jeudi 23 mars 2017

Notre seuil éthique de tolérance

Certains élus se comportent comme une caste privilégiée protégeant les siens : manquement à la parole donnée, mensonge, fraude, corruption, le tout en nous donnant des leçons de probité et en demandant aux plus pauvres de faire toujours plus de sacrifices. L'effarement, la colère puis la nausée nous assaillent. Nous n'en pouvons plus. Nous avons atteint notre seuil éthique de tolérance.

Aux obsèques d'André Tosel m'est revenue en mémoire une discussion que nous avions eu jadis. Je lui expliquais laborieusement ce pourquoi je ne pouvais plus rester adhérent du parti au sein duquel je militais. Après m'avoir longuement écouté, il résuma en une phrase simple et limpide le déluge verbal auquel je m'étais livré dans le marasme d'une situation qui me semblait alors inextricable : "vous avez atteint votre seuil éthique de tolérance."
Si la sagacité du philosophe m'a alors marqué, ses mots résonnent encore en mon esprit. Mais, bien au-delà de ma situation personnelle et de la déliquescence du Parti Socialiste que j'ai quitté depuis, c'est notre société dans son ensemble qui a atteint, aujourd'hui, son "seuil éthique de tolérance".
Violence inouïe du terrorisme et peur permanente des attentats, crise écologique majeure, crise humanitaire des réfugiés politiques, économiques et écologiques, injustices sociales et captation des richesses par le plus petit nombre, discriminations organisées par les autorités elles-mêmes, partout, populisme, xénophobie, repli identitaire et rejet de l'autre. La haine est là, palpable, prête à exploser sous le moindre prétexte.
A ce sombre tableau s'ajoute l'impunité totale d'une classe dirigeante infecte. Certains de nos représentants, pourtant démocratiquement élus, se comportent comme une caste privilégiée protégeant les siens : manquement à la parole donnée, mensonge, indignité, fraude, corruption, le tout en donnant des leçons de probité à la terre entière et en demandant aux plus pauvres de faire toujours plus de sacrifices.
L'effarement devant de tels comportements fait place à la colère devant tant de morgue. La colère cède à son tour devant la nausée qui nous prend et nous submerge. Nous n'en pouvons plus.
Oui, nous avons bien souvent l'impression de nous battre contre des moulins à vent. Oui, la tentation est grande de baisser les bras, de se retirer du monde ou de tenter de le subir le moins possible dans un sauve-qui-peut généralisé. Mais nous savons, au fond de nous, que nous ne pouvons pas ne pas agir, que nous devons faire face. Nous devons alors faire le pari de l'empathie, de la bienveillance et de l'humain. Nous devons revenir à nos fondamentaux d'humanisme et de solidarité, chacun apportant sa part. 
Mais, dans l'urgence d'une élection présidentielle, nous devons avant tout et au minimum sanctionner le mensonge et la corruption. Le maintien des candidatures de Marine Le Pen et de François Fillon est tellement aberrant qu'on nous pousse presque à remercier Bruno Le Roux d'avoir démissionné. Cette situation est surréaliste.
L'assainissement des pratiques publiques et de l'usage du pouvoir est la condition de possibilité d'une démocratie saine et active. C'est l'une des clefs de la lutte contre l'abstentionnisme et donc de l'indispensable barrage à l'extrême droite. Oui, nous avons bel et bien atteint notre seuil éthique de tolérance. Et l'avènement de la VIème République n'en n'est que plus urgent et plus indispensable encore.

lundi 13 mars 2017

La conversion au libéralisme

Il y a deux ans j'ai dû quitter le parti socialiste afin de rester socialiste. Ceux-là même qui vidaient le Parti Socialiste de son âme, qui trahissaient les idéaux du socialisme et qui me reprochaient ma "fronde" appellent aujourd'hui à voter contre le candidat du PS, actant ainsi une conversion au libéralisme lourde de conséquences.

