses établissements aux mineurs de plus de 16 ans pour rendre possible leur intégration.

6. Donner les moyens suffisants aux éducateurs pour accompagner les mineurs isolés et préparer leur passage à la majorité

Les foyers des Alpes-Maritimes, qu’il s’agisse du centre de mise à l’abri (avant décision) ou des foyers où sont placés les jeunes jusqu’à leur majorité, sont littéralement débordés. Le Département, au lieu d’ouvrir une structure adaptée et suffisamment grande, préfère payer des chambres dans un, puis deux, puis trois hôtels à Nice, ce qui est une absurdité tant au niveau de la qualité de la prise en charge des jeunes qu’au niveau financier.

Les jeunes sont certes nourris et logés mais ils s’ennuient à ne quasiment rien faire de la journée et l’oisiveté est tout sauf utile à ces adolescents en détresse et désœuvrés.

On demande à des éducateurs au bord de la rupture de travailler dans des locaux non adaptés, de courir de foyers en hôtels en s’occupant de toujours plus de jeunes avec toujours moins de moyens. Qu’ils demandent l’asile ou qu’ils doivent demander un titre de séjour de droit commun à leur majorité, ils ont besoins de formations professionnalisantes et la recherches de contrats d’apprentissages devient un parcours du combattant pour les jeunes comme pour les éducateurs.

Le Département des Alpes-Maritimes doit ouvrir une structure adaptée à l’accueil des mineurs isolés, recruter davantage d’éducateurs et leur donner les moyens de travailler convenablement. Il faut créer un dispositif spécifique de recherche de contrats d’apprentissage et d’accompagnement des mineurs isolés durant leur formation.

Ces six propositions concrètes ne sont pas exhaustives. Elles sont le fruit des observations de terrain quotidiennes de nos bénévoles à Nice et dans les Alpes-Maritimes. Elles sont rendues publiques ce jour et sont également envoyées par courrier au Préfet des Alpes-Maritimes, au Président du Département 06, au Recteur d’Académie et au Défenseur des Droits 

L’association « Tous citoyens ! » - 28 mars 2018

samedi 24 février 2018

Soit le Préfet Leclerc accepte de respecter la loi, soit il doit être remplacé

 Communiqué de presse de l'association Tous Citoyens ! : 

"Soit le Préfet Leclerc accepte de respecter la loi, soit il doit être remplacé"

Le Préfet des Alpes-Maritimes vient d'être condamné pour la 4ème fois pour des pratiques illégales envers les migrants.

Le 31 mars 2017, le Tribunal Administratif reconnaît que le Préfet Leclerc a porté atteinte au droit d'asile en refusant l'enregistrement de la demande d'asile d'une famille érythréenne.

Le 4 septembre 2017, le Tribunal Administratif constate que renvoyer trois soudanais en Italie sans qu'ils aient pu faire valoir leur droit à l'asile en France porte une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté fondamentale qu'est le droit d'asile.

Le 22 janvier 2018, le Préfet Leclerc est condamné pour la reconduction à la frontière italienne d'un enfant de 12 ans, sans aide ni assistance et porte atteinte à la protection de l'enfance !

Le 23 février 2018, le Préfet Leclerc est condamné pour la reconduction à la frontière italienne d'une vingtaine de jeunes mineurs isolés alors que tout mineur sans parent ni tuteur légal est de droit considéré vulnérable et doit bénéficier de la protection de l'enfance.

Ces manquements au droit répétés, et réitérés malgré les multiples rappels à l'ordre par le Tribunal, mènent notre département dans une impasse :

- Comment le représentant de l'État, censé être garant de l'ordre public, peut être lui-même un multirécidiviste notoire ? 

- Est-il encore légitime à incarner l'État de droit ? 

- Combien faudra-t-il de condamnations et, au-delà de cela, de vies brisées, pour que le Préfet applique la loi de la République ?

- Doit-on laisser la France, pays des Droits de l'Homme, bafouer les libertés fondamentales dans notre département ?

Il ne s'agit pas d'une question de personne mais du discrédit porté sur l'action des pouvoirs publics. 

Il n'y a désormais qu'une seule alternative : soit le Préfet Georges-François Leclerc accepte de respecter la loi, soit il doit être remplacé."

L'association Tous citoyens !

jeudi 15 février 2018

Centre de rétention : "Enfermera-t-on des enfants à Nice ?"

 Le C.R.A. des Alpes-Maritimes n'accueille actuellement que des hommes, faute de place. Son doublement de capacité annoncé peut avoir pour conséquence l'enfermement d'enfants, pratique illégale pour laquelle la France a été condamné à six reprises par la C.E.D.H. Nous demandons des engagements clairs afin que cette pratique indigne ne soit pas perpétuée à Nice et qu'aucun enfant n'y soit enfermé.

