lundi 14 septembre 2020

A Nice, les hauts-parleurs de la peur et de la colère

A Nice des haut-parleurs diffusent dans l'espace public des messages de la police municipale rappelant l'obligation du port du masque. Ces messages obsédants constituent une nuisance sonore pour les riverains qui les entendent de chez eux. Ils sont infantilisants et fortement anxiogènes. Ils s'ajoutent à une politique liberticide et contre-productive de contrôle permanent des individus.

A Nice des hauts-parleurs diffusent dans la rue des messages de la police municipale sur l'obligation du port du masque. 

Vous êtes chez vous par une douce soirée de fin d'été et, par la fenêtre ouverte, une voix métallique vient vous harceler jusque dans votre salon, vous empêchant même souvent de vous endormir. Les messages audio diffusés par la Ville de Nice, crachés par des hauts-parleurs à chaque lieu "stratégique" de la ville, constituent une véritable nuisance sonore pour les riverains, de 8h du matin à minuit. 

Vous ne sortez de chez vous que rarement. A la télé, dans les journaux, sur internet, tout le monde ne parle que de la "seconde vague" qui va déferler sur nous tel un tsunami. Tsunami de peur et d'angoisse. Angoisse qui vous prend rien qu'à l'idée de sortir faire une course. Et là, quand enfin vous être dehors et que vous vous apprêtez à avoir votre seule relation sociale de la journée, vous entendez la voix mécanique et glaçante qui vous rappelle le danger que vous encourez et qui appelle à la responsabilité. Vous croisez des personnes qui sont comme dépersonnalisées, qui ne sont plus tout à fait elle-mêmes, vous ne cessez de croiser des yeux sans visages. Puis, soudain, sur un banc, une voisine se repose et reprend son souffle, son masque baissée sous son menton. L'irresponsable qui nous met tous en danger ! Mais pourquoi donc la laisse-t-on faire ainsi ? Vite, vous retournez vous calfeutrer chez vous en trouvant un moyen de livraison pour avoir encore moins à sortir, et tant pis pour l'épicier du coin. Les messages diffusés par la Ville de Nice alimentent les peurs et contribuent à rendre notre société profondément anxiogène. 

Vous vous promenez dans les rues de Nice avec vos enfants. Vous leur avez plusieurs fois expliqué la situation. Vous avez tenté de calmer leurs craintes tout en les mettant en garde pour les protéger du virus. Vous savez que vous ne pouvez pas aller vous asseoir sur les quais, au port, car leur accès est interdit. L'été, vous savez que même l'accès aux plages, selon les horaires, est proscrit. Vous savez que telle ou telle place est grillagée et, selon l'heure de la journée, vous ne pourrez pas y aller. Vous savez que dans chaque rue, où que vous soyez, vous êtes filmés, que vos jeux avec vos enfants sont filmés et vus par des fonctionnaires de police municipale. Vous déambulez et vous entendez ce rappel à l'ordre constant, omniprésent, comme si vous étiez, vous aussi, un enfant, un idiot ou un irresponsable, comme si chaque citoyen était par avance considéré comme incapable d'exercer raisonnablement sa citoyenneté. La diffusion sonore de rappels à l'ordre par la Ville de Nice est infantilisante et liberticide.

A Nice, la police vous parle. Elle vous parle à chaque coin de rue, par des hauts-parleurs stupides qui répètent sans cesse les mêmes phrase. La police vous parle, même si vous n'avez rien fait de mal. Elle vous parle l'été, sur la promenade des Anglais, pour vous dire qu'il ne faut pas boire d'alcool ni mettre de la musique trop fort. Elle vous donne des consignes dans les rues sur le port du masque, même si aucune étude ne permet de savoir si ce matraquage obsédant a une quelconque efficacité. On veille sur vous. On vous surveille et on vous rappelle à l'ordre. Du coup, ce qui devrait être un geste responsable que la très grande majorité des personnes respecte d'elle-même, sous le coup de ces rappels à l'ordre incessants, devient obéissance à un ordre matraqué partout, tout le temps. Et, face à un ordre imposé, l'envie de désobéir vous prend, comme une colère sourde, contre cette société anxiogène, culpabilisante et liberticide. Combien de personnes ai-je entendu dire, dès que j'évoque ces hauts-parleurs, "moi, je n'ai qu'une seule envie, c'est de sortir une carabine et de les exploser !" ? Le matraquage obsédant de ces messages audio alimente la colère, la tension, et un sentiment de révolte profond. Et ce sentiment de révolte s'ancre chaque jour un peu plus, même chez des personnes légalistes qui se tenaient jusqu'à présent à distance de toute forme de contestation.