Il y a deux ans j'ai dû quitter le parti socialiste afin de rester socialiste et de mettre mes actes  en conformité avec mes valeurs.
Ceux-là même qui vidaient le Parti Socialiste de son âme, ceux-là même qui trahissaient les idéaux du socialisme et qui me reprochaient mes prises de position et ma "fronde" appellent aujourd'hui à voter contre le candidat du PS, pourtant désigné légitimement par une primaire ouverte à laquelle ils ont participé et dont ils doivent respecter les règles.
Je respecte les personnes mais je m'oppose aux décisions politiques néfastes pour notre pays. 
La conversion au libéralisme intégrale est certes généralisée, certes faite sous couvert de barrage à l'extrême droite, elle n'en n'est que plus dangereuse pour la France. 
Partout où le libéralisme aveugle a été mis en oeuvre, les politiques se sont trouvés privés de toute marge de manoeuvre et de tout pouvoir réel. Partout les conditions de vie se sont dégradées, la désespérance a gagné du terrain et a jeté ceux qui souffrent dans les bras d'une extrême droite apparaissant à leurs yeux comme la seule alternative.
Chacun agit en son âme et conscience. Mais une véritable conscience collective doit nous mener non pas vers le chacun pour soi libéral, mais vers l'émancipation individuelle et collective, le progrès et la justice sociale.

dimanche 19 février 2017

Les Alpes-Maritimes, territoire perdu par la République ?

Mise à jour 04.2017 - Atteintes aux libertés fondamentales, droit d'asile bafoué, mineurs isolés non pris en charge, les Alpes-Maritimes constituent une zone où le non-respect du droit est organisé de façon structurelle par les autorités elles-mêmes. A l’origine des arrêtés condamnant les autorités, l'action citoyenne se révèle être le dernier rempart pour faire triompher le droit.