Communiqué de presse de l'association Tous citoyens ! :

"Enfermera-t-on des enfants à Nice ?"

"Eric Ciotti, en visite au Centre de Rétention Administrative (C.R.A.) des Alpes-Maritimes le 12 février, s’est prononcé pour le doublement des places de rétention.

Christian Estrosi, s’il en a très peu parlé à la presse, prévoit déjà dans son projet de transformation de l’ancien Hôpital Saint-Roch en Centre de Sécurité Intérieur le transfert du Centre de Rétention Administrative et le doublement de sa capacité (lire ici).  Le Ministre de l’intérieur, Gérard Collomb, a validé ce projet et a confirmé une participation financière de l’État de 50 millions d’euros.

Pendant que la droite niçoise fait mine de s’opposer pour savoir qui enfermera et qui expulsera le plus d’étrangers et que le ministre de l’intérieur approuve sans sourcilier, une question de fond demeure non abordée : enfermera-t-on les enfants à Nice ?

Rappelons tout d’abord que les Centre de Rétention Administrative sont les lieux où l'on enferme les étrangers en situation irrégulière dans l'attente de leur reconduite à la frontière. Mais la France, en toute illégalité, y enferme également des enfants accompagnant leurs parents. Surveillance policière, verrous, barbelés : quelle que soit la situation de ses parents, aucun enfant ne doit subir l’enfermement ! 

La Cours Européenne des Droits de l'Homme a jugé cette pratique "inhumaine et dégradante" et a condamné la France à six reprises pour privation de liberté de mineurs.

À Nice, le C.R.A., faute de place, n'accueille pour l'instant que les hommes, les femmes et les enfants étant envoyés au centre de rétention de Marseille. Le doublement de sa capacité de rétention ne doit en aucun cas maintenir la pratique actuelle de la France et prolonger l’enfermement illégal des enfants.

Nous demandons au député Eric Ciotti, au Maire de Nice Christian Estrosi et au Ministre de l’Intérieur Gérard Collomb de s’engager publiquement à ce qu’aucun enfant ne soit enfermé dans le futur C.R.A. de Nice."

L'association Tous citoyens !

mardi 16 janvier 2018

Nice, la surveillance de tous contre tous

La Ville de Nice a lancé la phase test d'une application mobile nommée "Reporty" permettant à tout citoyen géolocalisé l'ayant installée d'envoyer les images d'incivilités dont il est témoin au centre de supervision urbain où des policiers municipaux les visualiseront en direct.

Il y a au minimum trois enseignements à tirer de cette expérimentation :

1. La Ville de Nice veut faire de tous ses fonctionnaires des auxiliaires de police

En effet, la Ville de Nice teste son application sur un panel de 2000 personnes dont en premier lieu ses agents disposant d'un téléphone portable professionnel qu'elle a incités à plusieurs reprises à utiliser Reporty.

Or on peut très bien être fonctionnaire territorial sans vouloir automatiquement devenir un auxiliaire de police bis...

2. Le maire de Nice enfreint les règles de la CNIL et porte atteinte à la vie privée

En effet, lors de la pause des premières caméras de vidéo surveillance, la ville de Nice s'était engagée auprès de la CNIL à ne pas filmer l'intérieur des maisons et à orienter ses caméras de telle sorte que ne puisse être filmée la vie privée des citoyens.

Or avec Reporty, n'importe quelle personne peut envoyer une image filmée à l'intérieur d'une habitation et cette image sera immédiatement visionnable au centre de supervision urbain. Cela constitue une atteinte manifeste à la liberté fondamentale qu'est le respect de la vie privée.

3. Christian Estrosi prône un modèle de société où la défiance et la délation deviennent la règle

Ainsi, quiconque voulant régler des comptes personnels, nuire à un voisin ou tout autre personne pourra utiliser Reporty pour cela. Christian Estrosi avait déclaré vouloir faire de Nice un laboratoire de la sécurité. Mais le tout sécuritaire franchit ici un pallier supplémentaire et on ne pourra plus revenir un arrière : la surveillance de tous contre tous est érigée en règle de vie. Une ville où la délation est félicitée, où les pouvoirs publics incitent à la défiance généralisée ne peut retrouver le chemin du vivre ensemble et de la cohésion sociale.

