jeudi 24 juin 2021

Le front républicain, ça se mérite

Un front républicain ne peut être constitué qu'entre républicains. Or une partie de la droite française s'est peu à peu convertie aux idées d'extrême droite. Il revient à la droite de faire barrage à l'extrême droite dans ses propres rangs avant de pouvoir légitimement exiger des forces politiques de gauche et écologistes un front républicain et des électeurs humanistes un vote en sa faveur.

Malheur à celui qui arrive troisième ! C’est un peu le leitmotiv des élections. Depuis que l’extrême droite est devenue en France le premier parti d’opposition, cette malheureuse place incombe à la gauche. Nous pourrions deviser longtemps sur la responsabilité de la gauche dans la perte de son rang et dans l’avènement du Rassemblement National mais cela ne résoudra pas l’ultimatum du moment. Car c’est bel et bien d’un ultimatum qu’il s’agit, imposé aux partis devant ou non se désister comme aux électeurs tiraillés entre le vote du moindre mal, le vote blanc ou l’abstention.

Mais l’injonction de faire barrage à l’extrême droite en constituant un Front Républicain pose une autre responsabilité : celle de la droite elle-même. Un front républicain ne peut être réalisé qu’entre… républicains. Or une part croissante de la droite française a quitté depuis longtemps les rivages du républicanisme. La droite française est désormais scindée en deux camps : une droite traditionnelle, gaulliste, modérée, ne transigeant jamais avec les idées d’extrême droite, et une droite extrême, reprenant largement à son compte une bonne part de la doxa d’extrême droite.

Face à la montée électorale de l’extrême droite, si la droite extrême a remporté des succès électoraux et a endigué la progression du RN sur ses terres c’est en réalité en reprenant à son compte les fondamentaux de l’extrême droite. Electoralement parlant, le résultat est probant puisqu’ils triomphent dans les urnes. Mais le problème est d’une autre nature. Il est éthique : on ne combat pas l’extrême droite en faisant la promotion et en appliquant les idées d’extrême droite. Ainsi la mainmise électorale d’un Éric Ciotti ou d’un Laurent Wauquiez est une victoire en trompe l’œil : si cette droite là laisse peu de place au RN c’est qu’elle s’est en réalité convertie à l’extrême droite. Les succès électoraux de la droite extrême française constituent au final une victoire de l’extrême droite. Or il ne s’agit pas ici seulement d’une « banalisation » des idées d’extrême droite mais d’une extension du domaine de la haine, du rejet de l’autre, du culte de l’autorité, d’un tout-sécuritaire omniprésent, de l’exacerbation d’un identitarisme culturel et ethnique mortifère.

La droite française ne sera légitime à faire injonction à la gauche et à l’écologie de faire barrage à l’extrême droite que lorsqu’elle aura elle-même fait barrage à l’extrême droite dans son propre camp, dans ses propres rangs, et qu’elle aura tracé une ligne rouge à ne pas franchir entre le républicanisme et l’extrême droite.



De son côté, le camp de la gauche et de l’écologie s’est entre-déchiré en un éclair, enfermé dans les tourments d’un lendemain de premier tour électoral en PACA. On a vu fleurir, en ce début d’été, des champs d’anathèmes. On a récolté des invectives et des excommunications par foison. Peut-on seulement entendre que chacune des deux positions contraires, le maintien ou le retrait, se défendait légitimement ? Certains, bardés de certitudes, inaptes à vaincre droite et extrême droite, ont pris un plaisir inavoué à accabler ceux de leur propre camp qui, sur le terrain, étaient pris par le doute.

En vérité le devoir moral qui soudain incombait à la gauche et à l’écologie n’aurait pas dû leur incomber, ou du moins pas à elles seules. Si la droite, en PACA, avait de façon irréprochable et dans une clarté sans cesse renouvelée, fait barrage dans son propre camp aux idées d’extrême droite, la gauche et l’écologie auraient sans aucune hésitation constitué le fameux front républicain tant demandé.

La progression des idées d’extrême droite en France est telle que les lignes sont brouillées partout. L’extrême droite a semé ses graines dans les médias, dans la droite républicaine, dans la majorité présidentielle mais aussi à gauche. Il suffit de regarder CNEWS, de lire de contenu des lois dites de sécurité globale ou sur le séparatisme ou d’écouter un discours de Manuel Valls pour le constater.

A la dédiabolisation du RN s’ajoute la diabolisation de La France Insoumise. Une partie de cette nouvelle extrême droite exige désormais un front républicain anti-France Insoumise. Le renversement des valeurs est à son comble et une nouvelle injonction est désormais faite à la gauche de se séparer de la France Insoumise (injonction qu’avait anticipé EELV en PACA en refusant toute alliance avec la FI dans la liste de Jean-Laurent Félizia).

Or les ressorts de cette diabolisation de la France Insoumise ne relèvent pas d’une conception différente de la stratégie de développement économique (libéralisme – antilibéralisme) ou d’enjeux stratégiques majeurs (fédéralisme européen - frexit) mais, au fond, du déferlement de l’accusation d’islamo-gauchisme par la droite mais aussi et surtout par La République En Marche et les membres du gouvernement.

Cette diabolisation et cette nouvelle injonction faite à la gauche et à l’écologie est révélatrice car elle repose sur le triomphe de thèmes sociétaux, identitaires et sécuritaires qui saturent l’espace médiatique : l’obsession de l’islam et de la laïcité, le renoncement aux libertés individuelles devant la menace terroriste ou le risque sanitaire, le renouvellement perpétuel d’états d’urgences successifs rompant avec la séparation des pouvoirs, les atteintes répétées aux droits de la presse, de l’opposition, des associations, des manifestants, etc.