A Nice, les hauts-parleurs de la peur et de la colère alimentent une tension et une exaspération collective croissante, et personne ne sait comment elle se traduira. La municipalité poursuit son entreprise de contrôle permanent des individus, sans se rendre compte que ce harcèlement liberticide, anxiogène et infantilisant est contre-productif et aggrave la situation.

vendredi 17 juillet 2020

Non à l'interdiction d'accès aux plages de Nice le soir

Après différentes places grillagées, l'interdiction d'accès le soir à la Réserve, l'interdiction d'accès aux bords de quais, voici venue l'interdiction pure et simple d'accéder à la plage les soirs de week-end à Nice. Or interdire, ce n'est pas protéger. C'est pénaliser l'ensemble de la population et ne faire que déplacer le problème. Analyse d'un aveu d'échec sécuritaire.

Le maire de Nice et le Préfet des Alpes-Maritimes veulent interdire l'accès de tous aux plages de Nice, au Port et à la Réserve à partir de 22h les vendredi, samedi et dimanche.

La logique est simple : quelques-uns causent des troubles, on pénalise tout le monde. Au lieu d'assurer la sécurité des Niçois et des touristes au bord de mer, on leur interdit d'y accéder.

Comment une municipalité qui dépense un budget énorme pour la sécurité (90 millions d'euros en 2020), qui est l'une des villes ayant le plus de policiers municipaux et de caméras de vidéo surveillance, peut elle se déclarer par avance incapable de garantir la sécurité sur ses plages et son port ? A quoi sert donc de jouer les "Monsieur muscles politiques" quand on est inapte à protéger ses habitants ?

Le cœur du problème est là : interdire, ce n'est pas protéger.

Interdire l'accès à un lieu public, le clôturer avec des grilles, ne fait que déplacer le problème. Récapitulatif : des groupes de jeunes causent, selon la municipalité, des incivilités à la Réserve. On interdit à tous d'y accéder le soir en posant des grilles le 12 juin. Ces groupes se déplacent au Port et on interdit également à tous, vers le 25 juin, d'y accéder le soir. Ils s'installent ensuite sur les plages de la Promenade des Anglais, on interdit désormais l'accès aux plages pour tous. Et si, demain, ils causent des incivilités dans la vieille ville... on ferme le Vieux Nice ? Jusqu'où ira la logique de l'interdit à Nice ?

Christian Estrosi a grillagé le square Marshall, la place des Cigalusa, la place de l'armée du Rhin ou les marchés du Palais de Justice mais il ne fait à chaque fois que déplacer le problème vers des lieux proches. La culture de l'interdit et des espaces clos est un leurre sécuritaire.

En interdisant à tous d'accéder à l'espace public, Christian Estrosi accroît le pouvoir de nuisance des "fauteurs de troubles" : à cause d'eux et de l'inaptitude des pouvoirs publics, toute la ville est pénalisée. A vouloir systématiquement interdire et clôturer l'espace public, on s'enferme soi-même.

Et que dire des touristes que l'on cherche par tous moyens à faire venir pour sauver l'économie locale maladivement dépendante de la mono activité touristique ? Ils viennent à Nice mais ils ne pourront plus accéder au bord de mer après avoir dîné dans le Vieux Nice ? Quelle image de notre ville leur donne-t-on ?

"Homme libre, toujours tu chériras la mer" écrivait Baudelaire. La mer, c'est la liberté. L'accès au bord de mer provoque un sentiment d'évasion, d'ouverture sur l'immensité, avec toujours une intensité si particulière. La plage est souvent cet endroit à part où l'on s'extrait de l'agitation de la ville, où l'on retrouve les éléments naturels.

