vendredi 10 novembre 2023

Asile – immigration : un projet de société profondément xénophobe


Asile – immigration : un projet de société profondément xénophobe


La loi asile immigration actuellement en débat au Sénat est bien plus qu’un projet de loi, c’est un projet de société. Et c’est, précisément, le projet d’une société dans laquelle nous ne voulons pas vivre.

Quiconque est attaché aux principes humanistes et aux valeurs républicaines ne peut accepter un tel projet.

1. Aide Médicale d’Etat : la haine jusqu’à la déraison !

Le débat sans fin sur l’Aide Médicale d’Etat est symptomatique d’une xénophobie ambiante poussant à la déraison collective. La suppression de l’Aide Médicale d’Etat ou sa réduction aux cas les plus graves sous la forme d’une Aide Médicale d’Urgence est une absurdité à trois niveaux :

I. Nous avons un devoir de soin et d’humanité envers toute personne malade se trouvant sur notre territoire. On ne peut pas refuser de soigner un enfant ou un adulte malade simplement parce qu’il n’est pas français. Cela constituerait une discrimination dans l’accès aux soins qui n’est pas acceptable.

II. Nos soignants ont une obligation de soins. Limiter d’Aide Médicale d’Etat revient à leur demander de renoncer au serment d’Hippocrate et à leur déontologie médicale.

III. Nous devons garantir la santé publique. Ne pas soigner les patients en provenance de pays où circulent des maladies qui pourraient s’avérer contagieuses en France est tout simplement irresponsable. Supprimer ou limiter l’Aide Médicale d’Etat c’est mettre en péril la santé publique et prendre, par pur rejet des étrangers, le risque de contamination de la population en France.
Les sénateurs « Les Républicains » et la majorité gouvernementale ont acté la réduction de l’Aide Médicale d’Etat en Aide Médicale d’Urgence, quand bien même le risque sanitaire a été clairement exposé lors des débats.

2. Métiers en tension : des travailleurs jetables ?

Le projet de loi présenté initialement par le gouvernement opère un changement de paradigme majeur : l’obtention d’un titre de séjour ne dépend plus en premier lieu de la situation de la personne mais relève d’abord des besoins économiques du pays d’accueil, la France. Cette bascule est une vieille rengaine de la droite française, « l’immigration choisie » défendue par Nicolas Sarkozy, sur le modèle américain ou australien. En effet, il s’agit de n’accepter que les personnes apportant une plus-value économique ou répondant à un besoin de main d’œuvre spécifique et ponctuel du pays d’accueil. Les intérêts économiques d’un pays passent alors avant les droits des personnes.

Ainsi on pourrait, avec ce texte, régulariser pour un an renouvelable une personne qui travaille dans un secteur économique en « tension », c’est-à-dire qui a besoin de salariés, puis, quand ce secteur sera moins « tendu », on refusera tout simplement de renouveler le titre de séjour du salarié. Et, comme on facilite la délivrance des Obligations de Quitter le Territoire et leur exécution, tout salarié étranger dont le secteur d’activité n’est plus en tension pourra se retrouver soudain sous le coup d’une expulsion. Un travailleur en situation régulière se retrouverait dans l’illégalité sans avoir rien fait de mal, simplement parce qu’il a la malchance que son secteur d’activité aille mieux.

Cela revient ni plus ni moins à créer un réservoir de main d’œuvre à disposition, des travailleurs taillables et corvéables à merci. La France créerait ainsi des milliers de travailleurs jetables et expulsables, tout simplement parce qu’ils ne sont pas français.

Les sénateurs « Les Républicains » ont pourtant trouvé que ce texte était trop favorable aux étrangers car ils pouvaient prétendre de « plein droit », tant que leur métier était « en tension », à un titre de séjour d’un an renouvelable. Ils ont donc négocié avec la majorité gouvernementale un accord pour que l’octroi de ce titre de séjour dépende du bon vouloir du préfet et de son fameux « pouvoir discrétionnaire ».