Or c’est très précisément sur chacun de ces thèmes que la droite traditionnelle doit se démarquer de l’extrême droite. C’est là la condition sine qua non de la légitimité à la fois de sa demande aux forces politiques de constitution d’un front républicain et à la fois de sa demande aux électeurs humanistes d’un vote à sa faveur.

Mesdames et Messieurs les représentants de la droite encore républicaine, la balle est dans votre camp.

mercredi 14 avril 2021

Convoqué par l'Aide Sociale à l'Enfance ? Vous ressortirez menotté !

 Communiqué de presse 

 Convoqué par l'Aide Sociale à l'Enfance ? Vous ressortirez menotté ! 

Nous, bénévoles de l'association Tous Citoyens et avocats membres du Syndicat des Avocats de France, dénonçons avec la plus grande fermeté les pratiques mises en œuvre par le Département et la Préfecture des Alpes-Maritimes :

De jeunes exilés ayant demandé la protection de l'enfance en qualité de Mineur Non Accompagné (MNA) mais ayant été évalués majeurs par l'Aide Sociale à l'Enfance (ASE) sont convoqués dans les bureaux du Département 06, au Centre Administratif des Alpes-Maritimes, pour que leur soit notifiée leur fin de prise en charge. Ils sont, au sortir de cet entretien, arrêtés par la police, quasi systématiquement menottés et placés en retenue administrative, sans pouvoir bénéficier des conseils d'une permanence juridique. Après une audition expéditive et plusieurs heures au sein du local de retenue de la caserne Auvare, Il leur est notifiée une Obligation de Quitter le Territoire Français (OQTF), porte ouverte à l’expulsion.

Cette procédure est d'une violence extrême pour des jeunes exilés ayant très souvent subi des sévices durant leur migration et présentant fréquemment des symptômes post-traumatiques. Elle entraîne une privation de l’exercice effectif de leurs droits : on explique aux jeunes qu'ils peuvent contester leur OQTF mais sans leur donner les moyens matériels d'exercer un recours, en les laissant seuls, à la rue, sans argent et sans accompagnement, avec 48h pour contester ladite décision et, souvent, sans même comprendre le français. 

L'avenir de ces jeunes qui ont subi, de leur exil et leur migration à leur arrivée en France, bien des souffrances, se trouve ainsi brisé, subissant de nouvelles entraves dans l'accès à leurs droits.

Il est, de plus, extrêmement choquant qu'un service social procède à des signalements donnant lieu à des arrestations par la police concernant de jeunes exilés ne présentant pas de menace pour l'ordre public. Ce procédé jette un discrédit sur l'ensemble de l'action sociale et est contraire au modèle social français. 

Nous demandons à Charles Ange Ginesy, Président du Département des Alpes-Maritimes et à Bernard Gonzalez, Préfet des Alpes-Maritimes, de mettre immédiatement fin à ces pratiques choquantes. 

Nous demandons à Claire Hédon, Défenseure des droits, que nous saisissons, d'intervenir auprès d'eux dans l'hypothèse où ils maintiennent ces pratiques.

Nous invitons, enfin, l'ensemble des acteurs concernés par la prise en charge des MNA (Département, Préfecture, Juge pour Enfant, structures de placement, associations bénévoles) d'accepter de dialoguer et d'œuvrer en commun pour un accueil digne et respectueux des droits de ces jeunes exilés dans les Alpes-Maritimes. 

vendredi 26 février 2021

Non à l'interdiction d'accès au bord de mer à Nice !

"Homme libre toujours tu chériras la mer" écrivait le poète. L'interdiction d'accès au bord de mer à Nice est absurde et contre-productive. L'insatiable et irrépressible besoin d'interdire de certains dirigeants touche au ridicule mais n'en demeure pas moins pénalisant pour habitants.


Interdire l'accès au bord de mer à Nice, en plus des mesures gouvernementales prises en concertation et à l'identique pour les différentes communes concernées, est absurde.

Quand la Ville de Nice comprendra-t-elle que la contamination est plus forte en espace clos qu'en extérieur ?

Osera-t-on nous dire que nous avons plus de risques de contamination sur le sentier du littoral que dans la file d'attente d'un supermarché ?

La municipalité anticipe-t-elle les conséquences de ses décisions ? Où les familles vont-elles pouvoir emmener les enfants durant ces week-end de vacances scolaires ? Interdire le bord de mer c'est immanquablement provoquer une concentration de population dans les parcs et jardins.

Quand Christian Estrosi comprendra-t-il que nous avons besoin de la mer, de son immensité, de cette infinie sensation de liberté qu'elle nous procure ?

Le sentier du littoral, la Réserve, la Promenade des Anglais, on dirait qu'entre arguments sécuritaires et sanitaires tout prétexte est bon pour priver les Niçois de ces sites incomparables.

Tout se passe comme si, chaque fois que la décision échappe au pouvoir du maire, certains maires se sentent obligés de montrer qu'eux aussi ont ce pouvoir suprême d'interdire, quitte à transformer le pouvoir politique local en simple pouvoir de nuisance.

vendredi 29 janvier 2021

Notre seuil démocratique de tolérance est atteint

L’exigence citoyenne de démocratie, de cohérence et de justice sociale face aux privations de libertés dues aux restrictions sanitaires est pleinement légitime. L'équation est simple : plus la démocratie fera défaut et moins les mesures imposées, quand bien même elles seraient indispensables, seront acceptables et acceptées. Notre seuil démocratique de tolérance est atteint.