Un an et demi après l'attentat du 14 juillet 2016, Nice panse encore ses plaies et doit retrouver le chemin de l'apaisement. Attiser les peurs, alimenter la défiance et la surveillance de tous contre tous ne fait qu'entretenir un climat malsain et nous ramener en arrière. Alors que les citoyens relèvent la tête et veulent aller de l'avant, alors que partout les solidarités se font jours et que les citoyens tendent la mains aux plus démunis, le maire de Nice veut replonger la ville dans la peur. La France a déjà connu des régimes encourageant la délation. Nous refusons de revivre cela à Nice.

jeudi 4 janvier 2018

L'islamophobie ou la convergence des haines

Alors que la convergence des luttes est à la peine, l'islamophobie apparaît peu à peu comme le point de cristallisation et de convergence de haines aux origines diverses : défenseurs des thèses d'extrême droite, laïcistes de droite et de "gauche", sionistes radicaux. Et notre devoir de citoyens est de la combattre.

Nous sommes nombreux à œuvrer pour la convergence des consciences et des luttes. Si nous ne parvenons pas aux résultats escomptés, une autre convergence a lieu sous nous yeux et se révèle, elle, d'une redoutable efficacité : la convergence des haines.

Le point de cristallisation de cette convergence est l'islamophobie, c'est-à-dire l'ensemble des discriminations subies en raison de la croyance réelle ou supposée en la religion musulmane.

Le facteur démultiplicateur de cette haine est d'une part la peur légitime des attentats et d'autre part le rejet illégitime de nos concitoyens de confession musulmane. 

Cette peur est légitime car la France, de Paris à Nice, est frappée de plein fouet par les attentats. Il s'est développé en France, puisque de nombreux terroristes ayant commis ou tenté de commettre des attentats sont français, ce qu'il faut désormais nommer un "terrorisme français". 

Ce rejet est, lui, illégitime car quand bien même ces attentats sont commis au nom de l'islam nos concitoyens musulmans dans leur immense majorité n'ont strictement rien à voir à ces actes odieux.

La thèse de la radicalisation de l'islam (à l'inverse de celle de l'islamisation de la radicalité) laisse penser qu'il n'y a entre l'islam pratiqué par nos concitoyens et les actes terroristes sanguinaires qu'une différence de degrés et non une différence de nature. De l'islam au terrorisme, il n'y aurait qu'un pas à franchir. Nous devons dénoncer avec force l'amalgame abject selon lequel tout maghrébin serait musulman et tout musulman serait un terroriste potentiel. Cet amalgame permet de légitimer et de raviver la vieille haine des arabes sous couvert de lutte contre le terrorisme.

Nous voyons donc converger et s'unir dans le rejet des musulmans trois vecteurs de haine de provenances différentes : les promoteurs des thèses d'extrême droite traditionnelle, des laïcistes de droite et de gauche et des sionistes radicaux.

L'extrême droite tout d'abord, qui, pour recycler sa vieille haine des arabes est prête à mettre de côté son antisémitisme fondateur. Elle trouve dans la peur des attentats non seulement la justification de son racisme anti-arabe mais aussi la légitimation de sa politique migratoire et de la thématique de l'invasion puis du grand remplacement. Les réfugiés sont ainsi des victimes collatérales de cette islamophobie d'extrême droite, puisque sous prétexte que des terroristes se cacheraient parmi les migrants, on justifie la fermeture des frontières.

Les thèses de Renaud Camus ont trouvé dans Soral puis dans Zemmour et Finkielkraut des promoteurs très efficaces. La banalisation des idées d'extrême droite est généralisée. De nombreux leaders de la droite dite républicaine les reprennent à leur compte en toute impunité et les Identitaires, aux actions souvent violentes, s'en abreuvent directement. Surfant sur la peur légitime des attentats, cette extrême droite là n'a plus besoin de parti politique de pointe pour exister. Son corpus idéologique est posé et progressivement accepté, son accès aux grands médias est indéniable, son intégration à la doxa populaire est effective.

Les laïcistes de droite comme de "gauche" (car malheureusement les guillemets s'imposent) font eux aussi feu de tout bois contre l'islam. Sous couvert de défendre de façon intransigeante la laïcité ils en viennent à la dénaturer. Alors que la République française respecte toute les croyances (article 1er de la Constitution) et qu'elle est garante du libre exercice du culte (article 1er de la loi de 1905), les laïcistes vont instrumentaliser la laïcité pour combattre une religion spécifique, l'islam.

