lundi 8 octobre 2018

Palais de justice : la chasse aux pauvres continue à Nice

Après la Place du Pin, Christian Estrosi veut chasser les SDF des marches du Palais de Justice. Manque de logements sociaux, d'hébergements d'urgence, gestion à court terme et répression ne font pas une politique sociale. Jusqu'où ira-t-on dans cette chasse aux pauvres grotesque et inhumaine ?

Autrefois les marches du Palais de Justice de Nice étaient accessibles à tous. Puis la Ville de Nice, estimant qu'il y avait trop de SDF sur ces marches, a fait poser des barrières à mi-hauteur. Mais ce qui devait arriver arriva : les SDF descendirent de quelques marches.

Le maire de Nice, Christian Estrosi, décidé à faire la chasse aux pauvres au lieu de les aider, fait poser des grilles en bas des marches. Le Palais de Justice donnera désormais l'image déplorable d'un bunker inaccessible. Et ce qui devrait arriver arrivera : les SDF se déplaceront vers la fontaine voisine.

Christian Estrosi coupera-t-il l'eau de la fontaine Place du Palais comme il a tenté de le faire Place du Pin ? Engrillagera-t-il la fontaine comme il a engrillagé le tribunal et les jardins publics ? Quand décidera-t-on à Nice d'aider les SDF au lieu de les chasser ? Et jusqu'où les chassera-t-on ainsi ? 

Le maire de Nice tente-t-il, par ce biais, d’empêcher les rassemblements de soutien aux citoyens solidaires injustement accusés parce qu’ils aident des réfugiés ?

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Nous sommes nombreux, associations, syndicats, partis politiques, citoyennes et citoyens, à avoir mené la bataille de l’eau pour rétablir l’accès à l’eau potable pour tous Place du Pin. Nous luttons pour des conditions de vie dignes pour tous à Nice. Doit-on lancer une mobilisation à chaque tentative du maire de Nice pour chasser les pauvres de la ville ?

Il est temps d’engager à Nice une véritable politique sociale de lutte contre la pauvreté. Ce sont les travailleurs sociaux et les associations d’aide aux démunis qui détiennent les solutions à long terme pour accompagner les SDF, les travailleurs pauvres, les personnes en grande précarité à se réinsérer socialement et professionnellement, à scolariser les enfants, à lutter contre la dépendance à l’alcool, à permettre l’accès aux soins, etc.

On ne peut maintenir un taux de logements sociaux à 13 % dans la 5ème ville de France, y maintenir un nombre de places d’hébergements d’urgence dérisoire et chasser les SDF de places en places. La Ville de Nice a pris un arrêté anti-SDF pour les chasser des lieux touristiques pendant l’été mais cela n'a rien réglé.

Manque de logements sociaux et d’hébergements d’urgences, répression et traque des SDF ne font pas une politique sociale. Jusqu'où ira-t-on dans cette chasse aux pauvres grotesque et inhumaine ? Qu'est-ce qu'une ville, qu'une société qui pose des grilles, des barreaux et des verrous partout ? En tentant de chasser les pauvres, Christian Estrosi engrillage la ville, enferme les Niçois à l'intérieur de ses propres peurs.

Nous voulons une ville et une société ouvertes et nous nous battrons autant qu'il le faudra pour cela.

vendredi 5 octobre 2018

Théâtre de la photographie, artistes de rue... quelle politique culturelle à Nice ?

 des artistes de rue, réduction de la culture à l'événementiel, recherche effrénée du clinquant, du vedettariat et de l'éphémère. La politique culturelle à Nice est au point mort. Gaspillage d'argent public, copinage, bling bling et business ne font pas une politique culturelle.

Coups sur coups, les décisions tombent et laissent sans voix. Un pianiste est verbalisé pour du Chopin place Massena, un peintre est verbalisé pour une toile sur la promenade des Anglais. Le message est clair : les artistes de rue ne sont pas les bienvenus à Nice.