La fable du monde d'après

Lors du premier confinement, un débat s'est engagé sur le "monde d'après". Nous étions nombreux, sceptiques, à ne pas croire à cette soudaine prise de conscience sociétale allant jusqu'au plus haut sommet de l'État. J'indiquais, le 28 mars 2020, qu'il n'y aura pas de monde d'après. Nous sommes entrés dans un continuum de crises successives qui, désormais, caractérise notre époque. Nous devons repenser notre agir collectif et individuel afin d'être collectivement et individuellement aptes à résister et à surmonter ces crises. Mais nous devons être aptes à vivre et à nous émanciper en temps de crise, précisément pendant celle que nous traversons, quelle que soit sa nature et ses effets. Je reprenais alors trois propositions connues de tous afin de nous permettre de traverser la crise actuelle en nous donnant les moyens d'anticiper celles à venir : 

1. Préserver nos contre-pouvoir et notre démocratie en temps de crise, ce qui implique de ne pas succomber à la tentation de l'État d'urgence.

2. Tendre vers une économie démondialisés et éco responsable. J'ai ensuite précisé en quoi la démondialisation ne peut être qu'écologique et humaniste.

3. Garantir un revenu universel à chacun. Et l'on voit aujourd'hui l'urgente nécessité de protéger les plus démunis et notamment les jeunes.

Dix mois plus tard, où en sommes-nous ? Le continuum de crise est bien là et, dans les Alpes-Maritimes d'où j'écris ces mots, nous avons été successivement submergés par la crise du Covid, l'attentat terroriste de la Basilique Notre Dame à Nice et la tempête Alex dans les vallées de la Tinée, la Vésubie et la Roya. Les atermoiements du pouvoir sont allés de mal en pis, infantilisant les citoyens et officialisant une gestion au coup par coup, sans aucun point de repère tangible dans un océan d'incertitudes. Le changement radical permettant de reconnaitre l'importance et de mieux rémunérer celles et ceux assurant des fonctions essentielles n'a pas eu lieu. Pire, le chômage partiel, les faillites et le recours aux minimas sociaux ont explosés. Des pans entiers d'activités faisant le propre de notre humanité ont été déclarés non essentiels comme l’art et les spectacles ou l'enseignement et la recherche universitaires, sans pour autant que les activités reconnues essentielles ne soient revalorisées. Le changement radical permettant de relocaliser les productions stratégiquement indispensables n'a pas eu lieu. La prise de conscience écologique est restée lettre morte. Après la pénurie des masques et la lenteur des tests vint la farce des vaccins. Ceux qui s'avèrent incapables de gérer la crise sont, de fait, inaptes à la surmonter. Les dégâts économiques, sociaux et psychologiques engendrés par cette non gestion de crise sont terribles. Et lorsque les citoyens exercent leur esprit critique et s'interrogent légitimement sur les mesures gouvernementales le Président voit en eux des "procureurs", formalisant ainsi une défiance des gouvernants face à la simple expression de la citoyenneté des gouvernés.

Homme providentiel, État d'urgence et décisionisme : une pensée d'extrême droite

Dans un fonctionnement démocratique normal, le parlement aurait voté, après le premier confinement, les mesures et dispositifs à mettre en place en cas de propagation faible, forte ou critique du Covid-19, avec des seuils clairement définis et les contraintes sanitaires correspondantes. Les citoyens, dûment représentés et correctement informés, auraient su à l'avance ce qui allait advenir au fur et à mesure de l'évolution de la contagion. Au lieu de cela, sous couvert d'un état d'urgence sanitaire fallacieux, nous assistons à une mise en scène du pouvoir aux mains d'un seul. Les citoyens sont contraints d'attendre ses allocutions télévisées comme celles d'un oracle, dans une fausse urgence sans cesse entretenue. Nous devons modifier notre mode de vie du jour au lendemain et plus l'incertitude perdure et plus la prédominance de celui qui décide en dernier ressort est grande. Emmanuel Macron a saisi l'opportunité de s'assurer enfin une stature de chef d'État, reprenant volontairement un vocabulaire martial et nous déclarant "en guerre". Plus cette situation d'urgence dure, plus l'effort de guerre demandé est lourd, et plus le citoyen accepte de suspendre l'exercice de sa citoyenneté et de s'en remettre à l'homme providentiel qui, seul, guide le peuple. Mais ce calcul du pouvoir est un jeu dangereux. Il pousse le citoyen dans ses derniers retranchements et, passé le discours culpabilisateur, la menace à peine voilée se fait jour : refuser d'obéir aveuglément fait automatiquement de vous un dissident.

On nous explique gentiment qu'un fonctionnement démocratique normal ne nous permet pas de faire face à une situation de crise où il faut prendre des décisions en urgence. On justifie ainsi le transfert des compétences du pouvoir législatif au pouvoir exécutif. On décrète un état d'urgence que l'on renouvelle sans cesse, devenant peu à peu permanent. La légitimité des décisions jusqu'alors fondée sur la représentativité des parlementaires n'est plus. C'est la décision seule qui préside et non la norme. Or l'histoire des idées politiques a une mémoire et cette théorie porte un nom : le décisionisme. Étrange mise en garde de l'Histoire, elle fut principalement portée par des penseurs d'extrême droite, Carl Schmitt en tête, théoricien du parti Nazi. Carl Schmitt écrivait : "Est souverain celui qui décide de la situation exceptionnelle". Entretenir une situation exceptionnelle sans cesse renouvelée par de nouvelles menaces permet ainsi de maintenir la figure du souverain et, de fait, la servitude, volontaire ou non, des gouvernés. Cette suspension de la démocratie est contraire avec tout ce qui fait l'identité politique de la France et rompt avec la séparation des pouvoirs. Elle prive le citoyen de l'exercice de sa citoyenneté. Elle n'est démocratiquement pas acceptable. Ce n'est pas cela, la démocratie.