3. Limitation des recours, augmentation des expulsions : la fin de l’état de droit ?

Le projet de loi tend à faciliter les expulsions par différents moyens, notamment en limitant le regroupement familial ou en imposer des critères de maitrise de la langue française mais sans proposer dans le même temps des dispositifs d’apprentissage suffisants. Il généralise également la double peine qui constitue une entrave au principe d’égalité devant la loi : une personne ayant purgée sa peine n’a pas à subir une seconde sanction qu’est l’expulsion vers son pays d’origine.

L’un des aspects les plus dangereux de ce texte est la généralisation des expulsions sur le fondement de la « menace à l’ordre public » que représenterait un ressortissant étranger quand bien même il n’aurait pas fait l’objet d’une condamnation. Cette notion de « menace à l’ordre public » étant juridiquement très floue, ce dispositif laisse une place trop importante à l’arbitraire et aux pressions politiques. En effet, la délivrance d’une Obligation de Quitter le Territoire Français (OQTF) est une décision administrative du préfet et la justice n’intervient qu’en cas de recours. Or les délais et les conditions de recours sont eux aussi drastiquement réduits ce qui entrave la reconnaissance des droits des personnes étrangères.

Rappelons qu’il ne suffit pas de dire que tout justiciable a le droit de faire une demande ou de déposer un recours, il faut garantir des conditions matérielles d’existence durant l’examen des demandes et des recours.

Les sénateurs ont encore durci le texte en supprimant les protections empêchant les expulsions et en renvoyant systématiquement au pouvoir discrétionnaire du préfet. Gérald Darmanin, lors des débats, s’est défendu de tout manquement à l’état de droit en rappelant sans cesse que le juge pouvait être saisi. Or tous savent que très peu d’exilé-es ont la possibilité matérielle d’exercer leur droit de recours. Et l’expérience nous montre que quand bien même de nombreuses décisions de justice viennent contredire une pratique préfectorale, cette pratique demeure, faisant quantité de nouvelles victimes qui ne peuvent matériellement pas saisir la justice.

4. De quoi ce projet est-il le nom ?
- Refuser de soigner un malade simplement parce qu’il est étranger et risquer de mettre en péril la santé publique en France.

- Créer des travailleurs jetables que l’on peut régulariser tant que nous avons besoin d’eux puis les expulser ensuite.

- Exiger un niveau de français suffisant sans créer les conditions d’apprentissage nécessaires.

- Proclamer des droits de recours tout en retirant aux justiciables la possibilité de les exercer.

- Expulser systématiquement sous couvert de « menace à l’ordre public » tout en sachant que cette notion est juridiquement mal définie. 
- S’en remettre systématiquement au « pouvoir discrétionnaire » du préfet, véritable porte ouverte à tous les arbitraires, notamment si les préfets obéissaient demain à une extrême droite qui aurait accédé au pouvoir.

- Faire croire que l’on respecte l’état de droit parce que la justice peut être saisie alors que tous savent que très peu d’exilé-es sous le coup d’une OQTF ont la possibilité matérielle de contester cette décision en saisissant le tribunal administratif.
Ces mesures emblématiques du projet de loi asile immigration sont à l’évidence discriminatoires : discrimination entre les travailleurs, discrimination entre les malades et discrimination entre les justiciables.

Comment nommer ces discriminations ? Comment qualifier ce projet de loi ?

Il s’agit là d’une vision d’ensemble de la société qui est profondément xénophobe. La peur et l’hostilité envers les étrangers viennent fracturer le principe d’égalité républicaine : rupture d’égalité devant la loi, rupture d’égalité au regard du droit au travail, rupture d’égalité dans l’accès aux soins. Cette xénophobie institutionnalisée va à l’encontre des principes éthiques et de la déontologie médicale. Elle va à l’encontre de l’état de droit en renonçant au principe d’égalité devant la loi et en favorisant systématiquement l’arbitraire des décisions administratives. Elle va à l’encontre de la séparation des pouvoirs et du contrôle du pouvoir exécutif par le pouvoir judiciaire en réduisant sans cesse le champ d’intervention de la justice.

Nous devons tout faire pour lutter contre ce projet xénophobe, porter une vision inclusive de la société, respectueuse des droits fondamentaux des personnes, des valeurs républicaines et humanistes, et favoriser l’accueil, la protection et l’intégration des personnes exilées.

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