vendredi 30 janvier 2015

Un enfant de 8 ans au poste de police, la bonne réponse au terrorisme ?


Un petit niçois de 8 ans a été interrogé au poste de police pour des propos dont il ne mesure à l'évidence pas la portée. Ce n'est pas admissible. Que l'équipe pédagogique prenne en charge cet enfant et lui permette de comprendre ce qu'il a dit, rien de plus normal. Qu'elle fasse un signalement si elle l'estime nécessaire aussi, elle est parfaitement dans son rôle, surtout si les propos font l'apologie du terrorisme. Que les forces de police vérifient si l'enfant et ses frères évoluent dans un milieu fondamentaliste, c'est une évidence. Mais le procédé est disproportionné. On ne fait pas subir à un enfant un interrogatoire au poste de police pour cela. Un entretien au sein de l'école, dans le bureau du directeur avec des agents de police spécialisés, en civil, aurait très bien pu avoir lieu, comme dans bien d'autres procédures.

Sans entrer dans le commentaire des propos des uns et des autres (avocat, famille, directeur d'école, Ministre de l'éducation, etc.), cette affaire témoigne de deux risques majeurs dans la période post-attentats que nous traversons.

Le premier risque est la tentation sécuritaire de légiférer dans l'urgence et de prendre des dispositions démesurées. On a parlé de "Patriot Act" à la française alors que cette loi américaine correspond à une suspension du droit commun pour instaurer une législation d'exception. Christian Estrosi a fait voter à Nice, sous couvert d'union nationale, 14 mesures sécuritaires d'urgence qui, en temps normaux, auraient dû susciter un débat local et ne pas être validées en l'état. On est naturellement tenté de penser que le tout sécuritaire permettra de rassurer nos concitoyens en donnant l'illusion de répondre à la situation. Il n'en n'est rien. Le terrorisme combat nos libertés fondamentales (liberté d'expression, droits des femmes, etc.). Renoncer de nous-mêmes à nos libertés, c'est faire le jeu des terroristes et leur servir une victoire sur un plateau. Le terrorisme cherche à nous terroriser, à nous désorganiser et à nous faire agir dans la précipitation, dans la panique. Au contraire, si nous devons nous doter de tous les moyens humains et techniques nécessaires pour combattre sans relâche le terrorisme, nous devons défendre et réaffirmer nos libertés fondamentales, ne pas légiférer dans l'urgence et ne pas succomber à la panique sécuritaire.

Le second risque consiste à empêcher la parole de l'enfant. Si un enfant ou un adolescent fait l'apologie du terrorisme ou de la théorie du complot, il faut que l'équipe pédagogique puisse l'aider à prendre conscience de la fausseté des thèses qu'il défend. Il faut déconstruire avec lui les théories qu'il véhicule en lui montrant un autre raisonnement, en exposant d'autres faits, pour le ramener à la raison. Bien sûr, un signalement permettra ensuite d'identifier d'où le jeune tient ces théories. Mais il ne faut en aucun cas l'empêcher d'en parler. L'école, le collège ou le lycée sont peut-être les seuls lieux où ces adolescents peuvent encore entendre un autre discours et être "récupérés" avant qu'il ne soit trop tard.

Imaginez que les parents d'enfants n'ayant pas respecté la minute de silence soient convoqués par le maire, comme le propose Christian Estrosi. Imaginez que les allocations familiales de ces familles soient supprimées, comme le propose Eric Ciotti. Imaginez que ces jeunes ou ces enfants soient immédiatement conduits au poste de police, et c'est ce qui est arrivé à ce petit niçois de 8 ans. Que se passera-t-il ? Ces jeunes et ces enfants ne parleront plus, de peur d'être punis, de peur que leurs parents aient des problèmes. Ils garderont pour eux des idées fausses sans que leur soit donné la possibilité d'en parler, de comprendre leur sens véritable et d'y renoncer. Ils ne diront rien et nous ne saurons jamais dans quelles familles se propage le fondamentalisme. Est-ce là l'effet recherché ?

Nous devons réaffirmer et défendre nos libertés fondamentales pour combattre le terrorisme. Nous devons libérer la parole des enfants pour les aider à sortir de l'engrenage du fondamentalisme. Nous devons également libérer cette parole afin d'identifier les lieux de propagation de l'intégrisme en France. Mais, en aucun cas, nous ne devons céder à la panique sécuritaire.

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