Les laïcistes sont en réalité de deux ordres, qui dépassent le clivage droite/gauche : ceux qui travestissent la laïcité pour combattre une religion donnée (l'islam) et ainsi en réaffirmer une autre (le christianisme), on a ainsi vu le député Ciotti déposer un amendement pour inscrire dans la Constitution les racines chrétiennes de la France... Et ceux qui combattent toute forme de religiosité, comme si l'interdiction de tout signe religieux dans l'espace public, quel qu’il soit, suffirait à arrêter les attentats... Cette seconde catégorie défend davantage la sécularisation que la laïcité et ses partisans devraient en réalité être appelés des "sécularistes"...

L'une des victimes collatérales de l'islamophobie laïciste est le féminisme, copieusement instrumentalisé et détourné pour la cause. Les propos d'Elisabeth Badinter en sont la sinistre démonstration...

Le sionisme radical (à défaut d'une meilleure dénomination) vient compléter ce sombre tableau, voyant là un moyen détourné de justifier l'occupation militaire de la bande de Gaza. La haine du sioniste à l'égard de l'arabe trouve dans la peur du terrorisme un exutoire inespéré. La survie d'Israël dépend pour les sionistes radicaux de la diabolisation de l'islam, notamment dans les pays comme la France. 

Victime collatérale de cette islamophobie sioniste, l'antisionisme politique peine à exister : ce sionisme là se nourrit de l'amalgame entre judaïsme et sionisme en tentant de disqualifier tout argument antisioniste en taxant son auteur d’antisémitisme. 

Alors que l'on peut saluer le fait qu'Emmanuel Macron n'ait jamais versé dans l'islamophobie, son amalgame entre antisionisme et antisémitisme est désastreux. 

L'instrumentalisation politique de la shoah se poursuit sans fin et se métamorphose à son tour. 

L'une des constantes commune aux différents vecteurs de haine est le fait de passer bien plus de temps à lancer des anathèmes et jeter l'opprobre sur des ennemis potentiels qu'à combattre les ennemis déclarés, c'est-à-dire le terrorisme proprement dit. Et ces ennemis potentiels sont ceux qui pourraient être en réalité des terroristes (les musulmans, les réfugiés) mais aussi ceux qui seraient des traîtres car des soutiens de cette islamisation rampante : les islamo-gauchistes, ceux que, dans son livre de campagne, François Fillon nommaient les "collaborateurs". 

Traité bien souvent d'islamogauchiste, j'ai vu les insultes à mon encontre redoubler de virulence lorsque j'ai remis en cause l'une des cautions intellectuelles de cette convergence des haines : Alain Finkielkraut, paré de ses beaux habits d'académicien et des ors de la République. 

Le maintien du statut d'académicien de celui que reprend à son compte la catégorisation des citoyens en "français de souche" et "non souchiens" et la  théorie du grand remplacement contribue à la banalisation de ces thèses.

A la suite d'une pétition lancée pour sa destitution de l'Académie Française (lire ici), j'ai reçu un flot d'insultes à la fois des identitaires d'extrême droite et à la fois de sionistes me reprochant d'être un "mauvais juif", un "traître", un "renégat", un "kapo"... (lire ici). Les laïcistes de gauche, eux, se sont contentés de quelques reproches sur la thématique de la défense de la liberté d'expression... du moment, encore une fois, qu'elle permet de dénigrer l'islam.

La figure institutionalisée de Finkielkraut déversant son islamophobie dans tous les grands médias apparaît bien alors comme une clef de voûte de cette convergence des haines.

En définitive, pendant que certains ergottent encore sur le mot islamophobie, la réalité qu'il désigne, à savoir les discriminations subies par toute personne supposée musulmane, insultes verbales et agressions physiques, ne peut être niée. Cette discrimination là constitue le point de convergences des haines d'extrême droite, laïcistes et sionistes. Et le devoir de tout citoyen oeuvrant pour le vivre ensemble et la solidarité est de la combattre.

mercredi 13 décembre 2017

Antisémitisme, Twitter, Finkielkraut

"On appelle les collabos juifs des kapos et David Nakache en est un" ; "Tu écris comme un gauchiste, comme une merde donc" ; "Le coallahbo David Nakache devrait faire son Aliah" ; "J'en peux plus des gauchiasses" ; "islamogauchos même en Israël ils ne veulent pas de toi" ; ... Bref, il ne fait pas bon critiquer Alain Finkielkraut sur Twitter.

Le lundi 11 décembre au soir, j'ai lancé une pétition afin qu'Alain Finkielkraut soit destitué de l'Académie Française. Cette pétition a déjà récolté plus 13 000 signatures (lire et signer ici) et j'ai subi dans le même temps, sur Twitter, un déluge d'insultes dont un bon nombre à caractère clairement antisémite.