On a beaucoup glosé sur les zones de non droit et les prétendus territoires perdus de la République en stigmatisant volontairement les quartiers défavorisés et les populations y résidant.
Pour autant il est une véritable zone de non droit dont on ne parle pas en tant que telle, territoire esseulé et livré aux populismes locaux, où même les représentants de l'Etat semblent avoir perdu toute commune mesure : les Alpes-Maritimes.
En effet Nice et, plus globalement, les Alpes-Maritimes constituent une zone dont le non-respect du droit est organisé de façon structurelle par les autorités nationales et locales elles-mêmes. 
Sans faire un inventaire à la Prévert, arrêtons-nous sur trois exemples des plus significatifs : l'entrave à la liberté de culte, les arrêtés municipaux illégaux et discriminants et la non prise en charge des mineurs isolés et la violation du droit d'asile à la frontière italienne.
1. L'entrave à la liberté de culte
Les textes sont limpides : la France est une République laïque et respecte toute les croyances (article 1er de la Constitution). La laïcité garantit à chacun la liberté de conscience, c'est à dire la liberté de croire ou de ne pas croire, et le libre exercice du culte dans le respect de l'ordre public (article 1er de la loi de 1905).
Pour autant, à Nice, envers les citoyens de confession musulmane, rien de tel. La mairie entrave délibérément différents projets de salles de prières depuis de longues années et s'acharne en procédures fallacieuses contre la mosquée En-nour (lire ici)
L'arrêt du conseil d'Etat du 30 juin 2016 (lire ici) concernant précisément l'Institut Niçois En-nour stipule que la Ville de Nice s'est livrée à "une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté fondamentale" qu'est la liberté de culte. 
Il n'est point de désaveu public possible plus cinglant de la politique menée par la Ville de Nice envers ses administrés de confession musulmane. Et que fait la Mairie ? Elle annonce en janvier 2017 qu'elle va contester la décision préfectorale d'ouverture de ce lieu de culte. Elle effectue ensuite un signalement au Procureur de la République qui instruit cette fois-ci sur... le financement des travaux de réaménagement du local !  
Ainsi, une liberté fondamentale est publiquement bafouée, de façon répétée, et la Ville de Nice poursuit son acharnement juridique et procédurier en toute impunité.
2. Les arrêtés municipaux illégaux
C'est devenu une spécialité politique, presque un sport local, une pratique courante, banalisée : l'arrêté municipal à l'évidence illégal, qui sera bien sûr cassé, mais qui permet de faire le buzz médiatico-électoral. Liste non exhaustive :
Mai 1997 : le Tribunal Administratif (T.A.) annule deux arrêtés anti-mendicité de la Ville de Nice 
Juillet 2010 : le T.A. annule l'arrêté municipal niçois et l'arrêté préfectoral imposant aux épiceries de nuit de fermer à 23 heures en raison de vente d'alcool la nuit.
Mars 2014 : le T.A. déclare l'arrêté municipal de la Ville de Nice interdisant les drapeaux étrangers illégal et condamne la Ville de Nice à 1000 € de dommages et intérêts.
Mars 2015 : le T.A. confirme l'illégalité de l'arrêté niçois  "anti-bivouac" et condamne la Ville à verser 1000 € à la Ligue des droits de l'Homme.
Août 2016 : les arrêtés municipaux "anti-burkini" des villes de Cannes, Cagnes-sur-Mer, Fréjus et Nice sont tour à tour invalidés. L'arrêt du Conseil d'Etat du 26 août 2016 précise que l'arrêté municipal de Villeneuve-Loubet porte "une atteinte grave et manifestement illégale aux libertés fondamentales que sont la liberté d’aller et venir, la liberté de conscience et la liberté personnelle" (lire ici).
Ces arrêtés municipaux visent systématiquement les populations jugées "indésirables" : Roms, SDF, étrangers, musulmans. Nous sommes donc confrontés à une stratégie de stigmatisation méthodique et systématique de minorités ciblées.
Le Conseil d'Etat a une nouvelle fois constaté une atteinte aux libertés fondamentales manifeste à propos des arrêtés dits "anti-burkini", dont le Haut-Commissariat aux droits de l'Homme de l'ONU estime qu'ils "stigmatisent les musulmans" et "alimentent l'intolérance religieuse".
Si un citoyen saisit la justice de façon répétée et infondée il peut être condamné pour saisine abusive. Mais une ville semble pouvoir prendre une série d'arrêtés plus illégaux les uns que les autres en toute impunité. 
Combien de temps va-t-on laisser les municipalités azuréennes porter atteintes aux libertés fondamentales en se contentant de casser leurs arrêtés et de les condamner à verser des sommes symboliques ?
3. La non prise en charge des mineurs isolés et la violation du droit d'asile
Le Conseil Départemental des Alpes-Maritimes a beau s'en défendre dans la presse par la voix de son Président (lire ici) et de son Directeur Général des Services, le Préfet a beau nier et s'en prendre par voie de presse aux intellectuels et associatifs locaux (lire ici), le Procureur de la République a beau procéder à un acharnement juridique contre les citoyens solidaires de la Roya pour masquer l'évidence (lire ici), les mineurs étrangers isolés ne sont pas pris en charge alors qu'ils relèvent de la protection de l'enfance (lire ici) et le droit d'asile est bafoué.
Amnesty International France a remis les conclusions de sa mission d'observation à la frontière franco-italienne intitulée très justement "des contrôles aux confins du droit" (lire ici). Le constat est sans appel : 
- "Les modalités du contrôle des frontières mises en place par les autorités françaises empêchent ou dissuadent des personnes d’entrer en France, sans qu’aucune considération ne soit réellement portée au respect de leurs droits et aux garanties légales encadrant ces procédures. Dans la plupart des cas, les personnes contrôlées à la frontière se retrouvent privées de toute possibilité de faire valoir leurs droits, notamment celui de solliciter l’asile."
- "Les enfants non accompagnés ne font pas l’objet de l’attention requise par leur situation de vulnérabilité et qu’exige pourtant la législation française de protection de l’enfance"
- "(...) ces violations des droits humains commises par les autorités françaises qui ont contraint des citoyens à se mobiliser pour venir en aide aux personnes réfugiées et migrantes ; des citoyens qui, de façon paradoxale, se retrouvent, pour certains, poursuivis par l’État français."
Outre le rapport d'Amnesty International, le juge des référés du Tribunal Administratif de Nice, saisi du cas d’une famille érythréenne empêchée de demander l’asile en France, a tranché dans son ordonnance du 31 mars, estimant que le Préfet des Alpes-Maritimes avait porté une « atteinte grave au droit d’asile » : « En refusant de délivrer aux intéressés un dossier permettant l’enregistrement de leur demande d’asile, alors qu’ils se trouvent sur le territoire français et qu’ils ont pris contact avec les services de police et de gendarmerie pour y procéder, le préfet des Alpes-Maritimes a porté une atteinte grave et manifestement illégale au droit d’asile » (lire ici).
Nous faisons face ici à une violation manifeste du droit d'asile et de la protection de l'enfance, masquée par une stigmatisation systématique et une tentative de criminalisation de la solidarité.