La Ville de Nice annule le Festival de la Libé pour budget non bouclé alors qu'elle a fait déménager le Théâtre de la Photographie et de l'image pour faire venir Francis Huster, qui ne viendra pas, et dont le projet n'a jamais été ni financé ni sécurisé : deux poids, deux mesures !

Le Festival de la Libé est un très beau projet artistique et populaire qui s'est heurté à une municipalité qui croit pouvoir réduire la culture à l'événementiel, tout contrôler, et bloquer toute initiative qui n'émane pas de ses rangs.   

L'affaire du Théâtre de la photographie et de l'image est révélatrice de l'amateurisme de la municipalité : trois ans de perdus et un déménagement pour rien ! Combien cela a-t-il coûté au contribuable niçois ? La Ville de Nice a cassé une dynamique artistique en forçant le théâtre à déménager place Gautier pour courir après une célébrité sans aucune garantie sur le sérieux financier de son projet. Christian Estrosi réintroduit Daniel Benoin par la petite porte pour y organiser des master class d'art et des formations... pour entrepreneurs. Mais le Théâtre de la photographie doit rester un lieu dédié à la culture ! Les chefs d'entreprises ont déjà des espaces adaptés et la Chambre de Commerce et d'Industrie est toute proche.

La Ville de Nice a laissé pourrir le dossier du Volume. Elle a perdu des années dans la relance de la Friche du 109 en la confiant à Sophie Duez. Elle court après des coups d'éclats, elle court après le vedettariat, elle court après tout ce qui brille et passe à la télé. 

Le développement et la place des arts dans une ville, ce n'est pas la recherche du clinquant et de l'éphémère. C'est une politique de long terme, du sérieux et de la stabilité. Gaspillage d'argent public, copinage, bling bling, paillettes et business ne font pas une politique culturelle.

mercredi 3 octobre 2018

Accueil des migrants : l'humain d'abord, ici et maintenant !

La question de l'accueil des migrants, ligne de fracture européenne, deviendrait, à en croire la presse, une ligne de fracture au sein de la gauche française. Des êtres humains meurent en tentant de survivre et de faire valoir leurs droits. L'heure n'est ni aux tergiversations ni aux faux prétextes. L'humain d'abord, oui, mais ici et maintenant !

J'ai signé le manifeste pour l'accueil des migrants et je vous invite à le signer. 

Des êtres humains fuient la misère et/ou la guerre, beaucoup sont torturés en Libye, beaucoup meurent en mer, d'autres meurent en tentant de passer nos frontières. Tous ont des droits et nous devons les aider à faire valoir leurs droits.

L'heure n'est ni aux tergiversations ni aux faux prétextes. "L'humain d'abord !", oui, mais cela ne doit pas rester un simple slogan. L'humain d'abord, oui, mais ici et maintenant !

L'Europe doit choisir entre le modèle néo-fasciste d'Orban et Salvini et le retour au projet européen originel : la paix, ce qui veut dire garantir la vie, faire reculer la mort et la misère.

Ne laissons pas Emmanuel Macron s'auto-proclamer opposant à Orban et Salvini quand la fermeture de la frontière italienne entraîne décès et vies brisées, quand il ferme les ports français à l'Aquarius, quand la loi asile-immigration entérine une régression sans précédent du droit d'asile en France, quand les citoyens solidaires sont toujours poursuivis.

L'Union Européenne sera politique ou elle ne sera pas. Le néo-libéralisme et la recherche effrénée du profit détruisent l'environnement, annihilent toute protection sociale et constituent un facteur déterminant dans les migrations dont nous ne voyons ici qu'une faible partie des effets. 

Proposons une Europe politique, humaniste et sociale, et cela commence par un accueil digne des exilés, d'où qu'ils viennent.

jeudi 27 septembre 2018

Boycottons les racismes de tous bords et ceux qui les médiatisent

On met à nouveau racisme anti-blancs et racisme anti-noirs et anti-arabes sur le même plan pour éviter de remettre en question la médiatisation du racisme. À nous, citoyens, de boycotter tous les porteurs de haines et de violences, de tous bords et d'où qu'ils viennent, ceux qui tiennent ces propos comme ceux qui les médiatisent.