L'espace public permet, s'il est aménagé pour cela, de favoriser les échanges, le vivre ensemble et l'inclusion social de tous. En clôturant l'espace public et en interdisant d'y accéder, Nice renonce tout à la fois à développer le lien social, à devenir une ville hospitalière et à garantir la sécurité de tous (lire ici). Elle devient une succession d'espaces clos, un lieu de déshumanisation et de ségrégation anti-SDF. Elle renonce à la politique de prévention qui lui incombe.

De plus, Christian Estrosi et son équipe stigmatisent systématiquement la jeunesse. Anthony Borré, 1er adjoint, déclare, en interdisant l'accès à la plage, "lutter contre les rassemblements de jeunes et faire cesser les troubles liés au bruit. Des amendes seront dressées et les instruments de musique comme les Djembé pourront être saisis" (lire ici). Or être jeune et jouer de la musique entre amis le soir sur la plage est normal et légitime. Aller jouer du djembé sur la plage, c'est précisément s'éloigner des habitations pour ne pas gêner les riverains. La jeunesse doit avoir sa place à Nice et lui opposer systématiquement des interdits ne fera qu'envenimer les choses.

Le bord de mer, comme l'ensemble de l'espace public, doit rester accessible à tous. Il revient aux pouvoirs publics locaux, maire comme préfet, de garantir la sécurité de l'ensemble de la population sans interdire d'accéder à la plage, au port ou à la Réserve. Nous voulons habiter la ville librement, avec humanité, et préserver le vivre ensemble à Nice.

mardi 30 juin 2020

Ecosocialisme municipal

Plutôt qu'une simple "vague verte" ce sont des coalitions de l'écologie et de la gauche qui ont rendu possible la victoire aux élections municipales. Loin des grandes théories, un écosocialisme de bon sens voit le jour. Emmanuel Macron, inapte à appréhender la prise de conscience écologique, incarne un libéralisme économique dont le rejet est le ciment de cet écosocialisme nouveau.

Au lendemain de l'élection d'Emmanuel Macron à la présidence de la République, le "ni droite ni de gauche" faisait fureur dans la presse, laissant croire à certains que les bases idéologiques des partis traditionnels étaient définitivement reléguées aux oubliettes. Je m'étais alors succinctement tracé une ligne de conduite politique simple, fondée sur deux impératifs que je pense plus que jamais d'actualité : écosocialisme et humanisme.

Les avidités des divers protagonistes rendant impossible une union autour de ces deux pôles, nous avons assisté aux Elections Européennes à des listes concurrentes portant des programmes similaires et à de logiques défaites, malgré une percée timide d'EELV.

Aux élections municipales de 2020, une lueur d'espoir apparaît : des coalitions pragmatiques entre gauche et écologie ont permis de faire basculer ou de conserver des grandes villes françaises : Lyon, Paris, Marseille, Bordeaux, Grenoble, etc., partout, des coalitions ont rendu possible la victoire. 

Sans attendre une refondation théorique et l'émergence d'un nouveau courant idéologique, un écosocialisme de bon sens a vu le jour. Là où les commentateurs voient une "vague verte", nous constatons au contraire que c'est la constitution de coalitions, que la tête de liste soit issue des mouvements écologistes ou des partis de gauche, qui a rendu la victoire possible. Or qu'est-ce qui a cimenté ces coalitions ? Les leçons de la crise sanitaire, sociale et économique du Covid-19, l'opposition commune aux méfaits du libéralisme économique, le fait que l'écologie comprenne qu'elle est de gauche.

Dans les villes comme Nice, où les tenants de l'écologie ont déclaré être "ni de droite ni de gauche", point d'union possible et défaite assurée. Le vieux débat du positionnement de l'écologie dans l'échiquier politique national sera ainsi, je l'espère, tranché. Le combat pour l'écologie et le combat social ne font qu'un.

Et quand des décisions pratiques doivent être prises, comme c'est le cas lorsque l'on doit gérer une commune ou une intercommunalité, l'évidence saute aux yeux : la santé publique, la qualité de vie des habitants et la préservation de l'environnement sont incompatibles avec les grands projets urbains favorisant le consumérisme effréné, le surtourisme, l'augmentation constante de la pollution et de la bétonisation, etc.