Mises bout à bout et en prenant un prisme de lecture large, nous constatons que l'ensemble de ces atteintes aux libertés fondamentales et au droit sont mises en œuvre, depuis plusieurs années et de façon méthodique, par les autorités elles-mêmes : mairies, Conseil Départemental, Préfecture, Parquet... 
Les Alpes-Maritimes sont donc le lieu de discriminations, de stigmatisations et de négations du droit par les collectivités locales et par l'Etat, constatées par le Conseil d'Etat, les tribunaux administratifs ou les observateurs associatifs.
A l’origine des différentes condamnations des autotités par la justice, passées ou à venir, nous retrouvons des citoyens constitués en associations, qui ont dû engager des procédures contre les institutions et les collectivités territoriales pour faire respecter les libertés fondamentales et faire triompher le droit.
Dans les Alpes-Maritimes plus qu’ailleurs, l’action citoyenne se révèle être le dernier rempart face aux exactions malheureusement commises par les autorités elles-mêmes.

samedi 18 février 2017

Nice mobilisée contre les violences policières

Parce que personne ne doit être au-dessus des lois, à commencer par ceux qui doivent les faire respecter ; parce que nous sommes solidaires des victimes de violences policières et de leurs proches ; parce que ces violences entravent la confiance des citoyens dans les forces de l'ordre ; parce que ces violences nuisent aux policiers eux-mêmes en jetant le discrédit sur toute une profession...

Nice a participé à la mobilisation nationale pour Théo et les autres victimes de violences policières.
Le rassemblement a réuni environ 250 personnes, ce qui, à Nice et en période de vacances scolaires, n'est pas si mal.
Après quelques prises de paroles d'organisations signataires de l'appel, la parole a circulé librement et les citoyens présents dans l'assemblée qui l’ont souhaité ont pu s'exprimer librement au micro.
Plusieurs jeunes ont manifesté leur exaspération légitime face aux drames récents et leur colère doit être entendue. Nous avons dû faire face à la difficulté inhérente à toute expression démocratique en période de tension sociale. Heureusement le sang-froid collectif l'a emporté et il n'y a eu ni blessés, ni casse, ni interpellation.
Parce que personne ne doit être au-dessus des lois, à commencer par ceux qui doivent les faire respecter ; parce que nous sommes solidaires des victimes de violences policières, de leurs familles et leurs proches ; parce que ces violences entravent la confiance des citoyens dans les forces de l'ordre et mettent à mal l'autorité de l'Etat ; parce que ces violences nuisent aux policiers eux-mêmes en jetant le discrédit sur toute une profession, nous resterons mobilisés et vigilants.

Nice Matin, 19 février 2017 :
nice-matin-19-02-2016



Liste des signataires de l'appel : 

mardi 31 janvier 2017

"Muslim Ban" : les droites françaises en rêvaient,Trump l'a fait !

Le décret anti-musulmans pris par Donald Trump choque à juste titre l'opinion publique mondiale. Mais nous, Français, sommes tristement habitués à cette logique islamophobe, car c'est celle mise en oeuvre et souhaitée, ici, par les droites françaises : amalgame volontaire entre islam et islamisme, préférence confessionnelle dans l'accueil des réfugiés, laïcité dévoyée et anti-musulmane.

Le décret Trump interdisant l'entrée aux ressortissants de sept pays musulmans (Iran, Irak, Libye, Somalie, Soudan, Syrie, Yémen) aux États-Unis en raison du risque terroriste est, comme l'ONU l'a rappelé à juste titre, contraire aux droits humains. C'est une intolérable discrimination confessionnelle.

Mais ce que fait Trump n'est pas nouveau : il fait pour l'ensemble des musulmans issus de certains pays ce que des élus français ont fait pour les réfugiés et ce que certains souhaiteraient faire pour l'ensemble des musulmans.

En effet, la logique défendue par Donald Trump et celle défendue par Eric Ciotti, Christian Estrosi, Laurent Wauquiez ou Marine Le Pen sont strictement les mêmes : "bannir" les musulmans en raison du risque terroriste.