Tout appel à la haine et au meurtre, toute incitation à la haine raciale et toute forme de racisme doivent être condamnés. Il n'est pas question de transiger sur ce principe, le clip "pendez les blancs" est interdit et le rappeur Nick Conrad doit s'expliquer devant la justice, et c'est une très bonne chose.
Par ailleurs, il n'est pas interdit de s'interroger sur l'empressement médiatico-politique à faire connaître un clip que quasi personne n'avait vu, un rappeur que quasi personne ne connaissait et qui ne représente rien pour à nouveau mettre le racisme anti-blancs au même plan que le racisme anti-noirs et anti-arabes.
Conrad ne vend pas de disques et n'est invité par aucun média. Zemmour vends beaucoup de livres et est surmédiatisé. Mais soudain c'est magique, on a trouvé un appel au racisme et au meurtre anti-blancs pour continuer à inviter Zemmour et ne pas se remettre en question.
À nous, citoyens, de boycotter tous les porteurs de haines et de violences, de tous bords et d'où qu'ils viennent, ceux qui tiennent ces propos comme ceux qui les médiatisent.

mardi 18 septembre 2018

Eric Zemmour : trop, c'est trop

 "Eric Zemmour : trop, c'est trop.

La légitimation de la torture "qui a permis d'éviter des attentats" contre la France et de l'assassinat de Maurice Audin "qui méritait 12 balles dans la peau" est absolument inadmissible.

J'ai suffisamment critiqué Emmanuel Macron par ailleurs pour saluer et son geste vis à vis de la famille de Maurice Audin et l'ouverture des archives concernant les disparus durant la guerre d'Algérie.

La censure est une question complexe et délicate, mais le racisme n'est pas une opinion, c'est un délit.

Ce n'est pas le prénom d'Hapsatou Sy qui "fait honte à la France", ce sont les propos d'Eric Zemmour.

Dans l'attente de condamnations par la justice de ses propos, j'espère des médias qu'ils auront la décence de ne plus l'inviter. J'espère des libraires que, s'ils continueront à vendre son livre, ils ne le placeront plus en tête de gondole. J'espère de ses lecteurs potentiels qu'ils n'iront pas acheter son livre.

Quelle est cette société qui permet la promotion de la haine et du meurtre ? Est-ce cela notre vivre ensemble ? Est-ce comme cela que nous voulons vivre ?

La société, la démocratie, la France elle-même n'est que ce que nous en faisons."

Fraternellement,

David Nakache

vendredi 31 août 2018

Réfugiés : l'imposture Macron

Il y a aujourd'hui, entre la politique migratoire de la France et de l'Italie, une différence de degrés et non de nature. Emmanuel Macron est illégitime à se dire opposant à l'axe Orban - Salvini et l'ensemble de son action depuis son élection le prouve. S'il veut prétendre incarner une Europe solidaire, respectant le droit d'asile et le devoir de secours, il doit en faire la preuve.

Il est peu de Président chez qui la dichotomie entre les paroles et les actes a été aussi profonde que chez Emmanuel Macron. Certains ont beaucoup promis étant candidats pour tenir peu de leurs engagements une fois élus. Emmanuel Macron, lui, dit et fait très précisément le contraire de ce qu'il dit une fois élu, en fonction. 

La conséquence de cette inconséquence se situe moins au niveau d'un sentiment de trahison des électeurs et des militants qu'au niveau du discrédit jeté sur la parole présidentielle et, de l'étranger, sur la France elle-même.

Il est un domaine où ce décalage permanent est des plus flagrants : le droit d'asile.

Aujourd'hui, l'Union Européenne, par le sort qu'elle réserve aux exilés, choisit son propre destin. Alors qu'elle s'est jusqu'à présent auto-censurée en refusant de devenir une réelle puissance politique et en privilégiant son développement économique, elle est confrontée à une décision morale et politique : le respect des droits fondamentaux et l'accueil des réfugiés ou, au contraire, leur rejet. La France doit désormais choisir son camp entre l'Europe néofasciste d'Orban et de Salvini et une Europe respectant le devoir de secours et le droit d'asile.