Et, malgré tous ses efforts de bon communiquant, Emmanuel Macron se révélera toujours inapte à porter la prise de conscience écologique pour cette même raison : il incarne la défense d'un libéralisme économique qui a montré toutes ses limites avec la crise du Covid-19 et dont le rejet cimente l'écosocialisme, l'union de bons sens de la gauche et de l'écologie. 

jeudi 18 juin 2020

Clôturer la ville de Nice, un triple aveu d'échec

Les Cigalusa, la place de l'Armée du Rhin, la Réserve... à chaque grille posée, la Ville de Nice avoue son incapacité à développer le lien social, à devenir une ville inclusive et à garantir la sécurité de tous.

Dès que des incivilités sont signalées de façon répétée dans un lieu de Nice, Christian Estrosi fait clôturer ce lieu et prétend le sécuriser.

Ainsi la place des Cigalusa, le square Mashall ou la place de l'armée du Rhin ont été clôturées, alignant de désespérantes rangées de grilles, enfermant ce qui devrait être des lieux de convivialité. Plus surprenant encore, le fait de clôturer et d'empêcher l'accès à la mer le soir à la Réserve. Parce qu'un groupe d'individus y commettait dégradations et incivilité on empêche tout le monde d'y accéder. Fini les couchers de soleil au bord de l'eau dans l'un des plus beau sites de la ville...

En réalité clôturer Nice constitue un triple aveu d'échec :

1. Un échec du vivre ensemble 

L'aménagement urbain est un levier puissant, aux mains des communes, pour favoriser le lien social. Le vivre ensemble commence par avoir la possibilité de se parler dans l'espace public. De grands boulevards qui ne sont que des lieux de passages font que l'on se croise mais que l'on se parle très peu. Des espaces sans banc ni jardin en bas de tours HLM poussent à se regrouper dans des cages d'escalier ou à "tenir le mur". Une place qui n'était qu'un carrefour de passage peut redevenir un lieu de vie, comme à Garibaldi, dès que l'on commence à y réinstaller des bancs. Les espaces grillagés enlaidissent la ville et empêchent les échanges.

Nice allie traditions et modernité. Elle s'ouvre sur le monde grace au tourisme. Elle ne doit pas devenir une juxtaposition d'espaces clos, une ville fermée et bunkérisée. Seule une ville ouverte peut favoriser le vivre ensemble. En voulant se protéger de l'extérieur on s'enferme soi-même.

En clôturant des parcelles de plus en plus nombreuses d'espace public,  la Ville de Nice renonce à y favoriser le lien social. Elle se révèle inapte à adapter l'espace public pour favoriser les échanges. Chaque espace clôturé est un renoncement au vivre ensemble.

2. Un échec de la société inclusive

Une société "inclusive" doit se développer sans exclure aucune catégorie de la population. 

Or la Ville de Nice prétend choisir qui a le droit d'occuper l'espace public et fait tout pour chasser ceux qu'elle juge indésirables. Elle déploie ainsi, par une série d'actions ciblées, une politique de ségrégation urbaine dont les premières victimes sont les SDF :

- couper l'eau place du Pin l'an dernier pour chasser les sans-abri

- jeter systématiquement les affaires de SDF (cartons, sacs de couchage, etc.) 

- refuser d'installer des toilettes et douches publiques gratuites en nombre suffisant partout dans la ville

- refuser de mener une politique d'hébergement d'urgence et de logement social à la hauteur des besoins 

- ne pas soutenir suffisamment les associations d'aide aux sans-abri et priver de moyens suffisants le CCAS et les travailleurs sociaux

- poser une double rangée de grilles devant le Palais de Justice pour chasser les SDF et rendre inaccessibles, un a un, les jardins publics en les clôturant

- etc.

Chaque grille posée, chaque sac de couchage jeté est une négation de l'inclusion sociale, un aveu de rejet et d'exclusion. La Ville de Nice renonce à sa vocation sociale, refuse de devenir une ville hospitalière et mène une politique discriminatoire.

3. Un échec sécuritaire

Pour empêcher des personnes créant un trouble à l'ordre public de se rendre sur un lieu où ils ont leurs habitudes, on grillage le lieu en pénalisant de fait les habitants qui n'y sont pour rien. Mais imagine-t-on un seul instant que les fauteurs de troubles vont gentiment rester chez eux ? Ils vont tout naturellement trouver un autre lieu de rassemblement un peu plus loin et continuer à se comporter de la même manière en génant d'autres riverains. On ne fait que déplacer le problème de place en place. Et quand toutes les places de la ville seront clôturées, les petits groupes convergeront et se regrouperont dans les derniers espaces libres. La Ville de Nice créera ainsi des groupes beaucoup plus nombreux et bien plus difficiles à ramener à la raison et à un comportement respectueux.