Le seuil démocratique de tolérance

Nous avons accepté le premier confinement, puis le second. Nous avons accepté dociles, de ne sortir qu'une heure par jour dans un rayon d'un kilomètre. Nous avons accepté les auto-attestations vides de sens, les contrôles de police et, dans certaines villes, les drones et les haut-parleurs. Nous avons subi le discours martial, les déclarations de guerre contre un ennemi invisible, les laisser-passer et les couvre-feux. Nous avons été infantilisés et culpabilisés. Nous nous sommes résolus à ne plus nous voir, à nous priver de nos proches, à nous priver d'une part de nous-même en nous privant de relation sociale et de chaleur humaine. Des couples séparés par un confinement trop soudain, des séniors isolés, des jeunes privés d'avenir. N'y avait-il réellement aucune autre alternative ? Des accouchements avec masque et présence interdite du père, des mariages sans cesse reportés, des décès en EHPAD avec présence interdite ou très limitée de la famille. Est-ce ainsi que nous voulons vivre ?

Nous sommes prêts à bien des sacrifices encore mais il faut que les décisions prises soient partagées, que nous soyons consultés et que nos représentants aient un réel pouvoir de décision. Il ne s'agit pas de tirer au sort une trentaine d'entre nous pour donner le change. Il ne s'agit pas de reporter sans cesse les élections comme si la vie démocratique et notre pouvoir de décision étaient subsidiaires. Nous sommes prêts à participer encore davantage à notre lutte commune contre la propagation du virus mais encore faut-il que des explications claires et probantes nous soient données :

- Qui est en mesure de démontrer que le risque de contamination est plus grand assis dans une salle de théâtre, en respectant gestes barrières et distances physiques, que dans la file d'attente d'un supermarché ? 

- Qui peut démontrer que le risque de contamination est plus grand à 18h30 qu'à 17h30 ? 

- Qui peut nous expliquer pourquoi écouter un quatuor de Schubert à l'opéra est interdit quand aller au Puy-du-Fou est permis ? 

- Qui rendra des comptes sur la fermeture inutile des librairies quand les bureaux de tabacs restaient ouverts ? 

- Qui justifiera la mise économique à mort des clubs de sports amateurs quand les clubs professionnels jouent et passent à la télé ? 

- Qui nous prouvera qu'il est logique de fermer les restaurants respectant gestes barrières et distances physiques quand les cantines sont ouvertes ?

- Qui viendra expliquer pourquoi une manifestation contre une mesure gouvernementale est interdite pour raisons sanitaires quand le gouvernement appelle lui-même à manifester contre le terrorisme suite à un attentat ? 

- Qui rendra des comptes sur l'inadmissible fermeture des universités ? 

- Qui osera mettre dans la balance, de façon étayée, les conséquences économiques, sociales et psychologiques des restrictions sanitaires et leur efficacité démontrée ?

- Qui peut, enfin, nous démontrer que l'on agit avec autant d'énergie et de moyens pour lutter contre les autres principales causes de mortalité que contre la Covid ? 

Nous pourrions continuer longtemps la liste des incohérences, iniquités, décisions arbitraires et absurdes que nous subissons au quotidien.

Avant de proposer de prolonger des restrictions sanitaires et de reconfiner à nouveau, il faudrait a minima démontrer l'utilité des mesures sanitaires déjà prises, des couvre-feux et des confinements précédents.

Porter le masque, limiter les relations sociales, se confiner partiellement ou totalement, tout cela ne peut être sérieusement envisagé que s’il est prouvé, à l'issu d'un débat contradictoire libre et non faussé et d'un vote des parlementaires non tronqué, que ces mesures sont réellement indispensables et qu'il n'y a aucune autre alternative. 

L’exigence de démocratie, de cohérence, de transparence et de justice sociale face aux privations de libertés et aux atteintes à la vie privée provoquées par les restrictions sanitaires est pleinement légitime.

L’équation est simple : plus la démocratie fera défaut et moins les mesures sanitaires imposées, quand bien même elles seraient indispensables, seront acceptables et acceptées.

Aujourd'hui la réalité à est là : notre seuil démocratique de tolérance est atteint. 

lundi 4 janvier 2021

Xénophobie municipale à Nice

Christian Estrosi m'attaque à nouveau en justice. Le prétexte ? J'ai constaté que Nice avait un maire xénophobe, c'est-à-dire "hostile aux étrangers". Or l'analyse de la politique menée à Nice le confirme amplement. Y a-t-il une xénophobie municipale à Nice ? Audience le 11 janvier à 13h30 au TGI de Nice.

Certains détenteurs du pouvoir n'aiment pas les voix qui dérangent. Après m'avoir fait condamner à verser plus de 10 000 € pour avoir osé dire qu'il fallait mettre fin à la corruption à Nice (j'ai fait appel de cette décision sidérante), Christian Estrosi m'attaque en justice pour injure publique car j'ai dit tout haut ce que beaucoup pensent tout bas : Nice a un maire xénophobe.
Le prétexte de cette nouvelle action en justice à mon encontre est un tweet de campagne électorale pour les municipales daté du 15 février 2020. Après un sondage où la liste dont j'étais membre n'était pas dans le trio de tête j'ai exhorté les électeurs à réagir :
"Un dernier sondage place C. Estrosi en tête, suivi de P. Vardon et JM Governatori : un maire xénophobe qui a surendetté la Métropole, un extrémiste identitaire et un affairiste prêt au pire. Amis Niçois, la servitude volontaire n'est pas une fatalité, votez @vivanice2020 ;-)"
On notera au passage que Christian Estrosi ne conteste pas avoir surendetté la Métropole. Par contre il estime que dire qu'il est un maire xénophobe est une injure publique.
Or il s'agit là d'un simple constat :