Comment Emmanuel Macron ose-t-il se déclarer opposant à Orban et Salvini alors que, dans les faits, tout démontre que la France mène une politique allant dans la même direction ? 

  • La France maintient abusivement la frontière franco-italienne fermée, faisant le jeu des passeurs qui y trouvent commerce et poussant les exilés à risquer leur vie pour passer : une vingtaine d'entre eux sont décédés en tentant de passer cette frontière. Le droit d'asile y est régulièrement bafoué. Comment la France peut-elle laisser en poste, dans les Alpes-Maritimes, un Préfet condamné à deux reprises pour atteinte au droit d'asile et à deux reprises pour atteinte à la protection de l'enfance ? Quand le gouvernement fera-t-il respecter le droit à la frontière franco-italienne ?
  • La France maintient les demandeurs d'asile dans des conditions de vie littéralement inhumaines. Il a fallu une condamnation par le Conseil d'Etat pour que l'Etat soit obligé, dans le Nord, de garantir l'accès à l'eau potable, à des toilettes et à des douches aux migrants.
  • La France a voté une loi qui constitue en réalité un mode d'emploi de l'entrave au droit d'asile. La loi asile-immigration instaure une justice de seconde zone pour les demandeurs d'asile et les empêchent matériellement de faire valoir leurs droits.
  • La France bafoue les droits des mineurs isolés et, non seulement ne respecte plus le droit d'asile, mais porte maintenant atteinte à la protection de l'enfance.
  • La France, pourtant condamnée par la Cours Européenne des droits de l'Homme à de nombreuses reprises, continue à enfermer des enfants dans des centres de rétention administrative.
  • La France a refusé d'ouvrir ses ports à l'Aquarius et aux autres bateaux secourant des migrants en mer. Elle enfreint le droit maritime et n'accomplit pas son devoir de secours.
  • La France criminalise la solidarité et poursuit des citoyens dont l'action de fraternité ne fait que pallier à ses propres carences.

Il y a entre la politique migratoire de la France et de l'Italie une différence de degrés et non de nature. Emmanuel Macron est illégitime à se dire opposant à l'axe Orban - Salvini.

Il ne suffit pas de proclamer les droits de l'Homme, de prononcer des beaux discours sur l'honneur de la France, il faut, dans les faits, sauver des vies, respecter le droit international, européen et français.

C'est aujourd'hui le gouvernement, pourtant garant de l'Etat de droit, sous la présidence d'Emmanuel Macron, qui enfreint le droit.

Si Emmanuel Macron veut se prétendre, à des fins électorales évidentes à l'approche des élections européennes, l'opposant à Orban et Salvini, il doit en faire la preuve. 

vendredi 24 août 2018

Tous défenseurs des droits, journal d'un citoyen

Plus les décideurs votent des lois iniques et plus les citoyens se mobilisent. Donner à manger devient un acte de résistance. Aujourd'hui en France, aider, c'est résister. Les citoyens sont les derniers défenseurs des droits, envers et contre des élus censés les représenter, envers et contre les prétendus garants de l'Etat de droit : tous humains, tous citoyens, tous défenseurs des droits.

Le 8 août 2018, à Nice, nous avons fêté une petite victoire : le rétablissement de l'eau d'une fontaine sur la Place du Pin, coupée par la mairie pour chasser les SDF. Rassemblement lancé le matin même, improvisé, festif, pour fêter une victoire au gout amère. Ces combats-là, personne ne devrait avoir à les mener. Il paraît que chaque génération se forge dans les combats de son époque. Il fut un temps où l'on se querellait pour savoir comment bâtir un monde meilleur.  Nous en sommes réduits à nous battre pour l'accès à l'eau potable pour tous, dans la cinquième ville de France, pays des droits de l'Homme, au 21ème siècle.  