Nice est l'une des villes ayant le plus grand nombre de policiers municipaux et de caméras de vidéo surveillance. Elle consacre un budget énorme à la sécurité au détriment du social, de l'éducation et de la santé. Or clôturer une place où ont lieu des incivilités c'est renoncer d'emblée à rétablir l'ordre, c'est avouer à l'avance son incapacité à faire cesser les troubles sans empêcher les riverains d'accéder à cette place. La Ville doit garantir la sécurité des Niçois souhaitant passer une soirée au bord de mer à la Réserve et non leur interdire l'accès.

Chaque lieu clôturé à Nice est un aveu d'échec de Christian Estrosi à garantir la sécurité des Niçois. Il préfère les priver d'accès à ces lieux plutôt que de mener les politiques de prévention et, si besoin, de répression necessaires.

Au final, en posant systématiquement des grilles là où apparaissent des difficultés, la Ville de Nice avoue son incapacité à développer le lien social, à devenir une ville inclusive et hospitalière et à garantir la sécurité de tous.

samedi 13 juin 2020

Symboles publics de corruption, de racisme et d'esclavagisme: l'exemple niçois

La démocratie exerce légitimement son droit d'inventaire et réexamine les symboles de la République. Assumer notre passé permet de ne pas reproduire les erreurs commises et, à tout le moins, de ne pas les ériger en exemples. Or c'est très précisément ce que fait la Ville de Nice célébrant tour à tour des personnalités corrompues, racistes ou esclavagistes.

S'il revient aux historiens d'analyser et d'éclairer les faits historiques, lorsqu'une commune honore et célèbre une personnalité en lui attribuant un nom de lieu, nous entrons dans le champs de la décision politique. 

La République est faite de symboles, ils marquent l'appartenance à une communauté de destins et des valeurs communes, et l'inscription de nos propres actions au sein d'un récit commun. Or nous assistons à une contestation de symboles racistes ou esclavagistes un peu partout en France. La démocratie exerce ainsi, de façon légitime, son droit d'inventaire. Si je ne cautionne pas les actes unilatéraux de destitution d'une statue, il faut entendre la portée symbolique de ce geste politique. 

Dans une démocratie mature, nous devrions être capables de créer les conditions d'un examen posé et concerté du maintien ou non de certains symboles, statues, plaques et nom de rues afin de déterminer s'ils sont toujours en accord avec les valeurs de la République Française. 

Des statues d'esclavagistes, si elles ne doivent bien évidemment pas être détruites, pourraient être exposées dans des musées au lieu de trôner sur la place publique. Ce n'est que l'une des options possibles et nous devrions être en mesure de mener un débat démocratique serein sur cette question qui est loin de n'être que mémorielle. 

Mais, dans l'attente de cet examen du passé et des symboles érigés naguère, il est par contre impensable d'honorer à nouveau des personnalités racistes ou esclavagistes. C'est pourtant ce qu'a récemment fait la Ville de Nice, incurable laboratoire du pire, dont la politique d'attribution des noms de lieux révèle d'un sidérant manque d'éthique :

- Novembre 2018, attribution d'un nom de rue à Charles Pasqua, condamné à 18 mois avec sursis pour financement illégal de campagne électoral et à un an avec sursis pour détournement de fonds en 2010.

- Octobre 2019, inauguration du quai Napoléon 1er. Napoléon Bonaparte qui, outre l'instauration de l'Empire et le très grand nombre de morts dus aux guerres impériales, a notamment rétabli l'esclavage.

- Novembre 2019, inauguration de la rue Jacques Médecin qui, en 1974, a jumelé la ville de Nice avec celle du Cap en soutien à la politique d'apartheid menée en Afrique du Sud, qui a tenu des propos ouvertement racistes ("La France va être envahie par tous les macaques qui n'ont rien d'autre à faire que venir vivre chez nous"), et qui a été condamné en 1992 à un an de prison ferme pour délit d'ingérence, en 1995 à deux ans de prison ferme, cinq ans de privation de droits civiques pour détournements de fonds et trois ans de prison ferme pour corruption et abus de bien sociaux et, en 1998, à deux ans de prison ferme pour fraude fiscale.

