samedi 26 août 2023

Val d'Oise - Alpes-Maritimes : expulser et punir


Val d'Oise - Alpes-Maritimes : expulser et punir



Nous assistons à une forme d'injonction générale à la sévérité à l'encontre des jeunes ayant participé aux émeutes de l'été 2023 suite au décès de Nahel. 

Il ne faut cependant pas céder à la vindicte et mettre en péril deux droits fondamentaux : le droit au logement et la protection de l'enfance.

Le Préfet du Val d'Oise a annoncé l'engagement de 29 expulsions locatives concernant des jeunes ayant participé aux émeutes. La première expulsion a eu lieu le 23 août 2023.

Ces expulsions font écho au dispositif mis en œuvre par Côte d'Azur Habitat dans les Alpes-Maritimes qui a instauré un règlement intérieur permettant l'expulsion de tous les habitants d'un logement dont l'un des occupants a été condamné ou fait l'objet de poursuite judiciaires, quelle que soit la nature des condamnations ou poursuites.

En expulsant de leur logement social un jeune "émeutier" ou un jeune délinquant et tous les membres de sa famille, on impose une double peine : une sanction sociale collective en plus de la sanction pénale individuelle déjà prononcée.

De par cette sanction sociale collective des enfants peuvent se retrouver à la rue parce que leur grand frère a participé aux émeutes. Il y a là une atteinte évidente au droit au logement et à la protection de l'enfance.

Nous sommes en train de transformer un outil social, le logement social, en outil de répression.
 
Aucun bailleur social n'a mentionné, dans les critères d'obtention d'un logement social, le mérite. Et pourtant, les décisions prises par le Préfet du Val d'Oise, dans la foulée du dispositif déjà mis en œuvre à Nice, imposent le mérite comme critère sous jacent pour conserver son logement.

Le président de Côte d'Azur Habitat, Anthony Borré, n'a pas hésité à déclarer qu'il n'accorderait pas de logement à ceux "qui ne le méritent pas", allant jusqu'aux pires amalgames en annonçant "pas de logement social pour les ennemis de la République".
 
C'est la porte ouverte à toutes les dérives et tous les arbitraires. Si on écoute certains, toute personne ayant été condamnée ne devrait pas avoir de logement social. A la sanction pénale il faudrait systématiquement ajouter une sanction sociale, souvent collective et donc fondamentalement injuste.

Quid des détenus qui ont purgé leur peine ? Quid de la réinsertion sociale pour éviter la récidive ?

Il faut adopter une vision plus large et ne pas alimenter la vindicte punitive. Si l'on veut que les auteurs de délits ou de crimes ne récidivent pas, il faut favoriser leur réinsertion sociale et cela passe en premier lieu par le logement. 

Si l'on veut que les institutions soient respectées il faut appliquer des décisions justes et légitimes : on ne peut punir une personne pour des actes qu'elle n'a pas commis. On ne peut ainsi sanctionner des enfants pour les actes de leurs frères, sœurs ou parents.

L'anathème lancé sur les parents présupposés "irresponsables" ne tient compte ni de la réalité sociale dans laquelle vivent ces familles ni de la responsabilité individuelle de chacun.

Le logement social est le dernier filet de sécurité qui permet d'avoir un toit à ceux qui ne peuvent pas accéder au parc privé. Expulser une famille de son logement social c'est la condamner aux squats, à la rue, ou les livrer aux marchands de sommeil.

Pour protéger le droit au logement de la vindicte punitive, il faut couper le cordon entre le politique et le logement social. Attribuer la présidence de bailleurs sociaux à des élus accentue deux risquent majeurs : le clientélisme et le dévoiement du logement social en outil répressif.

Protégeons le droit au logement, défendons la protection de l'enfance. Ne cédons pas à l'injonction selon laquelle pour punir, il faut expulser. 


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire