lundi 16 décembre 2013

Christian Estrosi a-t-il peur de la démocratie ?

On savait le Maire de Nice peu adepte de la démocratie locale et deux exemples récents, la question du tram et celle de la dette, l'ont largement démontré. Un troisième évènement vient clarifier les choses et s'avère plus significatif encore : l'ouverture de sa liste à deux cybermilitants de gauche par Patrick Allemand, candidat socialiste menant une liste de rassemblement de la gauche.
Un tramway nommé "délire" :
Le premier épisode récent du déni de démocratie locale de la part du Maire sortant est l'affaire de la ligne 2 du tramway. La ville de Nice bat des records de pics d'ozone tous les étés et l'air y est très pollué. La mise en service d'une seconde ligne de tram, d'Est en Ouest, est une priorité absolue pour la santé des Niçois. Pourtant, Christian Estrosi a reporté le lancement des travaux tout au long de son mandat. Il a d'abord décidé de faire le tram' sur la promenade des Anglais, en surface. Puis jusqu'à la gare Riquier, en souterrain. Puis jusqu'au port. Puis jusqu'au port mais en s'arrêtant à l'avenue Jean Médecin... Outre ces tergiversations coupables, les Niçois savent depuis longtemps que le sol de la ville est poreux et gorgé d'eau. L'histoire locale est truffée d'exemples de travaux s'arrêtant, de chantiers inondés, suite à des infiltrations d'eau jusqu'alors "imprévisibles" (Hôpital Pasteur II, Parking des Douanes, etc). Le Parti Socialiste local (dont je fais partie) a demandé au Maire sortant d'organiser le référendum local sur le tracé du tram. Il a refusé. Nous avons donc organisé une votation citoyenne à laquelle 8 470 Niçois ont participé, 91%  d'entre eux votant contre le passage du tram en souterrain. Il n'en a pas tenu compte. Nous avons lancé une pétition recueillant plus de 15 000 signatures contre le souterrain. Rien, le Maire de Nice a choisi de mépriser les 15 632 Niçois signataires de cette pétition. Il a ensuite tenté de faire croire aux Niçois que tout était joué, qu'il était trop tard : il s'est précipité pour lancer des appels d'offres et a inauguré plusieurs fois le début des travaux alors que le forage ne commencera que fin... 2014 ! Ce faisant, il a tout fait pour que le débat démocratique n'ait pas lieu, il le craint, il le fuit.
"Fils de Nice", mais "Père de la dette" :
Le second épisode relatant la dérive autocratique du Maire sortant est l'affaire de la dette. Christian Estrosi tente de masquer l'endettement de la Ville de Nice en transférant la dette sur la Métropole Nice Côte d'Azur. L'augmentation massive de celle qui est, chronologiquement, la première Métropole de France, est inquiétante. Sa capacité de désendettement est sérieusement remise en cause. Celui qui s'autoproclame "Fils de Nice" est en réalité le "Père de la dette". Partout où il est passé, du Conseil Général des Alpes-Maritimes à la Ville de Nice et à la Métropole, il a plombé les finances locales. Partout où il passe, les finances trépassent. Nous avons alors lancé une campagne pour informer les Niçois. Alors que n’importe quel autre maire sortant aurait tenté de défendre son bilan financier par des arguments et des analyses financières, lui, a tout simplement tenté de déplacer la question du champ du débat démocratique à la sphère judiciaire. Il a tenté de nous intimider en nous menaçant de nous attaquer en justice parce que nous disions la vérité sur l'endettement massif de la Métropole Nice Côte d'Azur ! Il a, pour ce faire, convoqué un conseil municipal extraordinaire. Mais, ce faisant, et au-delà de sa tentative pour museler l'opposition locale en début de campagne municipale, il a, encore une fois, tout fait pour que le débat démocratique n'ait pas lieu. Il tente de faire croire aux Niçois que c'est le juge qui décidera en dernier ressort, et non eux, citoyens appelés aux urnes en mars prochain. Il met en œuvre une nouvelle stratégie de contournement pour fuir le débat démocratique local et ne pas avoir à répondre de ses actes devant les citoyens.