- Février 2020, inauguration du cours et de la statue de Jacques Chirac, condamné à deux ans avec sursis en 2011 pour détournement de fonds, prise illégale d'intérêts et abus de confiance et qui a tenu, lui aussi, des propos ouvertement racistes ("le bruit et l'odeur").

On ne peut dans le même temps enseigner l'éducation civique à nos enfants et glorifier, au nom de la collectivité, des personnalités corrompues, racistes ou esclavagistes. Assumer notre passé consiste très précisément à ne pas reproduire les erreurs commises et, à tout le moins, à ne pas les ériger en exemples.

dimanche 7 juin 2020

Élections municipales à Nice et "amnésie" supposée : clarifications

En aucun cas la liste Viva n'a demandé, accepté ou refusé une fusion de liste avec JM Governatori et P Allemand. Si, fait improbable, elle avait accepté une telle fusion, je n'y aurais pas participé. L'éthique d'action demande constance et cohérence.

La liste "Viva ! Démocratie, écologie, solidarité" a fait à Nice, en peu de temps, une très belle campagne et je remercie chaleureusement toutes celles et ceux qui y ont participé. Il nous a manqué 720 voix pour être présents au second tour : ce n'est que partie remise. 

Cette aventure collective rassemblant quatre forces politiques (LFI, PCF, Génération.s et Ensemble) et des citoyens non encartés, au-delà de l'exercice démocratique de la campagne, constitue, je l'espère, l'acte de refondation et l'avenir de la gauche niçoise.

Je pensais ne plus écrire d'article sur cette élection mais le billet d'humeur de Thierry Prudhon publié dans Nice Matin ce jour, bien légitime puisque subsiste une incompréhension, appelle réponse. Notre liste serait devenue "amnésique" et prête à s'allier à Jean-Marc Governatori après l'avoir critiqué durant la campagne. Clarifications :

- Le Collectif citoyen 06 nous a invité à une réunion en vue d'une union au second tour. Nous avons convenu de nous y rendre et que nos représentants à cet échange reviendraient vers nous pour que nous puissions décider collectivement et démocratiquement de la position à adopter. 

- Avant que nous n'ayons eu à prendre cette décision et à voter en interne, nous avons appris que cette union ne serait pas possible suite à un refus de la liste AEI-EELV.

- En conséquence, en aucun cas la liste Viva n'a demandé, accepté ou refusé de fusion ni avec la liste menée par Patrick Allemand ni avec celle menée par Jean-Marc Governatori.

- Je pense que nous aurions refusé mais, respectant nos règles démocratiques internes, je ne peux l'affirmer puisque ce vote n'a pas eu lieu.

- Par contre, opposé à toute fusion de listes, j'avais prévenu mes colistiers et l'ensemble de l'équipe de Viva qu'en cas de fusion je me retirerais et ne participerais ni à une liste ni à une campagne commune.

J'ai décrit les choix politiques nationaux et locaux de Patrick Allemand et Xavier Garcia ici : Etre ou ne pas être de gauche à Nice. J'ai écrit aux écologistes niçois pour leur dire qui était Jean Marc Governatori et quel était le bilan de mandat de Juliette Chesnel et Fabrice Decoupigny ici : Lettre ouverte aux écologistes niçois. Il n'y a aucune amnésie de ma part et en aucun cas je n'aurais renié mes écrits et mes engagements.

Je devrais tout naturellement, face à aux dangers que représentent les politiques défendues par Philippe Vardon et Christian Estrosi, voter pour une liste EELV. Mais, en raison des éléments explicités dans ma lettre aux écologistes niçois citée plus haut, il m'est impossible, d'un point de vue éthique, de voter pour Jean-Marc Governatori. Je voterai donc "blanc" au second tour.

Au-delà de ces péripéties politiciennes imposées, l'urgence sociale, écologique et démocratique est là et appelle mobilisation, éthique d'action et responsabilité. J'y répondrai à mon niveau au sein de "Tous citoyens", de "Viva", et avec l'ensemble des citoyennes et citoyens prêts à s'impliquer pour cela.