Comment réagir ? Quels enseignements tirer de cette profusion de haine ? 

Revenons tout d'abord sur cette pétition...

Pétition pour la destitution d'Alain Finkielkraut de l'Académie Française :

On peut être contre cette pétition parce que l'on défend les idées portées par Alain Finkielkraut. 

On peut y être opposé parce que, quand bien même on n'approuve pas les propos de l'intellectuel, on pense que l'exclusion n'est pas la solution. 

Pour ma part je pense qu'Alain Finkielkraut, qui a déjà repris à son compte la thématique du "grand remplacement", en opérant une catégorisation des citoyens entre français "de souche" et "non-souchien" contribue à promouvoir les thèses d'extrême droite. Et le fait qu'il le fasse en sa qualité d'académicien alimente la banalisation et la normalisation de ces thèses.

En clair, on peut tenir des propos xénophobes dans tous les grands médias et y être toujours présenté comme membre de l'Académie Française, comme si, en France, nous honorions ceux qui propagent la discrimination et la haine.

Et je précise que cette pétition ne porte pas atteinte à la liberté d'expression : que M. Finkielkraut s'exprime, mais pas en tant qu'académicien.

Cette pétition appelle deux grands débats qui ne pourront être traités et tranchés ici : 

- Qu'est-ce que l'extrême droite ? Selon quels critères peut-on déterminer que nous sommes face à une pensée d'extrême droite ?

- Comment lutter contre elle ? Doit-on pour cela aller jusqu'à interdire ou exclure, puisque le racisme n'est pas une opinion mais un délit ?

Riposte laïque a, par ailleurs, lancé une contre pétition citant la mienne pour s'y opposer, ce qui montre à quel point le rôle de caution intellectuelle joué par Alain Finkielkraut pour ces mouvements est important.

Mais, quoiqu'il en soit de ces débats, rien ne justifie ni l'insulte ni l’antisémitisme.

Un antisémitisme tenace :

Le premier constat est la vivacité de l'antisémitisme. On entend chaque années le décompte des actes antisémites. On se fait parfois insulter quand on porte un nom juif (lire ici). Mais ce déferlement là, vulgaire, bête, avilissant, me rappelle brutalement à la réalité :

Illustration 1
Illustration 2

Pourtant, j'avais déjà du porter plainte suite à un tweet antisémite en janvier :

Illustration 3

Je n'avais pas subi un tel déluge quand je m'étais opposé à l'opération Defend Europe des Identitaires. Il a suffi cette fois d'un échange sur Twitter avec Philippe Vardon, ancien identitaire devenu leader du Front National local, pour alerter la fachosphère :

Illustration 4

Il est significatif de voir qui défend Alain Finkielkraut et les thèses qu'il promeut. Mais ne nous méprenons pas : il est très probable que l'auteur de L'identité malheureuse ne sache pas lui-même qui le défend. Et l'on peut se demander s'il a conscience ou non d'alimenter par ses écrits et ses prises de positions des militants aux propos violents et même parfois aux actes violents.

La radicalisation de la droite dite républicaine, la banalisation et la normalisation de la xénophobie et ici la virulence et la violence des attaques antisémites, bien au-delà de mon cas personnel, doivent nous conforter, plus que jamais, dans notre combat contre la promotion et la diffusion des idées d'extrême droite, où qu'elles soient, d'où qu'elles viennent. 

Mise à jour du 28.12.2017 :

La pétition pour la destitution d'Alain Finkielkraut de l'Académie Française a rassemblée 16 409 signatures à ce jour. Celle pour son maintien, soutenue par Boulevard Voltaire et Riposte Laïque, 8 447. Au-delà des batailles de chiffres, quelles leçons tirer de cette polémique et surtout de la violence qu'elle a libérée ?

Les attaques les plus violentes à mon encontre, sur Twitter et Facebook, viennent de personnes juives défendant Alain Finkielkraut et me reprochant d'être un "mauvais juif", un "traître", un "renégat" ou un "kapo" car je serais "islamo-gauchiste". Il ne s'agit donc pas d'un antisémitisme classique mais, en réalité, d'un anti-non-sémitisme juif, voir sioniste.

Au-delà de ma personne, cette violence révèle à quel point l'islamophobie de Finkielkraut sert de ciment entre la haine d'extrême droite "traditionnelle" française et celle des sionistes, toutes deux tournées contre les musulmans ou les personnes supposées musulmanes.

Bref, la figure d'Alain Finkielkraut, paré de ses beaux habits d'académicien et des ors de la République, caution intellectuelle d'une islamophobie délirante, devient le triste symbole de la convergence des haines.