Quand Eric Ciotti condamne les actions de solidarité de Cédric Herrou (citoyen solidaire de la Vallée de la Roya qui aide les réfugiés), c'est en appliquant la même logique que Trump : "Qui peut dire avec certitude que dans les centaines de migrants que M. Herrou se targue d'avoir fait passer ne se dissimule pas un futur terroriste ?" (Nice Matin, 30.12.2016, lire ici).

Quand plusieurs élus locaux de droite, en 2015 et 2016, sur-médiatisent leur soutien aux Chrétiens d'Orient, choisissent de n'accueillir que des réfugiés chrétiens et refusent donc d'accueillir des réfugiés musulmans, c'est en appliquant déjà la logique que Trump suit aujourd'hui. Après les tentatives d'instauration de la préférence nationale par le FN, les "Républicains" instauraient, en France et dans l'indifférence générale, la préférence confessionnelle (lire ici).

Le premier, dans le débat public français, à avoir affirmé publiquement que des djihadistes s’infiltraient parmi les migrants pour s'opposer à l'accueil des réfugiés n'est autre que Christian Estrosi, alors maire de Nice. Il entretient volontairement, depuis longtemps, l'amalgame entre islam et islamisme en soutenant que l’islam est incompatible avec la démocratie. Précurseur dans le processus d'extrémisation de la droite française par un processus de choc des identités cultuelles, il déclarait également que la "3ème guerre mondiale" était engagée entre "l'islamo-fascisme" et la "civilisation judéo-chrétienne".

Or si l'on suit cette logique jusqu'au bout, qui consiste à voir en tout musulman un terroriste potentiel, c'est l'ensemble des citoyens de confession musulmane qui est visé. Et c'est précisément le glissement sémantique qu'a opéré Marine Le Pen en substituant progressivement la figure du musulman à celle de l'immigré comme bouc émissaire et cible principale dans ses discours et dans les éléments de langage du FN.

Au fondement de la logique de Trump, Le Pen, Ciotti ou Estrosi se trouve donc l'amalgame entre islam et islamisme et l'insupportable soupçon de terrorisme jeté sur tout musulman.

Mais, pire encore, cet amalgame a été institutionnalisé sous le mandat de François Hollande, par le gouvernement de Manuel Valls et par Bernard Cazeneuve, alors ministre de l'intérieur en voulant réformer l'islam de France pour lutter contre le terrorisme. En effet faire de la réforme d'une religion un outils de lutte contre le djihadisme c'est entériner l'amalgame coupable entre les croyants de cette confession et les terroristes (lire ici).

Mettre au ban les musulmans en les empêchant d'entrer sur le sol américain dit Donald Trump. Bannir les musulmans de nos plages et de nos universités, disent de concert, ici, les défenseurs d'une laïcité dévoyée, dure, discriminante et anti-musulmane. Partout la même logique qui donne raison à ceux qui depuis longtemps parlent d'islamophobie. Partout le même rejet qui pousse les citoyens de confessions musulmane au repli communautaire. Partout cette logique absurde et contre productive qui fait le jeu des djihadistes.

L'actualité nous montre où nous mène cette logique et doit nous servir de leçon pour les échéances électorales à venir. Le "Muslim Ban" de Trump n'est autre que la mise en pratique de la politique souhaitée par les droites françaises, sous leurs différentes formes et différentes appellations.
Rappelons, pour conclure, les mots de Justin Trudeau, premier ministre canadien, après l'attentat terroriste qui a frappé une mosquée à Quebec avant hier : "La diversité est notre force".

samedi 28 janvier 2017

Nice, armes à feu dans nos écoles : transparence et débat public

La Ville de Nice a décidé de poster un policier municipal armé dans chaque école primaire en se basant sur un audit réalisé par une société israélienne. Or une arme a feu présente toujours un danger et l'école doit être préservée de l'angoisse sécuritaire. Les parents y sont interdits d'école et les citoyens tenus à l'écart : la sécurisation de nos écoles mérite transparence et débat public.