1. Le mot "xénophobe" n'est pas une injure
Si traiter quelqu'un de "raciste", de "facho" ou de "nazi" comporte une dimension péjorative, le terme "xénophobe", lui, n'est ni insultant ni injurieux. D'ailleurs, aucun dictionnaire ni aucune encyclopédie ne mentionne d'usage péjoratif à ce mot.
La xénophobie est, étymologiquement, un composé de deux mots de grec ancien : la peur (phobos) de l'étranger (xénos). Elle relève donc avant tout du domaine du ressenti et de la psychologie.
"Xénophobe", selon le Larousse, le Robert ou l'Encyclopédie Universalis, se dit de quelqu'un "qui est hostile aux étrangers", qui manifeste une attitude ou un comportement hostile vis-à-vis des étrangers ou de ce qui vient de l'étranger, de l'extérieur.
A la différence du racisme ou du racialisme, la xénophobie ne se réfère pas à une théorie des races, à l'eugénisme ou à toute forme élaborée et théorisée de supériorité d'une race sur une autre ou, de façon plus générale, de classification des êtres comme supérieurs ou inférieurs. Elle témoigne simplement d'un sentiment de crainte pour la préservation de sa propre identité et se manifeste par un phénomène de rejet de tout ce qui pourrait mettre en péril son identité.
La sociologie et la psychologie sociale nous apprennent que la xénophobie repose sur un ethnocentrisme faisant du groupe ethnique auquel on appartient le seul modèle de référence accepté. La figure de l'étranger rompant avec ce modèle de référence prend tour à tour, en France, le visage de l'immigré, du musulman, du Rom ou du migrant.
Politiquement, cela se traduit par des propos et des prises de décisions hostiles à ce qui est assimilé à l'étranger et par une sur-valorisation de l'identité locale. La politique menée à Nice répond pleinement à ces deux caractéristiques dominantes.

2. Une politique xénophobe à Nice
Christian Estrosi mène à Nice une politique hostile aux étrangers.

Il a pris plusieurs arrêtés municipaux significatifs :
- Arrêté interdisant les drapeaux étrangers durant la coupe d'Europe de foot (annulé par le Tribunal Administratif de Nice en 2014)
- Arrêté interdisant les mariages bruyants en visant explicitement les "you-you"
Arrêté anti-burkini (suspendu puis retiré suite à la décision du Conseil d'Etat cassant l'arrêté de Villeneuve Loubet du 26 août 2016)
Il mène une politique d'aménagement discriminante notamment en repoussant le plus longtemps possible le désenclavement du quartier sensible de l'Ariane.
Il s'acharne à faire fermer un lieu de culte musulman, la mosquée En-Nour, après deux enquêtes publiques biaisées et un refus de signer l'ouverture du lieu malgré le rappel à l'ordre de la justice et de la Préfecture. Pour mémoire, l'arrêt du conseil d'Etat du 30 juin 2016 concernant l'Institut Niçois En-nour stipule que la Ville de Nice s'est livrée à "une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté fondamentale" qu'est la liberté de culte.

Si Christian Estrosi a, à raison, tout fait pour interdire les prestations de Dieudonné à Nice, la Ville de Nice a invité plusieurs fois Eric Zemmour à donner des conférences alors qu'il avait déjà été condamné pour incitation à la haine et qu'il le sera à nouveau ensuite.

Christian Estrosi a, en sa qualité de maire, déclaré à des Roms, en 2013, lors d'une altercation : "j'en ai maté d'autres, je vous materai". Il a ensuite envoyé à tous les maires de France un "mode d'emploi" pour lutter contre l'installation des Roms dans leur ville.

Il a déclaré sur Europe 1, à propos du droit de vote des étrangers aux élections municipales : "Ce qui me révolte le plus, c'est donner le droit de vote à des personnes qui haïssent la France" affirmant ainsi que tous les étrangers non communautaires résidant en France haïssent la France.
Toujours en 2013, il a affirmé que "L'islam est totalement incompatible avec la démocratie", sans opérer aucune distinction entre "islam" et "islamisme".
La xénophobie, hostilité envers toute personne assimilée à la figure de l'étranger, appliquée en terme de gestion d'une collectivité territoriale, n'est donc pas une affaire d'étiquette politique : même si Nice n'est pas dirigée par le Rassemblement National, il y a bien une "xénophobie municipale" à Nice en tant que politique publique.

3. Des faits déjà constatés et dénoncés :
Suite à ses propos sur les Roms et sur l'islam en 2013, SOS Racisme et le MRAP ont déposé plainte contre Christian Estrosi pour incitation à la haine raciale et ses déclarations ont été largement dénoncées :