Il n'en reste pas moins que cette victoire est belle, parce qu'elle est le fruit d'une mobilisation collective exemplaire. Quoiqu'en dise le maire de Nice, il n'avait pas prévu de rétablir l'accès à l'eau potable Place du Pin. Il n'avait pas davantage prévu de stopper l'application "Reporty", généralisant la défiance et la délation et portant à l'évidence atteinte à la vie privée. Il n'avait pas plus prévu de financer des Bus à Haut Niveau de Service à l'Ariane, lui qui refuse de desservir ce quartier défavorisé par le tram, entérinant encore un plus sa politique de ségrégation urbaine. Non, un maire ne peut agir contre l'intérêt général comme bon lui semble. La société civile veille. Les citoyens ne baisseront pas la garde.
Apporter des packs d'eau, rencontrer les riverains, rédiger un communiqué de presse, dialoguer avec les commerçants et les restaurateurs, donner des interviews, animer un rassemblement citoyen, parvenir à un texte commun de 22 organisations associatives, syndicales et politiques. Nous avons fait tout cela ensemble, entre citoyens qui pour certains ne se connaissaient pas auparavant mais qui ne pouvaient pas ne pas agir face à cet acte indigne. Oui, il fallait le faire et nous l'avons fait. Mais comment comprendre ce que nous venons de vivre ?
A Calais, il a fallu une décision du Conseil d'Etat pour obliger un Préfet à garantir de l'eau, de la nourriture, des toilettes et des douches à des exilés qui ont fui la guerre et la misère, qui ont pour beaucoup subi des sévices et ont vu leurs proches mourir durant leur terrible diaspora. A Vintimille il a fallu une mobilisation citoyenne pour que des êtres humains aient le droit de donner à manger à d'autres êtres humains, et pour que la municipalité ne reconduise pas son arrêt interdisant d'apporter à manger aux réfugiés. A Briançon, un secouriste est poursuivi pour avoir secouru des êtres humains en danger (une femme enceinte de huit mois et ses deux enfants !), simplement parce que ces êtres humains-là sont noirs, parce qu'ils sont étrangers, parce que nos démocraties sont rongées de l'intérieur par la peur de l'autre. Dans la vallée de la Roya des citoyens sont traînés en justice pour des actes de solidarité, pour de simples gestes d'humanisme.
Que cela révèle-t-il sur l'état de nos démocraties ? Que sommes-nous en train de devenir ?
Il suffit d'évoquer ces quelques cas pour montrer que ce processus est généralisé. Partout, la chasse aux pauvres, la traque des exilés, la criminalisation des solidaires. Partout, un degré d'inhumanité que l'on croyait consigné aux pages sombres de notre histoire est désormais banalisé, normé et normalisé. Partout, une banalité du mal intériorisée est devenue la nouvelle normalité des inhumains normaux. 

Le 13 août 2018, notre association "Tous citoyens !" a lancé une pétition pour l'ouverture du port de Nice à l'Aquarius et aux autres bateaux portant secours aux réfugiés. Cette pétition a déjà rassemblé plus de 17 000 signataires. Nous refusons que la France ne respecte pas le droit maritimes et le devoir de secours. Nous refusons que la France tourne le dos à sa tradition d'accueil et à son humanisme. Nous refusons que la France choisisse le camp des Orban et des Salvini. Nous refusons de voir le projet européen devenir une Europe forteresse et au final meurtrière. Nous refusons que la voix de la France se réduise à celle des Collomb et des Macron. Nous, citoyens, nous sommes aussi la France. 

A un ami qui me disait dans le rue "Ouah David, tu cartonnes avec ton association, c'est top", je ne su que répondre. "Cartonner" n'a aucun sens. Nous menons des actions qu'il ne devrait pas être nécessaire de mener. Nous combattons l'intolérable inhumanité de ceux qui nous représentent tout en tentant de ne pas céder au rejet de la démocratie représentative. Nous faisons entendre nos voix citoyennes et nous montrons à d'autres citoyens qu'ils ne sont pas seuls, qu'ils peuvent eux aussi s'exprimer, se mobiliser, agir.

Le 22 août 2018, après mes 8h de travail au bureau, j'ai entamé, comme beaucoup de bénévoles partout en France, ma seconde journée. 