La dernière lubie sécuritaro-électorale de la Ville de Nice est tombée. Non, il ne s'agit pas, cette fois, des Roms, SDF, baigneuses en burkini, drapeaux étrangers ou mariés trop bruyants. 
Ils s'agit de nos enfants : un policier municipal armé d'un 9mn sera présent dans chaque école primaire. Oui, vous avez bien lu. Uniformes et armes à feu, l'école républicaine "sanctuarisée" cède le pas devant l'obsession sécuritaire post-attentat. 
Cette mesure est contestable pour moins quatre raisons :
1. L'armement des policiers municipaux
Nous étions nombreux, avant les attentats de 2015, à nous opposer à l'équipement des policiers municipaux en armes à feu en raison de leur mode de recrutement et de l'insuffisance de leur formation, en comparaison à celle dont bénéficient gendarmes et policiers nationaux. Étrangement, ces arguments ne seraient plus valables suite à la vague d'attentats sanglants commis sur notre sol. Or plus la menace est grande et plus nous avons besoin d'un dispositif sécuritaire efficace.
De deux choses l'une : soit pour être habilité à détenir et se servir d'une arme à feu il faut bénéficier préalablement d'une formation aussi exigeante que celle des gendarmes et policier nationaux, et dans ce cas il ne faut pas armer les municipaux, soit cela n'est pas nécessaire et on se demande alors pourquoi imposer cette formation aux gendarmes et policiers nationaux.
Ce n'est pas faire injure à nos policiers municipaux, très sollicités par ailleurs et dont les conditions de travail se dégradent, que de vouloir séparer clairement les prérogatives des uns et des autres. Aux maires la prévention de la délinquance, à l'Etat la répression. Que chacun se consacre pleinement à sa mission.
Il n'est pas acceptable que l'Etat se défausse de son obligation de protection des citoyens sur les communes ou les inter-communalités car l'égalité républicaine est rompue : selon que votre commune sera puissante ou moins fortunée, vous et vos enfants serez plus ou moins bien protégés.
Bernard Cazeneuve, alors ministre de l'Intérieur, a ainsi commis une faute en incitant les maires à armer leurs policiers municipaux. Mais chaque maire reste décideur d'armer ou non ses policiers municipaux.
2. Des armes à feu dans les écoles primaires
Disons-le clairement : nous nous opposons à la présence d'armes à feu au sein des écoles primaires, même à la ceinture de policiers en uniforme, car une arme à feu présente toujours un danger. 
Le 22 janvier 2015 un militaire en faction devant le centre Habad Loubavitch de Nice a tiré accidentellement une rafale de trois balles qui n’a, heureusement, pas fait de blessé. La rafale était due à une erreur de manipulation de son arme, alors tournée vers le sol. Imaginez qu'une erreur de ce type se reproduise mais cette fois au sein d'une école primaire...
De plus, la présence d'armes a feu peut présenter un caractère anxiogène pour les petits. Il faut préserver l'école comme un espace d'apprentissage et de transmission des savoirs dédié à l'enfance. 
L'école doit être protégée des menaces potentielles à l'extérieur mais préservée de la peur de la pression sécuritaire à l'intérieur. Oui, il faut sécuriser les abords des écoles. Mais il faut aussi préserver l'enfance de nos enfants. 
Et si l'on doit intégrer la menace terroriste dans l'éducation civique c'est aux enseignants de décider quand et comment parler aux enfants de ce danger car eux sont formés et compétents pour cela. 
Les policiers municipaux affectés aux écoles recevront-ils une formation pour répondre de façon adaptée aux questions que ne manqueront pas de leur poser les élèves ?
3. Un véritable débat public sur la sécurisation des écoles 
La Ville de Nice, pour fonder sa décision, a rémunéré un cabinet d'audit israélien pour vérifier la sécurisation de ses écoles. Choix étonnant, sauf à considérer Israël comme un modèle de sécurité... et de démocratie.