François Lamy, alors ministre de la ville a déclaré que les propos de C. Estrosi étaient "imbéciles et dangereux".
David Assouline, alors sénateur et porte parole du PS a déclaré : « tout, dans la diatribe de M. Estrosi, sent mauvais. La xénophobie suggérée, l’appel presque assumé à se faire justice soi-même, le phrasé anti socialiste primaire, la remise en cause de la laïcité à propos de l’islam. L’extrême droite ne peut pas faire beaucoup mieux. Mais comme à chaque fois, c’est elle qui tirera les marrons du feu »
Manuel Valls, alors ministre de l'intérieur, a déclaré : « Les propos du maire de Nice sont l’émanation d’une politique passée qui a fait du mal à la France, celle de l’amalgame et de la stigmatisation ».
Lutte ouvrière a dénoncé la "démagogie xénophobe" de C. Estrosi suite à ses propos sur la "cinquième colonne islamiste en France".
De nombreuses plaintes ont été déposées par des membres de la communauté Tchétchène et par la Ligue des Droits de l'Homme contre Christian Estrosi en juillet 2020, suite à ses propos sur BFM stigmatisant la communauté tchétchène dans son ensemble, qui, selon lui, "lutte pour avoir le monopole du marché de la drogue".
Je suis donc loin d'être le seul à avoir constaté la xénophobie du maire de Nice même si je suis étrangement le seul qu'il attaque en justice.
La xénophobie est un fait social. Dire qu'une politique publique est xénophobe est fondé dès lors que l'on constate qu'effectivement cette politique est hostile aux étrangers. Un maire xénophobe est un maire qui met en œuvre une telle politique. Or cette xénophobie municipale engendre des discriminations qui brisent l'égalité républicaine et portent atteinte aux libertés individuelles et à la fraternité. Dénoncer et lutter contre les discriminations est le devoir de tout citoyen.

L'évaluation citoyenne des politiques menées nationalement comme localement devrait donner lieu à des débats publics argumentés permettant à chacune et chacun de se forger sa propre conviction. La judiciarisation excessive de la vie publique ampute le débat démocratique et menace la liberté d'expression individuelle et collective. 

Audience le 11 janvier à 13h30 au Tribunal de Grande Instance de Nice.

dimanche 1 novembre 2020

Après l'attentat de la basilique Notre Dame à Nice, six erreurs à ne pas commettre

L'attentat de la basilique Notre Dame à Nice a donné lieu à une surenchère de propositions contraires aux valeurs de la République et de la démocratie françaises. Ces propositions donnent raison au terrorisme en incitant à renoncer de nous-même à défendre ce que le terrorisme combat : l'Etat de droit, la liberté, l'égalité, la laïcité, l'accueil et l'esprit des Lumières.

Ils s'appelaient Nadine, Simone et Vincent, trois niçois assassinés lors de l'attentat islamiste du 29 octobre 2020. Après l'attentat du 14 juillet 2016 faisant 86 victimes, Nice est à nouveau endeuillée. L'attentat de la basilique Notre-Dame nous a plongés dans l'effroi et la sidération devant l'horreur. Quasiment en même temps que les informations tombaient, les discours de Christian Estrosi et d'Éric Ciotti, incitaient à renoncer à la défense des droits de l'homme et aux libertés individuelles pour lutter contre le terrorisme. Le soir même, à Nice, une manifestation identitaire aux propos clairement islamophobes était organisée en toute impunité. Déjà, après la décapitation de Samuel Paty, le concours des propositions sécuritaires les plus invraisemblables était lancé. De la transformation de la laïcité en sécularisation à la reprise décomplexée des idées d'extrême droite, une grande partie de la classe politique et médiatique accélérait sa dérive. Le gouvernement qui avait lancé des accusations irresponsables d'islamo-gauchisme contre une partie de la gauche et contre l'université poursuit sa volonté d'asseoir un contrôle politique sur le savoir et sur la recherche.

Il est temps de dire stop et de revenir à la raison. Pour l'esprit des Lumières, pour ce qui fait les valeurs de notre République, la tolérance, les libertés, l'égalité et la fraternité, pour pouvoir lutter efficacement contre le djihadisme, et pour Nice, ma ville.

Six erreurs à ne pas commettre :

1. Ne pas renoncer à l'Etat de droit

Ce qui différencie, entre autres, un État de droit de la barbarie, c'est qu'il agit dans le respect du droit. Le terrorisme islamiste combat la liberté et l'égalité. Il combat la démocratie. Si la France, démocratie et, aux yeux du monde, symbole de la démocratie, renonçait d'elle-même à ce qui fait son identité de "pays des droits de l'Homme", elle offrirait la plus belle des victoires au terrorisme.

Lorsque Christian Estrosi annonce devant la basilique Notre-Dame, une heure à peine après l'attentat, que les "droit-de-l'hommistes" empêchent de lutter contre le terrorisme, quand Eric Ciotti déclare une heure plus tard que les "prétendues libertés individuelles protègent les terroristes", ils font très précisément ce que les djihadistes espèrent et ils leur offrent une victoire idéologique déterminante.

Lorsque que Christian Estrosi appelle à un "droit de guerre" et qu'Éric Ciotti, propose d'ouvrir un "Guantanamo à la française" pour les personnes radicalisées ayant purgé leurs peines carcérales ou étant fichées "S", alors que Guantanamo symbolise précisément le renoncement à toutes les règles de droit, le recours à la détention illégale et à la torture, et alors que ni l'auteur de l'attentat de Conflans-Sainte-Honorine ni celui de l'attentat de Nice n'étaient connus des services de police ou étaient d'anciens détenus, on touche à l'absurde.

2. N'ajoutons pas de la haine à la haine 

La manifestation identitaire qui s'est déroulée le soir même de l'attentat, à Nice, alors que le confinement interdit toute manifestation publique non déclarée dans les temps, n'aurait pas dû avoir lieu. On y a entendu des propos clairement islamophobes : "On est chez nous" suivi de "islam hors d'Europe". La situation à Nice est plus que tendue entre d'un côté l'incrimination, faite par certains, de toute personne de confession musulmane ou supposée l'être car d'origine maghrébine et, de l'autre, des provocations de personnes défendant à demi-mots le terroriste. Déjà, l'attentat du 14 juillet 2016 avait donné lieu à Nice à des tensions et des invectives, sans compter les polémiques politiciennes indécentes (lire ici). Toute incitation à ces excès fautifs, d'un côté comme de l'autre, est irresponsable et dangereuse.