Le web 2.0 ou l'entrée en lice des cybermilitants :
Le dernier épisode en date est la réaction des troupes estrosiennes à l'initiative prise par Patrick Allemand, candidat socialiste menant une liste de rassemblement de la gauche, d'ouvrir sa liste à deux cyber-militants de gauche. L'idée est forte : le cybermilitantisme est une réalité politique que personne ne peux plus nier. Les réseaux sociaux, en politique, loin de couper les individus les uns des autres dans une société s'ancrant chaque jour d'avantage dans un individualisme consumériste désastreux, jouent un rôle important de débat, d'information, et de participation active des citoyens à la vie de leur cité. Certains passent des heures, chaque soir, à échanger, alerter et convaincre. D'autres lancent des mouvements, organisent des évènements qui, sortant du cadre virtuel d'internet, deviennent des actions militantes de terrain. Le cyber militantisme revêt des aspects multiples et diversifiés et est bien souvent à l'origine d'actions novatrices et audacieuses. Twitter joue pleinement son rôle d'alerte et d'échanges "en temps réel" aux événements locaux. Facebook est le lieu débats idéologiques de fond, où se rencontrent néophytes et politologues avertis. C'est aussi un fort vecteur de démocratie participative où les internautes font remonter les problèmes de quartiers, de discriminations, et des propositions programmatiques concrètes et étayées. Patrick Allemand est le premier candidat à proposer aux cybermilitants d'entrer en campagne non pas uniquement sur le terrain (virtuel ou réel) mais sur une liste pour une élection municipale. Il choisira parmi les cyber-candidats deux colistiers, un homme et une femme, qui seront présents sur sa liste. Par cet appel à candidature d'un genre nouveau, il reconnaît aux cybermilitants leur place dans la vie municipale et la citoyenneté locale.
Mais les équipes de Christian Estrosi, depuis cette annonce, ce sont déchaîné en insultes et railleries, dénigrant sans cesse le cybermilitantisme. Par ces pratiques, ils dénigrent ce qui est bel et bien une nouvelle forme de démocratie et de débat. Et cela témoigne également de l'usage que fait Christian Estrosi d'internet : un outil majeur d'extension de son électorat frontiste. Rappelons que lorsque le Maire de Nice a fait ses sorties médiatiques les plus populistes et démagogiques, sur l'Islam déclarée "incompatible avec la démocratie", sur les Roms qu'il allait "mâter" ou sur son soutien indéfectible au bijoutier niçois et la légitimation de l'auto-défense, ce sont sur les réseaux sociaux qu'il a trouvé ses plus fervents soutiens, qu'il a rallié à lui les électeurs extrémistes traditionnellement acquis au Front National. Non, Christian Estrosi ne voit pas en Facebook un vecteur de démocratie. Il en fait un propagateur de haine et un facteur d'exclusion. J'en veux pour preuve les dérives qu'il a laissé se propager durant une longue semaine sur sa page Facebook où des internautes proposaient de "virer les Roms au lance-flamme" ou de "rouvrir les camps comme en 1940" (lire ici et ici).
Nous pourrions ainsi résumer l'entrée du web 2.0 dans l'élection municipale à Nice : dis-moi quel usage tu fais d'internet, je te dirai quel démocrate tu es. Christian Estrosi se sert des réseaux sociaux comme propagateurs de haine, Patrick Allemand comme vecteur de démocratie locale. Le premier laisse s'y déverser le rejet de l'autre et la stigmatisation, le second ouvre les portes de la principale élection locale aux cybermilitants responsables. 
Mais, mises bout à bout et si nous posons sur elles un regard rétrospectif, la question du tram, celle de la dette et celle du cybermilitantisme témoignent à Nice de l'impasse majeure à laquelle est confronté le maire sortant : comment prétendre gagner une élection lorsque l'on a peur de la démocratie ?

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