Avant tout, Nice est-elle la seule ville française confrontée à ce problème ? Alain Juppé à Bordeaux ou Anne Hidalgo à Paris ne postent pas de policiers municipaux armés dans les écoles de leurs villes. A-t-on entendu quelqu'un s'en plaindre ? Les écoliers bordelais ou parisiens sont-ils moins en sécurité que les écoliers niçois ? Et que font nos pays voisins en Europe ? 
Financer un cabinet d'audit israélien n'est pas une caution en soi et Israël n'est pas un modèle sécuritaire transposable à la France. La sécurisation de nos écoles mérite un véritable débat public et que des éléments probants soient versés à ce débats et accessibles à tous : 
- Combien a coûté au Niçois l'étude menée par ce cabinet israélien ?
- Les résultats de cet audit sont-ils publics ? Et si non, pourquoi ?
- Quelles sont les écoles niçoises à sécuriser en priorité au regard de cette étude et quelles mesures ont été prises par la Ville ? 
- D'autres études ont-elles été menées, notamment en comparant les dispositifs mis en place ailleurs en France et en Europe ?
Nous demandons que la plus grande transparence soit faite et qu'un débat public ait lieu sur la sécurisation des écoles primaires à Nice.
4. Faire participer parents et citoyens
A Nice, les parents sont interdits d'école et ne peuvent plus pénétrer dans les établissements scolaires. Ils sont donc considérés comme un danger potentiel.
Or, si bien évidemment un terroriste peut se dissimuler parmi les parents d'élèves, le fait de provoquer un attroupement de parents accompagnant leurs enfants devant les école sans pouvoir y entrer engendre des problèmes de sécurité supplémentaires : mise en danger liée à la circulation, cibles faciles pour un terroriste que cet attroupement de parents et d'enfants devant les écoles.
Nos élus semblent ignorer un éléments simple et pourtant évident : les parents souhaitent par-dessus tout protéger leurs enfants. Nous serons donc les premiers à réagir et signaler un comportement suspect ou toute mise en danger de nos enfants.
Pourquoi fermer l'école aux parents alors que les parents sont les premiers agents de sécurité de leurs enfants ?
Les citoyens doivent être associés à la politique sécuritaire et ne doivent plus en être exclus. Faire participer les citoyens ne se résume pas à mettre en ligne un questionnaire biaisé leur demandant s'ils souhaitent que les policiers municipaux aient les mêmes prérogatives que les nationaux.
Et associer les habitants ne veut pas automatiquement dire que des brigades ciitoyennes se substituent aux forces de l'ordre : nous avons besoin de professionnels formés et compétents pour cela. 
La participation citoyenne est l'une des clefs de la réussite des dispositifs de sécurité. Les citoyens doivent être co-décideurs et acteurs de la politique sécuritaire locale, associés à chacune des étapes de son élaboration, de sa mise en oeuvre et de son évalutation. Nous le voyons à chaque comité de quartier où les questions sécuritaires reviennent sans cesse sans que cela soit formalisé et suivi d'effets probants. C'est à qui crie le plus fort et met le plus de pression sur l'élu local présent. Nous devons mettre en place une évaluation citoyenne des politiques publiques, et notamment des politiques sécuritaires.
Poster un policier municipal armé dans chaque école primaire, comme le veut la Ville de Nice est une fausse bonne idée. Cette mesure démontre à nouveau l'absence de réflexion globale sur la sécurité et la volonté de tenir les citoyens à l'écart des décisions les plus importantes. 
Nous savons, et le drame de Nice nous l'a douloureusement rappelé, que la sécurité est l’affaire de tous. Permettons donc à chacun d'y participer.