De même la mise en place d'un numéro vert par le ministère de l'intérieur pour dénoncer toute soupçon de radicalisation présente un risque de délation généralisée et peut servir de prétexte pour régler des litiges personnels, nuire à des personnes sous prétexte qu'elles sont de confession musulmane, etc. Nous devons préserver l'unité nationale et non attiser la défiance. 

Notre constitution prévoit l'égalité des citoyens devant la loi sans distinction d'origine, de race ni de religion et nous pourrions y ajouter "sans distinction de genre". Cette égalité républicaine doit être protégée. Y renoncer est un non-sens. Or stigmatiser des personnes innocentes parce que d'autres personnes instrumentalisent à des fins terroristes la religion à laquelle elles croient, c'est enfreindre l'égalité républicaine. L'islamophobie, point de convergence des haines (lire ici) doit être combattue au même titre que l'antisémitisme, l'homophobie ou tout autre forme de discrimination. Le fondamentalisme islamiste est porteur de haine et de souffrance. N'y répondons pas par la haine. Ne devenons pas semblables à ceux que nous combattons.  

3. Combattre le terrorisme, pas les musulmans

Christophe Castaner énonçant le 8 octobre 2019 une liste de comportements indiquant une radicalisation parmi lesquels le port de la barbe, Michel Blanquer, expliquant le 13 octobre 2019 que l'éducation nationale doit signaler tout comportement anormal parmi lesquels celui d'un petit garçon qui, à l'école, refuserait de donner la main à une petite fille ou Gérald Darmanin, le 21 octobre 2020, se disant choqué de voir des rayons "communautaires" dans les supermarchés : autant d'éléments attestant d'un amalgame aussi stupides que dangereux entre islam et islamisme de la part de ministres en fonctions. En procédant ainsi on stigmatise injustement les français de confession musulmane et on s'empêche, en se trompant d'ennemi, de lutter efficacement contre le terrorisme.

Parler de "radicalisation" et d'islam "radical" laisse penser qu'il n'y a qu'une différence de degrés et non une différence de nature entre l'islam et l'islamisme, entre l'islam et le terrorisme. On serait musulman et on pourrait devenir peu à peu islamiste ou terroriste. Pire, tout musulman serait un terroriste potentiel. Et comme tout maghrébin est, dans l'inconscient collectif, supposé être musulman, le jeu des amalgames amène à banaliser le racisme anti-arabe sous couvert de lutte contre le terrorisme. Il serait plus juste de parler de processus de "djihadisation" que de "radicalisation" (lire ici). 

Il ne s'agit pas ici de soutenir que le terrorisme islamiste n'a rien à voir avec l'islam puisqu'il s'en réclame. Mais si des attentats sont revendiqués au nom d’une religion, cela ne veut pas dire que cette religion contiendrait intrinsèquement le germe de son dévoiement. L'instrumentalisation d'une croyance pour asseoir une domination politique n'est pas un phénomène nouveau. Que l’on se souvienne des Croisades, de la Reconquista, de la torture sous l’Inquisition ou de la Saint Barthélémy. On parle aujourd'hui "d'islam politique" mais on ne parle pas en désignant cette époque de "christianisme politique". De même quand l'Etat l’Israël mène une politique d'extension des colonies juives dans les territoires occupés, on ne parle pas de "judaïsme politique". Il s'agit d'entreprises politiques qui cherchent dans la religion une justification à leur tentatives de domination. L'Histoire a démontré que l'on peut se servir de toute religion ou idéologie quelle qu'elle soit, en la dénaturant et en l'instrumentalisant à des fins politiques. Que l'on se souvienne également du décalage entre l'idéal communiste et les goulags staliniens... 

Alors que les millions de français de confession musulmane démontrent au quotidien que la pratique de leur foi ne menace par la Nation, la légitimation, l'organisation et l'institutionnalisation de l'islamophobie en France par le Président de la République et par le gouvernement constitue une faute politique majeure.

4. Ne pas dénaturer la laïcité

Imaginons que l'on renonce, demain, à la loi de 1905 et que tout signe religieux soit interdit dans l'espace public, au travail et dans les administrations. Plus de voile, de burka, de burkini, plus la moindre coiffe de nonne, croix, kippa ou étoile de David. Les attentats cesseront ils en France ? A l'évidence non, et la laïcité la plus dure n'empêchera jamais le fanatisme de frapper. 

La laïcité n'est pas un instrument de lutte contre le terrorisme. Elle n'est pas la négation du fait religieux, elle garantit au contraire la liberté de culte et de conscience de chacun dans le respect de la loi. Elle demeure avant tout un principe émancipateur. Transformer la laïcité en posture anti-religieuse serait en réalité abandonner la laïcité au profit d'un processus de sécularisation. De même, la volonté des gouvernements successifs de réformer l'islam de France et de former les imams est contraire au principe de laïcité (lire ici). 

La laïcité ne doit servir ni de compensation à notre frustration collective de ne pouvoir éradiquer la menace terroriste, ni de paravent à un racisme anti-arabe qui profite de la peur des attentats pour se répandre. Elle ne doit pas non plus servir de prétexte pour réaffirmer la prédominance de l'identité religieuse chrétienne de la France contre l’islam comme le font, à la suite de Nicolas Sarkozy, Eric Ciotti (lire ici) ou Christian Estrosi (lire ici et ici). La laïcité n'est pas à géométrie variable et l'affirmation quasi obsessionnelle de la primauté de la culture chrétienne sur l'islam ne peut que contribuer à entraver encore un peu plus le vivre-ensemble. La logique de guerre des civilisations est ainsi importée en France au travers une néfaste guerre des identités. 