Rencontre avec une famille albanaise de demandeurs d'asile, un couple et trois enfants de 2, 6  et 10 ans. Le plus jeune est atteint d'un retard de développement, ne vois pas à un mètre, ne tiens pas debout et à des problèmes d'équilibre. La petite de 6 ans est atteinte de surdité d'une oreille. Ils dorment à la rue depuis trois semaines. Le 115 considère que les enfants, puisqu'ils sont avec leurs parents, ne sont pas en danger. Ils dormiront pour quelques nuits à l'hôtel grâce à la solidarité citoyenne et seront normalement placés la semaine prochaine en CADA. Mais il est courant de voir à Nice des familles de demandeurs d'asile avec enfants à la rue. 

L'aide sociale ne considère comme vulnérable que les enfants de moins de six mois et les femmes enceintes qu'au huitième mois de grossesse. Et tout le monde trouve cela normal. Cela ne choque personne. Comment un travailleur social peut-il accepter de ne proposer à une famille à la rue un hébergement que pour le nourrisson et sa mère qui l'allaite en laissant le père et la plus grande fille de 5 ans à la rue, en séparant ainsi la famille ? Comment des élus peuvent-ils voter et entériner de tels dispositifs ?

Le même soir rencontre avec Ousmane, 16 ans, jeune ivoirien rescapé des geôles libyennes et de la traversée de la méditerranée, qu'il faut calmer, nourrir, puis accompagner au commissariat pour qu'il bénéficie de la protection de l'enfance et soit mis à l'abri. Dans les Alpes-Maritimes, la situation des mineurs non accompagnés est critique. A tous ces jeunes déracinés que l'on devrait accueillir avec du personnel formé et un suivi post-traumatique adapté, on offre les violences de la rue. Puis, s'ils entrent dans le circuit administratif et "social" de la prise en charge, le premier visage de la France sera un policier en armes et les murs du commissariat. Nous avons toujours eu des diatribes d'extrême droite sur le fantasme de l'invasion. On s'en prend désormais, au quotidien, à la protection de l'enfance.

Bref, une journée ordinaire de citoyen, en France, pendant que le gouvernement rentre de vacances et regarde ailleurs.  

Les Alpes-Maritimes sont une zone de non-droit institutionnel : les atteintes au droit sont le fait des pouvoirs publics eux-mêmes. Dans ce département, le Préfet, représentant de l'Etat, garant de l'ordre public, a été condamné à quatre reprises, deux fois pour atteinte au droit d'asile puis deux fois pour atteinte à la protection de l'enfance, suite aux refoulements abusifs à la frontière italienne de mineurs isolés étrangers. Plusieurs maires des Alpes-Maritimes ont été condamnés par le Conseil d'Etat pour atteinte grave et manifestement illégale aux libertés individuelles dans l'affaire du burkini. Le maire de Nice a été condamné pour atteinte à la liberté de culte dans l'affaire de la mosquée En-Nour. A chaque fois, ce sont des citoyens qui se sont élevés contre ces atteintes aux libertés fondamentales et qui ont fait triompher le droit. Envers et contre des élus censés les représenter, envers et contre le représentant de l'Etat, garant de l'Etat de droit, ils sont devenus les derniers défenseurs des droits, les derniers remparts pour défendre les libertés et la solidarité. 

Cette situation se répète un peu partout en France et en Europe. Chacun agit fasse à aux inégalités auxquelles il est confronté. Chacun agit et réagit comme il le peut. Mais plus nos décideurs votent des lois iniques et font appliquer des règlements discriminatoires ou meurtriers et plus les citoyens ouvrent leur portent, donnent à manger, se mobilisent partout et chacun à sa façon. Nous vivons à l'heure où regarder un être humain en être humain, avec humanité, où donner à boire à celle qui a soif, nourrir celui qui a faim, secourir ceux qui sont en danger devient des actes de résistance citoyenne. Aujourd'hui, en France, aider, c'est résister.

Le 23 août 2018 au soir, j'écris ces mots entre espoir et consternation. Tous humains, tous citoyens, tous défenseurs des droits.