samedi 21 janvier 2017

Roya: l'Etat pousse-t-il les citoyens solidaires à la faute?

Les nouvelles arrestations musclées, perquisitions et gardes à vue prolongées dans la Roya témoignent de la volonté des pouvoirs publics de pousser à bout les désobéisseurs azuréens. Que cherche-t-on par ce harcèlement judiciaire et policier ? A engendrer violence et conflit ouvert pour décrédibiliser toute action de solidarité ? La mort de Rémi Fraisse n'a-t-elle donc servie de leçon à personne ?

Les nouvelles arrestations musclées, perquisitions et gardes à vue prolongées de citoyens solidaires de la Roya, dont Cédric Herrou, les 19 et 20 janvier 2017, témoignent de la volonté manifeste des pouvoirs publics de pousser à bout les désobéisseurs azuréens.
Déjà, alors que Pierre Alain Mannoni avait été relaxé, l'appel du Parquet marquait un choix délibéré et constant du gouvernement de rétablir le délit de solidarité, en dépit des promesses de campagnes et de la loi du 31 décembre 2012.
Si l'on regarde le fil des événements passés, nous sommes saisis par une posture littéralement "irresponsables" des pouvoirs publics :
- C'est le Procureur qui a fait le choix délibéré de poursuivre Pierre Alain Mannoni, ingénieur et enseignant à l'université de Nice, puis de faire appel de sa relaxe par le Tribunal de Nice.
- C'est le Préfet des Alpes-Maritimes qui a "signalé" Cédric Herrou, agriculteur, au Procureur qui a, à son tour, choisi de le poursuivre (délibéré le 10 février).
- C'est sous l'égide de ce même Procureur que l'évacuation médiatisée des locaux de la SNCF occupés pour y héberger des réfugiés, a donné lieu, en octobre 2016, à un déploiement de forces de l'ordre à l'évidence surdimensionné. 
- C'est ce même Préfet, représentant de l'Etat, qui s'en est pris de façon violente et totalement disproportionnée à Yvan Gastaut, historien, pour une tribune parue dans Nice Matin (lire ma réponse ici).
- C'est le Président du Conseil Départemental des Alpes-Maritimes, mis en cause par de nombreux observateurs pour la non prise en charge des mineurs isolés (lire ici), qui s'est lui aussi fendu d'une diatribe hystérique, cette fois directement contre la presse locale, Nice Matin encore, pour l'élection par les lecteurs du journal de Cédric Herrou comme citoyen de l'année (lire ma réponse ici)
- C'est cette même volonté politique, aveugle et intransigeante qui fait que Claire Marsol, 72 ans, maître de conférence à la retraite a été condamnée à 1500 € d'amande en décembre 2015 (lire ma réaction ici), peine confirmée en appel le 2 décembre 2016 ; que Magali M., fonctionnaire, sera sur le banc des accusés le 3 mars prochain ; que Francesca Peirotti, interprète, sera jugée le 4 avril ; que Ben, photographe, sera jugé le 8 avril ; qu'Eric, photographe de presse et Marie Rose, travailleuse social, seront jugés le 24 avril ; que Françoise Gogois, René Dahon, Gibi et Dan seront eux jugés le 16 mai...
Que cherchent les pouvoirs publics au juste par ces procès successifs ? A décourager toute tentative future de solidarité vis à vis des réfugiés qui fuient dictatures, bombardements et conflits armés ? 
Que cherche le gouvernement à travers les agissements du Préfet et du Procureur ? A pousser à bout les citoyens solidaires de la Roya, par un harcèlement judiciaire et policier constants, et qu'ils en viennent à des réactions violentes ? Le gouvernement espère-il que l'action de solidarité des habitants de la Roya dégénère en conflit ouvert pour crédibiliser leur action ? 
La mort de Rémi Fraisse n'a-t-elle pas servie de leçons au gouvernement ? Combien de Rémi Fraisse encore ? Ceux qui nous gouvernent n'ont-ils finalement ni discernement ni conscience ?
Si des citoyens solidaires en sont venus à désobéir c'est avant tout parce que l'Etat et de Conseil Départemental des Alpes-Maritimes n'assumaient pas leurs obligations légales et restaient léthargiques face à l'urgence de la crise humanitaire à laquelle nous sommes confrontés avec l'arrivée de réfugiés.
Partout des citoyens se lèvent. Des faucheurs d'OGM aux faucheurs de chaises, des enseignants désobeisseurs aux participants à Nuit Debout et aux zadistes, jusqu'aux citoyens solidaires de la Vallée de la Roya. Partout des citoyens rappellent les idéaux démocratiques, font vivre le cœur de la République et défendent les libertés fondamentales envers et contre l'Etat, les élus sensés les représenter, les administrations aveugles s'inventant et imposant leurs propres règles. 
Ces citoyennes et ces citoyens, envers et contre les pouvoirs publics, sont parfois les derniers défenseurs de la démocratie et de la solidarité.
Rappelons donc Élus locaux, Préfet, Procureur, gouvernement et Président de la République au sens des responsabilités. Ne poussez pas les citoyens à l'impasse en laissant pourrir une situation intenable où ils sont seuls et démunis face à une misère et une détresse que vous refusez de prendre en charge et pour lesquelles vous leur interdisez d'intervenir. 
Ce n'est pas en criminalisant la solidarité que vous réglerez le problème : de l'écoute, du dialogue, des solutions constructives et équilibrées et un véritable volontarisme politique pour que la France soit à la hauteur de la France, pays des droits de l'Homme et du citoyen, voilà ce dont nous avons besoin.

Pour suivre l'actualité et soutenir les citoyens solidaires du 06 : https://citoyenssolidaires06.com/