5. Ne renoncer ni à l'asile ni à la protection de l'enfance

L'auteur de la tentative d'attentat devant les anciens locaux de Charlie Hebdo était un mineur isolé étranger. L'auteur de la décapitation de Samuel Paty faisait partie d'une famille ayant obtenu l'asile lorsqu'il était âgé de 10 ans. L'auteur du second attentat de Nice est un tunisien passé par l'Italie. Certains en concluent à la nécessité de renoncer à la protection de l'enfance des mineurs isolés étrangers, proposent de stopper l'application de la convention de Genève et de renoncer au droit d'asile ou de fermer nos frontières.

Or il est malheureusement possible que, demain, de nouveaux djihadistes auteurs d'attentats ou de tentatives d'attentat en France soient français, comme cela a été le cas dans le passé. A Nice, de nombreux français dont certains récemment convertis, se sont laissés embrigader dans la cellule de recrutement d'Omar Omsen. Nous avons subi, en France, un terrorisme commandité par des Etats étrangers, un terrorisme organisé par des mouvements djihadistes, puis des actes terroristes émanant de personnes isolées sans forcément de commanditaires extérieurs, tout autant commis par des français, des personnes de nationalité étrangère résidant légalement en France ou des personnes migrantes arrivées récemment. Le caractère protéiforme du terrorisme le rend encore plus difficile à combattre. Mais faire croire que chasser les étrangers et fermer les frontières permettra d'éradiquer tout phénomène terroriste est un leurre.

De plus, de très nombreux migrants fuient le fondamentalisme. De nombreux bénévoles associatifs à Nice, et j'en fais partie, accompagnent et accueillent des jeunes filles promises à des mariages forcés, des mères voulant protéger leurs filles de l'excision, des personnes évadées des prisons de Boko Haram, de jeunes homosexuels ayant subi des sévices et des séquestrations suite à l'application de la charia, etc. Nous ne devons pas renoncer à notre tradition d'accueil ni au respect des conventions internationales qui permettent aux victimes du fondamentalisme de trouver refuge en démocratie. Mais comment alors se prémunir de l'intrusion de djihadistes parmi les exilés ? Une fermeture totalement étanche des frontières est illusoire et n'est pas souhaitable. Il est, par contre, totalement contre-productif de laisser des personnes dans l'attente de l'examen de leurs demandes pendant des mois sans que personne n'ait pu les recevoir de façon adéquate ni réellement étudier leur situation. Les délais de traitement des procédures d'asile sont indécents mais lorsque le gouvernement a tenté de légiférer pour accélérer la procédure avec la loi asile-immigration portée par Gérard Collomb, cela s'est soldé par des procédures bâclées, non seulement irrespectueuses des droits des demandeurs d'asile mais également inaptes à permettre la détection de personnes dangereuses. 

6. Ne pas contrôler politiquement le savoir et la recherche

Le ministre de l'éducation Jean-Michel Blanquer a proféré le 22 octobre 2020 des accusations graves et inacceptables contre l'université : "Ce qu’on appelle l’islamo-gauchisme fait des ravages. Il fait des ravages à l’université, il fait des ravages quand l’UNEF cède à ce type de chose, il fait des ravages dans les rangs de La France insoumise (...). Ces gens-là favorisent une idéologie qui, ensuite, de loin en loin, mène au pire ». Cette accusation de "complicité intellectuelle avec le terrorisme" vient conforter un sentiment de défiance du gouvernement vis-à-vis du savoir, déjà exprimée par Emmanuel Macron à propos de l'histoire coloniale française dans la préparation de la loi sur le "séparatisme".

Dans la foulée, la sénatrice Laure Darcos (LR) a introduit un amendement à la loi de programmation de la recherche stipulant que « Les libertés académiques s’exercent dans le respect des valeurs de la République. »  Or la recherche et l'enseignement universitaire doivent rester indépendants de toute tutelle politique ! Les travaux d'un universitaire doivent être évalués par ses pairs et non par un bureau administratif d'un ministère. L'Université respecte déjà la loi. Preuve en est l'interdiction de travaux présentant un caractère négationniste ou les poursuites engagées à l'encontre de professeurs aux propos négationnistes. D'où vient donc ce besoin de réaffirmer le respect des valeurs de la République ? Qui définira en dernier ressort le contenu de ces valeurs pourtant objets de tant de débats et d'interprétations différentes ?  

Il y a là, sous prétexte de lutte contre l'obscurantisme, une inadmissible atteinte à liberté de penser, à l'esprit critique, à ce qui fait le ressort de l'esprit des Lumières. Encore une fois, le fondamentalisme étouffe toute la liberté d'expression. Le totalitarisme veut à tous prix contrôler chaque aspect de la vie de l'individu et de la société, à commencer par le savoir et par l'enseignement. Et pour lutter contre le totalitarisme islamiste, nous poserions une chappe de plomb sur l'Université française ? Nous imposerions un contrôle politique à la recherche en France ? C'est à la fois contradictoire et totalement contre-productif.

Combattre les ennemis de l'Etat de droit, de la liberté et de l'égalité, de la laïcité, de l'accueil et de l'esprit des Lumières ne doit en aucun cas nous conduire à renoncer nous-mêmes et de nous-même à l'Etat de droit, à la liberté et à l'égalité, à la laïcité, à notre tradition d'accueil et à l'esprit des Lumières.